Allocution de la ministre Jane Philpott à Economic Club of Canada

Discours

La ministre Jane Philpott
Le 13 avril 2018

Je vous remercie beaucoup et je souhaite un bon après-midi à tous. C’est un véritable privilège d’être ici. Merci, Regan, de m’avoir présentée. Regan et Rhiannon ont déjà souligné que nous sommes rassemblés sur un territoire déjà parcouru et occupé bien longtemps avant nous par les Nations des Mississaugas de la New Credit, des Haudenosaunee, des Hurons-Wendats et par d’autres nations. J’aimerais pour ma part évoquer ceux qui nous ont précédés et qui continuent à vivre sur ces terres et ce territoire et à les protéger.

Je veux vous souhaiter la bienvenue ici cet après-midi. C'est un grand honneur pour moi d’être parmi vous pour discuter des enjeux qui sont si importants pour l’avenir du Canada et je vous remercie pour être avec nous.

Je suis très heureuse également qu’IBM soit l’hôte d’un événement comme celui-ci. Il s’agit d’une organisation qui a certainement fait preuve, par son travail à travers l’Amérique du Nord, d’un réel engagement envers les populations vulnérables. Elle augmente maintenant sa participation à l’éducation des Autochtones au Canada, ce qui est tout à son honneur, et j’aimerais remercier Regan et IBM pour leur exemplarité dans ce domaine.

Certains d’entre vous connaissent peut-être déjà le travail que fait IBM par l’entremise de P-Tech en créant des passerelles entre l’éducation et l’emploi. Il s’agit d’une initiative révolutionnaire. C’est un projet qui, à mon avis, a encore plus de potentiel au Canada, et nous avons beaucoup de chance que vous vous y soyez engagés.

J’ai été très heureuse de voir que Rhiannon a commencé sa présentation en parlant de l’Arctique, car c’est par là que je voulais moi-même débuter. Je souhaite d’entrée de jeu vous parler d’un article paru dans le Globe and Mail que vous avez peut-être lu il y a environ une semaine. Dans ce texte d’opinion, un médecin, M. Kevin Patterson, évoque deux adolescents de l’Arctique ayant reçu un diagnostic de tuberculose et qui sont morts au cours des derniers mois. Il fait remarquer que la tuberculose est autant l’expression de la pauvreté que l’expression d’une maladie mycobactérienne.

De fait, en 2018, quand de jeunes Canadiens meurent chaque année de tuberculose, il n’y a pas qu’une bactérie en cause. Il y a aussi la pénurie d’infirmières, la barrière de la langue, les retards dans le transport des malades des régions éloignées dus aux mauvaises conditions météorologiques, et des logements qui comptent parmi les plus surpeuplés du pays. Le texte parle de logements où six personnes s’entassent souvent dans la même chambre à coucher. Il cite même le cas d’une femme de la communauté de Naujaat, au Nunavut, qui dit qu’elle héberge ces jours-ci 20 personnes. Ces personnes dorment là où elles le peuvent, dans les chambres, la cuisine et le salon.

Le Canada a échoué. Nous avons failli à éliminer, parmi beaucoup d’autres choses, les causes en amont de la tuberculose, mais aussi la tuberculose elle-même parmi les populations autochtones. Il en résulte que le taux de tuberculose chez les Inuits de l’Inuit Nunangat, c’est-à-dire la terre des Inuits dans le Nord canadien, est 300 fois supérieur au taux que l’on retrouve chez la population non autochtone née au Canada. Chez les Premières Nations, le taux de tuberculose est 40 fois plus élevé que celui au sein de la population non autochtone née au Canada.

Lors de la Journée mondiale de la tuberculose, tenue il y a tout juste quelques semaines, je me suis jointe à Nathan Obed, un leader remarquable. Il est le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami. Nous avons annoncé conjointement que le Canada se fixera un objectif très sérieux : éliminer la tuberculose d’Inuit Nunangat d’ici 2030 et, entre-temps, réduire le nombre de cas évolutifs de moitié d’ici 2025. Cela n’est jamais arrivé auparavant, et cela restera impossible si nous ne nous attaquons pas à des problèmes comme le logement. Les taux de surpeuplement au Nunavut, comme vous venez juste de le voir à l’écran, atteignent 52 % dans l’Inuit Nunangat.

