Déclaration conjointe de la réunion ministérielle de la Coalition Sahel du 9 mars 2022

Déclaration

Le 11 mars 2022 – Ottawa, Ontario – Affaires mondiales Canada

La Coalition pour le Sahel est née dans un esprit de partenariat et de redevabilité réciproque pour répondre de façon concertée aux défis sécuritaires régionaux. Fort des progrès militaires enregistrés sur le terrain, le Sommet de N’Djamena du 16 février 2021 a appelé à un sursaut civil et politique pour stabiliser de façon durable les zones libérées de la menace terroriste. Sous ces auspices, lors de sa réunion ministérielle du 19 mars 2021, la Coalition pour le Sahel a adopté une feuille de route destinée à mobiliser et coordonner les principaux engagements de ses membres, dans une approche intégrée autour de quatre piliers : lutte contre le terrorisme ; renforcement des capacités de sécurité et de défense ; redéploiement de l’État et des services de base ; développement.

Près d’un an après N’Djamena, si certains engagements de la feuille de route ont progressé et doivent être consolidés, force est de constater que l’évolution de la situation régionale a affecté cette dynamique. L’intervention de coups d’État obère les conditions du sursaut civil et politique. Au plan sécuritaire, alors que les civils sont la cible croissante d’attaques terroristes et miliciennes, l’extension des activités des groupes terroristes sahéliens vers les États du littoral ouest-africain impose de repenser l’effort collectif sur une échelle régionale élargie.

De surcroit, les positions prises par les nouvelles autorités de transition du Mali envers des membres de la Coalition et leur recours à des mercenaires étrangers ont radicalement affecté le contexte politique, juridique et opérationnel de l’action collective, remettant en question l’esprit de N’Djamena et la capacité des partenaires à poursuivre efficacement l’engagement militaire actuel sur le sol malien. Dans une déclaration conjointe du 17 février 2022, de nombreux Chefs d’État et de Gouvernement ont pris acte de ce changement profond. Ils ont annoncé le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs, tout en exprimant leur volonté de rester engagés dans la région en adaptant l’ensemble des piliers à ce nouveau contexte.

Dans ces conditions, une révision stratégique de la feuille de route de N’Djamena s’impose à partir de ce premier bilan et autour de nouvelles orientations politiques. A cet égard, les Ministres des Affaires étrangères :

1. Notent et saluent le bilan de mise en œuvre de la feuille de route présenté par le Haut représentant de la Coalition. Ils invitent les États de la région et leurs partenaires internationaux à capitaliser sur ces acquis, à prendre en compte les évolutions stratégiques nécessaires, à les opérationnaliser, à ajuster ses priorités et échéances et à veiller à renforcer l’articulation des mesures militaires, de stabilisation et de développement, soulignant que la responsabilité première demeure aux États du G5 Sahel.

2. Soutiennent pleinement les efforts de la CEDEAO et de l'Union africaine pour un retour à l'ordre constitutionnel au Mali et au Burkina Faso. Ils réaffirment leur disponibilité à maintenir le dialogue avec les autorités de transition, en soulignant la nécessité d’organiser des élections libres et équitables dans les meilleurs délais. Si les médiations des organisations régionales l’estiment opportun, le Haut représentant de la Coalition pourra accompagner toute dynamique positive. Ils notent la volonté des autorités de la transition du Tchad de mener à bien un dialogue national pleinement inclusif et encouragent ces autorités à œuvrer à la tenue d’élections libres et équitables à l’échéance de 18 mois.

3. Rendent hommage aux soldats et policiers africains et internationaux tombés dans la lutte contre le terrorisme ainsi qu’aux victimes civiles. Ils soulignent l’effort constant consenti par les forces armées tchadiennes.

4. Marquent leur profonde préoccupation face aux risques induits par la présence croissante de mercenaires russes au Mali et à leur possible impact déstabilisateur sur l’ensemble de la région.

5. Se félicitent de l’engagement des États signataires de la déclaration du 17 février à poursuivre leur action conjointe pour lutter contre l’insécurité dans la région du Sahel et ses franges suite au retrait progressif et coordonné de l’opération Barkhane et de la Task Force Takuba du Mali. Ils notent de même la volonté de mener pour cela des consultations politiques et militaires inclusives dans l’objectif d’aboutir à des décisions communes d’ici juin 2022, en accord avec leurs procédures constitutionnelles respectives et en étroite coordination avec les États de la région. Ils soulignent à cet égard l’importance de capitaliser sur le retour d’expériences et de s’attaquer aux causes premières de l’insécurité dans les régions les plus vulnérables.

