Vos données, la santé de tout le monde

Transcription

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[Son de pouls]

[Musique]

Annie J. Stewart : Bonjour, mon nom est Annie Stewart.

Bienvenue à Canadiens en santé, un endroit où nous offrons des conversations nuancées avec des experts de la santé.

Notre discussion d'aujourd'hui porte sur les données de santé. Comment peut-on décrire les données de santé? Que contiennent? Pourquoi les recueille-t-on? Et qui y a accès? Sont-elles gardées sous clé ou est-ce qu'il est facile de les partager? Et qui en retire des bienfaits?

Pour en parler avec moi, je vais m'entretenir avec Elizabeth Toller, directrice générale aux Stratégies des soins à Santé Canada et Eleni Galanis, directrice générale au Centre de la surveillance, à l'Agence de la santé publique du Canada.

Mais d'abord, bien que le balado Canadiens en santé vous soit présenté par Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada, nos discussions ne vont pas nécessairement toujours refléter les politiques officielles du gouvernement du Canada. Ce sont des discussions informelles, pas un communiqué de presse.

Maintenant, parlons des données de la santé.

Donc, Eleni, Elizabeth, bienvenue à Canadiens en santé.

Elizabeth Toller : Merci.

Dre Eleni Galanis : Bonjour.

Annie : Donc, on a deux invités aujourd'hui. Donc, deux fois plus de contenu. On saute, donc, dans le vif du sujet. Des données de santé, ça rime à quoi? Je vais passer la parole à Elizabeth en premier, puis Eleni suivra.

Elizabeth : Donc, les données de santé ça peut être une variété de choses, mais pour moi, la façon la plus simple de l'expliquer, c'est l'information sur ta santé. C'est souvent dans le contexte d'une visite avec ton médecin. Tu discutes de ton information, ils le mettent dans un système de données électroniques. Puis, c'est vraiment toute l'information, comme tes allergies, les médicaments que tu prends, les conditions que tu as. Ça, c'est la base de ton information personnelle en santé.

Annie : Et la raison de ta visite souvent, c'est, oui, justement.

Elizabeth : Oui, oui.

Annie : Ok. Eleni.

Eleni : Je suis d'accord. Puis, j'ajouterais qu'on pourrait voir les données de santé comme en trois catégories, trois grandes catégories. Les données du patient. Donc, justement, quand tu visites ton médecin ou tu parles à l'infirmière ou même au pharmacien. Donc, tes données personnelles qui ont trait à ta santé, que tu te sentes bien ou pas bien. Les données de santé au niveau de la population, au niveau de la communauté.

Fait que comment elle va la santé de la communauté de ta ville, de ta province. Puis ça, c'est des données qu'on peut collecter aussi, puis qu'on peut, qui nous aident à comprendre la santé de la population. Puis, finalement, les données sur le système de la santé sont aussi des données de la santé : les temps d'attente dans les urgences, le nombre de lits qu'on a. Ça aussi, c'est des données de la santé.

Annie : Et puis, est-ce que, comment est-ce qu'on les recueille? Eleni, t'en as parlé un peu, Elizabeth aussi. Mais, au-delà des systèmes électroniques, est-ce qu'il y a d'autres façons, d'autres moyens, des sondages, par exemple?

Eleni : Oui, bien justement, en santé publique, on parle d'au moins trois façons de collecter des données, puis il y en a beaucoup plus là. Mais, justement, comme on disait, quand le patient lui-même parle avec son médecin ou rentre à l'urgence ou est hospitalisé, donc les données que le patient donne au système de santé. Ça, c'est une façon de collecter des données.

Les maladies à déclaration obligatoire, donc il y a des maladies qui sont, qui peuvent causer un danger au niveau de la population, de la communauté, mais ça c'est une autre façon de collecter des données. C'est le médecin, le laboratoire, sont obligés de partager ces données-là avec les autorités en santé publique. Les sondages, justement, on demande aux gens comment vous sentez-vous? Avez-vous eu un tel diagnostic? Que pensez-vous de telle chose? Ça, c'est une autre façon de collecter les données. Puis, je parle de quatre façons. Mais, quand tu rentres à l'hôpital ou que tu vas à l'urgence, ça aussi c'est des données qu'on peut collecter pour voir comment qui fonctionne notre système de santé.

