Communiqué ministériel de la Coalition pour la liberté des médias

Déclaration

Nous, membres de la Coalition pour la liberté des médias, avons tenu notre première réunion ministérielle le 16 novembre 2020. Nous y avons échangé des points de vue et coordonné les mesures à prendre pour défendre la liberté de la presse dans le monde entier.

La réunion ministérielle s’est tenue dans le cadre de la deuxième Conférence mondiale sur la liberté de la presse, organisée conjointement par le Canada et le Botswana.

La Coalition pour la liberté des médias est un partenariat de pays qui travaillent ensemble à défendre la liberté de la presse, en ligne et hors ligne, et la sécurité des journalistes et des représentants de la presse. Elle a pour objectif de promouvoir la responsabilisation des personnes qui portent préjudice aux journalistes et aux représentants de la presse, ou qui les empêchent indûment d’accomplir leur travail.

Tous les membres de la Coalition ont signé l’Engagement mondial pour la liberté des médias. Chaque membre signataire s’est engagé à travailler à l’amélioration de la liberté de la presse et de la sécurité des journalistes, dans son pays et à l’étranger.

Nous avons rappelé que les attaques contre la liberté de la presse sont aussi des attaques contre les droits de la personne, dont le droit à la liberté d’expression inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et les traités internationaux relatifs aux droits de la personne, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Nous avons insisté sur le fait que la liberté de la presse est essentielle à la protection des droits de la personne, parce qu’elle rend publics les faits relatifs aux violations et aux abus des droits.

Nous avons aussi affirmé qu’une presse libre est la pierre angulaire de la démocratie. La population a besoin de médias libres et indépendants qui lui fournissent des informations exactes, facilitent le débat public et des échanges éclairés, tiennent les gouvernements responsables de leurs actes et travaillent dans l’intérêt public.

Nous avons insisté sur le lien entre la liberté de la presse, le développement économique et la prospérité, notamment en ce qui concerne les Objectifs de développement durable pour 2030.

Nous avons exprimé notre inquiétude relativement au déclin continu de la liberté de la presse, attribuable en partie à la montée de l’autoritarisme et à l’utilisation de technologies numériques qui restreignent cette liberté. De pareilles mesures ont notamment mené à l’adoption de lois indûment restrictives, à la surveillance arbitraire ou illégale, à la censure, à l’ingérence indue dans la circulation de l’information en ligne, ainsi qu’à des violences physiques exacerbées par les menaces financières qui pèsent sur l’indépendance et la viabilité des médias.

Nous avons salué le rôle crucial joué par les journalistes et les représentants de la presse, et rendu hommage à ceux qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession.

Les ministres de la Coalition pour la liberté des médias se sont réunis au milieu de la pandémie sans précédent de COVID-19, qui touche toutes les régions du monde, impose un coût énorme aux sociétés, exacerbe les vulnérabilités préexistantes, provoque des changements sociétaux et sape davantage la liberté de la presse.

Nous avons félicité les journalistes et les autres représentants de la presse, dont ceux qui rendent compte de la crise sanitaire actuelle. Leur travail permet de tenir les sociétés informées, de promouvoir des mesures sanitaires appropriées et de lutter contre les informations fausses ou trompeuses.

Nous avons exprimé notre préoccupation face aux efforts de certains États qui se servent de la crise comme d’un prétexte pour mettre en place des restrictions excessives à la liberté de la presse et à l’indépendance des médias. Nous avons également exprimé notre inquiétude à l’égard de certains États qui ont entrepris des campagnes de désinformation liées à la pandémie afin de saper la confiance dans les systèmes politiques démocratiques et leurs réponses à la pandémie.

Nous avons exhorté les gouvernements à continuer de garantir la liberté de la presse et l’indépendance des médias, la sécurité des journalistes et des autres représentants de la presse, et à s’abstenir d’imposer des restrictions excessives dans la lutte contre la COVID-19.

