Discours de la ministre Freeland pour annoncer la réponse du Canada à la crise des Rohingyas

Discours

Le 23 mai 2018 - Ottawa, Canada

Le discours prononcé fait foi. Le présent discours a été traduit en conformité avec la politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada, et il a été révisé en vue d’être affiché et distribué en conformité avec sa politique de communication.

Aujourd’hui, nous annonçons les nouvelles mesures que le Canada prendra pour répondre à la crise des Rohingyas au Myanmar et au Bangladesh et pour défendre les droits de cette communauté qui a trop souffert. 

Avant de vous donner de l’information sur ces mesures, j’aimerais vous parler brièvement de ce que j’ai vu dans les camps de réfugiés que j’ai visités au Bangladesh au début du mois de mai. D’abord, les Rohingyas vivent dans les conditions les plus horribles. Dans les camps, les réfugiés ont décrit la brutalité de l’exil et la déshumanisation qu’ils subissent. Mais ce qui fait le plus froid dans le dos, ce sont les témoignages qui font état de l’utilisation du viol comme arme de guerre. C’était vraiment terrible. 

Cette violence n’a pas commencé récemment. Au cours des dernières années, l’armée du Myanmar et les milices ont utilisé les violences sexuelles les plus sordides afin d’opprimer ce peuple. Les femmes réfugiées nous ont raconté que leurs latrines avaient été détruites, ce qui les forçait à se rendre dans les bois pour aller aux toilettes. Là-bas, leurs agresseurs pouvaient plus facilement les agresser. Les récits de gens qui sont arrivés au cours des deux dernières semaines sont essentiellement les mêmes que ceux de gens qui sont arrivés depuis le mois d’août 2017. Les atrocités doivent cesser. Justice doit être rendue. Et nous devons nous mobiliser ainsi que la communauté internationale pour dire : « C’est assez! ». 

Lorsque j’étais au Bangladesh plus tôt ce mois-ci, des réfugiés ont décrit la brutalité avec laquelle ils ont été traités. Il s’agit bel et bien d’un nettoyage ethnique. Ce sont des crimes contre l’humanité. Nous avons entendu parler de familles déchirées, de maris et de femmes, de frères et sœurs, d’enfants et de parents, d’amis et de voisins qui ne se sont pas vus depuis des années. Le plus effrayant, nous avons entendu des récits poignants sur l’utilisation du viol comme arme dans les conflits. Les femmes nous ont dit que leurs toilettes avaient été détruites, les forçant à utiliser des latrines extérieures où elles devenaient des cibles plus faciles pour leurs agresseurs. Elles ont décrit comment elles couvraient leur visage de boue pour être moins attirantes comme proie. 

Chaque jour, de nombreux Rohingyas sont encore obligés de fuir. Les récits de personnes qui sont arrivées juste deux semaines avant ma visite au Bangladesh sont à peu près les mêmes que ceux des personnes arrivées depuis août 2017. Ces histoires tragiques démontrent l’importance de tout mettre en œuvre pour aider ces personnes, qui sont parmi les plus vulnérables au monde. 

La crise des Rohingyas nécessite une réponse globale. C’est pourquoi le Canada lance aujourd’hui une stratégie qui aborde quatre aspects distincts de la situation : la crise humanitaire, dont mon admirable collègue, Marie-Claude Bibeau, qui s’est également rendue dans les camps, parlera dans un instant, ainsi que la situation politique, la question de la responsabilité et de l’impunité, et l’importance d’une coordination et d’une coopération internationales efficaces. Ce sont les champs d’action que l’envoyé spécial Bob Rae, mon ami et voisin, a définis. Et ce sont sur ces mêmes questions qu’il a demandé au gouvernement de se pencher. 

Je suis d’accord avec le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, qui a décrit la campagne contre les Rohingyas comme un parfait exemple de nettoyage ethnique et qui a dit soupçonner fortement que des actes de génocide ont pu avoir lieu dans l’État de Rakhine depuis le mois d’août. Le gouvernement du Myanmar a manqué à son devoir fondamental de protéger les droits de la personne et d’assurer la sécurité et la dignité des personnes vulnérables et marginalisées, en particulier les femmes et les filles. 

Sans justice, équité et respect des droits fondamentaux au Myanmar, il ne peut y avoir de paix. Nous continuons de plaider en faveur de l’accès sans entrave de l’ONU et des organisations internationales à l’État de Rakhine, et du retour des réfugiés, de manière volontaire, digne, sûr et durable, avec l’appui du HCR [Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés] des deux côtés de la frontière. Les Rohingyas ont le droit de rentrer chez eux. Nous savons cependant qu’actuellement, les conditions ne sont pas propices à leur retour. 

