Dossiers d'intérêt particulier - Rapport annuel 1997-1998


A. Dossiers d'intérêt particulier pour 1997-1998

Cette partie du rapport de vérification présente les résultats des principales recherches et analyses qu'a effectuées le Comité au cours de l'exercice financier. Ces études spéciales s'ajoutent aux autres formes de recherches menées par le CSARS et visent à les compléter et à les étayer.

La sélection des dossiers que le Comité scrute en profondeur tient à divers facteurs dont l'évolution du contexte international de la menace, les changements technologiques, la nécessité d'assurer le suivi de ses propres recommandations, les nouvelles orientations gouvernementales importantes qui, à son avis, pourraient influer sur les activités du Service, les changements structurels au sein du SCRS même ou un déplacement de l'accent de ses enquêtes ainsi que toute autre question intéressant les membres du CSARS.

Voici les dossiers qui, cette année, revêtent un intérêt particulier pour le Comité : les enquêtes du SCRS sur la violence politique en milieu urbain; l'affaire Meshal à Amman, en Jordanie; le rôle du Service quant au filtrage des immigrants; les questions entourant un conflit étranger et plusieurs menaces intérieures; la coopération au sein de l'administration gouvernementale en matière de sécurité économique; les politiques et procédures touchant l'échange d'informations avec les organismes d'application de la loi et les ministères; le programme de liaison du Service avec les agences de renseignement étrangères; ainsi que le premier volet de notre étude sur la coopération du SCRS avec la Gendarmerie royale du Canada.

Le Comité fait en outre état de quatre autres études de moindre envergure. La première traite des politiques du Service à l'égard des institutions « névralgiques », la deuxième, de la conduite d'une opération particulière faisant appel à une source humaine, la troisième, des mesures correctives prises à la suite d'un manquement à la sécurité survenu au Service, et la dernière, d'une affaire de contre-espionnage revêtant un intérêt historique.

La violence politique en milieu urbain - Rapport no 94

En 1997, nous avons examiné quatre enquêtes menées par le Service sur des personnes et organisations canadiennes en vertu de l'article 12 et de l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS — partie de son mandat qui l'oblige à enquêter sur les menaces de « violence grave » visant à atteindre un objectif politique, mieux connu sous le nom de clause sur « l'antiterrorisme ». L'une des raisons qui ont poussé le Comité à se pencher sur cette série particulière de cas est qu'il voulait s'assurer que le SCRS ne faisait pas d'enquêtes d'antisubversion en vertu de son mandat sur l'antiterrorisme. Les enquêtes menées en vertu de l'alinéa 2d) de la Loi, traitant d'« antisubversion », et les autorisations de ciblage correspondantes doivent être autorisées personnellement par le MinistreNote de bas de page 1, ce qui n'est normalement pas exigé pour les autres catégories d'enquêtes.

Comme pour la plupart de ses examens, le Comité a aussi cherché à évaluer si le Service avait des motifs raisonnables de soupçonner l'existence d'une menace, si le niveau des enquêtes était approprié à la gravité et à l'imminence de la menace et si l'information recueillie était strictement nécessaire. Pour leur vérification, les recherchistes du CSARS ont pu consulter tous les rapports et dossiers produits par le SCRS au fil de ses enquêtes.

Constatations du Comité

Les deux premières affaires portent sur une séries d'incidents violents survenus au milieu des années 90. Nous avons conclu que le Service avait des motifs raisonnables de soupçonner l'existence d'une menace à la sécurité nationale et qu'il avait recueilli uniquement l'information strictement nécessaire pour conseiller le gouvernement.

Cependant, le Comité a aussi observé certains heurts survenus entre le SCRS et le service de police qui menait une enquête criminelle parallèle sur les mêmes cibles. Les frictions gravitaient autour des exigences imposées par les tribunaux en matière de divulgation depuis l'arrêt R. c. Stinchcombe [voir « R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326 »].

Selon l'interprétation de la décision par le service de police, toute information que ce dernier détenait, qu'elle fut verbale ou écrite, officielle ou non, et quelle qu'en fut la source, pouvait devoir être divulguée au tribunal. Pour assurer l'intégrité et la sécurité de ses enquêtes et méthodes, le SCRS a réagi à cette position en filtrant avec soin tous les renseignements échangés avec ce service de police. Même s'il est convaincu que les effets de ce désaccord étaient plutôt régionaux et temporaires, le Comité continuera de suivre les répercussions que l'arrêt Stinchcombe pourrait avoir sur les opérations du Service et sur ses relations avec d'autres organismes compétents, surtout en matière d'antiterrorisme.

La troisième affaire que nous avons examinée est une enquête liée à un secteur d'intérêt, qui s'étendait à tout le pays mais se concentrait surtout à Toronto et à Vancouver. Des quelque 200 rapports, au moins, générés par cette enquête dans les régions, deux n'étaient pas strictement nécessaires, à notre avis. Dans le premier, l'information recueillie ne concernait aucune activité violente, quelle qu'elle soit. Le Service s'est dit d'accord avec notre observation et a par la suite supprimé le rapport de sa banque de données. Le second rapport que nous avons mis en doute traitait du séjour au Canada d'un représentant de parti politique étranger. Même si le Comité n'acceptait pas, au début, la raison invoquée par le SCRS pour justifier sa participation à l'affaire, l'information qu'il nous a fournie depuis nous a amenés à conclure à l'existence effective d'une menace éventuelle à la sécurité nationale.

Nous n'avons relevé aucun problème dans la quatrième enquête que nous avons scrutée.

Antiterrorisme ou antisubversion?

Le Comité est convaincu que les quatre enquêtes ont été menées sur la base des articles pertinents de la Loi et ont été autorisées selon les règles. La sélection des cibles et toutes les activités d'enquête ainsi que tous les rapports étaient fondés sur un risque de violence visant à atteindre un objectif politique, et non sur la nature des opinions politiques mêmes. De plus, les méthodes d'enquête employées étaient adéquates à la gravité de la menace.

La coopération opérationnelle et l'affaire Meshal

Les médias ont fait état de deux agents du service de renseignement israélien appelé Mossad qui, munis de passeports canadiens, avaient tenté le 25 septembre 1997 d'assassiner un représentant, Khaled Meshal, de l'organisation palestinienne HamasNote de bas de page 2, à Amman, en Jordanie. L'attentat ayant échoué, les autorités jordaniennes ont arrêté les deux hommes et saisi leurs passeports. Cet incident et l'utilisation de passeports canadiens par le service de renseignement israélien ont soulevé bien des questions au sujet de la coopération du SCRS avec des organismes étrangers, certaines ayant fait grand bruit à l'époque dans divers médias.

Le Comité de surveillance a consacré beaucoup d'énergie à examiner les événements entourant cet incident, surtout en raison de la gravité des allégations, soit que le SCRS pouvait avoir pris part à une tentative d'assassinat dans un pays étranger.

Méthode suivie par le CSARS dans son examen

Pour déterminer si le SCRS avait trempé dans l'affaire Meshal et quel rôle il y avait joué, nous avons examiné tous ses dossiers pouvant avoir trait à l'incident et ceux touchant la coopération opérationnelle du Service avec les autorités israéliennes. Nous avons scruté les enquêtes sur les cas antérieurs où l'on présumait qu'il y avait eu usage abusif de passeports canadiens, et les avis que le SCRS avait donnés au gouvernement. Nous avons noté que le gouvernement du Canada avait protesté auprès des autorités israéliennes au sujet de ces cas. Le Comité de surveillance a aussi examiné tous les échanges de renseignements entre ces dernières et le Service de 1992 à 1997.

Dans nos enquêtes, nous avons aussi interviewé personnellement les autorités compétentes, dont des fonctionnaires du SCRS, des représentants consulaires canadiens et un haut fonctionnaire du Bureau des passeports. Nous nous sommes aussi entretenus avec l'ancien ambassadeur du Canada en Israël, M. Norman Spector, en raison de ses déclarations publiques sur l'affaire, et entre autres sur l'usage abusif de passeports.

Constatations du Comité — Principaux points

Même si le SCRS a fourni une aide opérationnelle aux autorités israéliennes par le passé,

  • le Comité n'a trouvé aucune preuve d'une participation quelconque du Service à l'affaire Meshal, à Amman;
  • le CSARS n'a trouvé aucune preuve que les autorités israéliennes avaient consulté le SCRS avant la tentative d'assassinat;
  • le Comité n'a trouvé aucune preuve (ni dans cet incident ni dans quelque autre cas) que les autorités israéliennes aient demandé au Service à utiliser des passeports canadiens;
  • le CSARS n'a trouvé aucune preuve, non plus, que le SCRS ait fourni des passeports canadiens aux autorités israéliennes ou fermé les yeux sur l'utilisation de tels passeports.

Usage abusif de passeports

Dans notre examen des dossiers du SCRS, nous avons cherché des informations indiquant si le Service savait de manière générale que les passeports canadiens faisaient l'objet d'un usage abusif et s'il en avait informé le gouvernement. Nous avons trouvé que le Service avait fourni des renseignements complets à ce dernier sur cette question, qu'il avait fait une enquête poussée sur tous les cas d'usage abusif de passeports canadiens par des agences de renseignement étrangères et, à une exception près, qu'il avait signalé aux organismes gouvernementaux compétents tous les cas d'usage abusif présumé de passeports.

Aux questions que nous lui avons posées sur cette unique exception, le Service nous a expliqué qu'il n'avait pas signalé ce cas parce que, s'il l'avait fait, il aurait compromis des renseignements fournis par un tiers, en l'occurrence un service de renseignement étranger.

Quant aux conseils que le SCRS avait donnés au gouvernement à cet égard, un directeur du Bureau canadien des passeports — organisme gouvernemental investi de la responsabilité première en matière de passeports — a affirmé au Comité que les renseignements du Service avaient été fort utiles et qu'il ne connaissait aucun cas où des informations pertinentes avaient été passées sous silence.

« Troc » de renseignements

Le Comité a relevé dans les médias des allégations voulant que le SCRS ait fourni les passeports canadiens ou « fait mine de rien » en échange d'informations de représentants d'Israël. Nous n'avons trouvé aucune preuve de l'existence d'une telle entente entre les autorités israéliennes et le SCRS au sujet des passeports ni de quelque autre échange irrégulier.

Cette conclusion se fonde sur un examen des dossiers du Service et sur des entrevues avec certains de ses agents et des diplomates. Nous avons déterré des dossiers antérieurs à la Loi sur le SCRS ainsi que recherché et interviewé des agents du Service à la retraite qui auraient été au courant d'ententes de « troc ». Aucune allégation n'a pu être corroborée de quelque manière que ce soit.

Le Comité est conscient de l'importance de la politique du « donnant, donnant », ou de la contrepartie, dans le milieu du renseignement. Il ne voit cependant rien qui en fonde l'existence dans cette affaire. Il en est venu à la conclusion que celle-ci était entrée dans la mythologie urbaine — une légende maintes fois répétée mais dénuée de tout fondement dans les faits.

Les passeports saisis : s'agit-il de faux ou de vrais passeports « acquis » clandestinement?

Les autorités jordaniennes ont remis les deux passeports saisis aux autorités canadiennes. Après en avoir fait une inspection technique, les spécialistes judiciaires de la GRC ont conclu qu'il s'agissait de faux. Les spécialistes techniques du SCRS ont ensuite procédé à leur propre expertise des deux documents et conclu ce qui suit :

  • les passeports étaient entièrement contrefaits;
  • la contrefaçon était d'excellente qualité;
  • compte tenu de la fabrication soignée des faux passeports, on les avait probablement fabriqués en grande quantité.

L'information du Service a été communiquée aux organismes fédéraux compétents en matière de passeports et chargés de surveiller les points d'entrée au pays.

Nature et ampleur de la coopération entre le SCRS et Israël

Dans la foulée de la tentative d'assassinat survenue à Amman, on s'est demandé si les relations entre le SCRS et les autorités israéliennes se limitaient aux échanges de renseignements ou s'il y avait eu coopération sur le plan opérationnel.

Pour la période 1992-1995, le Comité a relevé quatre affaires de coopération entre le Service et les autorités israéliennes. Il les a toutes scrutées pour déterminer si le SCRS s'était conformé aux politiques, aux instructions du Ministre et à la loi. Il a décelé un problème dans un cas et une ambiguïté évidente des politiques dans un autre.