Nous avons reconnu la hausse inquiétante du nombre de menaces, tant en ligne que hors ligne, qui visent à intimider les journalistes et les organisations de la presse dans le but de les réduire au silence.

Nous avons condamné sans équivoque toutes les attaques et les violences contre les journalistes et les représentants de la presse telles que la torture, les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements et les détentions arbitraires, ainsi que l’intimidation et le harcèlement dans les situations de conflit ou de paix.

Nous avons exhorté les gouvernements à promouvoir un environnement sécuritaire et favorable pour les journalistes afin qu’ils puissent exercer leur travail sans ingérence indue, notamment en raison de l’adoption de mesures législatives, de la surveillance illégale ou arbitraire, de l’application de lois excessives sur la diffamation ou d’autres mesures qui les empêcheraient d’accomplir leur travail.

Nous avons reconnu que l’impunité pour les attaques contre les journalistes constitue l’un des principaux défis à relever afin de renforcer leur protection.

Nous avons appelé les gouvernements à faire tout leur possible pour empêcher la violence contre les journalistes et les représentants de la presse, pour garantir la responsabilisation grâce à la conduite d’enquêtes sur les allégations de violence contre les journalistes sur leur territoire, pour traduire les auteurs de ces crimes en justice et pour que les victimes aient accès à des recours appropriés.

Nous avons insisté sur le fait que les droits de la personne, dont ceux qui concernent la liberté de la presse, doivent être protégés en ligne comme hors ligne, et avons reconnu le rôle transformateur des technologies numériques dans l’accès à l’information et aux idées et dans leur diffusion.

Nous avons réaffirmé que les intermédiaires, comme les plateformes de médias sociaux et les moteurs de recherche, avaient la responsabilité de respecter les droits de la personne et de défendre la liberté de la presse, étant donné leur incidence sur l’exercice du droit à la liberté d’expression.

Nous avons exprimé notre préoccupation à l’égard des mesures prises par des intermédiaires pour limiter l’accès aux contenus en ligne ou les supprimer, en outre au moyen de processus automatisés comme les algorithmes, qui n’ont pas été rendus transparents et dont l’utilisation peut restreindre indûment l’accès à l’information.

Nous avons condamné la tendance croissante de certains gouvernements à fermer intentionnellement Internet, ainsi qu’à filtrer et à retirer des contenus ciblés, et exprimé notre profonde inquiétude à ce sujet. Les restrictions imposées aux réseaux par les gouvernements, qu’elles soient partielles ou complètes, limitent la liberté de la presse et la capacité des journalistes et des défenseurs des droits de la personne à rendre compte des violations ou des abus des droits de la personne et à demander des comptes aux gouvernements.

Nous avons reconnu l’incidence profonde que l’utilisation de l’intelligence artificielle peut avoir sur la liberté de la presse, dont son potentiel de renforcer les capacités de surveillance illégale ou arbitraire à grande échelle des journalistes et de censure des médias, ainsi que la conservation algorithmique de l’information sans transparence ni responsabilité.

Nous avons exprimé notre inquiétude relativement aux lois, aux mesures juridiques punitives et à la violence physique qui ont restreint le travail essentiel des journalistes et des organisations de la presse, souvent sous le couvert de la lutte contre la désinformation.

Nous avons exprimé notre profonde préoccupation quant à l’effet paralysant de la prolifération de lois trop vagues sur les « fausses nouvelles » concernant la liberté de la presse et sur le nombre accru d’arrestations et de détentions de journalistes accusés d’en faire la diffusion.

Nous avons exprimé notre inquiétude quant à l’érosion de la confiance du public à l’égard des institutions publiques, attribuable à la prolifération de la désinformation et des fausses informations, qui nuit au besoin de la population d’accéder à de l’information d’intérêt public et utile pour sa participation à la vie démocratique.

