Lettre du directeur

Ministre de la Sécurité publique
269, avenue Laurier Ouest, 19e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0P8

Monsieur le Ministre,

    Veuillez accepter mes félicitations pour votre récente nomination. Les membres du personnel du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) vous souhaitent la bienvenue et sont impatients de vous montrer qu’ils ne ménagent aucun effort pour protéger la sécurité nationale du Canada. Au cours des jours à venir, je travaillerai en collaboration avec votre équipe afin d’organiser une série de rencontres qui permettront d’aborder plusieurs sujets en profondeur. D’ici là, j’aimerais vous donner un aperçu des dossiers importants que vous aurez à traiter dans l’exercice de vos fonctions et du soutien que le SCRS vous apportera à ce chapitre.

    Le SCRS est le service de renseignement humain du Canada. La Loi sur le SCRS, c’est‑à-dire sa loi habilitante, définit ses obligations et ses fonctions. Conformément à la Loi, le SCRS collecte des informations sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada et conseille le gouvernement du Canada à cet égard. Il enquête entre autres sur les menaces que représentent l’espionnage et le sabotage, l’ingérence étrangère, l’extrémisme violent ainsi que la subversion. Bien que sa mission première soit d’enquêter sur les menaces pesant sur la sécurité nationale, la Loi lui confère aussi d’autres responsabilités, notamment le filtrage de sécurité, la collecte de renseignements étrangers dans les limites du Canada et la prise de mesures de réduction de la menace.

    En tant que ministre de la Sécurité publique, vous donnez des instructions au SCRS et il vous revient d’accorder certaines autorisations en vertu de la Loi sur le SCRS, notamment d’approuver les demandes de mandats présentées à la Cour fédérale et de conclure des ententes avec les partenaires canadiens et étrangers du Service.

    Les Canadiens et les Canadiennes comptent sur le dur labeur du SCRS pour les protéger et assurer leur sécurité. Donc, pour réussir à accomplir sa mission en ce XXIe siècle, le SCRS doit fournir des renseignements à l’appui d’un vaste éventail de décisions du gouvernement, notamment dans les domaines des engagements internationaux, de la recherche et de l’innovation économique et de la cohésion sociale dans un contexte où, malgré l’intolérance grandissante, le Canada cherche à accueillir de plus en plus de nouveaux arrivants. Les types de menaces sur lesquels le SCRS enquête n’ont pas changé depuis sa création, il y a 39 ans. Toutefois, nous ne pouvons pas en dire autant des auteurs de menace et de leurs méthodes qui, eux, ont considérablement changé. À l’instar de nombre de ses alliés, il a dû changer ses façons de travailler pour s’adapter à ce nouveau contexte. Il en a résulté des pressions organisationnelles qui s’avèrent maintenant vraiment problématiques. Il s’agit des principales priorités que vous aurez à gérer dans votre nouveau poste. Permettez-moi de les porter à votre attention.

En quoi le rôle du SCRS est-il essentiel?

    Le SCRS est la première ligne de défense contre les plus grandes menaces pour la sécurité nationale du Canada. C’est donc dire qu’il exerce une surveillance stratégique sur l’ensemble du globe et déploie de grands efforts au pays pour protéger la population canadienne contre les menaces. Aucune autre organisation du gouvernement du Canada ne remplit ces fonctions. Si le SCRS n’arrive pas à s’acquitter d’une partie de son mandat, personne ne le fera à sa place.

    Le SCRS a contribué à plusieurs enquêtes antiterroristes de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui ont mené à des arrestations ou à des engagements de ne pas troubler l’ordre public depuis juin dernier. Ces dernières visaient des personnes liées à un extrémisme violent à caractère idéologique, religieux ou autres. En outre, comme mon collègue de la GRC vous en a peut-être informé, les accusations d’ingérence étrangère qui ont été déposées récemment à l’encontre d’un ancien membre de la GRC résultent d’une enquête de longue date menée en collaboration par la GRC et le SCRS. Il ne s’agit là que d’un exemple des efforts d’enquêtes du SCRS destiné à illustrer combien ses fonctions et son personnel sont essentiels dans le contexte actuel.

    Le SCRS est en mesure de mettre à contribution des sources uniques en vue de produire des renseignements à point nommé. Ce faisant, il permet à ses partenaires de faire avancer leurs enquêtes avec plus de précision qu’ils ne seraient autrement capables de le faire. Comme vous le diront ses partenaires, les renseignements du SCRS sont essentiels à la tenue de nombreuses enquêtes et l’organisme doit être doté de toutes les ressources et de tout le matériel nécessaires pour offrir la meilleure protection à la population canadienne.