Défaut d'obtenir une confirmation indépendante

La première affaire concerne des évaluations effectuées par les autorités israéliennes et transmises au Service. Dans un élément de l'affaire, il est évident que le SCRS avait négligé de faire confirmer par un tiers l'information échangée. Nous avons fait part au Service de notre inquiétude au sujet de cette affaire qui impliquait une aide opérationnelle (voir plus loin), et lui avons recommandé la ligne de conduite à tenir.

Lacune sur le plan des politiques

L'une des conjectures des médias au sujet de l'affaire Meshal est que le SCRS et le Mossad auraient participé à des « opérations mixtes ». De l'avis du Comité, le sens du terme « opérations mixtes », qu'on retrouve dans le Manuel des politiques sur les opérations du Service, est pour le moins ambigu, comme le montre la deuxième affaire, la seule qui a débordé le cadre de l'échange d'informations et qui est presque devenue une « opération mixte ».

Dans cette affaire, le SCRS a procuré à des représentants étrangers au Canada une aide que le Service a qualifiée de pressante. C'est ainsi que, conformément à l'instruction ministérielle, l'activité a été approuvée par un cadre supérieur du SCRS et le Ministre a été informé après le fait.

Le Manuel des politiques sur les opérations du SCRS contient des dispositions sur l'« aide opérationnelle » et les « opérations mixtes » et habilite la haute direction du SCRS à approuver l'une ou l'autre de ces formes de coopération opérationnelle si la chose est pressante. Par contre, selon l'instruction du Ministre, la « coopération opérationnelle » avec les services étrangers doit, en règle générale, être approuvée à l'avance et toute « aide opérationnelle » peut être autorisée par les cadres supérieurs du Service en cas d'urgence. L'instruction du Ministre reste silencieuse sur la question des « opérations mixtes ».

Le Comité estime que, dans ces deux documents d'orientation, un certain nombre de termes clés ne sont pas définis clairement, de sorte que l'instruction du Ministre et le Manuel des politiques du Service semblent incohérents quant aux règles de conduite à suivre par les agents du SCRS. Il croit que ce dernier et le Ministère devraient faire le nécessaire pour combler ces lacunes.

Rôle du SCRS dans le filtrage des demandes d'immigration - Rapport no 105

Ampleur de la vérification et méthode suivie

L'objectif premier de cette étude était de comprendre le rôle du Service dans l'assistance fournie au gouvernement à l'égard de son Programme d'immigration, et d'évaluer la qualité des relations du Service avec ses interlocuteurs de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Même si notre examen était axé sur le rôle du SCRS dans la prestation de conseils et d'informations à CIC, nous avons aussi scruté les priorités et stratégies de ce ministère dans la mesure où elles influaient sur les fonctions du Service. Ainsi, nous avons appris qu'en 1998-1999, CIC s'emploiera à resserrer le filtrage aux points d'entrée au Canada, dont ceux situés à l'étranger et dans les aéroports internationaux. On peut donc prévoir un accroissement correspondant des activités du SCRS dans ces secteurs.

Pour mener à bien cette étude, les recherchistes du CSARS ont rencontré des fonctionnaires de CIC et du SCRS et des membres des milieux juridiques gouvernemental et privé, qui s'occupent du droit relatif à l'immigration et aux réfugiés, ainsi que des organisations non gouvernementales oeuvrant en ce domaine. Tous les dossiers et comptes rendus d'entrevues pertinents du SCRS et tous les mémoires envoyés à CIC ont été examinés. De plus, le Comité a effectué des vérifications dans trois Centres de traitement des demandes d'immigration (deux au Moyen-Orient et l'autre à Buffalo, New York). Il a interviewé un ambassadeur et plusieurs gestionnaires du Programme d'immigration afin de mieux comprendre les rapports de coopération. CIC nous a informés que ses rapports avec le Service sont extrêmement bons.

La nature des rapports de coopération

Depuis la création du SCRS, divers programmes coopératifs ont vu le jour, définissant les mécanismes qui amènent le Service à épauler les efforts du Canada pour contrôler l'immigration :

  • la demande de résidence permanente pour immigrants et réfugiés (au Canada et à l'étranger);
  • le filtrage des demandes de dignitaires étrangers et de visiteurs au Canada;
  • les mesures d'exécution (arrestations, détentions, expulsions);
  • le filtrage des revendicateurs du statut de réfugié;
  • l'étude des demandes de citoyenneté.

Pour ces programmes, les pouvoirs nécessaires au filtrage d'immigration sont conférés au Service en vertu des articles 14 et 15 de la Loi sur le SCRS. Lorsqu'il prête cette assistance, il échange des informations sur les questions relatives aux menaces à la sécurité du Canada, telles que définies à l'article 2 de la Loi sur le SCRS, et il conseille CIC quant aux catégories non admissibles prévues à l'article 19 de la Loi sur l'immigration. Le Service effectue en outre les enquêtes nécessaires au filtrage des immigrants, dont les entrevues requises à cette fin.

Constatations du Comité

Les mécanismes de coopération correspondant à chacun des programmes mentionnés plus haut sont décrits de façon assez détaillée ailleurs dans le rapport [voir la section 2 : Enquêtes sur les plaintes]. Le but du Comité dans la partie qui suit est d'examiner les activités entreprises par le Service pour prêter assistance à CIC et influant sur l'ensemble des rapports de coopération.

Informatisation accrue du traitement des demandes d'immigration et du statut de réfugié

Au sujet du rôle du Service dans le traitement par CIC des demandes de résidence permanente présentées au Canada et à l'étranger par des immigrants et des réfugiés, le Comité a noté que les échanges électroniques de données entre CIC et le SCRS et l'utilisation de profils de sécurité préétablis avaient réduit considérablement le temps requis pour le filtrage. Les demandes présentées à l'extérieur du Canada — qui représentent quelque 80 p. 100 du total des 215 000 demandes — relèvent du Programme de filtrage des demandes d'immigration à l'étranger. Le Service partage la responsabilité de leur traitement avec les fonctionnaires de l'Immigration.

Pour le Comité, l'ensemble du processus de filtrage est manifestement une opération délicate de gestion des risques. Cela oblige à mettre constamment en équilibre les besoins en matière de sécurité et la nécessité d'atteindre les objectifs du programme d'immigration de façon efficace et à propos. Notre examen de deux bureaux d'immigration au Moyen-Orient montre que les dilemmes rattachés à une gestion prudente peuvent être particulièrement difficiles. Des facteurs extérieurs évidents, comme l'éloignement et la situation politique locale, et des problèmes d'organisation, telle la capacité d'organismes étrangers à répondre aux demandes d'informations du Service, ont tous une incidence sur la nature de la participation du SCRS aux questions d'immigration.

Le Comité a noté qu'on examinait la possibilité d'élargir les moyens techniques servant à traiter les demandes présentées au Canada afin d'englober l'ensemble des demandes reçues dans le monde entier. L'application étendue de ces procédures devrait faciliter l'échange d'informations tout en normalisant et élargissant le processus de filtrage des demandes d'immigration. Nous exhortons le SCRS à poursuivre ces améliorations de concert avec CIC.

Terminologie d'une loi révisée sur l'immigration

À l'automne 1996, le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé la création d'un groupe consultatif chargé de revoir en autonomie la Loi sur l'immigration du Canada. Le Groupe consultatif sur la révision de la législation, qui est indépendant de CIC, s'est attaché à déterminer quelles modifications devraient être apportées aux lois et aux politiques pour réaliser les objectifs de la politique d'immigration du Canada. L'une de ses recommandations fut de normaliser la terminologie des parties pertinentes des lois canadiennes. En particulier, selon le Groupe, les dispositions de toute nouvelle loi sur l'immigration, traitant de personnes non admissibles au Canada pour des raisons de sécurité, devraient s'harmoniser avec la définition de « menaces envers la sécurité du Canada », énoncée dans l'actuelle Loi sur le SCRS. Le Comité de surveillance appuie cette recommandation sans réserve.

Entrevues et filtrage à l'immigration

L'apport le plus visible du Service au processus de l'immigration est sa participation aux entrevues de filtrage des demandesNote de bas de page 3. C'est généralement CIC qui prend les dispositions pour ces entrevues, que mènent cependant les enquêteurs régionaux du Filtrage de sécurité. Pour diverses raisons, toutefois, il arrive souvent qu'un enquêteur d'une autre direction opérationnelle du Service soit également présent.

Même si le Comité connaît les avantages que procure la participation aux entrevues d'immigration des agents du Service chargés d'enquêtes en vertu de l'article 12 dans les bureaux régionaux du SCRS, leur participation accroît le risque que ces entrevues servent aux fins des enquêtes, plutôt qu'à celles auxquelles elles sont destinées : fournir aux immigrants éventuels l'occasion d'expliquer tout renseignement défavorable sur leur situation relative à la sécurité. Le Comité tient à souligner que le Service est tenu de maintenir un juste équilibre entre la nécessité de fournir des conseils complets et pertinents, d'une part, et les droits des personnes interviewées, d'autre part.

Cependant, le Comité est également conscient des complications qui surgissent lorsqu'un immigrant éventuel fait aussi l'objet d'une autorisation de ciblage, ce qui permet au SCRS de recourir à des méthodes d'interrogation plus serrée que celles servant généralement aux entrevues d'immigrants.

Les entrevues d'immigrants auxquelles prennent part les enquêteurs du SCRS ne contribuent à régler les questions de sécurité que si les enquêteurs sont bien informés, et les entrevues menées habilement. À cet égard, le Comité est favorable à l'idée qu'on fournisse au Service les notes des agents d'immigration compétents, lorsqu'il y a renvoi à un deuxième interrogatoire.

Dans l'examen du processus de filtrage des demandes d'immigration, le Comité s'est penché sur les directives écrites du Service à ses agents. À notre avis, ces directives, intitulées Lignes directrices des procédures en matière de filtrage des demandes de citoyenneté et d'immigration, laissent à désirer à bien des égards. En effet, on y trouve que, « en aucun temps l'enquêteur devrait laisser croire au requérant que sa collaboration avec le Service pourra faciliter [l'étude de] sa demande ». Cette interdiction vise, à notre avis, la possibilité de recruter l'intéressé comme source dans le contexte d'une demande d'immigration en instance. Nous croyons que les Lignes directrices devraient être moins équivoques à ce sujet et interdire clairement d'utiliser les entrevues d'immigrants pour le recrutement ou à d'autres fins étrangères à leur objet même. Le Service a informé le CSARS qu'il avait entrepris de revoir les Lignes directrices. Nous verrons si ce problème particulier a été réglé dans la version mise à jour.

De plus, le Comité est d'avis qu'il serait utile au processus de filtrage de mentionner explicitement le paragraphe 8(1) de la Loi sur l'immigration dans les Lignes directrices du Service. On y voit en effet que quiconque veut entrer au Canada a le fardeau de prouver qu'il en a le droit ou que sa venue au pays ne contreviendrait ni à cette loi ni à ses règlements. Toute personne désireuse d'entrer au pays devrait savoir que, si elle ne coopère pas au processus de filtrage, sa demande ne pourra être étudiée.

Cependant, le Comité sait aussi que, sauf circonstances exceptionnelles, les immigrants éventuels ne peuvent apaiser certaines craintes tant qu'ils n'en savent pas suffisamment sur ce qu'on leur reproche. À notre avis, le SCRS doit tout mettre en œuvre pour les informer le plus complètement possible, en respectant les contraintes manifestes imposées par la sécurité. Les comptes rendus du Service à CIC témoignent de sa part un souci constant en ce sens.

Enfin, nous avons trouvé, dans certains comptes rendus du SCRS, des informations tirées de la banque de données du Service et d'autres, de sources ouvertes. Le CSARS est d'avis que les comptes rendus d'entrevues avec des immigrants devraient contenir uniquement des renseignements recueillis en entrevue ou, sinon, préciser clairement ce qui a été discuté et ce qui ne l'a pas été à ce moment-là. À la lecture des comptes rendus, il est parfois difficile de distinguer ce qui a été dit par les immigrants éventuels des propos des intervieweurs à leur intention, ou de savoir si l'information provient d'une toute autre source.

