Vivre avec une maladie grave (deuxième partie) : comment planifier à l'avance et gérer des conversations difficiles
Transcription
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Anita Michalkiewicz : Bonjour et bienvenue à Canadiens en santé, un endroit où nous vous offrons des conversations nuancées avec des experts de la santé. Mon nom est Anita Michalkiewicz, je suis votre animatrice et je suis ici avec Stéphanie Perrier Bélanger, ma co-animatrice. Salut Stéphanie!
Stéphanie Perrier Bélanger : Allô Anita.
Anita : Alors, dans la partie un de notre série sur les soins palliatifs, on a abordé la question de : C'est quoi exactement les soins palliatifs? À qui s'adressent-ils? Et pourquoi c'est important ce sujet-là à n'importe quel moment de notre vie? Et dans la partie deux, nous continuons à parler avec
Docteure Geneviève Dechêne pour parler de comment il faut aborder cette question-là avec les gens autour de nous.
Stéphanie : Exactement! On vient un peu dédramatiser le sujet de la mort avec nos proches, préparer nos amis, notre famille, nos enfants à comme faire face à la mort. Donc, c'est un sujet qui est très intéressant. Docteure Dechêne l'aborde avec beaucoup de sensibilité. Donc, c'est très intéressant.
Anita : Donc, encore une fois, docteure Geneviève Dechêne qui est médecin de famille avec plus de 40 ans d'expérience dans le domaine des soins palliatifs. Elle est également directrice scientifique du site internet Palli-Science. Elle nous aide à aborder ce sujet-là, le sujet de la mort, le sujet des soins palliatifs et pourquoi il serait bon d'avoir ces conversations-là plus tôt que plus tard.
Stéphanie : Exactement. D'avoir des discussions complètes avec nos proches.
Anita : Oui. Mais, avant de rentrer dans le sujet, un petit mot de nous. Le balado Canadiens en santé vous est présenté par Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada. Nous avons des conversations ici, ce n'est pas un communiqué de presse. Donc, on va pas toujours refléter les politiques officielles du gouvernement du Canada. Mais maintenant, parlons des soins palliatifs.
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Stéphanie : C'est un peu plus, si je ramène ça une expérience plus personnelle, mes parents sont encore relativement jeunes, donc on n'est pas rendu encore au stade de parler de soins palliatifs. À quel moment est-ce qu'on commence à en parler? Je veux pas attendre que mes parents soient malades ou aient reçu un diagnostic de cancer stade quatre. Donc, est-ce que c'est une conversation que vous encouragez, les enfants qui viennent vous voir avec leurs parents, à avoir plus tôt que trop tard? De quelle façon on aborde ça?
Docteure Geneviève Dechêne : Vous avez tellement raison. En fait, il faut arrêter d'être tous des enfants avec une pensée magique d'immortalité et il faut rentrer la maladie et la mort dans nos discussions normales de famille. Je vous dis pas d'être morbide, puis de passer à ça à Pâques là, mais quand ça arrive...
Écoutez, mon petit-fils de 4 ans, il sait déjà où est enterrée son arrière-grand-mère et régulièrement il me dit : « Est-ce que je peux revoir des photos de mon arrière-grand-mère qui est morte, qui est morte des poumons? ». Donc, il est déjà en train d'apprendre la fin de vie, la mort. Ça s'intègre dans une vie.
Et nous à domicile, bien pour nous, c'est naturel. Parce que, quand le grand-père meurt, moi j'arrive pour faire le constat de décès et souvent il y a un bébé couché dans le lit à côté du monsieur décédé ou j'ai des enfants qui jouent et qui courent autour du lit, pendant que leurs parents, un peu épuisés, fatigués, se prennent un troisième verre de vin en riant, puis en se racontant les mauvais coups du grand-père.