Je parle de cette maladie millénaire qui, bien qu’elle soit l’infection la plus meurtrière dans le monde, ne vient pas nécessairement à l’esprit dans le contexte moderne et urbain dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. Si j’en parle, c’est pour nous mettre devant les yeux les écarts socioéconomiques considérables qui existent dans notre pays et dont sont victimes les communautés autochtones au quotidien. Nous sommes en 2018, et nous faisons toujours face à des épidémies d’une maladie tout à fait évitable et soignable dans l’un des pays les plus riches de la planète.

La deuxième raison pour laquelle je voulais évoquer cette histoire est qu’elle montre la valeur de disposer d’un objectif. Je n’ai besoin d’expliquer à personne ici que c’est en fonction d’objectifs mesurables que les choses peuvent se faire. C’est l’approche que nous essayons d’utiliser dans presque toutes les facettes de notre travail. Si nous ne nous donnons pas des objectifs clairs comme ceux-ci et que nous ne nous engageons pas à les atteindre, nous avons peine à mobiliser les ressources et les partenaires dont nous avons absolument besoin.

Enfin, tout en remerciant Regan et tous ceux qui ont eu de bons mots pour le travail que j’ai réussi à faire, je souhaite ardemment, quand j’entends de telles choses, que les gens comprennent que la solution pour combler ces écarts ne tient pas à une seule personne ou à un seul gouvernement, et que la clé du succès réside dans la constitution de partenariats. Dans le cas de la stratégie d’élimination de la tuberculose, nous travaillons en étroit partenariat non seulement avec les gouvernements des territoires, mais, et c’est ce qui est le plus important, avec l’Inuit Tapiriit Kanatami. C’est ce genre de partenariats dont nous avons besoin pour éliminer les vastes écarts socioéconomiques qui séparent les Canadiens autochtones et non autochtones. Nous devons également comprendre, si ce n’est pas encore tout à fait clair, que ce sont les hommes et les femmes autochtones qui montreront le chemin et mettront en place les solutions qui existent déjà dans les communautés autochtones.

Ce que je voulais faire aujourd’hui, et je suis très heureuse de vous donner un aperçu de ce qui va suivre, est d’aborder les problèmes qui se posent à nous et les solutions que j’entrevois. J’inviterai ensuite J.P. Gladu à venir avec moi sur la scène. Je vous le présenterai dans quelques minutes, mais il est le président-directeur général du Conseil canadien pour le commerce autochtone.

J’ai très souvent le grand privilège de communiquer mon point de vue sur les enjeux liés à mon portefeuille ministériel, mais je crois qu’il est encore plus important que vous entendiez la voix des chefs d’entreprise autochtones. Cette voix doit être davantage entendue parce que ce sont des leaders comme J.P. qui orienteront le développement économique et la façon d’évoluer plus rapidement sur le chemin de la réconciliation.

Pour ma part, je vais aborder cet enjeu sous deux angles qui me semblent déterminants dans l’atteinte de l’un de nos objectifs, soit la pleine participation des peuples autochtones au tissu économique et social de notre pays. Je fais référence aux enjeux du capital humain et du capital physique.

Commençons par examiner la question du capital humain. Vous savez tous que l’essor de l’économie canadienne qui nous est si chère dépend de la pleine mobilisation de la main-d’œuvre. Nous sommes fiers de figurer parmi les pays les plus scolarisés au monde et nous pouvons compter sur une main-d’œuvre extrêmement talentueuse et novatrice, tout à fait capable, comme on le constate actuellement, de créer des emplois et de générer de la croissance. Nous devons cependant reconnaître que les peuples autochtones du Canada ont souffert d’un déni de leurs droits et de négligence en ce qui a trait à leur intégration au système d’éducation et aux possibilités d’emplois. Notre économie et notre société en sortent perdantes.