Elizabeth : Oui, puis moi, je dirais comme au début c'est vraiment, moi je rentre et je vais voir mon médecin, peut-être ton médecin de soins primaires, et c'est vraiment l'interaction que tu vois, comme tu es assis à côté d'eux, ils sont sur l'ordinateur en train de taper l'information sur l'ordinateur dans le système de données électroniques. Ça, c'est vraiment comme le système de base où il garde l'information en santé personnelle.

Annie : Puis même, de nos jours, je remarque qu'il y a beaucoup de données qui sont données de façon volontaire par les Canadiens, les personnes au Canada. Je pense, par exemple, le système de surveillance de la grippe, où on peut donner si on a des symptômes cette semaine-là, si on a eu des maux de ventre, etc. Puis ça, ça commence à être de plus en plus commun aussi. Donc, que les gens donnent volontairement leurs données de santé.

Eleni : Il y a même des systèmes en santé publique qu'on appelle la surveillance participative, fait que les gens participent d'eux-mêmes, de leur propre gré, à une façon de « monitorer » la santé de la communauté. Moi, par exemple, à chaque semaine, je rapporte si je me suis sentie malade avec une grippe. Comme ça, ça l'aide les gens en santé publique de savoir est-ce que la grippe est arrivée dans notre province ou non?

Annie : Mmh. Donc, c'est symptomatique, c'est super intéressant. Dans ma carrière, j'ai quand même côtoyé des épidémiologistes, et puis je me souviens d'une remarque faite à l'époque qui m'avait marquée. On ne recueille pas de données si on ne sait pas pourquoi nous les recueillons. Alors, une fois les données de santé recueillies, comment est-ce qu'elles sont utilisées? C'est quoi l'objectif avec ces données-là?

Eleni : Ben, l'objectif en santé publique c'est de prévenir les maladies et de contrôler les maladies si sont déjà arrivées dans notre communauté. Fait qu'absolument, au niveau gouvernemental, au niveau de la santé publique, il faut qu'il y ait un but précis, sinon c'est pas nécessaire, c'est un, on…

Annie : C'est pas de la recherche là, c'est vraiment…

Eleni : Non, c'est vraiment pour répondre à des problèmes concrets, par exemple des éclosions ou des épidémies, des problèmes de santé mentale, des problèmes de santé chronique, comme le diabète, alors on recueille des données pour comprendre ce qui se passe. C'est comme un diagnostic de la santé de la population. Qu'est-ce qui se passe? Et après ça, comment on traite ces problèmes-là au niveau de la santé, au niveau de la population, que ce soit par de l'éducation, des messages de santé publique, de la vaccination, des règlements pour mieux protéger la population.

Donc, je vais vous donner un exemple d'une investigation à laquelle j'ai participé il y a quelques années qui était fascinante et qui illustre un peu ce besoin de partager les données. Il y a eu une éclosion de salmonellose à l'échelle nationale. On a eu plus que 100, une centaine de personnes qui sont tombées malades, qui ont avec des diarrhées, des vomissements, de la fièvre, qui ont consulté leur médecin. La salmonellose est une maladie à déclaration obligatoire, justement pour qu'on puisse identifier les éclosions et y répondre. Une fois que l'éclosion a été identifiée, des données, il y a trois types de données qu'on a recueillis pour comprendre ce qui se passait.

Un, on a interviewé les patients qui étaient malades. Donc, on leur a demandé qu'est-ce qu'ils ont fait avant de tomber malades, quelle nourriture ils ont mangée, quel voyage ils ont fait pour essayer de comprendre d'où venait la maladie. Deuxièmement, leur, la bactérie qui a été trouvée chez les gens qui sont tombés malades est typée au niveau génétique pour savoir quelle, exactement quelle bactérie, a causé la maladie. Ça ces données-là sont partagées au niveau provincial et national et même international pour essayer de trouver il y en a-tu d'autres semblables à ça. La troisième chose qu'on a fait, on a demandé aux gens malades de voir leur facture d'épicerie pour comprendre qu'est-ce qu'ils avaient acheté.

Annie : On est dans la précision.