Nous avons insisté pour que les solutions visant à combattre la désinformation soient ancrées dans le respect des droits de la personne, de la liberté d’expression et de la démocratie.

Nous avons salué les initiatives prises par des membres de la société civile pour s’attaquer au problème de l’accès à de l’information fiable en période d’infodémie, et nous avons appelé les intermédiaires, dont les plateformes de médias sociaux, à participer aux efforts mondiaux visant à protéger la liberté de la presse tout en respectant les principes primordiaux de transparence et de respect des droits de la personne.

À l’occasion du 25e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, nous avons reconnu qu’il était impératif d’adopter une approche sexospécifique en matière de protection et de promotion de la liberté de la presse, et avons rappelé le rôle important que jouent les médias dans la perception du public envers les femmes dans la société et de leur rôle dans la promotion de l’égalité des genres.

Nous avons reconnu les risques particuliers auxquels sont confrontées les femmes journalistes dans l’exercice de leur travail, notamment la violence sexuelle et fondée sur le genre, le harcèlement, les attaques en ligne et hors ligne, la traque et l’intimidation.

Nous avons insisté sur le fait que les formes multiples et croisées de discrimination, d’intimidation et de violence à l’égard des femmes journalistes ont un effet négatif plus vaste sur l’égalité des genres, les droits et le renforcement du pouvoir des femmes, en cherchant à les faire taire et à les empêcher de témoigner de leurs expériences et de faire connaître leurs préoccupations.

Un écosystème de l’information sain dépend de l’existence de médias libres, indépendants, pluriels, accessibles et diversifiés. Cela comprend une diversité de représentation des expériences vécues au sein des organisations médiatiques mêmes et la reconnaissance de l’intersectionnalité essentielle dans la promotion de l’inclusion et du respect de la diversité.

Nous avons par conséquent reconnu l’importance de la représentation, dans les médias, de groupes qui ont souvent eux-mêmes fait l’objet de formes multiples et croisées de discrimination et d’autres violations et abus des droits de la personne, notamment les membres de minorités raciales, ethniques et religieuses, les personnes handicapées et les membres de la communauté LGBTI (lesbiennes, gais, bisexuels, transsexuels et intersexués).

Nous avons reconnu les risques supplémentaires auxquels sont confrontés les journalistes en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur expression de genre.

Nous avons reconnu les défis économiques sans précédent auxquels sont confrontés les médias en raison d’une baisse importante de leurs recettes publicitaires et de l’ampleur de la pandémie de
COVID-19.

Nous avons exprimé la crainte que ces enjeux affectent considérablement la santé de l’écosystème mondial de l’information en réduisant la diversité des opinions diffusées au public et en mettant en péril l’indépendance de la presse, ce qui pourrait avoir des effets corrosifs sur la gouvernance démocratique. Nous nous sommes félicités du lancement, par le Forum sur l’information et la démocratie, d’un nouveau groupe de travail chargé d’examiner la question de la viabilité des médias.

Les ministres ont discuté d’une série d’options de politiques et de pratiques exemplaires ayant pour but de renforcer la liberté de la presse dans le monde.

Nous avons appelé les membres de la Coalition pour la liberté des médias à réfléchir à ce qui suit :