Il n’y a qu’à examiner les taux d’obtention du diplôme d’études secondaires pour constater l’effet de cette négligence. Lorsque je visite leur école, je demande souvent aux élèves du secondaire de deviner le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires à l’échelle nationale, et j’obtiens tout un éventail de réponses. Ce taux est en fait de 88 %, ce qui est un résultat très honorable. Nous pourrions sans doute faire un peu mieux, mais si on s’attarde au taux d’obtention du diplôme des élèves issus des Premières Nations dans les réserves, on constate qu’il s’établit à 44 %, soit la moitié de la moyenne nationale.

La même tendance s’observe dans le taux de Canadiens ayant obtenu un diplôme d’études postsecondaires. Je présume qu’il est passablement élevé parmi les gens présents dans cette salle; sur le plan national, il se situe à 65,5 %, alors que seulement 49 % des Canadiens autochtones ont obtenu un diplôme d’études postsecondaires. Par conséquent, les peuples autochtones sont sous-représentés dans la quasi-totalité des secteurs de la main-d’œuvre. Ces écarts sont particulièrement inquiétants quand on sait que les jeunes Autochtones représentent le segment de la population canadienne qui connaît la plus forte croissance.

La bonne nouvelle, c’est que les choses sont en train de changer, et que ce changement est assurément mené par les Autochtones eux-mêmes. Par exemple, on peut se rappeler qu’en 1999, les Mi’kmaq de la Nouvelle Écosse ont obtenu le droit de gérer eux-mêmes leur système d’éducation. En fait, il serait plus exact de dire qu’ils n’ont pas obtenu ce droit : ils l’ont toujours eu, mais les tribunaux ont confirmé, pour la première fois en un siècle, que les Mi’kmaq pouvaient gérer l’éducation de leurs propres enfants. Depuis, les élèves du conseil scolaire mi’kmaq ont réussi à enregistrer le taux de diplomation le plus élevé de leur province, un éblouissant 90 %, un résultat supérieur à la moyenne nationale.

Il y a quelques mois, nous avons inauguré un système scolaire des Premières Nations au Manitoba, et un autre sera bientôt mis en place en Alberta. Nous nous réjouissons à l’idée de collaborer avec les Premières Nations du pays qui ont la volonté et la capacité de prendre le contrôle de leur système d’éducation et d’assurer la conception et la prestation des services d’enseignement dans leurs communautés. En ce qui concerne le milieu postsecondaire, je crois qu’il faut dire que beaucoup de travail s’effectue à cette étape-ci. Je sais que nous avons des représentants de Indspire parmi nous aujourd’hui. Indspire est un merveilleux organisme à but non lucratif, dirigé par la formidable Roberta Jamieson, qui offre plus de 3 700 bourses à des étudiants autochtones chaque année, sans même réussir à répondre à la demande!

Tout près d’ici, dans la réserve des Six-Nations, nous avons récemment célébré l’ouverture d’une extraordinaire académie appelée la STEAM Academy. Ce projet a été en partie rendu possible grâce au soutien d’IBM, qui a contribué à l’élaboration d’un programme d’études unique, basé sur les domaines d’enseignement « STEAM ». Vous connaissez tous le concept? STEAM est l’acronyme de sciences, technologies, ingénierie (« engineering » en anglais), arts et mathématiques. J’espère que vous n’oubliez pas le « A » dans STEAM parce qu’il est absolument essentiel! Je viens tout juste de m’entretenir avec un membre de la compagnie du Ballet national du Canada et je lui ai promis de souligner le fait que la technologie n’est rien sans l’apport des arts.

Longue vie aux arts et aux sciences humaines! La STEAM Academy est une école véritablement novatrice parce qu’elle est la première au Canada à offrir aux élèves autochtones la possibilité d’obtenir simultanément un diplôme d’études secondaires et un diplôme d’études collégiales. En effet, les élèves suivent des cours de niveau collégial dès leur 10e année. Ils terminent le programme d’études en cinq ou six ans et obtiennent à la fois leur diplôme d’études secondaires et un diplôme d’études collégiales techniques de deux ans. Je tiens donc à féliciter Roberta Jamieson pour son travail exceptionnel. Elle est ici parmi nous, elle peut lever la main pour qu’on la voie.