Contexte de la menace

    Le contexte actuel de la menace est complexe, diversifié et mondial. Les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada sont attribuables à l’utilisation malveillante de nouvelles technologies et de données, aux événements géopolitiques ainsi qu’aux moyens et aux motivations des auteurs de menaces. L’évolution constante du contexte de la menace oblige le SCRS à adapter son niveau d’alerte et à réaffecter ses ressources humaines et financières limitées en fonction de priorités changeantes. Comme cela a été mentionné, cette situation aura encore des répercussions sur les opérations et fera peser des risques sur le Canada et sa population.

    Au cours des derniers mois, beaucoup d’attention a été accordée aux problèmes d’ingérence étrangère. L’ingérence étrangère représente une menace non seulement pour les institutions démocratiques du Canada et la sécurité des Canadiens, mais aussi pour la structure même de la société multiculturelle du pays. L’ingérence étrangère n’a rien de nouveau, pas plus que les enquêtes du SCRS à cet égard. Toutefois, comme c’est toujours le cas dans les opérations, les enquêtes à ce chapitre ont évolué. Non seulement le SCRS a soulevé la question de l’ingérence étrangère dans le cadre de comparutions devant le Parlement et d’une vaste campagne de sensibilisation auprès des intervenants et des clients, mais les mesures qu’il prend pour contrer l’ingérence étrangère visant les parlementaires en particulier sont maintenant plus proactives. Je compte bien vous faire part de ces efforts dans un avenir proche.

    L’ingérence étrangère n’est qu’un élément de la mosaïque de menaces que le SCRS doit affronter. Aujourd’hui, les auteurs de menaces ont recours à l’espionnage non seulement pour obtenir des secrets d’État, mais aussi pour mettre la main sur de précieuses propriétés intellectuelles, technologies de pointe exclusives et recherches novatrices en vue de servir leurs propres intérêts économiques. Les cybermenaces sont de plus en plus graves et sophistiquées. Elles font toujours courir des risques importants aux infrastructures essentielles, aux institutions fondamentales du Canada, aux entreprises ainsi qu’aux renseignements personnels des Canadiens. L’extrémisme violent figure toujours parmi les plus grandes menaces pour la sécurité publique du Canada. Au cours des cinq dernières années, la montée de l’extrémisme violent à caractère idéologique a été telle que le SCRS consacre maintenant la moitié de ses ressources antiterroristes à ces enquêtes. L’extrémisme violent à caractère religieux demeure un sujet de préoccupation, d’autant plus que des voyageurs extrémistes rentrent au pays. La radicalisation en ligne et les personnes agissant seules demeurent une source de préoccupation importante au pays. À titre d’exemple, [CAVIARDÉ].

    Pour faire face au contexte complexe de la menace, le SCRS mène des enquêtes sur la sécurité nationale au Canada et à l’étranger. Au pays, il s’appuie sur ses bureaux régionaux pour recueillir des renseignements, mettre en œuvre des mesures de réduction de la menace, faire de la sensibilisation et coopérer avec des partenaires canadiens comme la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada. Le SCRS assure également une présence stratégique à l’étranger pour communiquer et collaborer avec des services de renseignement étrangers et enquêter sur des menaces mondiales.

    Le Canada a le privilège d’être un membre estimé et digne de confiance de l’appareil de renseignement du Groupe des cinq. Pour conserver sa réputation auprès de ses partenaires, il lui faut continuer à offrir ses capacités et des efforts. La priorisation des investissements dans les capacités liées aux données, par exemple, permettra au SCRS de maintenir sa contribution et, par le fait même, permettra au gouvernement du Canada de continuer de profiter des avantages stratégiques offerts par ce partenariat. Dans le contexte actuel de la menace, qui transcende les frontières et est caractérisé par sa fluidité et sa mondialisation, il est essentiel que le SCRS soit en mesure de mener des enquêtes à l’échelle internationale pour qu’il puisse fournir rapidement des renseignements utiles au gouvernement du Canada. [CAVIARDÉ].

    Les activités de collecte menées par le SCRS dans le cadre de ses enquêtes antiterroristes appuient aussi les efforts du Centre intégré d’évaluation du terrorisme (CIET), dont les bureaux se trouvent à l’Administration centrale du SCRS, à Ottawa. Le principal objectif du CIET, un organisme partagé où travaillent des représentants de nombreux organismes fédéraux, consiste à produire à point nommé des évaluations des menaces terroristes utiles et justes. Il est aussi chargé d’établir, avec mon approbation, le niveau de la menace terroriste au Canada (pour l’instant fixé à modéré).