6. Souhaitent travailler collectivement à une adaptation des modalités de soutien à l’effort des pays d’Afrique de l’Ouest voisins du Sahel, sur la base d’une analyse commune et de leurs demandes, afin de prévenir et contenir le risque d’extension des actions terroristes. Ils soulignent l’importance d’une bonne articulation avec les initiatives et organisations régionales pertinentes telles que l’Initiative d’Accra, le G5 Sahel, la CEDEAO et l’Union africaine. Ils invitent à cet égard les pays africains concernés à préciser leurs besoins tant en matière de lutte anti-terroriste que de prévention des conflits et d’aménagement du territoire ou de stabilisation de ces régions vulnérables.

7. S’engagent à maintenir l’aide aux populations du Sahel et à poursuivre, là où cela est possible, l’appui aux structures gouvernementales légitimes pour la délivrance de services de base en lien avec le sursaut civil et politique. Ils réitèrent aussi la nécessité de continuer l’appui de longue date aux populations et à la société civile du Mali, tout en adaptant les modalités de sa mise en œuvre à la situation induite par les décisions de la CEDEAO.

8. Appellent les parties prenantes à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation (APR) au Mali. Ils saluent à cet égard le rôle de l'Union européenne (UE) dans le Comité de suivi de l’APR, présidé par l’Algérie, et sa contribution générale au service de la sécurité, la stabilité, le développement et l'action humanitaire dans le cadre de sa Stratégie intégrée pour le Sahel, à travers notamment les missions EUTM et EUCAP. Ils soulignent la contribution essentielle de la MINUSMA à la stabilisation du pays, à la mise en œuvre de l’APR, à la protection de la population malienne et des Droits de l'Homme, et à la création d'un environnement sûr pour l'aide humanitaire.

9. Réitèrent leur soutien au G5 Sahel et à sa Force conjointe et saluent l’appui des pays africains à son profit. Ils rappellent l’importance d’une pleine mise à disposition de bataillons nationaux par les États du G5, avec un équipement adapté. Ils notent aussi le soutien logistique important de la MINUSMA. Ils se félicitent de l’apport du Collège de défense du G5 de Nouakchott et de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme d’Abidjan.

10. Réaffirment l'importance de la protection des civils et de la lutte contre l’impunité. Ils s’engagent à aider davantage les gouvernements et les autres partenaires dans ces efforts, visant à plus de justice et à une meilleure gouvernance. Ils saluent à cet égard les progrès réalisés par la Force conjointe du G5 Sahel dans l'opérationnalisation de son Cadre de conformité aux Droits de l'Homme et au Droit International Humanitaire avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme.

11. Marquent leur préoccupation face à la dégradation continue de la situation humanitaire dans la région, y compris la grave crise alimentaire qui la touche, et plaident pour un renforcement de la mobilisation de l’effort humanitaire international.

12. Rappellent que seule une approche globale s'attaquant aux causes de l’instabilité, telles que la malgouvernance, la pauvreté, le chômage des jeunes, l'insécurité, l’impunité, les violations des Droits de l’Homme, les effets néfastes du changement climatique, l’insécurité alimentaire, l’inégalité des genres et les migrations irrégulières, peut apporter une réponse pertinente et durable aux défis de la région. Compte tenu de l’évolution du contexte régional, ils insistent sur l’importance d’agir dans une logique de prévention et de stabilisation pour éviter l’expansion des conflits et des crises.

13. Soulignent l’importance d'assurer une inclusion effective des populations les plus marginalisées aux processus de décisions. Ils rappellent en particulier le rôle des femmes dans les processus de médiation, en accord avec « l’Agenda Femme, Paix, Sécurité » des Nations Unies, reconnaissant la contribution que cela pourrait apporter à la stabilité de la région. Ils expriment leurs inquiétudes quant au risque de recul des droits des femmes. Ils exhortent à des efforts accrus de soutien aux besoins des plus vulnérables, dont les personnes handicapées et les déplacés.

14. Se félicitent de l’opportunité offerte par l’Assemblée générale de l’Alliance Sahel prévue le 4 avril 2022 à Madrid pour affiner et renforcer les termes de l’action collective en matière de développement. A cette occasion, ils l’encouragent à analyser l’effet de la nouvelle situation régionale sur les agendas de coopération au développement et sur les modalités d’interventions, notamment son impact sur l’approche territoriale intégrée, et dans les régions frontalières.

15. Encouragent le Secrétariat de la Coalition pour le Sahel dans son effort de coordination avec le Secrétariat exécutif du G5, l’Unité de Coordination de l’Alliance Sahel et le Secrétariat du Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel de l’UE. Ils invitent à produire régulièrement un bilan factuel des efforts en cours sur les quatre piliers, sous l’égide du Haut Représentant et selon des modalités respectueuses de la gouvernance de chaque instance. Ils encouragent les comités nationaux de suivi à se réunir de manière régulière et inclusive.

16. Demandent au Haut représentant de la Coalition pour le Sahel, en coordination étroite avec ses partenaires, de remettre d’ici juin une mise à jour de la feuille de route de N’Djamena afin d’adapter l’ensemble des piliers sur la base du bilan effectué et selon les orientations politiques reçues.

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