Alors, pour moi, la fin de vie et la mort, c'est naturel. Donc, ne pas hésiter à en parler, en disant : « Écoutez, si un jour, papa, maman, vous avez une maladie qui vous fait souffrir, si votre médecin clanche pas, moi je vais clancher et demander que vous puissiez voir une infirmière ou un médecin de soins palliatifs, pour pas souffrir pour rien. ».
On est dans une société riche. Je peux pas croire, mais c'est vrai, qu'il a encore bien des citoyens canadiens qui pourraient être soulagés et qui ne le sont pas.
Anita : Oui.
Dre Dechêne : C'est choquant! Donc, on en parle quand ça va bien et on en parle encore plus quand le diagnostic de cancer arrive. Pas au moment où votre père a son diagnostic et fonce dans la chimiothérapie avec un espoir solide de guérir (et ça pourrait être le cas). Là, c'est pas le temps de parler de soins palliatifs. Moi, je pense, c'est le temps d'en parler quand ils vont bien.
Stéphanie : Exactement, donc de dédramatiser.
Dre Dechêne : Et beaucoup plus tard, quand la maladie évolue et là il reçoit des terribles nouvelles, après tous les efforts de traitement et tout que le cancer ou que la maladie cardiaque est rendue très avancée, là de dire : « Écoute, moi je sais qu'il existe des soins palliatifs à domicile. Est-ce qu'on peut prendre contact avec ces gens-là d'avance? » ou « Laisse-moi juste appeler, que j'ai le numéro de téléphone pour que quand tu en auras besoin, je sais quoi faire pour toi. ». Parce que quand on est malade, on a plus la force de faire les démarches.
Stéphanie : Exact, de pas en faire… que ce ne soit pas un sujet de tabou dans la famille.
Anita : Oui, et que ça revienne au fait que…
Dre Dechêne : Faut en parler.
Anita : Oui, puis que c'est là pour soulager. C'est là pour accompagner et c'est non nécessairement juste qu'on va mourir là bientôt tout de suite. C'est vraiment là, c'est…
Dre Dechêne : Exactement! C'est le mythe des soins palliatifs qu'on appelle les soins palliatifs de l'avant-veille de la mort… non, non, non! On fait beaucoup mieux que ça. Nous, on aime bien, surtout à domicile, être appelé en amont. Et je sais qu'à des cliniques externes de soins palliatifs un peu partout au Québec, un an, deux ans avant, quitte à ce qu'on dise à la personne : « Tu me rappelles si ça va pas? ». C'est pas quelqu'un qu'on va voir à chaque semaine, mais il a notre numéro et dès qu'il ne va pas bien, il sait où appeler. Toujours se prendre en amont, d'avance, c'est pour ça qu'il faut qu'il y aille des équipes de soins palliatifs en milieu de vie, identifiées partout au Canada.
Stéphanie : Moi je vois ça comme étant la prévention.
Anita : Oui.
Stéphanie : Vraiment.
Anita : Docteure Dechêne, on a parlé un petit peu des mythes par rapport aux soins palliatifs. Est-ce qu'il y a d'autres mythes associés aux soins? On a parlé que ce n'est pas l'aide médicale à mourir, que ce n'est pas qu'on va mourir tout de suite. Est-ce que vous voyez d'autres mythes que vous aimeriez là, dont vous aimeriez parler?
Dre Dechêne : Le mythe, c'est que les soins palliatifs ne devraient être donnés que dans les dernières semaines de vie. C'est un mythe. On a des maladies très douloureuses, des cancers des os qui peuvent être suivis par les soins palliatifs pendant trois ans. Donc, c'est un mythe de faire appel aux soins palliatifs dans la dernière semaine de vie.
Et un gros mythe qu'il faut vraiment défaire, c'est que la médication, qu'on donne pour soulager les douleurs, tue. Elle ne tue pas. Que ça soit la morphine, l'hydromorphone et tous les autres narcotiques et tous les autres médicaments qu'on donne, c'est un peu le contraire. Si vous laissez la personne souffrir, elle va dépérir et mourir plus vite. Mais ces médicaments-là n'apportent absolument pas une fin plus rapide. Et ça, faut le dire et le redire, parce que la population et nos patients croient encore que nos pilules (je sais pas, l'hydromorphone par exemple) va les tuer et donc, ils se laissent souffrir et touchent pas à la bouteille de médicaments parce qu'ils ne veulent pas mourir plus vite.