Eleni : Vraiment dans le détective de la santé. Avec cette information-là, on a vu que oui, il y avait presque 100 personnes qui avaient la même, qui était infectées par la même souche de la bactérie à travers le pays. Ça avait pas était possible avant d'avoir accès à ces données-là au niveau du laboratoire. Après ça, on a compris à travers les entrevues, qu'il y avait certaines personnes qui avaient mangé quelque chose qui était inhabituel. C'étaient des profiteroles, donc des choux à la crème congelés.

Annie : Mon dieu.

Eleni : Ça nous avait comme piqué la curiosité. Et puis, après ça, quand on a vu les factures d'épicerie de ces gens-là, on a vu que, non, c'était pas juste deux, mais il y avait plusieurs personnes qui avaient acheté ces profiteroles-là ou ces choux à la crème-là qui étaient congelés. Et après ça, en partageant ça avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ils ont trouvé que oui, ça provenait tout de la même,

Annie : du même cas, de la même souche.

Eleni : du même producteur dans un pays à l'international. On a fait un rappel de ces profiteroles-là, on les a enlevées du marché pour arrêter la propagation de cette éclosion-là et pour protéger la population.

Annie : Et tout ça, grâce à la collecte de données.

Eleni : À la collecte et au partage des données.

Annie : Oui, Elizabeth.

Elizabeth : Dans le contexte des soins de la santé, c'est important en premier temps pour la prestation, mais aussi pour l'amélioration du système en santé, comme Eleni avait mentionné.

Donc, c'est important au niveau individuel, comme pour toi et moi. Juste pouvoir bien gérer notre santé, mais aussi pour les professionnels de santé pour qu'ils puissent travailler mieux ensemble en équipe, pour mieux collaborer et pour prendre des très bonnes décisions avec une image complète de ta santé. Mais, aussi c'est important que l'information soit partagée d'une façon agrégée, donc sans l'information directement personnelle, pour pouvoir améliorer le système de santé. Par exemple, s'il y a des lacunes dans les services de santé, savoir qui a besoin les soins, quel groupe de la population a plus besoin que l'autre, des choses comme ça.

Annie : Et puis, on a mentionné les temps d'attente. Je me souviens qu'il y a quelques années, ça faisait beaucoup les manchettes, justement. Il faut réduire les temps d'attente, réduire les temps d'attente.

Elizabeth : C'est ça, exactement.

Annie : Donc, ça serait des améliorations qui pourraient être faites, grâce aux données de santé qu'on a recueillies.

Elizabeth : Oui.

Annie : Fantastique! Au Canada, il y a plusieurs échelons de responsabilité au niveau de la santé. La prestation des services de santé relève, comme Elizabeth le dit, des compétences des provinces et des territoires. Puis, le gouvernement fédéral, lui, il travaille de concert avec eux pour dresser un portrait national de l'état de santé de la population. Donc, pouvez-vous me parler de l'importance du partage des données entre ces échelons-là?

Elizabeth : Mais oui. C'est un problème complexe, puis je dirais qu'il y a différents niveaux.

Donc, premièrement, même dans notre propre région où on habite ou dans la province, le partage des données ne sont pas bien partagées. Elles sont pris dans le système électronique, dans les bureaux de médecins. Donc, il faut améliorer le partage de données d'une façon locale, en premier, et aussi de pouvoir les partager entre les provinces, pour qu'on puisse avoir cette image complète du nveau national. Donc, c'est vraiment ça qu'on est en train de faire en collaboration avec les provinces et les territoires.

Annie : C'est d'améliorer ce partage-là.

Elizabeth : C'est ça, exactement.

Annie : Ok, parce qu'on sait que les gens aussi restent pas à une place seulement. On sait qu'il y a beaucoup de mobilité, on sait que les gens se promènent. Donc, c'est de là aussi l'importance que leurs données puissent les suivre facilement.

Elizabeth : Exactement, puis c'est vraiment ça la vision. C'est que chaque point dans le système de santé que tu visites, que tes données vont te suivre. Si je vais à mon fournisseur de la santé en première ligne, à l'hôpital ou service de santé mentale, ça devrait te suivre. Mais, en ce moment, je pense que plusieurs Canadiens pensent que cette information leur suit, mais ça l'arrive vraiment pas en actualité.