Stratégie de CIC en matière de « crimes de guerre »

Le Comité sait que CIC a pour priorité, entre autres, de renforcer la capacité du Canada à dépister les demandeurs éventuels du statut d'immigrant ou de réfugié soupçonnés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Comme la GRC ne prête actuellement pas son concours à CIC pour les entrevues de filtrage, le CSARS estime que les compétences du Service en matière d'enquête pourraient être utiles dans les entrevues avec des demandeurs éventuels soupçonnés de crimes de guerre. Le SCRS affirme qu'il communique régulièrement à CIC tout renseignement qu'il obtient à ce sujet. De l'avis du Comité, la responsabilité du Service en ce domaine devrait être consacrée dans une politique.

Assistance du Service dans l'application de la loi et l'interception

Le Service prend part au Programme d'interception aux points d'entrée, récemment mis sur pied par CIC. Il y a pour rôle de prévenir rapidement CIC si un individu donné, qui veut entrer au Canada, présente une menace à la sécurité nationale. Les fonctionnaires de l'immigration tiennent compte de ses avis lorsqu'ils déterminent si un immigrant éventuel est admissible en vertu de l'article 19 de la Loi sur l'immigration. Jusqu'en juin 1998, le SCRS ne prenait pas note de ces opinions. Depuis, cependant, il documente toutes les entrevues auxquelles il participe à l'occasion d'interceptions. L'information conservée dans le Système d'information sur le filtrage de sécurité en vertu de l'article 15 comprend les données signalétiques de l'intéressé et précise si un rapport a été versé dans la banque de données opérationnelles relevant de l'article 12. En dépit de cette procédure,

Nous recommandons qu'à l'avenir tout avis donné à CIC soit consigné dans un document contenant les détails propres à la personne interviewée.

Le SCRS et les demandeurs du statut de réfugié

Des quelque 26 000 revendications du statut de réfugié, ou presque, faites au Canada en 1997-1998, près de 60 p. 100 ont été présentées à des points frontaliers et, le reste, à des bureaux d'immigration situés à l'intérieur du pays. Lorsqu'une personne revendique le statut de réfugié, les agents principaux d'immigration l'interrogent et lui demandent de remplir un formulaire d'identification personnelle. Ils examinent ensuite tous les documents pertinents dont ils disposent : passeports, autres pièces d'identité et documents de voyage. Ils prennent aussi la photo du demandeur et ses empreintes digitales. Celles-ci sont transmises par la poste à la GRC afin de vérifier s'il existe une autre demande pour ces mêmes empreintes et si le demandeur a des antécédents criminels au Canada.

Il est évident, pour le Comité, que ce processus comporte des lacunes. Dans une étude sur les procédures de traitement des revendications de réfugié, le vérificateur général a écrit que, dans la plupart des cas, les agents d'immigration décident de la recevabilité des revendications sans avoir obtenu, au préalable, toute l'information nécessaire pour rendre une décision éclairéeNote de bas de page 4. L'évaluation des critères de recevabilité repose donc essentiellement sur la déclaration des revendicateurs.

L'examen du Comité montre aussi qu'avant les audiences, on ne vérifie pas couramment si les noms des revendicateurs figurent dans les banques de données du Service. Le motif initial de la décision de procéder de cette façon est, sauf erreur, que les fonctionnaires de l'immigration n'estimaient pas productif le filtrage de l'ensemble des revendications du statut de réfugié puisqu'à l'époque seulement 20 p. 100 d'entre elles ont été approuvées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) et qu'à tout événement la plupart des demandeurs ne sont demeurés au Canada que pendant six mois, tout au plus.

La situation concernant les demandeurs du statut de réfugié a maintenant sensiblement changé. Depuis 1993, la très grande majorité (99 p. 100) d'entre eux sont déclarés admissibles à revendiquer ce statut et quiconque le fait peut compter demeurer au Canada pendant un bon moment avant qu'une décision finale ne soit rendue. Ces dernières années, près de 60 p. 100 des demandeurs se sont présentés aux fonctionnaires canadiens sans aucun passeport, pièce d'identité ou document de voyage.

Le Comité est d'avis que, dans ce contexte fort différent et beaucoup plus exigeant, CIC doit en savoir le plus possible sur les réfugiés éventuels quant aux menaces qu'ils pourraient représenter pour la sécurité nationale. Leurs antécédents au Canada et à l'étranger doivent être connus et compris, et nous sommes convaincus que le SCRS a un rôle approprié à jouer à cet égardNote de bas de page 5. Même si le Service ne participe pas actuellement au filtrage des réfugiés éventuels, des discussions sont en cours à ce sujet avec CIC.

Le SCRS fournit déjà à CIC certaines informations sur les réfugiés. Nous avons relevé, par exemple, plusieurs cas où des revendicateurs du statut de réfugié ont comparu devant la CISR et vu CIC s'opposer à leur revendication sur la foi d'informations obtenues du SCRS, et où la CISR a assigné des agents du Service à venir témoigner au sujet d'informations fournies dans des affidavits. Le Comité estime que le SCRS devrait jouer un rôle élargi dans les questions relatives aux réfugiés, mais que ce rôle devrait être défini avec soin et transparence.

Plaintes au sujet du filtrage des demandes d'immigration

Le Comité est chargé d'enquêter au sujet de toute plainte découlant des entrevues de filtrage des immigrants. Il prévoit que ces enquêtes lui permettront de comprendre encore mieux le rôle du Service en matière d'immigration et le mode de fonctionnement du système sur le plan des lois, des politiques et de l'équité. Les premières plaintes de cette nature devaient être entendues en juillet 1998 et d'autres, en septembre suivant.

Un conflit étranger - Rapport no 96

Le Comité a examiné une série d'enquêtes menée par le SCRS sur des groupes et individus qui avaient été mêlés à un conflit armé dans un pays étranger. Il a cherché à déterminer si ces enquêtes étaient appropriées, compte tenu de la menace représentées par les cibles, et si elles avaient été menées conformément à la Loi, aux instructions du Ministre et aux politiques et procédures établies par le SCRS.

Méthode d'examen

Dans son examen couvrant la période d'avril 1995 à mars 1997, le Comité a scruté les enquêtes du Service sur un groupe terroriste notoire et sur un petit nombre d'individus. Ses recherchistes ont scruté tous les documents supports électronique et papier concernant les enquêtes choisies ainsi que les conseils fournis par la suite au gouvernement. L'information recueillie par le SCRS était à la fois abondante et variée. Voici les documents que nous avons étudiés :

  • les demandes d'autorisation de ciblage et les autorisations elles-mêmes;
  • les comptes rendus d'entrevues avec des individus liés au groupe terroriste en cause;
  • les évaluations de la menace posée par la tenue de réunions internationales (comme le Sommet économique du G-7, tenu au Canada en 1995), les séjours de dignitaires étrangers au pays et les représailles possibles contre certaines ambassades au Canada;
  • les comptes rendus de sources;
  • les informations provenant de services de renseignement étrangers ou les rapports du SCRS préparés à partir de ces informations;
  • les rapports mensuels sur les questions liées au terrorisme, émanant de la Direction de l'antiterrorisme à l'administration centrale.

Contexte des enquêtes du Service

Selon le SCRS, un nombre relativement faible de Canadiens, d'immigrants reçus et de réfugiés au Canada appuient ou, tout au moins, sympathisent avec le groupe terroriste en question. Certains d'entre eux, qui avaient connu une existence mouvementée, ont trouvé refuge au Canada d'où ils organisent et coordonnent des attentats terroristes destinés à frapper d'autres pays.

Pour le Service, il s'agissait d'une menace potentielle particulièrement grave, compte tenu d'un ensemble donné de circonstances propres aux cibles :

  • certains extrémistes visés par les enquêtes ne sont inféodés à aucun groupe mais entretiennent plutôt des rapports avec les échelons les plus élevés d'un certain nombre de groupes terroristes;
  • certains individus visés par les enquêtes, bien que ressortissants d'un pays, obéissent aux ordres d'extrémistes de diverses autres nationalités, tandis que d'autres leur dictent les consignes à suivre;
  • certains extrémistes visés par les enquêtes prennent part à de multiples conflits étrangers à un moment donné.

Compte tenu de la dimension internationale des enquêtes, le SCRS a conclu des ententes détaillées d'échange d'informations avec un certain nombre de services de renseignement étrangers, avec lesquels il entretenait des liens depuis longtemps. Les échanges d'informations portaient sur trois plans : les mouvements extrémistes internationaux; le rôle de certaines organisations soupçonnées de fournir des documents, de recruter des militants et d'appuyer des attentats terroristes; et les formes de communication entre les groupes extrémistes et leurs membres.

Le recours à la surveillance par le SCRS

Le SCRS recourt à la surveillance pour connaître les types de comportement, les relations, les déplacements et le « savoir-faire professionnel » des groupes et individus que visent ses enquêtes. Cette méthode sert à déceler les menaces à la sécurité nationale, tels l'espionnage et le terrorisme. Les opérations de surveillance permettent en outre de recueillir beaucoup de renseignements personnels. À cette fin, les équipes de surveillance du Service emploient diverses méthodes. En situation d'urgence, il est permis de lancer une opération de surveillance avant d'obtenir une autorisation de ciblage.

Constatations du Comité

D'après les résultats de son examen, le Comité a conclu qu'en ce qui touche cette série d'enquêtes, les renseignements dont disposait le SCRS étaient suffisants pour justifier les enquêtes et que, en général, il les avait menées en respectant la Loi et ses politiques opérationnelles. Le CSARS a trouvé un certain nombre de faits et d'événements qui laissaient entrevoir d'une façon claire des menaces directes à la sécurité du Canada, incluant une menace à la vie et à l'intégrité physique de diplomates canadiens en poste à l'étranger, et la possibilité d'un attentat à la bombe au Canada.

Le Comité a jugé tout particulièrement importante l'information fournie au SCRS et voulant qu'un citoyen canadien ait trempé dans un complot en vue d'assassiner un politicien étranger. Le Service avait aussi appris que l'intéressé était apparemment lié à plusieurs activités criminelles au Canada. Après que ses enquêteurs eurent été témoins d'actes criminels commis par l'individu et ses complices, le service de police compétent a été dûment informé.

Le même individu a suscité à l'étranger un vif intérêt qui a donné lieu à de nombreux échanges d'informations, d'ampleur très variable, entre le SCRS et les services de renseignement d'autres pays. L'un de ces services a semblé contrarié par la manière dont le SCRS lui fournissait l'information demandée, et il y a eu des frictions entre les services de sécurité d'un autre État et le SCRS par suite d'une divergence d'opinions au sujet de la gravité de la menace présentée par un autre individu. Il est apparu clairement au Comité que ces tensions se sont atténuées lors de la poursuite de l'enquête du Service.

Même s'il est convaincu que, dans l'ensemble, la collecte de renseignements faite par le Service dans le cadre de ses enquêtes était appropriée, le Comité a relevé, au sujet de la vie privée d'un individu, trois rapports opérationnels qui, à son avis, ne respectaient pas le critère de la « mesure strictement nécessaire » énoncé à l'article 12 de la Loi sur le SCRS. Aussi a-t-il recommandé au Service de les supprimer de sa banque de données, ce qu'il a fait.

Coordination des mesures gouvernementales en matière de sécurité économique — rôle du Service - Rapport no 92

À l'occasion de son étude de 1996-1997 sur les enquêtes du SCRS en matière d'espionnage économique, le Comité a constaté un manque relatif de coopération et de coordination officielles entre le Service et les ministères quant aux questions de sécurité économiqueNote de bas de page 6. Il a aussi conclu que, pour être en mesure de mener des enquêtes valables sur les menaces que présente l'espionnage économique, le SCRS devait avoir accès à davantage de compétences techniques et commerciales.

Pour le rapport de vérification de cette année, nous nous sommes posé trois questions : quels mécanismes de coordination existe-t-il en matière de sécurité économique entre les ministères et les organismes gouvernementaux, quelle est la nature de la participation du Service et quels effets ces mécanismes ont-ils sur les enquêtes du SCRS? Les recherches nécessaires à notre examen ont porté sur les instructions du Ministre au SCRS et sur les dossiers de coopération administrative du Service. Le Comité a aussi interviewé des employés de la Sous-section des questions de sécurité économique et de la prolifération (QSEP), à l'administration centrale du SCRS.

Historique du programme Questions de sécurité économique du SCRS

L'évolution du climat de la menace internationale depuis la fin de la guerre froide a hissé l'économie en tête de liste des préoccupations de nombreux pays, dont le Canada, en matière de renseignement. Le gouvernement canadien a élargi sa définition de la sécurité nationale de manière à englober la notion de « sécurité économique » que le SCRS définit comme l'ensemble des « conditions nécessaires pour maintenir la position concurrentielle internationale du Canada, pour fournir des emplois productifs et pour lutter contre l'inflation ».