C’est elle le génie derrière la fondation de l’École polytechnique des Six Nations, aux côtés d’Aaron Hobbs, président de la STEAM Academy. Ils sont accompagnés aujourd’hui de trois personnes très spéciales, des étudiants de l’Académie, à qui je vais demander de se lever : Wayne General, Kayla Choir-Esquire et Christian Tiel.

Merci beaucoup d’être venus. J’ai eu la chance de visiter la STEAM Academy, et ce qui m’a impressionnée le plus, ce ne sont pas seulement les fabuleux outils technologiques dont l’école dispose et l’enseignement exceptionnel qui y est offert, mais aussi la remarquable combinaison de l’éducation technologique et des arts et de la culture autochtones. Imaginez ce qui se produit lorsque vous vous retrouvez dans une salle dotée de ces fabuleux outils technologiques de conception assistée par ordinateur et des imprimantes 3D, alors que dans la salle suivante se trouvent des élèves étudiant les arts, la culture, l’histoire et la langue des Haudenosaunee, des professeurs qui enseignent les langues autochtones et qui invitent des aînés en classe pour qu’ils puissent transmettre le savoir traditionnel et expliquer les cérémonies autochtones. Cette combinaison unique produira les meilleurs résultats au pays. Toutes mes félicitations à la STEAM Academy et à l’École polytechnique des Six-Nations.

Les exemples de progrès sont nombreux, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous devons continuer de renforcer les compétences des communautés autochtones au pays de sorte qu’elles soient libres d’offrir une éducation qui soit respectueuse de la culture. Je suis très fière d’annoncer que, grâce aux investissements de notre gouvernement, nous approchons du moment où cette année, pour la première fois, les étudiants des Premières Nations vivant sur les réserves bénéficieront d’un financement équitable. Certes, il est stupéfiant que ce ne soit pas déjà chose faite, mais le financement par étudiant sera pour la première fois égal ou supérieur au financement par étudiant à l’échelon provincial, partout au pays.

L’éducation est la clé pour donner de l’espoir et des possibilités à tous. Il suffit de repenser à la STEAM Academy, qui nous montre comment libérer le potentiel des jeunes Autochtones. Le pays a besoin de beaucoup d’autres programmes de ce genre. J’espère que vous et vos organisations chercherez à établir des partenariats similaires entre le secteur privé et les communautés autochtones afin de concevoir et de mettre à l’essai des mesures créatives qui feront entrer les jeunes Autochtones sur le marché du travail et leur permettront d’apprécier le fait d’apporter une contribution. J’ai très hâte de rencontrer cet après-midi les dirigeants d’entreprise, ainsi que les directeurs et les étudiants de la STEAM Academy pour entre autres discuter de ce type de partenariats et trouver des façons de créer des parcours clairs qui débouchent sur des emplois hautement qualifiés.

Dans le cadre de mes fonctions à titre de ministre des Services aux Autochtones, j’ai eu l’incroyable privilège de rencontrer partout au pays des chefs inspirants tant chez les Inuits, les Métis et les Premières Nations, desquels j’ai beaucoup appris. J’espère que vous cherchez des moyens de faire de même. Que ce soit dans vos collectivités, vos organisations ou vos entreprises, j’espère que vous vous assurez que vos conseils d’administration, vos équipes de direction et votre personnel incluent une véritable représentation autochtone. J’espère aussi que vous réfléchissez aux moyens d’attirer les jeunes Autochtones dans votre organisation. Soyons clairs : ce n’est pas une question de charité, mais bien d’intérêt personnel constructif. Il en va de la saine évolution de vos organisations.

Le Conseil national de développement économique des Autochtones estime que faire une place aux Canadiens autochtones dans l’économie au même titre que les Canadiens non autochtones entraînerait une hausse de 1,5 % du PIB, soit au moins 28 milliards de dollars en croissance économique annuelle. Nombreux sont ceux qui laissent entendre que le montant réel est en fait beaucoup plus élevé. La semaine dernière, le McDonald Laurier Institute a publié un article rédigé par Carol Anne Hilton, chef d’entreprise issue des Premières Nations en Colombie-Britannique. Elle suggérait que le Canada devrait se préparer à voir fleurir une économie autochtone de 100 milliards de dollars. J’espère que vous vous y préparez aussi.