Annie : J'ai déjà comparé, justement, le travail des épidémiologistes, des détectives de santé essentiellement, de pouvoir faire des liens s'il y a des liens à faire justement dans certains problèmes. Tu parles d'intervention, et puis souvent on réagit aux données qui nous sont rapportées.

Est-ce qu'on voit un peu un changement à être un peu plus proactifs dans nos interactions? Est-ce qu'il y a des nouvelles façons de surveiller qui rendent que on sait les tendances avant qu'elles se manifestent ou avant qu'elles soient rentrées dans le système de santé. Je pense, par exemple, à des nouvelles méthodes de surveillance avec les eaux usées.

Eleni : Ah, oui absolument. Oui, oui. Puis, malheureusement des crises de santé, comme la COVID, causent beaucoup de dommages, beaucoup de souffrances, mais aussi amènent à des innovations au niveau de la santé, au niveau de la recherche, au niveau des interventions. Puis ça, c'est un très bon exemple quand qu'on a, on avait pu accès aux tests au niveau individuel, c'est-à-dire il y avait tellement de cas durant la vague Omicron que les laboratoires ne fournissaient plus. On a arrêté de tester tout le monde qui avait des symptômes. On a commencé à se pencher à d'autres sources de données pour comprendre qu'est-ce qui se passait dans la communauté. Puis, les eaux usées ont été extrêmement utiles à ce niveau-là.

Donc, quand quelqu'un est infecté, ben, tu peux tester chaque personne ou tu peux tester les eaux usées, puis pouvoir trouver un signal que oui, en effet, la COVID est rentrée dans notre communauté, est présente, puis t'es pas obligé de tester tout le monde, mais tu peux tester l'eau usée une ou deux, trois fois, puis voir ce signal-là. Ça, ça nous a aidés à sauver des sous et avoir un système qui est beaucoup moins invasif. On s'attend pas à ce que chacun doive aller voir son médecin, doive aller voir son pharmacien, doive se présenter au laboratoire.

Annie : Elizabeth, est-ce que des changements dans les systèmes de surveillance dans le milieu de santé, est-ce qu'on a vu beaucoup dans les dernières années, est-ce que ça se modernise? Par exemple, on parlait des dossiers électroniques. Est-ce que c'est quelque chose qui s'améliore avec le temps? Est-ce qu'on voit un peu plus de compatibilité entre les systèmes au fur que les années avancent? Il y a beaucoup de technologies sur le marché. J'ose croire qu'il y a des logiciels qui sont nouveaux, qui sont plus compétents, qui sont plus polyvalents, et puis est-ce que ça bénéficie justement les provinces, mais aussi les collectes de données?

Elizabeth : Oui, je pense que ça commence à améliorer. Je dirais que la majorité des professionnels de santé sont en train d'utiliser des systèmes électroniques pour partager les données. Je pense que c'est comme 95 % des cliniciens. Mais, comme j'avais expliqué, le problème, c'est que la majorité des systèmes qui existent aujourd'hui ne se parlent pas. Ils sont pas « compatables ». Puis, il y a aussi le problème que si les systèmes sont les tuyaux,

Annie : Oui.

Elizabeth : l'eau dans les tuyaux n'est pas « consistant » non plus. Donc ça, c'est une autre question qu'on essaie de relever. C'est d'avoir des normes pour mieux améliorer la « compabilité » des systèmes et des données qui vont dans les systèmes.

Annie : Donc, si je comprends bien, c'est qu'on puisse comparer les données entre elles pour, si elles se ressemblent assez essentiellement. Si tout le monde soumet leurs données, mais qu'on peut pas faire de comparaison, qu'on peut pas mener des analyses, qui vont donner des résultats probants.

Elizabeth : Oui. Donc ça, c'est super important. Puis aussi, juste le niveau technique que les systèmes eux-mêmes doivent être capables de se parler.

Donc, on est en train de faire beaucoup de travail pour pouvoir faire ces améliorations-là. Les provinces et les territoires travaillent avec des groupes, comme Inforoute ou l'Institut canadien d'information sur la santé, pour pouvoir adopter ces normes et aussi travailler avec les compagnies qui produisent les systèmes électroniques pour que tout le monde conforme aux mêmes normes. C'est vraiment pas une question de créer un grand système pour tous les données, c'est pour soutenir l'innovation de plusieurs systèmes, mais afin qu'il puisse…

Annie : Ce bout de ligne, tout le monde se parle.