Alors, c'est une discussion à avoir. C'est un mythe tenace dans la population que les opiacés rendent accrochés. Non. Quand on a une véritable douleur, on n'accroche pas. Et le médecin en soins palliatifs sait exactement combien prescrire. Et que la médication pourrait abréger leur jour, c'est pas du tout le cas. C'est le contraire. On redonne de la qualité de vie à la vie avec nos médicaments.
Stéphanie : On redonne du confort aussi.
Quand on parle de mythes aussi, est-ce que de dire que les soins palliatifs s'adressent à une certaine tranche d'âge de la population, la population vieillissante, on en parlait un peu plus tôt, ça aussi ça, ça serait pas un mythe?
Dre Dechêne : Bien sûr que c'est un mythe, puisque vous savez qu'il y a des unités de soins palliatifs au « Children », puis à Sainte-Justine hein.
Stéphanie : Exact, exact, c'est là où je m'en allais.
Dre Dechêne : Les enfants ont pas droit aux soins palliatifs?
Stéphanie : Exactement
Dre Dechêne : Mais oui, ils ont le droit aux soins palliatifs. Et nous, lorsqu'on fait des soins palliatifs adultes, c'est de 18 ans jusqu'à 105 ans et plus, il n'y a pas d'âge. Évidemment, que les soins palliatifs adultes, plus on vieillit, plus on a des chances de mourir. Dieu merci, dieu merci qu'on meurt pas tous très jeunes. Donc, on va retrouver heureusement beaucoup moins de jeunes de 18 ans que de personnes âgées de 95 ans. Donc, c'est pour ça qu'on a tendance à tort de croire que les soins palliatifs c'est juste pour les gens très âgés. C'est une question de volume de patients. On a beaucoup plus de personnes âgées en fin de vie que de jeunes. Tant mieux! Mais, je peux vous dire que les soins palliatifs ne négligent pas du tout les jeunes adultes. On s'en occupe très, très bien.
Anita : On a parlé de certains mythes par rapport aux soins palliatifs. J'aimerais vous poser la question est-ce que les soins palliatifs s'arrêtent au décès de la personne ou est-ce que ça continue un peu après?
Dre Dechêne : Alors la réponse à votre question c'est oui et non. Ça dépend là où sont donnés les soins palliatifs. Lorsque les soins palliatifs sont donnés en milieu hospitalier, souvent ça s'arrête là. Mais à domicile, nos extraordinaires infirmières qui ont piloté le cas, nos infirmières pivots, vont appeler et souvent même visiter les proches après le décès. Ça peut être une, deux, trois, quatre semaines après le décès. C'est les proches qui décident. Et cette visite-là est très, très importante pour eux et pour nous.
Et ce qu'on va chercher là-dedans c'est d'abord : « Comment allez-vous? ». Les proches ont beaucoup donné, surtout à domicile où les proches donnent les médicaments, donnent les injections, surveillent 24 heures. Les proches ont beaucoup donné et… vous allez être surpris de ce que je vais vous dire… mais plus les gens donnent, plus ils se sentent coupables.
Anita : Coupable ?
Dre Dechêne : C'est drôle hein? Les gens qui sont d'une générosité extraordinaire, vont dire : « J'en ai pas assez fait pour mon mari ». Alors qu'on a été témoin qu'elle a dépassé ses capacités. Donc, on doit retourner justement, valider le fait qu'on a été ébloui par tout ce qu'elle a fait. Donc, on doit valider avec les proches l'importance de ce qu'ils ont fait.
Lorsqu'il y a eu un transfert dans une unité de soins palliatifs, on y retourne aussi. Parce que là encore, il se sentent coupables et nous, on valide tout ce qu'ils ont pu donner, jusqu'à leur limite et de respecter cette limite-là.