Mais passons à un autre sujet. Je demanderai à J.P. de vous parler un peu plus du volet capital humain des choses dans quelques minutes. De mon côté, je vous parlerai plutôt de capital physique. Le secteur de l’infrastructure au Canada est en pleine renaissance. J’espère que vous le sentez aussi. Prenons Toronto, par exemple. Le gouvernement fédéral y injecte des milliards de dollars destinés entre autres au transport public, au logement et à l’atténuation des risques de crues. Vous savez sans doute que le gouvernement prévoit d’investir 186 milliards de dollars dans l’infrastructure au cours des dix prochaines années.

Nous sommes nombreux à estimer que c’est au sein des communautés autochtones que le besoin est le plus criant. Je pense que nous avons aujourd’hui parmi nous toute une table de représentants du Conseil canadien pour les partenariats public-privé. Je vous invite à les saluer. Le Conseil a fait des recherches pour évaluer la taille du fossé à combler. En ne tenant compte que des Premières Nations vivant sur une réserve, le Conseil évalue que le fossé en matière d’infrastructure est de l’ordre de 30 milliards de dollars, et qu’il continue de se creuser rapidement.

J’ai récemment visité la Première Nation de Pikangikum en compagnie du premier ministre. Le chef a expliqué au premier ministre, en pointant l’une des membres du conseil qui l’entourait, que celle-ci vivait avec environ 20 personnes dans sa maison. Ce n’est pas sans rappeler l’exemple de cette personne vivant dans l’Arctique dont j’ai parlé plus tôt. Cette personne membre du conseil a expliqué que parmi ces 20 personnes figurent des jeunes, et qu’ils ont dû établir un système de quarts pour dormir. En effet, lorsque 20 personnes se partagent une maison à deux chambres, c’est la seule façon d’espérer dormir vraiment. D’ailleurs, l’impossibilité d’obtenir une bonne nuit de sommeil a récemment poussé un jeune homme de sa famille à abandonner ses études secondaires. Je vous rappelle que cette situation se déroule dans cette province riche, dans notre pays riche.

Nous avons donc investi de façon substantielle dans le logement des Autochtones. Nous avons notamment collaboré avec les régions inuites et les régions métisses pour qu’elles élaborent leur propre approche stratégique de la question sur dix ans. Par ailleurs, nous travaillons actuellement avec nos partenaires des Premières Nations sur une approche du logement étalée sur dix ans, une stratégie de logement dans les réserves. Mais nous ne pouvons pas mener à bien cette initiative seuls. Le fossé est trop grand, et les méthodes habituelles ne pourront pas suffire. Je pense que la situation présente des débouchés intéressants, qui pourront se concrétiser dans le respect des droits des Autochtones, y compris les droits issus de traités. À mon avis, il existe de belles occasions à saisir pour le secteur privé et le secteur sans but lucratif. Si l’on souhaite construire et entretenir les quelque 80 000 logements que certains estiment nécessaires pour combler les lacunes des Premières Nations vivant sur une réserve, il faudra établir de nouveaux modèles de financement et d’approvisionnement, et de nouveaux concepts.

Nous avons commencé à collaborer avec des partenaires autochtones afin de réfléchir à la possibilité d’établir un fonds d’encouragement en matière de logement et d’infrastructure dont, je l’espère bien, vous entendrez davantage parler dans les mois à venir. Cette mesure stimulera l’innovation dans ces secteurs. Permettez-moi de vous donner un exemple qui montre bien les choses extraordinaires qui se produisent quand des personnes de talent collaborent. La Métis Nation of Alberta est associée à une société immobilière. Lors de mon récent passage à Edmonton, je suis allée visiter leur projet de réunification familiale. En fait, l’équipe a réglé deux problèmes d’un seul coup : celui du logement, et le problème très grave au pays de l’importante surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse.