Sur la question de la responsabilité et de l’impunité, nous devons veiller à ce que les responsables des atrocités et des violations des droits de la personne commises dans l’État de Rakhine, y compris la violence sexuelle et fondée sur le genre, soient traduits en justice. Le Canada appuie fortement les travaux actuels de la Mission d’enquête au Myanmar du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui présentera un rapport au Conseil au mois de septembre. Nous demandons au gouvernement du Myanmar d’assurer à la Mission un accès complet et sans entrave. 

En février, nous avons imposé des sanctions au major-général Maung Maung Maung Soe du Myanmar, en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, pour son rôle dans les violations des droits de la minorité rohingya au Myanmar. Le Canada continuera de travailler avec des partenaires partageant sa vision des choses afin d’améliorer l’efficacité des sanctions ciblées contre les auteurs de violations flagrantes des droits de la personne. Nous exhortons le Conseil de sécurité des Nations Unies à intégrer la violence sexuelle systématique comme critère de désignation spécifique dans les régimes de sanctions de l’ONU. 

Bon nombre des personnes à qui j’ai parlé au Bangladesh, des personnes qui ont été persécutées, ont exprimé avec véhémence leur désir d’obtenir justice et de voir les responsables rendre des comptes. Et je pense que c’est une chose que nous pouvons tous comprendre ainsi que le désarroi de ces personnes. Elles ont dit vouloir que le monde sache ce qu’elles ont enduré et qui en est responsable. Pour que ce désir légitime se réalise, les témoignages des survivants doivent être documentés. Nous devons continuer à travailler de façon claire et en nous fondant sur des faits pour recueillir et préserver les preuves afin qu’elles puissent être présentées à une autorité compétente pour établir la responsabilité. Les fonds que nous annonçons aujourd’hui appuieront les efforts continus visant à documenter et à protéger les preuves des atrocités commises. 

Il ne peut y avoir d’impunité pour les auteurs de ces crimes horribles. Le Canada pilotera l’appel à la justice et travaillera avec des pays aux vues similaires pour examiner tous les moyens de demander des comptes aux auteurs d’actes criminels, y compris l’établissement d’un mécanisme de reddition de comptes semblable au mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, connu sous le nom de MIII. Le Canada travaille également avec ses partenaires sur les prochaines étapes en vue d’un renvoi à la Cour pénale internationale de la situation au Myanmar par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le Canada s’est engagé à travailler avec ses partenaires nationaux, régionaux et internationaux et les gouvernements du Myanmar et du Bangladesh pour faire face aux conséquences de cette tragédie humaine qui se poursuit. Cet engagement guidera toutes les mesures et initiatives décrites dans la stratégie du Canada. Dans le cadre de cette stratégie, le Canada mettra sur pied un groupe de travail international composé de pays aux vues similaires afin de mieux coordonner l’aide, d’harmoniser les efforts de défense des droits et de mobiliser des appuis pour nos principales initiatives. 

Nous nous engageons également à continuer de travailler avec le gouvernement du Bangladesh et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin de déterminer les possibilités de réinstallation des Rohingyas du Bangladesh. Lorsque la réinstallation sera possible, le Canada travaillera avec le Haut Commissariat pour déterminer le meilleur moment d’aller de l’avant et pour identifier les familles et les personnes les plus vulnérables. Notre expérience de travail avec les femmes yézidies nous a appris que certaines survivantes de violence sexuelle auront besoin d’une réinstallation d’urgence. 

Notre gouvernement est au courant de cette crise depuis le début de la violence en août dernier. Nous continuerons d’inciter nos partenaires internationaux à chercher des moyens de mettre fin à cette crise, comme nous l’avons fait auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies, du Conseil des droits de l’homme, du Commonwealth et, plus récemment, de l’Organisation de coopération islamique. Cette question était au cœur de notre réunion des ministres des Affaires étrangères du G7, que j’ai accueillie le mois dernier chez moi à Toronto, et elle sera à l’ordre du jour du Sommet des dirigeants du G7. La semaine prochaine, Marie-Claude [Bibeau] tiendra aussi une réunion du G7 avec les ministres du Développement international.

La communauté internationale et nous-mêmes avons la lourde responsabilité de répondre aux besoins criants des Rohingyas persécutés. Nous ne pouvons pas rester silencieux. Nous devons demander des comptes aux auteurs d’actes de violence et soutenir tous les efforts visant à instaurer une paix et une réconciliation durables au Myanmar. Je crois très sincèrement que l’histoire jugera de ce que nous faisons aujourd’hui, et que l’on se souviendra que le Canada a pris la défense de ces personnes les plus persécutées. 

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