  • Offrir un refuge sécuritaire aux journalistes qui sont en danger et qui ont été pris pour cible en raison de leur travail;
  • Accroître la coordination et l’investissement dans les dépenses de développement des médias pour appuyer l’indépendance et la pérennité des médias, et l’accès à leurs produits;
  • Appuyer de façon cohérente et à long terme le déploiement d’efforts nationaux de collaboration sérieuse pour traiter des questions de la sécurité des journalistes et de l’impunité;
  • Défendre haut et fort, et de façon concertée, la liberté de la presse;
  • Renforcer les mesures qui favorisent un environnement juridique propice à la liberté d’expression, notamment pour les représentants de la presse;
  • Chercher à intégrer davantage la question de la sécurité des journalistes dans les processus des Nations Unies et des organismes régionaux des droits de la personne concernés;
  • Mettre en œuvre des mesures sexospécifiques qui assurent la sécurité des journalistes, reconnaissent et traitent les risques particuliers aux femmes et aux groupes marginalisés, y compris les minorités raciales, ethniques et religieuses, les personnes handicapées et les personnes en situation de vulnérabilité, ainsi que les membres des communautés LGBTI;
  • Adopter et appliquer des sanctions ciblées contre les auteurs connus d’abus et de violations des droits de la personne pour lutter contre la répression des journalistes et les restrictions à la liberté de la presse;
  • Condamner toutes les attaques contre les journalistes et lutter contre la stigmatisation et le dénigrement croissants des journalistes par les fonctionnaires;
  • Collaborer avec des intermédiaires numériques, comme les plateformes de médias sociaux, pour faire la promotion de mesures préventives contre l’utilisation abusive de leurs propres systèmes de restriction indue de la liberté de la presse;
  • Mettre à l’essai des pratiques exemplaires pour faire face à la montée de l’infodémie et réfléchir aux propositions présentées par le groupe d’experts du Forum sur l’information et la démocratie.

Nous avons insisté sur le rôle important joué par les organisations internationales et régionales dans la protection et la promotion de la liberté de la presse, notamment l’ONU, l’UNESCO, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Organisation des États américains, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que le Conseil de l’Europe.

Nous avons accueilli le Belize et le Botswana en tant que nouveaux membres et avons élargi ainsi le nombre de pays qui appuient les objectifs de la liberté de la presse.

Nous nous sommes félicités des travaux menés actuellement par le Groupe d’experts juridiques de haut niveau sur la liberté de la presse, qui conseille les gouvernements sur les moyens à prendre pour prévenir la répression sur la liberté de la presse et l’inverser.

Nous avons pris note avec satisfaction des rapports initiaux du Groupe d’experts, qui recommande la prise de sanctions ciblées pour protéger les journalistes et l’assistance consulaire pour leur venir en aide.

Nous attendons avec impatience la publication des prochains rapports pour les étudier avant la prochaine réunion ministérielle de la Coalition.

Nous avons salué le travail du Réseau consultatif de la société civile de la Coalition pour les conseils judicieux qu’il a prodigués et pour avoir dressé la liste des cas préoccupants à régler au moyen de représentations diplomatiques.

Nous nous sommes engagés à renforcer nos méthodes de travail afin de mieux traiter les cas préoccupants soulevés par le Réseau consultatif et les autres membres de la Coalition pour la liberté des médias.

Nous nous sommes félicités des progrès réalisés par l’UNESCO qui, par l’intermédiaire de son fonds mondial pour la défense des médias, appuie les initiatives en ce sens, notamment celles d’organisations locales dans le monde entier.

Nous nous sommes félicités des contributions de nouveaux donateurs au Fonds, qui permettront d’en étendre la portée et la pérennité.

Nous attendons avec impatience la prochaine réunion ministérielle de la Coalition, qui se tiendra en Estonie en 2021. Ce sera l’occasion de renouveler nos engagements et de discuter des nouvelles menaces et occasions qui se présentent.

Nous attendons avec impatience la tenue de la Conférence mondiale sur la liberté de la presse, organisée par les Pays-Bas et l’UNESCO, qui se tiendra les 9 et 10 décembre 2020 à La Haye.

Afghanistan, Allemagne, Argentine, Autriche, Botswana, Bulgarie, Canada, Chypre, Costa Rica, Danemark, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Ghana, Grèce, Honduras, Islande, Japon, Kosovo, Lettonie, Liban*, Lituanie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Maldives, Monténégro, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Serbie, Seychelles, Slovaquie, Soudan, Suisse, Ukraine, Uruguay

*Le Liban s’associe à la déclaration, sous réserve. 

Ottawa
Le 16 novembre 2020

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