La société immobilière a acheté un logement, un petit édifice comportant huit appartements, qu’elle a ensuite rénové en utilisant les fonds qui auraient normalement été remis aux familles d’accueil non autochtones pour prendre soin des enfants qui leur auraient autrement été confiés. En agissant ainsi, l’équipe a pu réunir les parents (parfois chefs de famille monoparentale) et leurs enfants à un coût moindre que ce qu’il en aurait coûté pour placer les enfants dans une famille d’accueil. L’équipe a aussi pu financer les services d’infirmières, de préposés au soutien, de psychologues et de travailleurs sociaux disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, dont le mandat était d’aider les mères et les pères à retrouver leur famille, à retourner sur le marché du travail et à développer leurs compétences. Ces professionnels ont accompagné les résidents sur une durée d’un an à trois ans, jusqu’à ce que ces derniers puissent intégrer un logement avec leur famille, qui est restée intacte. Voilà le genre d’occasions exceptionnelles qui sont à notre portée si nous arrivons à mieux utiliser nos talents et nos ressources.

S’il est un autre secteur qui présente des débouchés très intéressants, c’est celui de l’énergie. Il y a quelques semaines, je me suis rendue à Thunder Bay pour célébrer un projet fantastique. Il s’agit d’un investissement de 1,6 milliard de dollars de la part du gouvernement fédéral pour appuyer le projet de Watay Power. Dirigé par les Premières Nations, ce partenariat réunit un consortium de 22 Premières Nations du Nord de l’Ontario qui s’est associé avec la société Fortis. Il permettra de raccorder 16 communautés des Premières Nations du Nord de l’Ontario au réseau d’électricité de la province.

Une portion du financement fédéral provient d’économies qui ont été mises de côté à l’avance. Par ailleurs, nous savons que le branchement au réseau électrique de ces Premières Nations, qui sont aujourd’hui alimentées à l’énergie diesel, nous permettra de faire des économies pendant les décennies à venir. Les Premières Nations qui investissent dans le projet vont réinvestir les profits découlant de leur participation afin de racheter des parts de l’entreprise jusqu’à devenir, à terme, propriétaires à part entière de ce corridor de transmission.

Et puis, il y a aussi la question de l’eau potable que je ne peux pas passer sous silence. Je sais que certains d’entre vous s’y intéressent de près. Il s’agit de l’un des engagements les plus ambitieux du premier ministre. En 2016, le premier ministre a annoncé notre engagement ferme à mettre fin, d’ici cinq ans, aux avis sur la qualité de l’eau potable à long terme pour ce qui est des systèmes publics. Nous avons d’ailleurs fait les investissements nécessaires. Nous avons maintenant lancé plus de 400 chantiers au pays, et avons, en date d’aujourd’hui, levé 57 avis sur la qualité de l’eau potable à long terme.

Il y a quelques semaines, j’étais à Slate Falls, qui possède le réseau d’aqueduc le plus spectaculaire et probablement le plus beau qu’il m’ait été donné de voir, sans doute parce qu’il est neuf, mais aussi parce c’est une construction à la fine pointe. À Slate Falls, 11 avis sur la qualité de l’eau potable à long terme ont été levés, dont la plupart étaient en vigueur depuis 14 ans. Au total, 78 avis à long terme sont encore en vigueur. Nous surveillons de près les réseaux présentant un risque élevé et qui pourraient donner lieu à des avis à long terme. Il reste beaucoup de travail à faire d’ici 2021, mais nous sommes sur la bonne voie.

J’espère que vous êtes nombreux à réfléchir aux façons de participer, par exemple à des projets comme le fonds d’encouragement en matière de logement et d’infrastructure que nous aimerions lancer au cours des mois à venir. Ce serait un moyen d’appuyer les partenariats novateurs entre le secteur privé, les organismes sans but lucratif et les communautés autochtones ainsi que leurs chefs. L’idée est de concevoir de nouveaux modèles de financement et d’opérations d’approvisionnement pour les secteurs du logement, de l’énergie et d’Internet à large bande, ainsi que d’autres projets d’infrastructure essentiels.