Devant ces changements à la nature des menaces à la sécurité du Canada, le Service a adopté en juin 1991 une approche globale face à deux questions : la « sécurité économique » et la « prolifération des armes de destruction massive ». Pour coordonner le travail de ses sections déjà lancées dans des enquêtes en ces domaines, le SCRS a constitué la Sous-section des exigences-Transferts de technologies (ETT).

Mécanismes actuels de coopération et de coordination

La QSEP a deux domaines d'enquête propres : la menace de l'espionnage économique dirigé contre les intérêts du Canada, et la prolifération des armes de destruction massive. Notre dernier examen a montré que, même si elle n'a été invitée à participer à aucun organe officiel de coordination en matière de sécurité économique, la QSEP consulte les autres organismes et ministères fédéraux avec lesquels elle participe à des séances d'information, en plus d'assurer la liaison avec les services de police.

Nous avons noté que la QSEP dirige des clients vers les organismes experts dans les domaines où le Service ne l'est pas. Ainsi, à l'occasion de séances de sensibilisation et de liaison, des contacts du secteur privé ont parfois demandé au Service de les renseigner davantage sur les moyens d'assurer la sécurité de leurs systèmes d'information. Celui-ci transmet de telles requêtes au Centre de la sécurité des télécommunications.

Dans le domaine de la sécurité économique, divers clients du gouvernement fédéral, dont le Comité d'évaluation du renseignement du Bureau du Conseil privé, bénéficient selon leurs besoins du travail du SCRS. Ce comité est chargé de coordonner et de faciliter la coopération interministérielle en vue de préparer les analyses et les évaluations destinées aux ministres et aux hauts fonctionnairesNote de bas de page 7. Le Service participe sur demande à ce processus en préparant des rapports pour le Comité d'évaluation, quoique, d'après les résultats de notre examen, les demandes entourant les questions de sécurité économique ne pleuvent pas. Sur ce plan, le Service a fourni un apport ponctuel, tout particulièrement à l'occasion de discussions de comités interministériels. Il a aussi donné des renseignements à d'autres ministères et produit des évaluations du renseignement qu'il a partagées avec des organismes canadiens.

Constatations du Comité

Dans son rapport de 1996-1997, le Comité affirme que le Service pourrait mieux remplir son mandat dans le domaine de la sécurité économique s'il misait davantage sur les compétences techniques et commerciales. Pareilles compétences existent, entre autres, dans d'autres organes gouvernementaux. D'après son dernier examen, il semble au CSARS que le manque de coordination et de coopération entre ceux-ci dépend non pas de l'inertie du SCRS, mais du degré de priorité plutôt faible que l'administration fédérale semble attacher, dans l'ensemble, à cette question. La création et le maintien de tout processus officiel de coopération gouvernementale est une entreprise complexe qui dépend des priorités et des ressources propres aux divers ministères concernés. Le Service s'est montré capable et désireux de participer aux mécanismes de coordination en place, mais ces organes consacrent relativement peu d'efforts aux questions entourant l'espionnage économique.

Notre précédent examen ayant révélé un manque de coopération continue avec les ministères et les autres organismes gouvernementaux, nous nous sommes demandé quels en seraient les effets sur les enquêtes du Service en matière de sécurité économique.

Malgré la faible priorité que les autres organismes semblent accorder à cette question, le Service a affirmé que le manque de coordination en ce domaine n'avait pas nui à ses enquêtes en matière de sécurité économique. Notre examen n'a rien révélé qui mette en doute cette conclusion du SCRS.

Sur la foi des études de 1997 et 1998, nous avons conclu que le Service ne consacrait guère de ressources aux enquêtes sur l'espionnage économique, mais que d'autres organes gouvernementaux semblaient attacher encore moins d'importance que lui aux questions de sécurité économique. Aussi, à notre avis, la définition du terme « sécurité économique » par le Service dépasse, au dire de beaucoup, le cadre de ce qui est vital pour la sécurité du Canada. Les preuves solides d'ingérence de gouvernements étrangers étaient floues et certains renseignements recueillis par le Service n'étaient pas liés directement aux menaces à la sécurité du Canada.

En un mot, le Comité estime que le Service devrait clarifier sa définition de sécurité économique pour mieux polariser ses enquêtes et écarter les problèmes exposés ci-dessus. À son avis, le mandat du SCRS restreint ses enquêtes aux services de renseignement de pays étrangers et à leurs mandataires en ce domaine. Ces enquêtes devraient s'étendre à toute ingérence des gouvernements étrangers et ne pas se limiter à la sécurité économique. S'il veut que le Service aille plus loin, le gouvernement du Canada devrait apporter des changements à sa législation. À cet égard, nous avons appris que le SCRS était à l'aise avec les directives qu'il avait reçues du gouvernement.

Échanges d'informations avec les organismes canadiens - Rapport no 95

Dans l'exécution de son mandat touchant les présumées menaces à la sécurité du Canada, le SCRS échange des informations et des renseignements avec des ministères et des services de police canadiens. La Loi sur le SCRS prévoit expressément que le Comité de surveillance doit examiner les ententes du Service avec d'autres organismes, tant en matière d'échange d'informations et de renseignements que de coopération, et scruter le contenu des échangesNote de bas de page 8. En pratique, le Comité se penche chaque année sur la plupart des échanges d'informations du SCRS et évalue l'efficacité de la coopération de celui-ci dans deux de ses bureaux régionaux.

Méthode d'évaluation

Les recherches du Comité à l'égard des échanges de renseignements, dont le nombre atteint plusieurs milliers, l'amènent à dépister ceux qui débordent le mandat du Service ou ne sont pas nécessaires. L'objectif est de s'assurer que le SCRS a le pouvoir tant de communiquer ses informations à d'autres organismes que de conserver celles qu'il en reçoit. Nous scrutons également le contenu des échanges pour déterminer s'il y a atteinte à la vie privée et si la nature et l'importance des informations ont une commune mesure avec la menace présumée que présente l'intéressé.

Un autre objectif tout aussi important de notre examen consiste à évaluer l'ampleur et la qualité de la coopération intergouvernementale dans les bureaux régionaux du Service : celui-ci se conforme-t-il aux lignes directrices énoncées dans les ententes conclues avec les autres institutions; respecte-t-il la Loi sur le SCRS, ses propres politiques et procédures touchant la communication et la liaison, et les instructions du Ministre.

Constatations du Comité

Le volet du rapport de cette année touchant les échanges avec les organismes canadiens a ceci de particulier que les questions de coopération y occupent une place dominante. Dans les deux bureaux régionaux que nous avons visités, nous avons concentré notre examen sur l'état de la coopération du SCRS avec les autres organismes fédéraux et provinciaux.

Le SCRS et ses relations avec les services de police

Les bureaux régionaux du SCRS où s'est déroulé notre examen avaient tous deux des relations difficiles avec un service de police au sujet de certaines enquêtes. Dans l'un de ces bureaux, une poursuite judiciaire en cours au moment de l'examen avait fait en sorte que les rapports du SCRS avec le service de police en question avaient atteint leur niveau le plus bas. Cette affaire fait l'objet d'une étude distincte du Comité (voir « Un cas inquiétant de coopération entre le SCRS et un autre organisme »).

Nous avons toutefois demandé des renseignements généraux sur les relations difficiles de ce bureau régional. On nous a dit que la poursuite judiciaire n'avait pas beaucoup affecté ses opérations et qu'à tout événement le service de police en cause ne jouait pas un rôle central dans les enquêtes menées par le SCRS dans la région. Notre examen des échanges de renseignements au bureau régional a confirmé que le SCRS polarisait sur un autre service ses rapports avec les corps policiers et que, dans ce cas-là, ses relations demeuraient excellentes.

Le problème relevé dans la seconde région concernait une enquête que le Service et la police menaient parallèlement sur une même cible. Le SCRS se plaignait de l'accès restreint qu'il avait eu aux informations et renseignements de la police dans cette affaire et ceci traduisait les divergences générales d'opinions entre les deux organismes quant à l'accès mutuel à l'information de l'autre. Le bureau régional nous a assuré que ces désaccords n'avaient pas nui aux autres enquêtes.

Dans le temps dont il disposait, le Comité n'a pu déterminer toutes les causes de tension entre le SCRS et la police. Estimant qu'il y avait lieu de scruter plus à fond les relations entre ces organismes, une étude a été entreprise à ce sujet. Une première conclusion que le présent examen permet de tirer est que l'une des causes de tension est le conflit entre l'obligation du SCRS de protéger ses sources et la possibilité que les services de police veuillent, aux fins d'application de la loi, utiliser les renseignements du SCRS dans les procédures judiciaires. L'arrêt R. c. Stinchcombe, rendu en 1991 par la Cour suprême du Canada, se situe au coeur de cette question [veuillez vous reporter à « R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326 »].

La question de la divulgation dans les procédures judiciaires est particulièrement importante pour les enquêtes du SCRS dans le domaine de l'antiterrorisme. Le Comité continuera de surveiller les effets de cette divulgation, s'il en est, sur les opérations entourant la sécurité nationale.

Coopération du SCRS avec Citoyenneté et Immigration aux points d'entrée

Le Comité a pris note d'une nouvelle initiative qui a amené le SCRS à s'engager à collaborer avec d'autres organismes fédéraux pour améliorer les procédures en place aux points d'entrée afin d'empêcher la venue au pays d'individus qui sont des menaces notoires pour la sécurité du Canada. Il s'agit du Programme d'alerte aux points d'entrée dont l'évaluation s'inscrit dans l'examen du Comité sur le filtrage des demandes d'immigration, (page 9 et suivantes dans le présent rapport).

Informations d'un ministère provincial refusées au SCRS

Dans son examen, le Comité a relevé un cas où le SCRS s'était vu refuser la communication d'informations par un ministère provincial. Selon le sens donné par ce ministère à « organisme d'application de la loi », dans la loi provinciale sur la protection de la vie privée, ce terme n'englobait pas le Service, qui ne pouvait donc recevoir les informations. Le SCRS a proposé un certain nombre de solutions de rechange qui seraient conformes à la loi provinciale et permettraient l'échange d'informations pertinentes avec ce ministère. Il a aussi affirmé qu'il lui était encore possible d'obtenir de l'information d'autres organismes de cette province en vertu d'une autre disposition de la même loi. Pour sa part, le Comité de surveillance s'est inquiété de l'incohérence dans l'application de cette loi, entraînée par cette position, et il s'est demandé si le Service pouvait continuer d'avoir accès aux informations de quelque organisme gouvernemental de cette province. L'étude de la question lui a permis de conclure qu'il ne désapprouvait pas le SCRS de continuer à négocier l'accès avec chacun des ministères, à condition qu'ils soient légalement habilités à communiquer les informations.

Échanges débordant le mandat du Service

Trois échanges de renseignements de bureaux régionaux du SCRS avec d'autres organismes gouvernementaux ont attiré l'attention du Comité. Dans le premier cas, le Service avait reçu et conservé des renseignements relevant de l'article 12 (« menaces envers la sécurité du Canada »), et cela, sans autorisation de ciblage. Nous sommes tombés d'accord avec lui sur le fait que les rapports entraient dans son mandat du fait qu'ils lui avaient été fournis spontanément, comme il nous l'a expliqué. Le deuxième échange portait sur des informations que le SCRS avaient reçues d'un autre organisme et qui étaient, à notre avis, étrangères à son mandat. Quant au troisième, la nature de l'information recueillie par le Service nous a amenés à nous demander s'il avait le pouvoir d'en faire part à un organisme en particulier.

Nouvelles politiques et instructions du Ministre en matière d'échange d'informations

Depuis 1996, le SCRS n'a signé aucune entente nouvelle avec d'autres organismes gouvernementaux et le Ministre ne lui a donné aucune instruction touchant les échanges d'informations et la coopération. Nous avons noté que le Service avait instauré une nouvelle politique opérationnelle supposant une coopération constante avec un autre organisme fédéral.

Liason du SCRS avec les organismes étrangers - Rapport no 98

Méthode de vérification

En vertu du sous-alinéa 38a)(iii) de la Loi sur le SCRS, le Comité scrute les ententes que le Service conclut avec des services de police et de renseignement étrangers et il examine les informations que le SCRS leur communique.