Elizabeth : C'est ça.

Annie : Ok. Mais, c'est quand même excitant d'entendre qu'à peu près 95 % des docteurs…

Elizabeth : l'utilisent, mais seulement environ 29 % des cliniciens sont en train de partager leurs données électroniquement, puis seulement 39 % des Canadiens peuvent accéder à leur information électronique.

Annie : On va en parler de ça, de l'accès, qu'un individu puisse avoir accès à ces données, mais on a touché à la pandémie. Je veux qu'on revienne un peu en arrière là-dessus, la fameuse pandémie. Quand il y a une urgence de santé publique, c'est évident que quand la poussière retombe, c'est l'heure du bilan. Donc, quelle conclusion a été tirée de la pandémie en ce qui concerne l'importance de l'échange ou du partage des données de santé?

Elizabeth : Je vais laisser Eleni parler de santé publique, mais je dirais, dans le contexte du système de santé, quand la pandémie nous a frappés, on a dû trouver des solutions pour offrir des soins de santé dans un contexte virtuel. C'était vraiment important, dans ce moment-là, qu'on trouve une façon de partager l'information électroniquement. C'est vraiment ça qui a comme forcé toutes les provinces et les territoires de venir ensemble pour trouver des solutions et de pouvoir partager ces données-là.

Annie : Et rapidement.

Elizabeth : Rapidement, très rapidement. C'est vraiment ça qui a mis la lumière sur l'importance de partager les données. Puis, c'est dans ce contexte-là qu'on a vraiment commencé le travail sur l'interopérabilité. C'est un mot super complexe pour dire le partage d'information dans les systèmes qui peuvent se parler. Et aussi, c'est de mieux aligner toutes les politiques, les manières de bien gérer les données pour que ça soit un petit peu plus « consistant », puis qu'il y a moins de barrières pour partager les données.

Eleni : Moi, je dirais que, puis ça vient un petit peu de mon expérience personnelle durant mon travail durant la pandémie, il y a comme deux grandes leçons que moi j'ai fait face. Une, c'est on collectait beaucoup de données durant la pandémie sur ce qui se passait, le nombre de cas, le nombre de gens qui étaient hospitalisés, le nombre de décès, les souches de la COVID qui étaient en train de se propager. Mais, les données, on était pas capables de les lier ensemble du tout ou pas assez vite.

Annie : Ok.

Eleni : Pour nous aider à répondre de façon ciblée, précise et rapide. Et puis, je vais vous donner un exemple. Un, c'est je me souviens durant quand qu'on passait de la vague Delta à la vague Omicron, vers la fin de de l'an 2022, je pense que c'est 2021, on a vu une augmentation du nombre d'enfants qui étaient hospitalisés avec la COVID, ce qui était très inquiétant.

Annie : Oui.

C'est juste avant les fêtes, puis on savait pas trop comment communiquer ça, parce que ce qui nous manquait c'était, nous, on voyait le nombre d'enfants hospitalisés augmenter, puis on voyait qu'il y avait une nouvelle souche qui rentrait au Canada, c'était la souche Omicron à la fin de la vague Delta, mais on savait pas si ce qui se passait chez les enfants c'était du Delta ou de l'Omicron. Donc ça, on savait donc pas si on devait dire à la population : allez-vous faire vacciner parce qu'on a un vaccin qui est bon contre cette souche-là…

Annie : Oui.

Eleni : ou faites attention durant le temps des fêtes, ne voyez pas trop, ne vous mettez pas trop en grand groupe, parce que ça pourrait propager cette nouvelle souche-là, parce que les données du laboratoire n'étaient pas liées aux données de l'hôpital. On pouvait pas savoir quelle souche c'était.

C'était tellement frustrant en tant que médecin de santé publique parce qu'on pouvait pas cibler notre réponse.

Annie : Quelle intervention est-ce qu'on priorise justement.