Je suis convaincue que nous ne pourrons pas combler le fossé existant sur les réserves en matière d’infrastructure sans l’apport d’idées véritablement innovantes, qui tiennent compte du savoir-faire autochtone. Pour la question du logement, je pense qu’il faut concevoir des plans mieux adaptés du point de vue de la culture et de l’emplacement géographique, redécouvrir les techniques et les styles de construction traditionnels; s’approvisionner et fabriquer les matériaux dans la région, et embaucher et former de la main-d’œuvre locale. Nous travaillons aussi avec la Banque de l’infrastructure du Canada et sa présidente, Janice Fukakusa, afin de nous assurer que les infrastructures destinées aux Autochtones continuent d’occuper une grande part du portefeuille au fil du temps.

Nous avons lancé des discussions avec l’équipe d’Infrastructure Ontario afin de concevoir des projets pilotes qui utilisent ses modèles d’approvisionnement avec des partenaires autochtones. Je pense qu’Ehren Cory est quelque part dans la salle – bonjour Ehren, contente de vous voir. C’est elle qui dirige Infrastructure Ontario, et elle apporte une aide précieuse pour définir certaines de nos idées.

Il est important de savoir qu’il existe 40 000 petites et moyennes entreprises autochtones. Peut-être que Dave y reviendra un peu plus tard, mais le nombre d’entreprises autochtones au pays ne cesse de croître. Elles se trouvent dans toutes les provinces et tous les territoires au pays. Il n’est plus seulement question de postes d’essence et de dépanneurs; les entreprises forment aujourd’hui un éventail vaste et complexe. On trouve par exemple des franchises de restaurant et des entreprises en démarrage dans le domaine de la haute technologie liée aux énergies renouvelables. La majorité des entreprises autochtones au pays sont situées en dehors des réserves. Le tourisme autochtone, par exemple, apporte 1,4 milliard de dollars au PIB du Canada et emploie plus de 33 000 personnes.

Je peux vous donner un autre bel exemple. La Première Nation de Muskowekwan, en Saskatchewan, a formé une coentreprise avec Encanto Potash. Ils construisent ensemble une mine de potasse de 3 milliards de dollars sur la réserve de Lestock, à environ 100 kilomètres au nord de Regina. Pour réaliser leurs ambitions, ils travaillent en collaboration avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les gouvernements des Premières Nations. La valeur actuelle du projet dépasse le milliard de dollars. Dans un numéro récent du Canadian Mining Journal, Reginald Bellerose, chef de la Première Nation, a dit de l’entreprise qu’elle apporte bien plus que des revenus et des emplois dans la communauté. Selon lui, elle permet à ses membres de faire reconnaître leurs droits en construisant l’économie locale, avec comme objectif final de contrôler leur existence et de décider de leurs priorités.

Dans cet article que j’ai mentionné plus tôt, Carol Anne Hilton a écrit que la nouvelle réalité est que les Premières Nations font figure de locomotive économique. Les dirigeants d’entreprises canadiennes tels que vous doivent chercher des moyens respectueux et équitables de saisir les occasions d’affaires que génère l’économie autochtone. Mme Hilton s’aventure à demander : « Sommes-nous enfin arrivés au moment où le Canada va comprendre le message? Que les Autochtones sont en fait au cœur de la chaîne de valeur du pays? »

Mon mandat associé à ce portefeuille des Services aux Autochtones n’a rien de facile, mais je vois beaucoup d’espoir au quotidien. Malgré une histoire nationale entachée par la négligence et la discrimination envers les Autochtones, ces derniers ont persévéré. C’est en faisant preuve de résilience, de force et de dignité que les Premières Nations, les Métis et les Inuits ont trouvé des moyens d’innover, de prospérer et de croître. Les chefs autochtones et leurs communautés sont prêts à diriger, et ont les moyens de le faire. Il incombe à tous les Canadiens de participer à réparer les torts commis au cours de notre histoire, de se renseigner sur leurs obligations relativement à la vérité et à la réconciliation, et de faire en sorte que chaque Canadien puisse réussir.

Il y a tant de façons de s’impliquer. J’espère que vous mettrez de plus en plus vos compétences, votre expérience, vos réseaux et votre créativité au service de cet effort collectif. C’est avec grand plaisir que j’invite maintenant J.P. Gladu, président-directeur général du Conseil canadien pour le commerce autochtone, à venir me rejoindre. Je vous en dirai un peu plus à son sujet lorsque nous serons assis ensemble. Je vous remercie beaucoup.  

 

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