Donc : « Comment allez-vous? », « Bravo pour ce que vous avez donné. » et « Comment ont été nos services? ». Nous, on va chercher cette information-là : « Comment vous avez trouvé nos services? Est-ce que nos services étaient suffisants? Adéquats? Qu'est-ce que vous auriez voulu? Qu'est-ce qui a pas marché? ». Vous savez, il y a rien de parfait hein! Dans les pénuries de personnel actuellement. Et on entend souvent : « J'aurais voulu avoir quelqu'un 12 h par jour, 7 jours sur 7, à la maison ». On n'a pas ce personnel-là. Mais, on va chercher ces informations-là parce que faut les entendre, puis ça leur fait du bien de le dire.
Et pour ce qui est des endeuillés, des proches, je sais que les entreprises funéraires, la plupart, offrent gratuitement quelques heures d'aide psychologique. Et nous, on essaie d'avoir des noms de psychologues aussi (quoi que c'est temps-ci on en manque) pour les gens qui ont de la difficulté à digérer un deuil très douloureux.
Plus on aime la personne, plus on était amoureux hein (alors, le parent vis-à-vis un enfant, c'est le meilleur exemple), plus le décès est atroce, douloureux. Mais, je peux vous dire que plus les gens, les proches ont été impliqués, plus on les a incités, encouragés, encadrés pour donner des soins, mieux ça se passe.
Et les dépressions que j'ai vu après les morts, après les décès, sont souvent des proches pas proches, ceux qui disaient : « Je suis pas capable d'aller voir mon père, je le trouve trop maigre, ça va me faire de la peine ». Puis moi, je leur dis : « Fais pas ça, fais pas ça, vas-y, vas-y parce que si tu y vas pas, une fois que ton père va être mort, c'est toi qui va pas bien aller. Tu dois aller le voir, puis souvent, souvent. Puis, habitue-toi de le voir amaigris. C'est quand même ton père, c'est ses yeux, sa tête. Vas-y, tiens-lui la main. ».
Mais il y en a qui osent pas. Il y en a qui sont pas capables et ça, ceux-là, souvent, des fois, ont des arrêts de travail prolongés, des dépressions majeures et je trouve ça bien malheureux. Et on revient à la case départ pour après le deuil. Donc, les services après le décès c'est, que je pense, que dans la société, on prépare pas assez les Canadiens à la fin inéluctable des gens qu'ils aiment.
Anita : Donc, le deuil, il pourrait être en quelque sorte adouci par une approche palliative qui est complète, qui est bien, qui est bien mise en œuvre?
Dre Dechêne : Exactement, s'il y a pas eu (on a eu des cas dans les journaux hein récemment, l'année passée) de décès où les soins palliatifs n'ont pas été impliqués, ou ont été impliqués trop tard et donc là, il y a plein d'animosité et d'agressivité, qui sont tout à fait inutiles, mais qui démontrent que l'approche curative des hôpitaux…
Qu'on veut hein! Si, vous la jeune femme, vous rentrez à l'hôpital, vous voulez une approche curative agressive. Mais si votre mère est vraiment en toute fin de vie, vous voulez que quelqu'un vous le dise ou, et souvent, ça l'est pas et vous voulez que quelqu'un appelle rapidement l'équipe de soins palliatifs pour soulager complètement la personne.
Et moi, le nombre de plaintes que j'ai vu, de proches qui disaient : « Ma mère est morte étouffée ». Puis, quand je les questionne… Mais pas du tout, elle avait les râles normaux de fin de vie. Vous savez, les secrétions dans la gorge qu'on a tous?
Anita : Personne ne les a averti, c'est ça?
Dre Dechêne : On se racle la gorge toute la journée. Alors personne, personne avait pensé de leur dire : « Ça c'est des bruits qui dérangent pas votre maman, ces râles-là. C'est juste des secrétions parce qu'elle peut plus se racler la gorge. Elle ne souffre pas du tout. Elle en souffre pas du tout. Si ça dérange vos oreilles, on peut même lui donner une médication pour assécher sa gorge mais, pour elle, c'est pas un problème.