Eleni : Oui, exactement. Je dirais que ça, c'était une des grandes leçons. La deuxième pour moi, c'était on collectionnait beaucoup de données, mais on s'est rendu compte qu'on collectionnait pas assez de données précises sur qui était affecté, et particulièrement les données sur la race et l'ethnie, entre autres-là, mais il y a d'autres exemples aussi là. Puis tu sais, ça fait 25 ans que je pratique en santé publique, puis on se disait, ben non, tu sais comme on comprend qu'est-ce qui se passe au niveau de la population canadienne, on est pas obligés d'avoir ces données-là.

Mais, durant la COVID, on s'est rendu compte que non, c'est important de savoir si la COVID touche des communautés autochtones, si la COVID touche plus fortement certaines communautés raciales ou culturelles, parce que si on connaît pas cette information-là, on n'est pas capables encore une fois d'aller aider les bonnes personnes, les personnes qui sont le plus affectées par la pandémie ou les vagues qui en suivent.

Annie : Oui.

Elizabeth : Je suis vraiment d'accord avec tout ça. Puis, on avait comme un conseil d'experts qui nous a donné des conseils afin d'améliorer nos approches à l'avenir. Puis, c'était vraiment comme ils ont touché sur toutes ces thématiques-là qu'on avait vraiment besoin une approche pancanadienne, un meilleur interopérabilité, un meilleur alignement des politiques, mais aussi un changement au niveau de la culture. Ça, c'est un petit peu plus difficile à expliquer, mais je pense que généralement on a la tendance de comme détenir l'information de santé par crainte à la vie privée, mais il y a vraiment comme une obligation morale de partager les données de santé pour le bien du public. Puis, tous les exemples que tu as décrits, Eleni, c'est vraiment pour ces raisons-là, qu'on puisse avoir les données d'une façon rapide pour prendre des décisions au niveau de la population. C'est super, super important.

Annie : Puis, je veux dire, le mot que t'as pas dit, mais c'est que essentiellement, il y a comme plus de risque à ne pas partager les données…

Elizabeth : 100%, 100 %.

Annie : qu'à les partager, parce que je suis certaine qu'il y a des protocoles pour respecter la vie privée puis protéger les données, mais au-delà de ça et même avec ces politiques-là, on peut tout de même partager les données. Puis, c'est que oui, on dirait que c'est sous clé dans un coffre-fort, puis ça vaut de l'or ces données-là. Mais, si elles sont dans un coffre-fort, non en fait elles ne valent rien, il faut les partager pour qu'elles aient de la valeur puis pour que le système de santé soit en meilleure santé également. Tu voulais réagir Eleni.

Eleni : Peut-être aussi, aider, j'aimerais ça que les gens voient que quand on partage les données avec le système, c'est pas le système, c'est aussi des médecins, des infirmières, des gens…

Elizabeth : C'est ça que j'allais dire, moi aussi.

Eleni : qui s'occupent de toi, puis tu les vois pas nécessairement parce que c'est pas ton médecin de famille ou l'infirmière que tu vois à l'urgence, mais ils travaillent dans le système de santé publique, ça peut être au gouvernement ou ça peut être à ta régie régionale de santé publique. Ils sont là pour s'occuper de la santé de ton quartier, de ta communauté, de ta ville pour tes, pour que ton information contribue à leur diagnostic puis à leur traitement de ce qui se passe qui peut être invisible, que ça soit, je sais pas moi, une augmentation des cancers, qui se produisent parce que t'es exposé à des toxines environnementales, ben il y a quelqu'un qui s'occupe de ça. Puis, quand tu partages ces données avec le système, ben on peut s'occuper de toi et de ta communauté.

Annie : Donc, quand on pense au partage de renseignements personnels, ben les données des patients sont au cœur de ces échanges-là. Donc, comment est-ce qu'on fait pour justement protéger les données personnelles. Parce que si on les échange, comment, c'est quoi les politiques qui sont en place ou les méthodes qui sont en place?

Elizabeth : Il y a un mélange de lois au niveau fédéral, provincial, territorial qui protègent la vie privée, puis il y a beaucoup de politiques qui existent aujourd'hui pour protéger. Il y a aussi les systèmes eux-mêmes qui doivent s'aligner avec des normes pour protéger ta sécurité et ta vie privée. Je pense le plus grand problème, c'est que, aujourd'hui, ces règlements-là sont pas toujours consistent. Il y a beaucoup de variétés.