Munir le SCRS des pouvoirs adéquats

    Le Canada a de plus en plus de difficulté à composer avec les changements dans le contexte de la menace, qui sont facilités par les technologies, l’innovation et l’informatisation et qui sont exploités par des acteurs étatiques très compétents, car les pouvoirs conférés au SCRS ne sont pas au diapason des menaces modernes. Afin de tenir compte de l’évolution rapide des menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada et de la population canadienne, le SCRS travaille à un projet de modification de la Loi sur le SCRS, en collaboration avec des partenaires au ministère de la Justice, au Bureau du Conseil privé et à Sécurité publique Canada. Si la Loi était modifiée, il lui serait plus facile de protéger la population et d’informer le gouvernement du Canada. Aussi, l’ancien rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, la Cour fédérale, d’anciens responsables de la sécurité nationale et des experts indépendants ont confirmé la nécessité de modifier la Loi en ce sens.

    Cet exercice fait fond sur les propositions figurant [CAVIARDÉ] les Canadiens auront la possibilité de participer à une discussion de fond éclairée sur les pouvoirs dont leur service du renseignement de sécurité doit être investi. [CAVIARDÉ] SCRS de communiquer davantage d’informations à des partenaires autres que le gouvernement du Canada, comme les provinces et les territoires, à assortir les autorisations judiciaires d’une plus grande souplesse et d’un critère de proportionnalité [CAVIARDÉ]. Le SCRS se tient prêt à vous appuyer lorsque vous communiquerez avec les Canadiens à propos de ces importants projets.

Munir le SCRS des ressources adéquates

    En 2022, le SCRS a élaboré sa stratégie Une seule mission, un SCRS uni en focalisant son attention sur trois piliers : centré avant tout sur les personnes; axé sur la mission; éclairé par les données et le numérique. Conformément à cette stratégie, le SCRS a proposé une enveloppe stratégique de [CAVIARDÉ] pour le budget de 2023, ce que votre prédécesseur a approuvé. Le Service entend investir ces montants dans [CAVIARDÉ]. Dans le budget de 2023, le gouvernement fédéral a consacré des fonds limités au SCRS pour atténuer [CAVIARDÉ], car il reconnaît le rôle essentiel qu’il joue lorsqu’il s’agit de fournir des renseignements dignes de confiance, de prodiguer des conseils et de prendre des mesures pour assurer la sécurité et la prospérité des Canadiens. Toutefois, je tiens à attirer votre attention sur plusieurs lacunes [CAVIARDÉ].

    C’était la première fois en plus de dix ans que le SCRS demandait un budget d’une telle envergure. Or, il n’a obtenu que [CAVIARDÉ]. Ces manques à gagner constituent donc des risques pour la sécurité nationale du Canada dans l’immédiat et à long terme.

    Le SCRS et le gouvernement du Canada continueront d’être confrontés à des risques pour la sécurité de l’information qui ne sont pas atténués, y compris [CAVIARDÉ].

    Avec le budget de 2023, il aussi été annoncé que toutes les organisations fédérales seront tenues de procéder à un examen de leurs dépenses dans le but de les réduire. Ces compressions, ajoutées à l’absence du financement additionnel susmentionné, auront des répercussions considérables sur la capacité du Service de réaliser les activités de base dans le cadre de son mandat, ce qui pourrait avoir de multiples incidences négatives. Le SCRS prend déjà des décisions difficiles fondées sur des exercices de priorisation et de réaffectations rigoureux tenus en interne. Il réduira ses dépenses selon une démarche stratégique. Pour ce faire, il procédera à un examen de ses programmes et de ses activités pour s’assurer de leur alignement sur les priorités et les instructions du gouvernement. Nous vous demanderons bientôt, mes représentants et moi, d’approuver les différentes mesures prises dans le cadre de l’examen des dépenses, lesquelles seront présentées au Conseil du Trésor, conformément à la directive.

Reddition de comptes

    Le SCRS est assujetti à un régime de reddition de comptes rigoureux. Les relations entre le Service, le Parlement et vous sont régies par de nombreux mécanismes juridiques et politiques, compte tenu de l’importance d’avoir la confiance de la population à l’égard des comptes que rend le Service. Ces mécanismes sont revus régulièrement en collaboration avec les représentants de Sécurité publique Canada.

