La ministre Philpott s’adresse aux membres de l’assemblée extraordinaire de l’Assemblée des Première Nations

Discours

6 décembre 2017
L’hôtel Westin d’Ottawa
Ottawa (Ontario)

Greetings. Kwe. Bonjour.
Merci à l’Aîné pour la chanson d’ouverture au tambour et la prière.

Reconnaître que nous sommes réunis sur un territoire algonquin traditionnel.
Remercier le chef national [autres chefs, autres dignitaires…]

Je suis heureuse d’être ici à cette Assemblée extraordinaire des Chefs à titre de première ministre des Services aux Autochtones.

Je m’estime privilégiée d’assumer mon nouveau rôle et je suis encouragée par la dissolution d’AANC et la création du ministère des Services aux Autochtones.

Il s’agit d’une semaine importante pour de nombreuses raisons.
Lundi, le gouvernement a officiellement créé le ministère des Services aux Autochtones, qui comprendra la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits ainsi que d’autres services clés – allant de l’éducation à la protection de l’enfance et à l’apprentissage des jeunes enfants, en passant par le logement et l’infrastructure. La ministre Bennett poursuivra ses consultations sur les autres éléments qui pourraient être ajoutés au Ministère avant l’adoption de la loi.

Le but de notre nouveau ministère des Services aux Autochtones est de travailler en partenariat avec vous et d’autres peuples autochtones pour assurer l’excellence des services, afin d’améliorer la qualité de vie au quotidien pour les Autochtones – et, ce faisant, de combler les écarts socioéconomiques qui existent entre les Canadiens autochtones et non autochtones.

Comme nous travaillons en partenariat avec les peuples autochtones pour améliorer les services, nous reconnaissons le droit à l’autodétermination – et soutenons son application. Dans tous les secteurs, nous visons à ce que la conception, la prestation et le contrôle des services soient effectués par les peuples autochtones pour les peuples autochtones. Une fois cet objectif atteint, notre Ministère ne devrait plus être nécessaire au sein du gouvernement fédéral.

Je crois que c’est peut-être la première fois qu’un ministère est créé dans le but intentionnel d’y mettre fin un jour.

Entre-temps, nous collaborerons avec vous pour soutenir l’offre de services de grande qualité aux Premières Nations.

J’aimerais souligner que nous sommes le 6 décembre, Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Aujourd’hui, nous pensons aux 14 femmes qui ont été tuées il y a 28 ans à l’École Polytechnique de Montréal.

Nous pensons à toutes les femmes qui ont été victimes de violence au Canada, y compris les femmes autochtones, dont les taux de violence sont supérieurs à ceux des femmes non autochtones. Les traumatismes prennent différentes formes – parfois c’est de la violence physique. Mais les traumatismes psychologiques découlent d’une multitude de causes – des pensionnats indiens aux bébés séparés de leur famille. Aujourd’hui, nous devons nous engager à l’égard de la prévention, de la reconnaissance et de la guérison des traumatismes sous toutes leurs formes.

Défis – Possibilités – Partenariats
Dans le cadre de mon allocution d’aujourd’hui, j’aborderai trois thèmes – qui sont fondés sur les enjeux sur lesquels vous avez mis l’accent au cours des trois derniers mois. Les thèmes sont les défis, les possibilités et les partenariats.

Défis : Services à l’enfance et à la famille
Commençons par parler des défis. Je vais choisir un enjeu – celui des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations – mais, comme vous le savez, il y a des défis à relever dans tous les secteurs. Il est toujours plus facile de comprendre de quoi il est question lorsqu’on entend l’histoire d’une personne.

Alors, permettez-moi de vous parler d’une femme que j’appellerai Laura. Laura a passé son enfance en famille d’accueil. À 16 ans, elle a donné naissance. Puisqu’elle était une « enfant prise en charge », son bébé lui a été retiré à la naissance. Laura a eu deux autres enfants à l’âge adulte, mais, dans le cadre du système en place, lorsque vous vous faites retirer un enfant, les bébés suivants vous sont automatiquement retirés à la naissance. Laura est allée au First Nations Family Advocate Office pour obtenir du soutien, lorsqu’elle était enceinte de son quatrième enfant. Elle voulait seulement passer une journée complète avec son bébé avant qu’il ne lui soit retiré. Son bébé est né le mois dernier et il lui a été pris. Il lui a été retiré. Elle n’a pas pu passer de journée avec lui. Laura n’a jamais eu de chance dans la vie. Elle a souffert en tant qu’enfant prise en charge, et le système l’a menée à échouer.