Et aussi, des interprétations différentes de « l'énement » (événement) politique, puis c'est ça qui cause des problèmes avec le partage de données. Donc, ça fait rapport à la question de culture que j'avais mentionnée. Il y a des interprétations où on est plus, on a plus de tendance de garder les données en place, au lieu de les partager pour le bien du public.

Annie : Et ça, ben c'est le patient qui est affecté par ça, justement, par ce choix-là, ces décisions-là. Puis, est-ce que à travers ça, puis à cause de ces conséquences-là sur le patient, est-ce que il y aurait un mouvement vers justement comme l'auto-responsabilisassions, puis essentiellement, comme je dois m'occuper de mes propres données de santé et m'assurer de les accumuler, de les protéger, mais de les partager également.

Elizabeth : Je pense que c'est un peu des deux choses. Premièrement, oui absolument. Et ça fait vraiment partie de la vision du gouvernement du Canada. On veut que tous les Canadiens soient capables d'accéder leurs propres informations de santé, qu'ils se sentent en contrôle de leurs données. Je pense que c'est important parce que ça te donne, tu sais, un petit peu d'autonomie pour pouvoir gérer ta santé.

Mais, c'est aussi important que les systèmes en arrière-là que les médecins, les professionnels de santé sont en train d'utiliser, peuvent aussi garder cette information et la partager d'une façon sécuritaire. Donc, on veut que les deux choses soient capables de fonctionner.

Annie : Certain.

Elizabeth : Puis, je dirais aussi une de les choses que les provinces et territoires sont en train de faire, c'est d'adopter des normes sur comme un genre de résumé commun de chacun de nos informations…

Annie : De nos dossiers.

Elizabeth : Nos dossiers. Donc, c'est l'information la plus critique, tu sais, les allergies, les médicaments, des visites récentes à l'hôpital, par exemple. C'est cette base d'information commune qu'on essaie de, en premier temps, assurer que ça soit capable d'échanger et que le patient soit capable de l'accéder.

Annie : Oui, certainement.

Elizabeth : Donc, le meilleur exemple, le Nouveau-Brunswick eux, il vient juste de lancer un résumé du patient géré par le patient. Donc, sur ton téléphone, c'est une application. Tu peux avoir tout ton information, pas tout, mais une grande majorité de ton information et tu peux utiliser, j'ai oublié le mot en français un « barcode » (code barres)…

Annie : On va le prendre.

Elizabeth : Tu peux le télécharger et donner la permission à autres professionnels de santé de l'utiliser, soit dans ta province, une autre province, à l'international.

Annie : Donc, c'est comme complémentaire à ta carte de province de santé.

Elizabeth : Oui.

Annie : Quelle belle initiative, quel beau projet.

Eleni : Je dirais aussi qu'à quelques exceptions près, quand l'information est transmise du médecin ou du laboratoire ou de la pharmacie ou de l'hôpital au système de santé publique ou au gouvernement pour s'occuper de la santé populationnelle, généralement tout ce qui identifie l'individu ou le patient est enlevé des données du dossier pour ne pas justement identifier qui est affecté par quoi, quelle maladie.

Bon, les exceptions à ça, c'est quand que au niveau de la santé publique locale, on doit faire un tracé des contacts du patient, etc. mais généralement l'information qui identifie un individu est enlevée des données et, de même, les données sont mises en commun. Donc, on parle pas du patient, je sais pas moi, Jean-Louis, on parle les hommes de 45 à 50 ans ont un plus grand risque de diabète ou de cancer.

Annie : Quelconque.

Eleni : Oui, fait que ça c'est deux autres façons qu'on utilise pour protéger les données.

Annie : Donc, de nos jours, rares sont les gains qui n'ont pas de risque. Donc, quels sont d'après vous certains des plus grands obstacles et défis en ce qui concerne une approche coordonnée, je regarde Elizabeth pour la collecte, l'échange et l'utilisation des données à l'échelle nationale? On y a touché ici et là, mais les plus grands obstacles et défis, est-ce que tu pourrais parler peut-être pour, par exemple, on a une population vieillissante et puis on a beaucoup de nouveaux arrivants. Donc, comment est-ce que ça peut aussi avoir comme impact sur certaines populations?