Cette année, le CSARS a effectué sa vérification dans deux bureaux qui contribuent particulièrement à la collecte de renseignements sur l'extrémisme pour le Service. Voici les documents qu'il y a vérifiés :

  • tous les échanges d'informations effectués par les agents de liaison-sécurité (ALS) du SCRS dans ces deux bureaux, dont ceux traités électroniquement;
  • toute la correspondance de ces bureaux avec des organismes de renseignement étrangers;
  • tous les documents de référence et instructions envoyés aux ALS ou en provenant, y compris les « évaluations d'organismes étrangers ».

Pour cet examen, nous sommes allés sur place scruter les dossiers et interviewer les ALS et d'autres personnes. À l'administration centrale du SCRS, nous avons examiné les effets qu'avaient eus la réorganisation du service chargé de la liaison avec l'étranger et le nouveau système d'enregistrement destiné à repérer les échanges d'informations avec les organismes étrangers.

Réorganisation de la liaison avec l'étranger au sein du Service

Comme nous l'avons vu dans le rapport de vérification de l'an dernier (page 4), le SCRS a reconnu le rôle grandissant de la liaison avec l'étranger en matière de sécurité et de renseignement en élevant la sous-section Liaison avec l'étranger et Visites au rang de direction coiffée par un directeur général.

Au cours de la vérification effectuée dans ces bureaux, le Comité a relevé deux questions qu'il estime dignes de mention, en ce qui touche la récente réorganisation à l'administration centrale.

Nécessité de centraliser l'attribution des missions

Les ALS interviewés ont souligné la nécessité de resserrer la coordination et le contrôle des demandes et missions émanant de l'administration centrale du SCRS. Selon l'usage actuel, chaque direction opérationnelle du Service fait appel aux ALS directement, d'où les demandes parfois contradictoires auxquelles ils doivent répondre. Cette question fera l'objet de vérifications futures.

Système de repérage de la correspondance

La seconde question concerne le système (adopté récemment) de repérage de la correspondance aux bureaux du Service à l'étranger. Dans tous les bureaux d'ALS, les systèmes d'enregistrement des échanges électroniques ont fait place, à l'automne 1997, au Programme de gestion de la correspondance. Dans de précédents rapports de vérification, le Comité avait noté que le système de repérage alors en place laissait à désirer. Il constate avec satisfaction que ce programme semble avoir atténué les difficultés que posait auparavant la vérification.

Activités des agents de liaison-sécurité

Les agents de liaison-sécurité du SCRS en poste à l'extérieur du pays ont pour mission de nouer et d'entretenir des rapports avec les organismes étrangers, d'assurer le filtrage de sécurité, de signaler les événements et faits nouveaux intéressant la sécurité nationale et de seconder les agents de sécurité affectés dans les missions diplomatiques du Canada à l'étranger. Les ALS ont des rencontres officielles et officieuses avec les représentants des services de police et de renseignement étrangers. Le Comité a scruté les actions et activités des ALS et relevé un certain nombre de problèmes.

Résidents canadiens en voyage à l'étranger

En examinant les demandes de renseignements particuliers adressées aux ALS par les organismes étrangers, nous avons vu des situations où rien n'était prévu au sujet de certains types de demandes dans les politiques régissant la conduite des ALS. Par exemple, le SCRS peut demander aux services de renseignement étrangers de surveiller des personnes domiciliées au Canada de passage dans leur pays. Nous avons examiné plusieurs cas semblables récemment.

Nous recommandons que le Service élabore une politique portant sur les demandes aux organismes d'autres pays afin qu'ils enquêtent sur des personnes domiciliées au Canada, et voyageant à l'étranger.

Apparence de collecte active de renseignements

Sans autorisation de l'administration centrale du SCRS, un ALS s'est enquis, auprès d'agents de renseignement étrangers, d'un terroriste dont on croyait qu'il pourrait tenter d'entrer au Canada. Selon les politiques et les lois existantes, les ALS n'ont pas le mandat d'enquêter à l'extérieur du pays et doivent s'abstenir de toute activité qui s'apparente à la collecte active de renseignements. Nous avons porté l'affaire à l'attention du Service.

Évaluations d'organismes

Pour aider le SCRS à décider de manière générale des catégories d'informations et de renseignements qui peuvent être fournis aux organismes étrangers, les ALS sont chargés de préparer des « évaluations d'organismes » et d'y exposer la fiabilité des services de police et de renseignement étrangers avec lesquels ils traitent, et leur bilan en matière de respect des droits de la personne. Dans les deux bureaux considérés, nous avons trouvé que les évaluations des ALS étaient exactes et appropriées, en particulier en ce qui touche les droits de la personne.

Échanges d'informations

Le SCRS peut échanger des informations avec les organismes étrangers par différentes voies : visites de hauts fonctionnaires, concours des ALS en poste à l'étranger et liaison électronique directe. Le personnel du Comité de surveillance examine les documents ayant trait à tous ces échanges.

Échanges de renseignements mettant des individus en danger

L'une des préoccupations du Comité est que les informations communiquées par le Service ne fassent pas courir de risque excessif aux intéressés de la part des services de sécurité étrangers. Dans un bureau où nous avons relevé un important volume d'échanges concernant des individus, nous avons constaté que les rapports du SCRS ne désignaient pas des personnes au Canada mais portaient plutôt sur des chefs de groupes extrémistes, et non pas des membres et partisans de la base.

Le deuxième bureau étranger du SCRS avait demandé des vérifications à des organismes étrangers sur bon nombre de personnes et, dans quelques cas, avait fourni des renseignements détaillés provenant d'enquêtes menées au Canada. Le Comité n'a trouvé aucune preuve que les renseignements communiqués aient été trop abondants ou que cela ait porté préjudice à quelqu'un.

Échanges non appropriés d'informations

Le Comité a relevé un cas où la communication d'informations par le SCRS à une agence de renseignement étrangère était douteuse. Le Service avait répondu à la demande d'un organisme canadien d'application de la loi de s'enquérir auprès de plusieurs services de renseignement alliés afin de vérifier leurs fichiers à l'égard de plus de 100 personnes soupçonnées de tremper dans la criminalité transnationale. De l'avis du Comité, le bien-fondé de certaines requêtes était douteux. Ainsi, une personne dont on s'enquérait aurait été « surprise à faire du vol à l'étalage ».

Nous avons noté que, pendant l'exercice considéré, le Solliciteur général avait donné au SCRS une nouvelle instruction lui enjoignant de faciliter la communication des informations sur la criminalité transnationale, émanant de services étrangers de renseignement et de sécurité, aux organismes canadiens d'application de la loi qui ont compétence en la matière.

Ententes de liaison avec l'étranger

En vertu de l'article 17 de la Loi sur le SCRS, le Service est habilité à conclure des ententes avec des organismes étrangers, moyennant approbation du Solliciteur général. À ce jour, il en a conclu quelque 212 avec des services de renseignement et de police étrangers et, de ce nombre, beaucoup remontent avant cette loi. En 1985, suivant la création du SCRS, ces ententes ont été considérées comme applicables (ou « reconduites ») lorsque le Solliciteur général de l'époque les a approuvées. La vérification effectuée par le Comité dans les deux bureaux étrangers a fait la lumière sur un certain nombre de questions d'orientation ayant trait aux rapports de liaison du Service en général.

Entente introuvable touchant la coopération avec un organisme étranger

En 1985, le ministère du Solliciteur général a réuni les ententes du SCRS avec les institutions ou gouvernements étrangers dans un recueil où il a exposé comment il « voyait tous les accords actuels entre le Service canadien du renseignement de sécurité et les institutions ou les gouvernements étrangers ». Cependant, dans le cas d'une agence de renseignement étrangère avec laquelle le SCRS traite depuis longtemps, nous n'avons pu trouver aucun document montrant l'existence, avant 1984, d'une entente applicable aux échanges de renseignements de sécurité. Nous avons informé le Service de cette irrégularité.

Remise en vigueur d'ententes inappliquées

Au cours de son examen, le Comité a relevé le cas d'une entente avec un organisme étranger qui avait été remise en vigueur après être demeurée inappliquée pendant dix ans ou plus. Durant cette période, le climat politique du pays concerné avait toutefois beaucoup changé. En examinant cette remise en vigueur, le Comité a constaté que, même s'il y avait eu sur place des consultations officieuses, aucune procédure officielle ne permettait de revoir les nouvelles circonstances. Il a aussi constaté que ni les politiques du SCRS ni les instructions ministérielle ne contenaient de disposition obligeant la haute direction du Service ou le Ministre à revoir les conditions d'ententes conclues dans des circonstances tout à fait différentes, avant de les remettre en vigueur.

Dans les cas d'ententes conclues avec des organismes étrangers mais inappliquées pendant une période prolongée, nous recommandons que les politiques du Service soient modifiées de manière à assurer la révision des conditions de ces ententes avant leur remise en vigueur.

Deux cas de coopération débordant le cadre d'une entente

Le Comité a relevé un cas où le SCRS avait discuté avec une agence de renseignement étrangère plusieurs projets d'opérations de renseignement qui, à son avis, débordaient le cadre de l'entente existante. Compte tenu du champ de l'entente, croyons-nous, la planification entreprise aurait dû être approuvée par le Ministre. Quant à lui, le Service a interprété l'entente différemment, affirmant qu'elle englobait les discussions préparatoires à toute opération. Même si les opérations n'ont finalement pas eu lieu et n'ont pas dépassé le stade de la planification, nous croyons qu'il faudrait revoir les politiques du SCRS et les instructions du Ministre afin de dissiper toute ambiguïté.

Dans un autre cas, un gouvernement étranger avait demandé que les informations échangées par tous ses organismes soient acheminées par son service de renseignement vers leurs destinataires. Cependant, pour ce qui est des renseignements touchant le filtrage des demandes d'immigration et de sécurité, l'entente du Service avait été conclue avec un autre organisme du même pays. Le SCRS s'est conformé aux directives du gouvernement étranger, ce qui l'a amené à communiquer des renseignements de cette nature à un organisme avec lequel il n'avait pas d'entente appropriée.

Le Comité estime que, dans les circonstances, cette façon de faire n'était pas acceptable et il en a informé le Service. Il a par la suite appris que le SCRS avait fait le nécessaire pour régulariser la situation en demandant l'autorisation de modifier ses ententes de manière à pouvoir échanger des renseignements touchant le filtrage des demandes d'immigration et de sécurité avec le service de renseignement en cause.

Incidences sur la politique de liaison avec l'étranger

Les ententes du SCRS avec les organismes étrangers sont régies par une instruction ministérielle de 1982, donc antérieure à la Loi sur le SCRS de 1984, où l'on trouve une terminologie et des procédures administratives non conformes à celles de la Loi. De plus, ce qui est cependant moins évident, nombre des définitions et termes figurant dans l'instruction sont sources de confusion et de contradictions; cela vaut particulièrement pour les définitions de la portée des ententes, qui sont ambiguës quant aux circonstances où il faut consulter ou conseiller le Ministre. Ce qui aggrave le problème, c'est que les politiques du Service à cet égard sont tirées de cette vieille instruction.

Voilà ce qui incite le Comité à réitérer l'espoir exprimé dans son rapport annuel de l'an dernier, soit que l'instruction ministérielle appelée à remplacer celle de 1982 décrive les ententes avec les organismes étrangers de façon cohérente, et cela, dans des termes comparables et compréhensibles par toutes les composantes de l'appareil du renseignement canadien.

Historique du Programme de liaison du SCRS avec l'étranger

Depuis sa création, en juillet 1984, jusqu'en 1989, le SCRS était doté d'une Direction de la liaison avec l'étranger. L'année suivante, il l'a remplacée par un nouveau système de communication avec les ALS et de coordination de leurs activités. Le CSARS s'est alors inquiété de la disparition de la Direction, regrettant qu'il n'y ait « plus d'intermédiaire... pour ‹ dénoncer › la communication illicite de renseignements à des organismes étrangersNote de bas de page 9 ».

Pour remplacer la Direction, le SCRS a constitué un nouveau groupe coiffé d'un coordonnateur et chargé de fournir aux ALS les services administratifs et le soutien requis. Ce coordonnateur et les ALS relevaient de deux membres différents de la direction du SCRS. Chaque conseiller, Liaison avec l'étranger, rattaché à sa propre direction opérationnelle, devait surveiller les échanges de correspondance et voir à ce que les ALS soient au courant des faits nouveaux.

