Critique de livre - Understanding Urban Warfare - Liam Collins et John Spencer
Critique préparée par l’adjudant Peter Vandoremalen, membre du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Il a servi dans la cellule des opérations urbaines à la BFC Gagetown, à titre d’instructeur et d’officier responsable de la cellule.

Hampshire UK
Howgate Publishing Ltd., 2022
392 pp.
ISBN: 1912440350
Les opérations urbaines sont devenues un sujet qui fait couler beaucoup d’encre au sein de la communauté internationale de la défense ces derniers temps, puisque les événements qui se déroulent en Ukraine ont montré que la guerre du XXIe siècle comprend une composante urbaine extrêmement importante. Malgré la prédominance croissante de la guerre urbaine dans le monde contemporain, les armées modernes n’ont pas accordé à ces opérations complexes le temps, l’énergie, l’étude et la formation qu’elles méritent. Liam Collins et John Spencer abordent une série de questions essentielles dans Understanding Urban Warfare. La partie 1 de l’ouvrage « Understanding the Complex Operational Environment » comprend six chapitres qui permettent au lectorat de comprendre les complexités dont un soldat, une soldate ou un dirigeant, une dirigeante doivent être conscients dans l’espace de combat urbain. La partie 2 soutient les préceptes établis dans la partie 1 avec quinze études de cas modernes urbains saisies sous forme d’entretiens avec des spécialistes qui, le plus souvent, ont participé à la bataille.
Dans la partie 1, John Spencer s’entretient avec des universitaires et des spécialistes. À partir des résultats des entrevues, les auteurs expliquent en six chapitres comment l’espace de combat moderne doit être compris. En prenant du recul par rapport à l’espace de combat urbain, un commandant ou une commandante doit voir une ville pour ce qu’elle est vraiment : un écosystème composé de multiples entrées et sorties qui existent en équilibre. Toute perturbation de cet équilibre aura un effet en cascade avec une multitude d’effets de premier et de deuxième ordre.Note de bas de page 1 Si une ville de deux millions de personnes est privée de l’enlèvement des ordures pendant plusieurs semaines, un problème important de santé et de sécurité se pose. Cet exemple est facile à citer, puisque la plupart des Nord-Américains et des Nord-Américaines ont vécu quelque chose de cette nature au cours de leur vie et peuvent s’identifier à la frustration qui en découle. Prenez cet exemple et privez la population d’eau, d’électricité, d’une chaîne alimentaire stable et d’un accès fiable aux soins de santé et à ce qui reste, c’est une population rétive privée des besoins de base. Ce facteur critique (c.-à-d., comment gérer la population civile avant, pendant et après les combats) est souvent négligé.Note de bas de page 2 Comme le soutiennent les auteurs, il est essentiel, au cours de la phase de planification, de déterminer les infrastructures et le personnel essentiels à la poursuite des services mentionnés ci-dessus.
L’une des leçons essentielles de l’ouvrage est la nécessité d’intégrer les opérations d’information et les affaires civiles dans toutes les phases du processus de planification, mais surtout au cours des phases initiales. Il s’agit de deux éléments clés qui permettent de faire des percées et de légitimer une opération, et leur utilisation par les Américains et les Américaines pendant la deuxième bataille de Falloujah (du 7 novembre au 23 décembre 2004) et de la bataille de Ramadi (de 2006 à 2007) en est un exemple.Note de bas de page 3 La population d’une ville ne peut pas être reléguée à une seule nationalité; c’est un tissu de nombreuses dynamiques culturelles et sociales qui diffèrent d’un volet à l’autre. L’expérience américaine de la « guerre à trois volets »Note de bas de page 4 fait ressortir l’impératif de connaître le « terrain humain » d’une ville.Note de bas de page 5 En mettant les opérations d’affaires civiles et d’information à l’avant du processus de planification, on s’adapte au terrain humain, ce qui permet à ces actifs de façonner le message, de le propager et de répondre efficacement aux opérations d’information ennemies.Note de bas de page 6 Dans un combat urbain, le niveau tactique au sol sera remporté sur le terrain, mais le niveau opérationnel sera remporté dans le cœur et l’esprit de la population d’une ville. L’incapacité de répondre aux besoins fondamentaux de la population civile et de devancer la bataille de l’information va rapidement tourner une population contre la cause militaire/gouvernementale.