Mais combien de plaintes sont faites dans les hôpitaux parce que tout le monde court, personne n'a le temps de dire aux proches : « Ce bruit-là, c'est pas de l'étouffement. Elle est pas morte étouffée. ».
Donc moi, je pense que les pires souffrances après le deuil, c'est des gens qui ont pas eu de soins palliatifs.
Anita : Donc, c'est aussi de nous informer peut-être un peu qu'est-ce qui nous attend dépendamment de la souffrance particulière de notre membre de la famille? Donc, qu'est-ce qui pourrait arriver là dans les derniers jours, les dernières heures, pour pas avoir cette surprise-là?
Dre Dechêne : Exactement. Alors, écoutez-moi, moi je travaille avec le groupe d'infirmières de soins palliatifs à domicile Nova Soins à domicile, vous savez, l'équivalent dans les provinces canadiennes c'est VON, « Victorian Order of Nurses ». Ces infirmières-là sont fabuleuses. Elles mentorent et forment les infirmières des CLSC avec qui elles travaillent et même, dans toute la province, et elles ont ces documents dont vous parlez et elles donnent ces informations-là, c'est en ligne, elles les donnent en personne.
Moi, je suis directrice scientifique de Palli-Science, le site internet de soins palliatifs québécois et francophone, et on a gratuitement en ligne pour tout le monde, les proches, les malades eux-mêmes, tous les documents qui préparent à la fin de vie. Des documents même sur comment asseoir quelqu'un qui est faible, comment laver quelqu'un qui est faible, on a tout ça sur Palli-Science. Il suffit juste que quelqu'un quelque part dise à la famille : « Voilà, il y a Nova Soins à domicile, il y a votre CLSC, il y a Palli-Science, le site internet. Vous avez des informations. Allez lire sur ça puis rappelez-moi après. ».
Anita : Donc, tout le monde a droit à des soins palliatifs mais on a aussi cette responsabilité-là de s'informer. On a la responsabilité de voir les informations, les ressources. On a parlé de deux ressources que vous avez mentionnées. Est-ce qu'il y a d'autres ressources que vous recommandez? On va tout inclure ça pour nos auditeurs dans la description d'émission. Mais, est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on pourrait faire comme pratico-pratique?
Dre Dechêne : Écoutez, nous on est en français. Donc, on parle d'un auditoire francophone. Palli-Science est le site internet de soins palliatifs francophone qui couvre entièrement le Canada et on a beaucoup de médecins et d'infirmières et de pharmaciens belges et français-là qui se joignent à nous. Et ce qui est intéressant dans le site Palli-Science, c'est que 50 % du site est dédié aux non professionnels, donc aux proches aidants. Donc, c'est vraiment le site sur lequel tous les gens travaillent de façon bénévole et il origine de la maison de soins palliatifs Victor Gadbois. Et la Fondation, merci à elle, de la Maison Victor-Gadbois, subventionne entièrement ce site internet gratuit, disponible à tous. Donc, j'encourage les gens à y aller, à explorer ce site et, parce qu'on a versé beaucoup, beaucoup d'informations pour les proches aidants et les familles.
Anita : Parce qu'ici, on a parlé souvent de différents sujets au balado, on a parlé de différents sujets de santé et ce qui revient souvent c'est que on est, il faut s'informer. Il faut être actif dans notre, dans notre vie, et aussi dans notre fin de vie. Comme on voit ici. Mais, c'est difficile les conversations, c'est difficile. Qu'est-ce que vous, quel message est-ce que vous voudriez véhiculer par rapport aux conversations à avoir? Comment est-ce qu'on peut mieux les avoir, dans un meilleur environnement, un peu moins macabre? Parce qu'on voit ça un peu, c'est de là, la difficulté on est un peu dans le déni.