    Le SCRS fait l’objet d’examens par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Il collabore avec ces organismes et s’efforce de mettre en application leurs recommandations afin d’améliorer la conformité et l’efficacité opérationnelle. Le commissaire au renseignement examine et approuve certains éléments liés au cadre de justification et au régime applicable aux ensembles de données.

    Le SCRS est également assujetti à l’examen de la Cour fédérale. Dans ses interactions avec la Cour, il est conscient de l’importance de communiquer les informations de manière complète, équitable et honnête. Il reconnaît aussi la valeur des instructions de la Cour pour demander et exercer des pouvoirs intrusifs dans le respect des valeurs canadiennes. Au cours des dernières années, la Cour a régulièrement donné aux déposants, aux conseillers et à l’équipe de la haute direction du SCRS qui ont comparu devant elle une rétroaction favorable sur les efforts déployés à cet égard.

    En plus de gagner la confiance des organismes de surveillance et de la Cour fédérale, il est essentiel que le SCRS conserve et accroisse la confiance du public. Ainsi, le Service déploie des efforts soutenus pour rencontrer divers groupes communautaires un peu partout au pays afin de les sensibiliser au rôle du SCRS et à ses activités et de mieux comprendre leurs préoccupations. Le SCRS s’est aussi engagé à prendre part à des forums publics. Les allocutions que j’ai prononcées ces dernières années devant des groupes de réflexion et dans des universités au Canada en sont des exemples. Il est essentiel d’engager un dialogue transparent avec les Canadiens et les Canadiennes au sujet de la sécurité nationale pour les sensibiliser aux activités liées à la menace, les aider à se protéger contre ces menaces et établir un lien de confiance avec eux.

    Dans la dernière année, le SCRS a fait l’objet d’une surveillance publique rarement vue. Les événements comme les manifestations du Convoi de la liberté, les controverses sur les sources humaines et la couverture soutenue des médias sur l’ingérence étrangère l’ont amené à se renouveler sur les plans de la transparence et de la reddition de comptes. Des officiels du SCRS et moi avons témoigné à la Commission sur l’état d’urgence et collaboré de notre mieux aux travaux du rapporteur spécial indépendant. Le SCRS s’attend d’ailleurs à ce que les activités de reddition de comptes continuent de s’intensifier.

Personnes

    Je suis très fier des membres du personnel du SCRS et je suis impatient qu’ils vous montrent à quel point ils sont professionnels et dévoués envers le Canada. Les membres du personnel du SCRS (et leur milieu de travail) sont uniques au sein de la fonction publique. Ils sont assujettis aux exigences les plus strictes sur le plan de la sécurité et doivent pour la plupart exercer leurs fonctions dans des locaux sécurisés. Ils travaillent, tous les jours, au pays comme à l’étranger, à protéger la sécurité nationale du Canada. Ils doivent cependant surmonter d’importants obstacles pour remplir le mandat du SCRS. Par exemple, les cibles motivées par une idéologie posent de nouveaux défis en ce qui a trait à la gestion de l’identité et de sécurité des agents. Certains problèmes de longue date touchant au moral, au recrutement et au maintien en poste ont empiré ces dernières années. Le Service a lancé diverses initiatives pour améliorer l’expérience de son personnel et son milieu de travail. La nouvelle Stratégie d’équité, de diversité et d’inclusion en est un exemple. Je sais qu’un grand nombre d’employés sont fiers du travail qu’ils effectuent. Il n’en demeure pas moins que les cadres supérieurs unissent leurs efforts pour attaquer les problèmes à la source et accroître la satisfaction des employés au travail.            

    Les membres du personnel du SCRS travaillent chaque jour à remplir leur mission, c’est‑à-dire protéger le Canada et la population canadienne. Je vous invite à venir à l’Administration centrale au moment qui vous conviendra pour que nous puissions vous parler davantage des priorités opérationnelles, des enquêtes, des outils et des techniques, et répondre à vos questions, dans des locaux classifiés. Le Service espère instaurer une collaboration des plus fructueuses avec vous et votre personnel.

    Le SCRS est à un moment déterminant de son histoire. Les risques que posent les pouvoirs désuets et le sous-financement chronique sont importants. Je suis donc impatient de collaborer avec vous et votre personnel pour résoudre ces difficultés et assurer la sécurité de la population canadienne.

            Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée.

 

David Vigneault

 

c. c.      Shawn Tupper, sous-ministre, Sécurité publique Canada  

Détails de la page

Date de modification :