Les études de cas de la partie 2 offrent un excellent aperçu de la longueur et de l’ampleur des actions urbaines modernes, allant de la bataille d’Ortona pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) à la bataille de Choucha en 2020, représentant une période de 81 ans. Il serait difficile de décomposer et d’analyser chaque étude de cas compte tenu des contraintes d’espace de cet examen. Par conséquent, ce qui suit est un résumé condensé des leçons retenues. Comme il est indiqué dans toutes les études de cas, l’impératif consistant à utiliser la doctrine interarmées et à fonctionner harmonieusement sur le plan opérationnel interarmées a été le moteur essentiel du succès. Il y a une certaine hésitation dans l’ensemble de la communauté de la défense à engager des équipements blindés dans l’espace de combat urbain; car ils sont vulnérables en terrain fermé et ils sont privés des avantages de l’impasse, de la mobilité et de la pleine utilisation de l’optique et de l’armement à longue portée. Cela peut être contrebalancé par l’infanterie, le génie et la coopération blindée. L’infanterie assure une sécurité intime et une protection de la force aux blindés. De même, les ingénieurs et ingénieures fournissent un soutien pour le dégagement des itinéraires, l’ouverture de brèches et l’enlèvement d’explosifs, et les blindés assurent la surveillance et l’appui-feu direct.
Le terrain urbain comprend des bâtiments à plusieurs étages à proximité les uns des autres, des lignes électriques et la population civile. Tous ces facteurs nuisent à l’utilisation du tir indirect. La ligne de vue de la batterie vers la cible est souvent bloquée par les bâtiments, et les risques de dommages collatéraux pour la population et les infrastructures sont élevés. En raison de l’espace de combat confiné – habituellement pas plus d’un côté de la rue à l’autre – le temps de réaction doit être immédiat, ce qui rend les feux indirects peu pratiques. Par conséquent, la présence d’un blindé fournissant un appui-feu direct est essentielle au succès de la mission. L’emploi de blindés par les forces américaines lors de la deuxième bataille de Falloujah (du 7 novembre au 23 décembre 2004) et de Sadr City (du 26 mars au 11 mai 2008)Note de bas de page 7 a établi la norme pour les opérations interarmes dans l’espace de combat urbain. Dans ces deux cas, un insurgé ennemi connaissait intimement le terrain, était bien armé et combattait à partir de positions préparées. Dans ces circonstances, même quelques défenseurs sont très efficaces et extrêmement difficiles à éliminer. L’utilisation des moyens blindés et leur division en petits éléments d’armes combinées (comme l’ont fait les Américains à Sadr City) ont démontré une excellente flexibilité et interopérabilité. Il convient de noter qu’un bâtiment avec des positions de combat fortifiées peut contenir une force exponentiellement plus grande qu’elle-même. Cela peut être surmonté avec un appui-feu direct des chars utilisant leur armement principal pour engager et détruire des cibles ponctuelles qui sont imperméables aux armes légères d’infanterie. Les forces armées des Philippines ont utilisé efficacement leur armure lors de la bataille de Marawi (23 mai au 23 octobre 2017) et ont démontré ce point. Les efforts qu’ils ont déployés pour utiliser leurs véhicules blindés de transport de troupes en construisant des rampes sur le deuxième étage d’un immeuble pour obtenir une ligne de vue témoignent de l’efficacité de l’appui-feu direct blindé.Note de bas de page 8
Understanding Urban Warfare est une introduction essentielle pour les soldats et les dirigeants, qui servent dans l’environnement opérationnel en constante évolution d’aujourd’hui. L’ouvrage décrit avec justesse comment on regarde les espaces de bataille urbains et fournit de nouvelles perspectives sur les composants cruciaux. En conclusion, les auteurs ont cerné une foule de leçons apprises qui ont été bien appuyées par les études de cas et qui laissent au lectorat une certaine orientation et des principes de planification sur lesquels réfléchir.Note de bas de page 9 Je recommande vivement ce livre aux anciens combattants, aux anciennes combattantes et aux novices, puisqu’il présente un examen complet, exhaustif et équilibré de la guerre urbaine du XXe et du XXIe siècle. La guerre urbaine constitue le passé, le présent et l’avenir de la guerre et est aussi intemporelle que le conflit lui-même. Compte tenu des événements et du développement en Ukraine, l’ensemble de l’établissement de la défense bénéficierait considérablement d’une meilleure compréhension des opérations urbaines, et ce livre est une excellente occasion d’y parvenir.
Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition d’octobre 2024 du Journal de l’Armée Canadienne (21-1).