Lorsque je parle des enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance, je parle de crise humanitaire. Je n’essaie pas de faire du sensationnalisme. Je crois qu’il s’agit d’une crise. Selon les données du Recensement de 2016, les enfants autochtones âgés de 0 à 14 ans composent 7,7 % des enfants. Mais ils représentent plus de 52 % des enfants en famille d’accueil dans des maisons privées.

Dans certaines régions du pays, les enfants autochtones représentent 90 % des enfants pris en charge. C’est inacceptable.

Je sais qu’il s’agit d’une question importante pour vous. J’aimerais souligner le rôle de l’Assemblée des Premières Nations et celui du Comité consultatif national sur la réforme du Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Nous devons rassembler tous les partenaires en vue de la prise de mesures. Le gouvernement fédéral ne peut, et ne doit pas, s’acquitter de cette tâche seul.

C’est pourquoi j’ai convoqué une réunion d’urgence sur les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations pour la nouvelle année avec des chefs autochtones, des partenaires provinciaux et territoriaux et des experts des services à l’enfance et à la famille.

J’aimerais aussi souligner le bon travail qu’un grand nombre d’entre vous ont accompli dans ce secteur – dont certains depuis des décennies. Par exemple, en 1980, la Première Nation Splatsin, qui fait partie de la nation de Shuswap en Colombie-Britannique, a adopté son règlement concernant les soins à apporter aux enfants autochtones, qui énonce l’approche communautaire à l’égard de la protection de l’enfance. Depuis, la Première Nation Splatsin a continué d’offrir des services à l’enfance et à la famille adaptés à la culture aux membres vivant dans la réserve et à l’extérieur de la réserve.

En outre, en Nouvelle-Écosse, les Micmacs ont collaboré avec la province pour modifier les dispositions législatives provinciales afin qu’elles mettent l’accent sur la prévention et les services polyvalents. Ils ont montré que le fait de mettre l’accent sur la prévention avait entraîné une grande diminution du nombre d’enfants des Premières Nations pris en charge.
Il s’agit de bons exemples de ce qui se produit lorsque les collectivités prennent les rênes et que tous les ordres de gouvernement collaborent pour que les enfants puissent demeurer dans leur collectivité ou y retourner.

J’aimerais parler du financement. Vous savez que le Canada a ajouté 635 M$ en mesures de soutien à la protection de l’enfance dans le Budget de 2016. Cela a contribué à combler l’écart au chapitre du financement. Mais vous et d’autres partenaires, ainsi que le Tribunal canadien des droits de la personne, avez fait observer que l’on devait en faire plus.

Vous avez souligné l’écart au chapitre des ressources offertes pour la protection de l’enfance entre les enfants autochtones et les enfants non autochtones.

Nous convenons que ce problème doit être réglé. Ainsi, nous collaborerons avec les partenaires pertinents dans les mois à venir afin de définir la politique et le financement requis pour combler cet écart et de les intégrer dans le Budget de 2018.

Nous sommes déterminés à régler les problèmes soulevés par le Tribunal des droits de la personne. Nous avons montré, en raison du retrait récent du contrôle judiciaire concernant le principe de Jordan, que nous pouvons travailler ensemble pour établir la marche à suivre. Je crois que nous devons arrêter de tenter de régler ces problèmes de façon indirecte – en nous parlant par l’entremise du Tribunal canadien des droits de la personne. Nous avons plutôt l’occasion de tenir des conversations directes de nation à nation à propos des besoins des collectivités et des familles et surtout des besoins des enfants pour assurer leur mieux-être.

Soyons clairs – il va falloir bien plus que de l’argent pour résoudre la crise. Un problème systémique de cette envergure nécessite une réforme systémique.

La réforme doit cibler la prévention : il faut garder les enfants dans leur famille et dans leur collectivité et permettre à ceux qui sont actuellement pris en charge de retourner chez eux.

Je crois qu’il faut aussi procéder à un vaste examen des lois et des politiques de tous les ordres de gouvernement – et bien entendu il faudra compter sur le leadership des Premières Nations – puisque personne ne sait mieux que vous ce qui est bien pour vos collectivités, vos familles et vos enfants.