Stéphanie : On cherche à comprendre aussi, hein.
Anita : Oui.
Dre Dechêne : C'est, c'est très complexe cette question-là parce que c'est vraiment comment la société évolue et je vais vous dire Anita, il y a pas de problème. Je vais vous dire pourquoi. C'est que la population canadienne vieillit très vite. La population québécoise vieillit trop vite. En vingt-trente, 2030, 25 % des Québécois auront plus que 65 ans. Alors, c'est les baby-boomers, vous savez c'est quoi les baby-boomers? C'est eux qui décident de tout. C'est eux qui décident de qu'est-ce qu'on consomme, qu'est-ce qu'on achète hein, on vote pour qui. C'est le plus gros groupe, pour le moment hein, et ce groupe-là est en train de vieillir et c'est lui qui détermine les valeurs de la société.
Jusqu'il y a 5 ans, les baby-boomers avaient déterminés que les valeurs de la société c'est jeune, beau, riche et en santé et de consommer beaucoup hein. C'est ce qu'on a vu et c'est ce qu'on voit avec entre autres avec l'environnement. Là, ils sont un peu paniqués nos baby-boomers (et j'en suis) parce qu'ils voient que « Oh là là! J'ai pas assez considéré que j'étais un être mortel, qui allait tomber malade, avoir besoin d'aide et éventuellement mourir ».
Mais là, inquiétez-vous pas, ça va se faire. Donc, cette discussion dont vous parlez, ça va être un tsunami de discussions dans les chaumières canadiennes, parce que les baby-boomers voudront pas être démunis et un peu négligés comme l'ont été leurs parents. Ils accepteront pas ça. C'est un groupe très exigent. Ils vont vouloir des soins palliatifs, je vous en passe un sapin, ils vont les exiger parce que c'est dans la loi.
Dre Dechêne : Même si on les donnent pas partout, surtout à domicile…
Anita : Ça, je ne le savais pas.
Stéphanie : Moi non plus.
Dre Dechêne : …ils vont les exiger et on va devoir leur donner, parce que tant qu'ils votent, c'est une force politique puissante et c'est encore des gens qui votent les baby-boomers. Donc, oui, vous avez raison. On devrait s'en parler et ça va se faire. Regardez bien les prochaines années, ça va se faire.
Anita : Bien, je suis vraiment contente qu'on entame cette discussion-là avec vous, pour aussi augmenter un petit peu les connaissances des gens qui nous écoutent par rapport à ce sujet. J'aimerais terminer en vous posant une question. Vous, pour vous docteure Dechêne, une fin de vie réussie, ça ressemble à quoi?
Dre Dechêne : C'est être entourée de mes proches, ne pas avoir honte de leur demander de m'aider, ne pas dramatiser. Je veux pas de drame, pas juste de leur part mais de ma part. Quand ça va être mon tour, je vais être capable d'accepter. C'est peut-être un peu la philosophie bouddhiste, mais d'accepter le côté inéluctable de ma fin de vie et de ma mort, parce que je veux pas être pesante pour eux, je veux pas leur faire de cachettes non plus. Depuis qu'ils sont tout jeunes, j'ai trois enfants, je leur partage mes inquiétudes. Quand je suis inquiète de ma santé, des fois pour rien du tout, puis que je panique hein, j'ai le droit, même si je suis médecin, ils sont là pour moi, ils sont là pour moi depuis qu'ils sont tout petits, donc je ne les traite pas en enfant. Même quand ils étaient enfants, je les traite en être responsable et capable d'en prendre.
Ça veut pas dire que je vais être pesante sur eux, mais pas de cachettes. Alors, si un jour j'ai un cancer, je vais leur dire : « Regarde, j'ai un diagnostic de cancer, j'inquiète, j'ai peur d'avoir des métastases. ». Je vais leur dire (puis bon, moi je suis une pleurnicheuse, je vais pleurnicher, je vais me moucher) puis dire : « Ha! Si on se faisait un bon souper? ». On est gourmand dans la famille. Parce que c'est pas parce qu'on est inquiet qu'on arrête de vivre. Donc moi, ce que je voudrais, c'est pas de drame.