Dans un rapport annuel antérieurNote de bas de page 10, le Comité s'est dit inquiet du nombre de fermetures de bureaux d'ALS par le SCRS et il a exprimé l'avis que celui-ci « gagnerait... à soigner davantage le programme de liaison avec l'étranger, plutôt qu'à s'en désintéresser, comme semble le laisser présager la courbe de l'effectif en poste à l'étranger ».

Pendant un certain nombre d'années, il n'y a guère eu de changements dans les bureaux du Service à l'étranger, sauf la fermeture de certains, mais la stratégie de liaison avec l'étranger a subi un remaniement en profondeur au milieu des années 90. C'est ce qui a amené la décision d'ouvrir certains bureaux d'agent de liaison-sécurité et d'en fermer d'autres ainsi que de modifier la structure de gestion de l'ensemble du programme de liaison avec l'étranger.

En 1994-1995, une étude sur la gestion interne a amené la modification des rapports et responsabilités hiérarchiques, tant du groupe que des ALS. Tout particulièrement, la gestion de l'ensemble du programme s'est retrouvée sous la coupe d'un gestionnaire supérieur. En 1997, le programme a accédé au rang de direction, coiffée par un directeur général. Comme il le mentionnait dans son rapport de vérification de l'an dernier, c'est sous le nouveau régime que le Comité présente cette année une évaluation des activités des ALS.

Étude exhaustive des ententes avec les organismes étrangers

Une bonne moitié des 212 ententes du SCRS avec des organismes étrangers, qui sont appliquées par ses ALS en poste à l'étranger, ont été conclues par le Service de sécurité avant la création du SCRS et, pour beaucoup, avant même l'instruction ministérielle de 1982. Le Comité connaît les procédures suivies localement chaque année par le SCRS pour évaluer certaines ententes. Cependant, des vérifications antérieures ont mis au jour des évaluations cotant favorablement des organismes de mauvaise réputation et des ententes demeurées inappliquées des années durant.

Le Comité reconnaît que le SCRS doit conclure de nouvelles ententes et élargir celles qui existent déjà afin de renforcer les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale. À son avis, la nouvelle instruction ministérielle imminente fournira aussi l'occasion d'assurer que toutes les ententes avec les organismes étrangers, notamment celles qui remontent avant la création du Service, soient revues et modifiées de manière à être conformes à cette nouvelle instruction et à la Loi sur le SCRS.

Nous recommandons que le Service réexamine systématiquement toutes ses ententes avec des organismes étrangers lorsqu'il aura reçu la nouvelle instruction du Ministre.

Le Comité reconnaît en outre qu'une révision comme celle qu'il recommande sur les ententes avec les organismes étrangers exigera des ressources considérables et durera plusieurs années.

Enquêtes sur les menaces intérieures - Rapport no 100

Le Comité a scruté plusieurs enquêtes menées par le SCRS au cours de l'exercice 1996-1997 et ayant trait à des menaces intérieures. L'une de ces enquêtes était liée à un secteur d'intérêt, tandis que les autres portaient sur des groupes et des individus soupçonnés de constituer des menaces de violence politique grave, selon les définitions énoncées à l'article 12 et à l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS.

Constatations du Comité

Le Comité a conclu que, dans presque tous les cas examinés, les enquêtes respectaient ces critères et avaient été menées conformément aux instructions du Ministre et aux politiques établies du SCRS. Les soupçons pesant sur les personnes et les groupes ciblés étaient fondés; le niveau de chaque enquête était approprié à la menace; et l'information recueillie et conservée par le Service respectait presque toujours le critère de la « mesure strictement nécessaire » pour permettre au SCRS de vérifier la nature de la menace.

Dans quelques rapports du Service, le Comité a cependant relevé des informations qui, à son avis, ne respectaient pas le critère de la « mesure strictement nécessaire », car elles avaient trait à l'orientation sexuelle et à la détresse psychologique. Il a recommandé au SCRS de supprimer ces informations de ses banques de données, ce qu'il a fait.

Le Comité a aussi scruté un affidavit visant à obtenir des pouvoirs par la voie d'un mandat et le conseil que le Service avait donné au gouvernement au sujet de ses enquêtes. Il a conclu que l'information contenue dans ces documents traduisait de façon fidèle et nuancée les données et les faits recueillis par le SCRS, et que l'évaluation de la menace possible était fondée.

Vérification des enquêtes du SCRS

Lorsqu'il scrute les enquêtes menées par le Service, le Comité a accès à toutes les instructions du Ministre, à tous les documents supports électronique et papier amassés ainsi qu'aux conseils fournis au gouvernement par le SCRS au sujet des enquêtes. Lorsqu'il les examine, il se pose quatre questions principales :

  • Y avait-il des motifs raisonnables de soupçonner l'existence d'une menace à la sécurité nationale et à celle du public au Canada, suivant les définitions énoncées à l'article 12 et à l'alinéa 2c) de la Loi sur le SCRS?
  • Le niveau des enquêtes était-il approprié aux menaces présumées?
  • L'information recueillie par le SCRS était-elle strictement nécessaire?
  • Les conseils fournis au gouvernement par le Service traduisaient-ils fidèlement l'information recueillie?

Rôle du SCRS dans la prévention de la violence à caractère politique

Le SCRS joue un rôle central dans la défense du Canada contre les menaces que peuvent représenter les groupes associés à la violence à caractère politique. Au nombre des « menaces à la sécurité du Canada » sur lesquelles il est expressément chargé d'enquêter figurent « les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger » (alinéa c) de la définition de menaces, article 2 de la Loi sur le SCRS).

Outre le fait qu'il informe l'ensemble du gouvernement sur la nature des menaces à la sécurité du Canada, le SCRS prodigue renseignements et conseils directement à plusieurs ministères et organismes gouvernementaux. Cette information peut fonder les profils destinés au filtrage des immigrants. Dans certains cas, les conseils du SCRS peuvent être déterminants dans l'admission d'un demandeur ou dans le rejet d'une demande de citoyenneté. Les renseignements de sécurité peuvent aussi servir à déterminer s'il convient d'autoriser l'accès d'un individu à l'information classifiée, ainsi qu'à seconder la police dans son rôle en matière de prévention du crime et de poursuites au criminel.

Coopération du SCRS avec la Gendarmerie royale du Canada - Partie 1 - Rapport no 101

Dans ses enquêtes sur les menaces présumées à la sécurité du Canada, le SCRS coopère et échange des informations avec les ministères fédéraux et les services de police. La nature de cette coopération est généralement définie dans des ententes officielles entre le Service et les autres organismes. À cet égard, le CSARS est chargé d'examiner tous ces accords et de surveiller la prestation des informations et renseignements qui y sont visés.

Cette année, nous nous sommes attachés à la coopération du Service avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC). La nature de ces rapports de coopération revêt une importance particulière étant donné que la GRC recourt abondamment aux services du SCRS et qu'elle lui fournit informations et renseignements. Ils sont aussi tous deux, bien entendu, des rouages essentiels de l'appareil qui sert à assurer la sécurité du Canada et de ses citoyens.

Conformément aux responsabilités que lui confère la Loi sur le SCRS, le Service peut communiquer aux autorités policières compétentes — municipales, provinciales ou nationales (GRC) — les informations qui peuvent lui être fournies au sujet d'activités criminelles possibles. Si le Comité s'est penché sur les rapports entre le SCRS et la GRC, c'était pour scruter non seulement cette responsabilité générale établie, mais aussi le processus d'échange de renseignements sur les activités qui sont au coeur de leurs mandats respectifs, soit, pour le SCRS, celles de recueillir et communiquer des informations au sujet des menaces à l'endroit du Canada et, pour la GRC, celles d'exercer les fonctions policières nécessaires à l'égard de ces mêmes menaces.

Les responsabilités de chaque organisme sont énoncées en termes généraux dans la Loi sur le SCRS, la Loi sur la GRC et la Loi sur les infractions en matière de sécurité. En vertu de l'alinéa 17(1)a) de la Loi sur le SCRS, les formes et méthodes de coopération sont précisées dans un accord. Le protocole d'entente entre les deux parties, qui a été conclu en 1990, est l'expression des attentes du gouvernement quant aux relations de la GRC et du SCRS et il fonde toute activité de coopération et de liaison entre les deux organismes. En examinant cette coopération, le Comité voulait cerner tout problème systémique qui, dans les rapports mutuels du Service et de la GRC, pourrait les empêcher de combler ces attentes et de s'acquitter de leurs responsabilités respectives en ce qui touche les questions intéressant la sécurité.

Amorce de l'examen

Le Comité s'est intéressé à cette question à la suite de vérifications récentes qui ont mis en lumière plusieurs difficultés et désaccords dans les relations entre le SCRS et la GRC. Dès lors, il s'est proposé de déterminer l'ampleur du problème afin de proposer des moyens d'améliorer la coopération de manière à mieux protéger la sécurité nationale du Canada.

Au moment d'amorcer son étude, le Comité croyait que les différences structurelles entre les deux organismes pourraient tenir une place importante dans les constatations que nous pourrions faire au sujet de la coopération opérationnelle entre eux. En effet, le SCRS est très centralisé, tandis que la structure opérationnelle de la GRC est relativement tentaculaire et décentralisée. Aussi est-il inévitable que certains problèmes, surgis d'abord au niveau régional, soient discutés et réglés entre les administrations centrales respectives des deux organismes.

En conséquence, nous avons subdivisé notre enquête en deux volets. Le premier, dont les résultats sont résumés dans le présent rapport, porte sur l'état des relations entre les administrations centrales des deux organismes. Il sera suivi par une étude de leurs relations au niveau des bureaux régionaux et de ceux de district. Étant donné ces « deux volets », nous tirerons la majeure partie de nos conclusions et formulerons des recommandations, s'il y a lieu, à la fin du second volet dont nous ferons rapport dans notre prochain rapport de vérification.

Méthode de vérification

Les relations entre le Service et la GRC sont nourries et diversifiées. Ces deux organismes recourent abondamment aux informations et renseignements de l'autre et leur entente officielle prévoit des échanges poussés sur les questions opérationnelles relevant de leurs compétences respectives. Les activités des deux organismes s'étendent à tout le Canada et il y a liaison directe et coopération opérationnelle dans les régions tout comme au niveau des administrations centrales respectives, à Ottawa. De plus, outre les questions opérationnelles, l'entente prévoit une coopération poussée qui se fait dans les autres domaines, principalement au niveau des administrations centrales nationales.

Notre examen a porté sur les huit premiers mois de 1997, mais nous nous sommes aperçus que, dans certains cas, il fallait tenir compte d'événements survenus avant ou après cette période pour pouvoir tirer des conclusions nuancées et objectives. Pour notre vérification, nous avons consulté les documents pertinents versés dans les dossiers administratifs du SCRS et dans sa banque de données. Nous avons interviewé l'agent de liaison du Service avec la GRC et d'autres agents supérieurs du SCRS, de même que leurs homologues de la GRC.

Nature des ententes de liaison existantes

Conformément à leur entente, le Service et la GRC ont arrêté d'un commun accord des mécanismes visant à faciliter la liaison et la coopération. La gestion de ces mécanismes est concentrée dans les administrations centrales des deux organismes et comprend l'affectation de personnel à la liaison tant régionale que nationale.

Les responsables de la liaison sont en outre la filière principale d'échange d'informations et de renseignements opérationnels. Ils ont un accès conditionnel aux documents et à l'information qui, de l'avis de l'organisme destinataire, peuvent concerner les responsabilités de l'autre en matière de sécurité. Le caractère conditionnel de l'accès tient au fait que l'organisme source de l'information doit décider s'il faut agréer à la demande des agents de liaison voulant que cette information soit utilisée par l'autre organisme ou lui soit communiquée. Par ces procédures, on s'attend à ce que le personnel de liaison détermine l'information qui peut servir à son propre organisme. De plus, certains autres types d'informations et de renseignements, traitant de sujets particuliers mentionnés dans le protocole d'entente, sont échangés couramment par des voies directes entre les deux parties.

Résultats de l'examen

Globalement, le Comité a conclu que les mécanismes de liaison actuels ont eu une portée profonde et positive sur les relations entre la GRC et le Service, notamment en instaurant à tous les niveaux une meilleure compréhension mutuelle des responsabilités et rôles respectifs. Nous avons constaté que les cadres supérieurs des administrations centrales des deux organismes appuient activement les initiatives de coopération et nous pouvons conclure que, dans la plupart des cas, ces mécanismes permettent de déceler les problèmes avant qu'ils ne s'aggravent trop.