Vous savez qu’il est fondamental pour un enfant de grandir dans sa culture – entouré par sa terre, sa langue, sa lignée. Je vous assure d’une chose : je m’engage à vous soutenir pour que cela se produise.

Possibilités : Une nouvelle relation financière
Oublions les défis pendant quelques minutes et voyons mon deuxième thème – les possibilités.

Pendant mes trois premiers mois en poste, j’ai pu examiner un éventail d’initiatives financières qui pourraient aider à corriger les écarts socioéconomiques qui persistent entre les Autochtones et les non-autochtones au Canada.

Si on comblait ces écarts socioéconomiques, si on développait une main-d’œuvre autochtone qualifiée et si on augmentait la capacité économique, on pourrait renforcer l’économie canadienne à hauteur de 27 milliards de dollars par année.

Une possibilité qu’on attend depuis longtemps est liée à la relation financière entre le Canada et les Premières Nations. Nous avons besoin d’une nouvelle relation financière. L’an dernier, le Canada et l’Assemblée des Premières Nations ont signé un protocole d’entente sur l’élaboration des éléments proposés d’une telle relation – une relation qui donne un financement suffisant, prévisible et souple aux collectivités des Premières Nations.

Depuis, trois groupes de travail mixtes travaillent à la formulation d’options pour définir la voie à suivre.

Cette semaine, le chef national et moi même avons présenté un rapport contenant les premières recommandations pour une nouvelle relation financière. Ce rapport est actuellement entre les mains des chefs réunis en assemblée.

J’aimerais faire quelques commentaires préliminaires sur quelques unes des principales idées.

Voyons les choses en face. Notre relation financière n’a jusqu’à présent jamais été fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration ou le partenariat. Notre relation repose plutôt sur une structure de responsabilisation bancale qui occulte les raisons pour lesquelles le bilan des peuples des Premières Nations ne s’améliore pas.

Je suis consciente du fait qu’on a par trois fois tenté de réparer la relation financière depuis 1983. Je comprends votre scepticisme quant au possible dénouement de cette nouvelle tentative. Soyez assurés de notre détermination à faire les choses différemment. Voici quelques possibilités :

Propositions relatives à une nouvelle relation financière
Pour nous assurer de progrès continus, et pour montrer notre détermination à agir, nous recommandons, dans le rapport, d’établir un comité consultatif permanent pour définir la nouvelle relation financière. Je suis d’avis que ce comité permanent à composition mixte aiderait considérablement à faire avancer les choses.

Un tel comité pourrait refléter les intérêts régionaux et façonner des investissements stratégiques. Il pourrait élaborer d’autres recommandations pour un nouveau cadre stratégique financier qui seraient axées sur la suffisance du financement et la détermination des domaines de financement prioritaires. Nous demanderions au nouveau comité consultatif permanent de faire le point sur le développement conjoint d’une nouvelle relation financière d’ici le 31 mars 2019.

Ce comité pourrait aussi mettre au point un cadre de responsabilisation concerté qui soit soutenu par des institutions dirigées par les Premières Nations.

Le rapport déposé cette semaine établit clairement que le lourd fardeau administratif et de déclaration doit être réduit et qu’une transition vers des rapports fondés sur les résultats doit s’opérer. Au nombre des propositions, notons l’établissement d’un cadre fondé sur les objectifs de développement durable des Nations Unies. Ce cadre comprendrait des marqueurs socioéconomiques clés pour montrer les progrès réalisés au chapitre de la réduction des écarts.

On propose aussi, dans le rapport, une nouvelle approche de prévention et de gestion des manquements. La semaine dernière, devant un comité parlementaire, j’ai décrit l’approche actuelle comme étant condescendante, punitive et régressive. Nous entendons travailler avec nos partenaires des Premières Nations afin de remplacer la Politique de prévention et de gestion des manquements par une nouvelle approche proactive qui soutienne le développement des capacités.

Cette approche sera fondée sur des projets pilotes qui sont actuellement menés avec le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Ces projets pilotes ont largement aidé les collectivités à sortir de la gestion par un tiers. Nous sommes déterminés à travailler avec vous pour trouver la meilleure façon de remplacer les systèmes défaillants.