Les voir, parce que j'adore voir mes enfants, j'adore voir mes petits-enfants, je veux pas qu'ils me fuient. Je veux les voir le plus souvent, même si juste dix minutes parce que je suis fatiguée. Je veux les voir, je veux voir des belles choses et puis, pas avoir mal.
On est tous pareil hein? Je veux pas souffrir. Donc, je veux des soins palliatifs. Chacun donne son désir, moi j'ai dit : « Bon, écoutez, moi je veux pas d'aide médicale à mourir. Je veux faire dodo. Donc, si jamais c'est vraiment le bordel et que personne arrive à me soulager, je veux une sédation palliative. ».
Ils savent déjà depuis longtemps et puis, je veux être incinérée. Voilà, tout ça a été dit là, avec un verre de vin dans un repas. Ils savent déjà. Puis là, j'ai changé trois fois d'entreprise funéraire (je suis en bonne santé en passant) en disant celle-là, je trouve ça fonctionne bien non, mais c'est un peu loin de la maison.
Donc, voyez-vous? On peut rentrer tout ça dans la discussion pour que quand ça arrive, les enfants se disent : « Ha! C'est vrai! Maman, elle avait dit qu'elle voulait pas d'aide médicale à mourir mais que si ça allait pas bien, elle voulait faire dodo. Puis, qu'elle voulait rester à la maison le plus possible. Puis, elle a mis des sous de côté pour ça. Puis, on va s'organiser pour que ça se fasse. ». Si c'est possible hein, parce que des fois, il y a des imprévus. Donc, discuter de ça quand on n'est pas encore…
Anita : Oui.
Dre Dechêne : …avec une grave maladie, je trouve que c'est génial parce qu'on peut le faire en rigolant. Parce que la vie est une très belle chose, mais très, très courte.
Anita : Oui.
Dre Dechêne : Vous connaissez la chanson des Cowboys Fringants « Les Étoiles filantes »?
Stéphanie : Oui.
Anita : Oui, absolument, une préférée.
Dre Dechêne : C'est une très belle chanson hein. Alors moi, je pense qu'il faut l'écouter cette chanson et se dire qu'on court, on court dans notre vie, on court, on court mais on est qu'une étoile filante. Et que même si on le veut pas, on est qu'une étoile filante et que ça va se finir beaucoup plus vite qu'on pense, comme le chanteur des Cowboy Fringants, et juste que ça se passe bien. Et lui a été bien entouré, on l'a vu, sa femme, ses deux filles. Il y avait les gens qui l'aimaient autour de lui. Moi, c'est ça que je veux pour moi.
Anita : Des belles paroles.
Anita : Merci beaucoup. Merci de nous avoir joint aujourd'hui, d'avoir démystifié un peu ce sujet très important et merci aussi pour votre travail. En vous entendant parler, on voit que vous aimez vraiment ce que vous faites. Vous vous êtes une passionnée.
Dre Dechêne : Je suis chanceuse, très chanceuse de faire ce beau travail-là. Et chanceuse d'avoir les belles équipes avec lesquelles je travaille. C'est surtout ça, le travail d'équipe.
Anita : Bonne continuation, merci beaucoup.
Stéphanie : Merci beaucoup.
Dre Dechêne : Et merci à vous pour l'invitation. Merci!
Anita : Merci.
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Anita : Merci d'avoir écouté Canadiens en santé. Si vous nous regardez sur YouTube, n'oubliez pas de cliquer sur le bouton « J'aime » et de vous abonner à notre chaîne pour rester à l'affût des épisodes à venir. Trouvez-nous partout où vous trouvez vos balados. Pour plus de renseignements sur les sujets abordés, visitez Canada.ca santé.
[Le mot-symbole Canada apparaît. Musique du Gouvernement du Canada.]
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