Elizabeth : Oui, il y a beaucoup de défis à relever encore, puis je pense qu'un des plus grand défis c'est que chaque province et territoire sont à un niveau de progrès différent, donc il y en a qui sont plus avancés que les autres. Il faut de façon coordonnée essayer d'aller dans une direction commune et essayer d'avoir du progrès dans un rythme assez commun aussi pour que tous les Canadiens puissent bénéficier. Parce que, tu sais, moi Elizabeth, je devrais pas bénéficier plus parce que je vis l'Ontario versus quelqu'un qui habite au Nunavut ou l'Île-du-Prince-Édouard. Donc, on essaie vraiment de…

Annie : D'avoir une parité.

Elizabeth : Oui, d'avoir une parité et de vraiment utiliser les ressources qu'on a pour soutenir toutes les provinces, dépendant du niveau de progrès qu'ils font pour que tout le monde puisse bénéficier. Puis, je dirais pour certaines populations, peut-être Eleni pourrait élaborer là-dessus.

Eleni : Oui, ben, ce qui n'est pas mesuré, ce qui n'est pas collecté, ce qui n'est pas analysé n'existe pas. On ne le sait pas, fait qu'on peut pas identifier le problème, on peut pas aider à corriger le problème, quand on ne sait pas ce qui se passe. Puis, on a eu une approche très égalitaire au niveau historique-là, puis ça, c'est bon, parce qu'on a essayé d'avoir une approche semblable, mais ça ne révèle pas quand il y a une inégalité importante parce qu'on on ne va pas la chercher. Donc, oui, ça peut causer des problèmes.

Elizabeth : Oui, c'est important d'avoir des normes sur les données, sur la collecte des données qui peuvent répondre à ces défis-là, alors pour qu'on puisse collecter des données qui sont vraiment représentant de la diversité de notre population. Et comme on avait discuté, ça nous aide à ensuite pouvoir comparer et identifier les problèmes qu'on doit…

Annie : Qu'on doit résoudre.

Elizabeth : Qu'on doit résoudre, oui. Et c'est aussi un petit peu l'importance d'avoir des données agrégées, mais aussi désagrégée, pour qu'on puisse comprendre les questions thématiques sur ce qu'est la race ou les choses comme ça.

Annie : Les groupes d'âge, les genres, etc.

On a parlé des obstacles, on a parlé des progrès, je vais vous laisser le mot de la fin. Je pense qu'on a fait le tour de la question en ce qui concerne la collecte de données puis l'importance du partage, le respect et la protection de la vie privée et des données privés. Est-ce qu'il y a quelque chose en particulier que vous souhaitez que nos auditeurs retiennent en ce qui concerne leurs données de santé.

Elizabeth : Moi, le message clé à dire que je pense que les données de santé peuvent sauver des vies. Puis, si ce n'est pas bien partagé entre les diverses parties du système de santé, il va y avoir des vraiment grands risques. Ça peut avoir des mauvais traitements, des répétitions de procédures, tu sais, c'est pas efficace, puis ça peut avoir des vrais risques sur la santé des Canadiens, de toi-même, de ta famille. Donc, j'encourage les Canadiens de vraiment demander d'un meilleur système de santé qui bénéfice d'un partage de données connecté.

Eleni : Je suis complètement d'accord que la partage des données peut sauver des vies, et à chaque niveau. Donc, c'est évident quand tu partages tes données avec ton médecin ou ton intervenant de la santé, cette personne-là peut t'aider directement puis sur le coup, mais également le partage de ces mêmes données-là au niveau de la santé publique que ce soit régional, provincial ou national aide ces gens-là à mieux diagnostiquer les problèmes de ta communauté et de t'aider à les résoudre. Et de même, aide le gouvernement puis notre système de santé à mieux s'autogérer pour être sûr que les ressources sont mises où il y le plus de problèmes et donc nous à avoir une santé populationnelle au Canada qui soit la meilleure qu'elle puisse être.

Annie : Excellent, merci infiniment à vous deux.

Eleni : Merci.

[Son de pouls]

Annie : Merci d'avoir été à notre écoute.

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2025-01-22