Nous avons aussi entendu haut et fort qu’une plus grande souplesse en matière de financement à l’appui d’une planification efficace à long terme est nécessaire. Le rapport fait état de mesures immédiates à cet égard. Bien qu’il nous faille ensemble discuter de la manière de procéder, j’aimerais souligner que nous sommes prêts et disposés à passer à l’action.

Suivant les recommandations du rapport, nous sommes prêts à offrir des subventions décennales aux collectivités qui, de l’avis des institutions des Premières Nations, sont prêtes et disposées à agir.

Les collectivités participantes s’engageraient à présenter à leurs membres des rapports sur un ensemble commun de résultats établis dans un cadre de responsabilisation

Nous croyons pouvoir, ensemble, amener 100 collectivités à s’engager au titre d’une subvention décennale d’ici le 1er avril 2019. Les détails relatifs à la sélection des collectivités seront établis avec l’Assemblée des Premières Nations et les institutions financières des Premières Nations. Nous aimerions voir encore plus de collectivités se joindre à ce mouvement aussitôt que possible.

Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. Je crois toutefois qu’il s’agit là d’étapes importantes à franchir vers une nouvelle relation financière qui repose sur la reconnaissance des droits et sur un respect mutuel.

Partenariats : la réforme de l’éducation
Nous avons donc discuté des défis et des possibilités. Le dernier thème dont j’aimerais parler est les partenariats. Un des meilleurs exemples d’un partenariat fructueux entre nous est le travail effectué pour transformer et stimuler l’éducation des Premières Nations.

Vous avez, hier, eu l’occasion de valider les recommandations stratégiques qui ont été élaborées de concert pour la réforme de l’éducation. Je suis ravie que cette démarche ait été fructueuse et qu’elle nous permette d’aller de l’avant.

J’ai eu la chance de rencontrer le Comité des chefs sur l’éducation le 2 novembre. Lors de cette réunion, nous avons discuté du précieux travail d’élaboration concerté qui a mené aux recommandations que vous avez vues hier.

Les objectifs de la réforme de l’éducation sont les mêmes que ceux de la nouvelle relation financière : un financement suffisant, prévisible et souple; le renforcement des capacités; l’établissement de rapports fondés sur les résultats. Le contrôle de l’éducation des Premières Nations par les Premières Nations est la pierre angulaire.

Vous demandez une plus grande équité en matière de financement. Pour que la réforme de l’éducation porte ses fruits, c’est ce dont vous avez besoin – pour une éducation fondée sur la langue et la culture, des programmes de formation axés sur les terres et plus encore.

Plus fondamentalement, il faut préciser que le travail en éducation a été entièrement fondé sur les droits ancestraux et issus de traités en matière d’autodétermination au chapitre de l’éducation.

L’élaboration de politiques est le premier pas vers l’atteinte de ces objectifs.

Ce que nous faisons ici est historique.

Le mémoire au Cabinet sur la réforme de l’éducation sera une feuille de route stratégique pour nos travaux concertés. Il créera l’espace positif nécessaire pour les prochaines étapes. C’est aussi le premier mémoire au Cabinet qui soit entièrement élaboré conjointement avec les Premières Nations.

Soyez certains que, comme les chefs l’ont exprimé hier, le mémoire au Cabinet affirmera que l’éducation est un droit issu de traités.

J’aimerais remercier sincèrement tous les techniciens et les chefs qui ont rendu cela possible. Nous faisons ensemble un pas important vers l’amélioration de l’avenir des enfants des Premières Nations et vers leur réussite à l’école et dans la vie.

Conclusion : « mamawei » et « memegwei »
J’aimerais conclure avec ces deux mots algonquins. Lorsque j’ai pour la première fois rencontré le personnel de mon nouveau ministère, l’Aînée Claudette Commanda a prononcé une prière de clôture. Elle nous a donné les mots « mamawei » – qui signifie « ensemble » – et « memegwei » – qui signifie « transformation » ou « papillon ».

Elle nous a rappelé que nous ne pouvons transformer notre relation que lorsque nous travaillons ensemble. Mais si nous travaillons bien ensemble, nous verrons une transformation vers quelque chose de merveilleux.

C’est un honneur de travailler avec vous. Je suis impatiente de continuer notre voyage ensemble.

Je vous remercie de m’avoir invitée à cet événement. Merci. Meegwetch.

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