Au sujet des secteurs de coopération non opérationnels — dont la plupart ne relèvent pas des agents de liaison désignés mais plutôt d'ententes conclues depuis longtemps par les deux administrations centrales en matière d'échange — nous n'avons relevé aucun problème d'importance.

Difficultés touchant l'usage des renseignements opérationnels échangés

Fonctions contradictoires et divulgation aux tribunaux

Même si, à la base, le mécanisme d'échange de renseignements semble bon, le Comité a relevé des difficultés quant aux décisions du SCRS concernant les éléments à divulguer et l'usage qu'en fait la GRC. Le problème se pose lorsqu'il y a conflit entre les attributions et les intérêts des deux parties au sujet des renseignements opérationnels du Service qui sont communiqués aux agents de liaison de la GRC.

Le rôle premier du SCRS est de rassembler des renseignements sur les menaces pesant sur la sécurité nationale, à l'aide de sources et de méthodes d'enquête qui doivent être protégées pour préserver l'intérêt du Canada en matière de sécurité nationale. L'usage de ces renseignements n'est pas censé trahir les méthodes ou les sources auxquelles le Service a recours. Inversement, tenue de maintenir l'ordre, la GRC a des fonctions différentes qui l'obligent à l'occasion à intenter des poursuites qui contraignent la Couronne à communiquer des informations aux tribunaux. En pareil cas, les renseignements de la GRC, dont ceux provenant du SCRS, sont susceptibles d'être communiqués en preuve pour être réfutés, risquant ainsi de divulguer publiquement les sources et les méthodes de collecte.

Pour parer à cette éventualité et conformément à son mandat, le SCRS impose des restrictions sur les documents et renseignements qu'il transmet à la GRC. Ainsi, l'information qu'il fournit ne peut être employée à l'occasion de procédures judiciaires sans l'autorisation expresse de son administration centrale. Cette restriction n'a pas manqué de susciter des frustrations au sein de la GRC, en particulier chez les enquêteurs qui y voient un obstacle de taille à la bonne exécution de leurs fonctions, mais qui peuvent avoir une connaissance imparfaite des contraintes pesant sur le SCRS.

En général, nous avons constaté qu'à l'administration centrale de chaque partie, on fait des efforts considérables pour comprendre les difficultés et les contraintes auxquelles font face les deux organismes. Nous avons constaté que la direction du SCRS était disposée à répondre aux besoins de la GRC dans la mesure du possible, en particulier si l'intérêt public dans la poursuite d'une affaire donnée semble l'emporter sur les considérations opérationnelles du Service et sur ses préoccupations en matière de sécurité.

Le Comité sait bien qu'à certains égards les tensions entre les deux organismes sont inévitables à propos de l'usage des renseignements provenant du SCRS, vu leurs besoins contradictoires. Néanmoins, les incidents qui ont été portés à notre attention et qui ont suscité en partie notre examen des rapports entre le SCRS et la GRC révèlent que le problème semble moins aigu dans les régions. Lorsque nous y examinerons la situation, nous scruterons le problème de près afin d'en déterminer la gravité et les conséquences pour la sécurité nationale. Le CSARS présentera ses conclusions dans son prochain rapport de vérification.

Effet possible de l'arrêt de la Cour Suprême dans l'affaire R. c. Stinchcombe
L'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Stinchcombe en 1991 a remis en question la façon de procéder décrite ci-dessus et employée par le SCRS pour empêcher la divulgation préjudiciable de renseignements. D'aucuns sont d'avis que cet arrêt risque de rendre susceptibles de divulgation aux tribunaux tous les renseignements du Service transmis à la GRC, en dépit des règles du SCRS régissant leur emploi ou du fait que la Couronne puisse les utiliser dans une poursuite. Le cas échéant, tout renseignement transmis par le Service à la GRC (verbalement, dans des lettres d'autorisation du SCRS ou même dans les procès-verbaux de discussions sur des enquêtes conjointes) risquerait d'être connu du public et donc de compromettre la sécurité nationale.

Dans la pratique, après avoir vérifié les liens entre les administrations centrales du SCRS et de la GRC, le Comité a toutefois conclu que, jusqu'à présent, cela n'a guère eu d'effet sur l'échange d'informations entre les deux organismes. Néanmoins, ceux-ci craignent que leur protocole d'entente actuel ne soit coupé de la réalité et ne doive être révisé. La GRC compte vérifier le protocole à l'interne pour déterminer les changements qui s'imposent.

Le Comité sait que divers organes de l'État ont entrepris l'étude d'un certain nombre d'initiatives dans le but de répondre aux problèmes soulevés par l'arrêt Stinchcombe, y compris d'éventuelles révisions à la loi. Le CSARS compte suivre de près l'évolution de ce dossier délicat.

Accès asymétrique et incomplet à l'information

Un examen antérieur du Comité dans les régions a attiré son attention sur un autre problème relatif aux échanges de renseignements opérationnels. Le SCRS limite dans un premier temps l'accès des agents de liaison de la GRC à ses renseignements. Ces agents, en quête d'information susceptible de les intéresser, ne peuvent consulter que les renseignements provenant de la région du SCRS à laquelle ils sont rattachés. Ils n'ont pas accès à ceux qui sont transmis au bureau régional par un autre élément du Service, même si ces renseignements peuvent concerner des questions dont ils ont déjà eu connaissance. Autrement dit, il se peut que les agents de liaison de la GRC doivent décider de la pertinence de certains renseignements sans connaître toute l'information existante.

Même si les dirigeants de la direction générale de la GRC que nous avons interviewés n'estimaient pas ce problème particulièrement grave, nos observations antérieures en région nous ont amenés à conclure qu'il est à tout le moins possible que soient passés sous silence des renseignements provenant du SCRS et essentiels au travail de la GRC. Le Comité estime que l'affaire devrait être examinée par l'administration centrale des deux organismes pour éviter que des problèmes de procédure et de structure comme celui-là ne provoquent des défaillances du système de renseignement. Nous avons l'intention de revoir l'affaire dans le deuxième volet de notre étude.

R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326

À l'occasion d'une poursuite pénale, un témoin interrogé par la Couronne avait fait une déposition favorable à l'accusé. Convaincu que le témoin n'était pas crédible, le ministère public a décidé de ne pas citer le témoin à déposer au procès. La défense a cherché à faire divulguer les déclarations du témoin dans l'espoir d'y trouver des renseignements favorables à l'accusé. Le ministère public a refusé. L'affaire a été portée devant la Cour suprême qui a statué en faveur de l'obligation générale de divulgation de la preuve (autre que des renseignements non pertinents ou protégés par un droit au secret) applicable au ministère public, mais non à la défense. Essentiellement, les motifs étaient les suivants :

  1. La divulgation élimine la surprise au procès et permet donc de mieux garantir que justice est faite.
  2. Il est du devoir du ministère public d'exposer au juge des faits tous les éléments de preuve dont il dispose : son rôle est de s'assurer que justice soit rendue et pas seulement d'obtenir une déclaration de culpabilité. Les fruits de l'enquête qui se trouvent en sa possession appartiennent à la société et doivent servir à assurer que justice soit rendue. (L'avocat de la défense, par contre, a pour mission de défendre les intérêts de son client dans la mesure autorisée par la loi.)

La décision Stinchcombe n'abordait pas à proprement parler le droit administratif. La Cour a pris soin de préciser dans ses conclusions qu'il ne fallait pas y voir des principes régissant la communication de la preuve ailleurs que dans une procédure pénale par voie de mise en accusation. Pour cette raison, elle n'est pas allée au-delà du droit pénal dans ses motifs. Malgré la tentative expresse de la Cour de limiter les effets de son arrêt et malgré le caractère pénal de la procédure, l'arrêt a été appliqué à des procédures administratives. Un grand nombre d'affaires se sont inspirées des principes énoncés dans l'arrêt Stinchcombe.

Chevauchement évitable des fonctions

De par les attributions propres au SCRS et à la GRC, il arrive qu'il y ait chevauchement de leurs secteurs d'activité opérationnelle. Pour l'essentiel, cela ne cause pas de graves difficultés puisque la loi définit clairement leurs vocations respectives et complémentaires. Toutefois, le SCRS a commencé à consacrer plus de ressources à un sujet qui préoccupe sans cesse davantage la communauté internationale : la montée de la criminalité transnationale. Même si cette opération est justifiée, elle risque de provoquer des désaccords avec la GRC et de réduire l'efficacité générale de la coopération, si elle n'est pas définie avec précision et bien menée.

La coopération entre les deux organismes en ce domaine est assez récente et déjà le Comité relève des signes de désaccord. Il a constaté que le rôle du SCRS n'était pas bien compris par certains membres de l'effectif opérationnel de la GRC, qui attendent du Service un apport que lui-même n'est pas disposé à fournir. De plus, nous avons noté que les termes employés par le SCRS pour décrire ou circonscrire son propre rôle et celui de la GRC en ce domaine (par exemple, « stratégique » et « tactique ») n'étaient pas assez clairs pour définir bien utilement les secteurs de responsabilité. Pour sa part, le Service a affirmé que les agents de renseignement et de maintien de l'ordre comprenaient bien ces concepts.

Même si nous estimons que le SCRS peut avoir un rôle important à jouer dans la lutte contre la criminalité transnationale, il est essentiel au maintien de rapports féconds entre les organismes que ce rôle soit clarifié et consacré de concert avec la GRC. L'Inspecteur général du Service a examiné la question et le Comité compte aussi effectuer sa propre étude.

Un cas inquiétant de coopération entre le SCRS et un autre organisme - Rapport no 103

En 1997, le CSARS a examiné une enquête que menait le SCRS au Canada sur des personnes liées à un conflit armé dans un pays étranger. Cet examen a révélé un certain nombre de problèmes possibles touchant des renseignements que le Service avait fournis à un organisme canadien d'application de la loi et à un ministère au sujet d'une personne visée par une enquête du SCRS.

Par suite d'allégations voulant que cette personne ait trempé dans un conflit armé à l'étranger, le SCRS a ouvert une enquête. Pendant cette enquête, l'organisme d'application de la loi concerné a embauché l'intéressée pour exécuter des travaux ayant trait à des renseignements classifiés. Il a par la suite enquêté sur cette personne et l'a poursuivie pour certains actes criminels.

Même si l'organisme d'application de la loi avait accès à des renseignements recueillis par le SCRS au sujet de cette personne, il n'a d'abord pris aucune mesure face à la situation qui régnait alors. Plus tard, ayant appris d'une autre source que l'intéressée aurait pris part à un conflit armé étranger, il a ouvert sa propre enquête.

Procédures de communication d'informations

Le Comité a conclu que la lenteur de l'organisme d'application de la loi à intervenir était probablement attribuable à deux facteurs.

En raison du mode de fonctionnement du système, les agents de cet organisme, affectés au SCRS, avaient accès à une partie seulement de l'information du Service. L'agent de liaison au bureau régional n'avait pas trouvé l'information qu'il avait vue suffisamment importante pour la communiquer à ses collègues au sein de l'organisme, mais après coup on l'a jugée pertinente à l'enquête criminelle. Le second motif est que l'enquêteur du SCRS avait conclu que l'individu visé par l'enquête n'était pas une menace à la sécurité, de sorte qu'il ne voyait pas la nécessité de pousser l'affaire plus loin.

Tensions entre les deux organismes

L'examen des événements par le Comité montre que les poursuites intentées contre l'individu ont envenimé les rapports entre les deux organismes. La police avait besoin d'information du Service pour continuer. Cependant, au lieu de suivre les procédures de liaison établies pour la demander, elle a eu recours à son pouvoir d'assignation pour forcer les agents du SCRS à témoigner au procès.

Même si ses témoins n'ont finalement pas témoigné parce que les accusations ayant trait à leurs renseignements avaient été retirées pour d'autres motifs, le Service a cru qu'il était fondé à s'inquiéter de la manière dont on le forçait à prêter assistance et de l'usage qu'on faisait de son information. L'arrêt récent de la Cour suprême touchant la communication en preuve et la divulgation souligne la nécessité d'une consultation mutuelle et d'une coopération adéquates dans les poursuites ayant trait aux renseignements recueillis par le Service.

Le second problème est survenu lorsque le service de police a tenté de faire expulser la personne du Canada au moyen de procédures judiciaires. L'information fournie sur elle par le Service à un autre organisme fédéral avec lequel la police était en rapport a semblé saper les efforts de cette dernière. Cependant, au lieu de recourir à l'un des processus de consultation établis, le service de police a demandé un mandat de perquisition pour obtenir un document du SCRS d'un troisième organisme fédéral. À cette fin, il a invoqué la perpétration d'actes criminels par des employés du Service. Celui-ci a affirmé qu'il aurait fourni sur demande n'importe quel renseignement ou document.

Constatations du Comité

De l'avis du Comité, plusieurs facteurs ont suscité ces événements, dont, peut-être, les impressions vives de l'un des principaux individus mêlés à l'affaire au sein du service de police, et les directives données à ce dernier par le procureur de la Couronne dans cette affaire.

Tout d'abord, il semble évident au Comité que, lorsque le service de police a embauché cette personne, il n'avait pas procédé aux vérifications strictes que requiert l'administration fédérale à l'égard des individus qui ont accès à des renseignements de nature délicate. N'ayant pas demandé de filtrage de sécurité au SCRS, le service de police n'était pas au courant des allégations qui pesaient sur l'intéressée. Même s'il n'entre pas dans son mandat de scruter les actes du service de police, le Comité estime que, selon toute vraisemblance, aucun des événements décrits ci-dessus ne se serait produit si le SCRS avait été invité à soumettre l'employé au filtrage de sécurité.

Ensuite, le Comité estime que le Service aurait dû fournir davantage d'information au sujet de l'intéressé au ministère fédéral concerné. Une évaluation plus complète aurait permis à celui-ci de mieux traiter le dossier d'expulsion établi par le service de police. À cet égard, le SCRS a affirmé qu'il aurait enfreint la « règle touchant l'information fournie par un tiers » en communiquant plus de renseignements et que la seule partie importante de sa lettre était, à tout événement, la conclusion : l'intéressé n'était pas une menace à la sécurité du Canada.

Enfin, facteur prédominant, ces événements montrent l'importance vitale que revêtent de bonnes procédures de consultation entre le Service et les organismes d'application de la loi. En raison de leurs mandats très différents, les risques de désaccord ou de perception erronée sont inhérents au travail de chacun. Pour que les organismes chargés de veiller à la sécurité du pays puissent entretenir des relations harmonieuses, ils doivent pouvoir régler au fur et à mesure et de façon rapide et constructive les tensions et difficultés qui surgissent inévitablement entre eux.

Dossiers d'intérêt particulier — rapports sommaires

Quand une source est-elle vraiment une source? Qu'est-ce qui confère à une institution son caractère névralgique? - Rapport no 99

Par suite d'allégations voulant que le Service ait désigné une source pour faire rapport sur des activités qu'on pouvait interpréter comme entrant dans le cadre d'une institution sociale névralgiqueNote de bas de page 11, le Comité a examiné l'affaire. Il se proposait alors de vérifier les rapports entre la source et le Service, et les activités de cette dernière, et de déterminer si les actions des personnes liées au SCRS respectaient les lois du Canada, les instructions du Ministre et les politiques du Service. L'examen du Comité lui a permis de conclure qu'aucune loi n'avait été enfreinte et que le SCRS avait recueilli des renseignements sur des personnes qu'on soupçonnait d'avoir pu menacer la sécurité du Canada. Cependant, nous avons décelé une lacune possible dans la politique existante. En raison de la période relativement brève durant laquelle cette personne a agi pour le compte du Service, on n'a pas suivi la procédure normale d'approbation des sources par la haute direction. De l'avis du CSARS, cela dénote un problème au niveau des politiques, et il en a fait part au SCRS. Ce dernier n'était pas d'accord avec lui. Depuis ces événements, les politiques du Service ont été modifiées : la condition touchant la durée de la période nécessitant l'approbation de la haute direction ne s'applique plus.

En outre, le Comité a tenté de déterminer si le théâtre de l'opération du SCRS répondait à la définition du terme « institution névralgique », situation à l'égard de laquelle des lignes directrices spécifiques obligent le Service à exercer une diligence particulière. Il a conclu qu'il n'avait pas suffisamment d'informations pour tirer pareille conclusion, mais il a aussi noté que la compréhension du terme institution sociale névralgique, selon le SCRS, était peut-être trop restrictive. Le CSARS se propose de scruter cette question de plus près au cours de ses futurs examens.

Les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord et les institutions névralgiques

Pour les opérations délicates, on recourt invariablement aux sources humaines qui, même si elles sont le moyen le plus efficace de recueillir des renseignements, comportent aussi le plus de risques quant aux effets sur les institutions sociales, sur la dissension licite et sur la vie privée des gens.

La Loi sur le SCRS interdit expressément au Service d'enquêter sur les « activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord  », à moins qu'elles ne soient liées à une menace à la sécurité du Canada, au sens donné à ce terme dans la Loi. Le SCRS est tenu de peser avec soin la nécessité d'une enquête et ses incidences possibles sur les libertés civiles individuelles et sur les institutions névralgiques du Canada, dont les syndicats, les médias, les institutions religieuses et les campus universitaires.

Opération faisant appel à une source humaine - Rapport no 102

Périodiquement, le Comité effectue des études spéciales sur les opérations faisant appel à des sources humaines si les risques sont élevés ou si une vérification courante permet de croire qu'une opération justifie, à son avis, un examen plus approfondi. L'affaire qui suit remplit ces deux conditions.

Les deux objectifs de notre examen étaient de déterminer si le Service avait respecté la Loi sur le SCRS, les instructions du Ministre et ses propres politiques opérationnelles, et d'évaluer si les risques généralement inhérents à l'opération en question étaient justifiés, compte tenu des renseignements fournis par cette source particulière.

Cette source était un personnage controversé avant d'être recrutée par le Service. Les politiques opérationnelles confèrent à la haute direction le pouvoir d'approuver ce type de recrutement, et les autorisations voulues avaient été obtenues. Pour l'ensemble de l'opération, nous avons trouvé que le SCRS avait suivi à la lettre les instructions du Ministre et ses propres politiques opérationnelles. Ainsi, lorsque les activités de la source ont mis en danger l'intégrité de l'opération, le Service a mis fin à ses relations avec elle.

Il y a cependant deux points que le Comité désapprouve quant au mode d'exploitation de cette source. Le premier concerne les pratiques de gestion interne du Service. Devant les problèmes qu'aurait pu provoquer la suspension des rapports avec la source, nous croyons que le Directeur du SCRS aurait dû être informé au moment où la décision en ce sens a été prise.

Le second point touche la décision du Service de rétablir ses rapports avec la source à la suite de la suspension. Le Comité s'est inquiété de cette décision, compte tenu de son évaluation tant des gestes controversés de la source que de l'information qui en avait été tirée. À ce sujet, le SCRS nous a affirmé que sa décision de renouer contact tenait principalement à la possibilité que la source lui fournisse par la suite d'importants renseignements.

Mesures de sécurité interne

Pendant l'examen mené en 1997, nous avons scruté les questions entourant un grave manquement à la sécurité qui était survenu au Service plusieurs années plus tôt. Lorsqu'on a pris conscience du problème, le Solliciteur général a demandé à l'Inspecteur général du SCRS de se pencher sur l'affaire. Dans son rapport, l'Inspecteur général a déclaré que certains éléments de la politique existante en matière de sécurité interne laissaient à désirer quant à la manière dont le Service aurait dû réagir initialement face à un manquement à la sécurité comme celui qui s'était produit. Il y a aussi mentionné que les politiques et méthodes concernant le contrôle des documents et des locaux n'avaient pas été suivies et que d'autres pratiques relatives à la sécurité devaient faire l'objet de mesures correctives.

Le Comité a examiné les mesures que le Service a prises par la suite pour combler les lacunes sur le plan de la sécurité. Il s'est aussi penché sur les recommandations de l'Inspecteur général à cet égard. À son avis, le SCRS a réagi en tout comme l'exigeait la situation. Les procédures de contrôle des documents et des locaux ont toutes été améliorées et les employés ont été sensibilisés à la sécurité interne.

Comme tous les organismes fédéraux, le SCRS est tenu de suivre la Politique fédérale sur la sécurité, énoncée par le Conseil du Trésor. Il se voit aussi imposer des politiques d'autres organismes, par exemple, les normes cryptographiques du Centre de la sécurité des télécommunications. Le manuel des politiques du SCRS sur la sécurité reprend ces normes en détail et, dans certains cas, les renforce. De plus, les employés du Service sont censés connaître les politiques touchant la sécurité et s'y conformer. Les gestionnaires sont responsables du rendement de leur service et les politiques du SCRS sur les ressources humaines prévoient des sanctions pour les manquements aux politiques établies, dont le défaut de signaler les problèmes possibles à la sécurité.

Aussi, le Comité estime qu'en plus des mesures correctives déjà prises, le Service devrait entreprendre un vaste examen des politiques et pratiques qui influent à la fois sur ses réactions aux signes avant-coureurs de problèmes de sécurité imminents et sur les méthodes dont il dispose pour faire enquête si de tels problèmes surgissent. Le SCRS devrait aussi envisager la possibilité de vérifier plus souvent l'accès des employés à ses banques de données internes.

Une affaire revêtant un intérêt historique - Rapport no 104

À l'occasion d'un examen antérieur, le Comité a repéré des documents montrant que le SCRS avait reçu d'une source étrangère des renseignements sur un Canadien qui, dans un passé lointain, aurait fait de l'espionnage pour le compte d'un service de renseignement hostile. De plus, d'après les dossiers, le Service avait prêté son concours à la GRC dans une enquête criminelle sur ce Canadien.

Le Comité s'est intéressé à la chose pour trois raisons : déterminer en vertu de quel pouvoir un employé du SCRS avait aidé la police dans un dossier qui semblait nettement criminel, voir ce que le Service entendait tirer d'une affaire dont l'intérêt était surtout historique, et scruter les autorisations qui avaient permis les rapports du SCRS avec le service étranger.

Notre examen a montré que la source étrangère était un service de renseignement qui n'avait pas d'entente avec le Service lorsqu'il lui a fourni spontanément l'information sur cette présumée affaire d'espionnage. Avant de recevoir les renseignements, le SCRS avait été autorisé par le Solliciteur général à se mettre en rapport avec l'organisme étranger en cause afin de passer un accord officiel. Il n'existe cependant aucune autorisation ministérielle habilitant le Service à demander à la source étrangère de lui communiquer des renseignements de fond.

L'organisme étranger avait fourni les renseignements initiaux sur l'agent pour montrer sa bonne foi et il a par la suite permis au SCRS, à sa demande, de consulter toute sa documentation. Pour le Service, c'était là un moyen de vérifier l'ouverture de l'organisme étranger.

Constatations du Comité

Même si le SCRS avait été autorisé à enquêter sur le présumé agent, le Comité est d'avis qu'il aurait dû obtenir l'autorisation ministérielle avant que les autorités étrangères lui communiquent le gros des renseignements « officieux ». Le Service a attesté que le Ministre avait été informé à plusieurs reprises de ce qui se passait et qu'il avait approuvé cette forme de liaison avec l'organisme étranger, mais il n'existe aucun document officiel à cet égard. L'information reçue était cruciale, c'est évident, pour percer cette vieille affaire d'espionnage contre le Canada.

Le Service a affirmé que, l'information reçue n'ayant pas été demandée, l'autorisation du Ministre n'était pas nécessaire mais avait quand même été obtenue. Nous avons conclu que la nature des rapports nécessitait l'aval du Solliciteur général.

Nous recommandons avec insistance que, dans tous les cas où le Service demande et obtient l'autorisation du Ministre, un document officiel en fasse état.

Quant à la coopération du Service à l'enquête criminelle de la GRC, notre examen montre qu'elle est en tous points conforme au protocole d'entente qui lie les deux organismes et prévoit l'aide de services étrangers pour les questions de sécurité. D'après les dossiers, le SCRS a joué un rôle de liaison, en facilitant une rencontre de la Gendarmerie avec les autorités étrangères, et il n'a pas pris part aux entrevues de la police. Le Comité est persuadé que le Service a coopéré avec la GRC dans les limites de ses politiques opérationnelles, de la procédure et de la Loi sur le SCRS.


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2016-12-02