Comprendre les risques et atténuer les préjudices causés aux civils pendant des opérations en zone urbaine
par Sahr Muhammedally
Le monde a vu la façon dont les villes de Bakhmut, Gaza, Khartoum et Marioupol ont été touchées par les bombardements aériens, les tirs d’artillerie et les guerres de siège qui ont détruit des vies et des infrastructures. De telles images de combat en zone urbaine ont aussi été vues à Alep, à Kiev, à Raqqa, à Mossoul, à Marawi et à Sanaa, où des civils ont été mutilés, tués ou déplacés, où le tissu social s’est déchiré, les répercussions touchant des générations entières.Note de bas de page 1 Les conflits d’aujourd’hui se déroulent dans des quartiers et des marchés animés et aux portes des maisons. Le combat en zone urbaine est la forme de guerre la plus dangereuse sur le plan des préjudices causés aux civils, alors qu’environ 50 millions de personnes dans le monde en subissent actuellement les contrecoups.Note de bas de page 2 La guerre dans les villes perturbe l’éducation, la santé et les moyens de subsistance, et affecte profondément le capital humain, la croissance économique, le développement et la capacité de consolidation de la paix d’un pays, ce qui peut prendre des décennies à se reconstruire.
Les villes sont vulnérables aux conflits parce qu’elles sont les centres de gravité de la vie civile.Note de bas de page 3 Le contrôle des grandes villes est l’un des meilleurs indicateurs des progrès militaires et peut déterminer l’issue d’un conflit. La tendance à l’urbanisation renforce la valeur stratégique des villes, alors que l’on s’attend à ce que 68 % de la population mondiale vive dans des environnements urbains d’ici 2050.Note de bas de page 4 Les belligérants peuvent choisir de mener les combats dans des zones urbaines, où le terrain physique et humain peut freiner les capacités de précision et les technologies de forces armées supérieures. On a vu les assaillants avoir recours à la guerre de siège, notamment en limitant l’approvisionnement des populations en nourriture, en eau, en médicaments et en électricité, et utiliser des munitions explosives de grand calibre, comme des tirs d’artillerie non guidés, des lance-roquettes multiples, des bombes et des tirs de mortier à large rayon ainsi que des dispositifs explosifs de circonstance (IED), avec des conséquences dévastatrices pour les civils.
Le combat en zone urbaine est le type d’opération qui pose les plus grands défis, où les objectifs militaires s’entremêlent aux civils et aux biens de caractère civil. Le droit international humanitaire (DIH), aussi appelé « droit des conflits armés » (DCANote de bas de page 5 ), limite les moyens et les méthodes de guerre que les parties au conflit peuvent employer et assure la protection et le traitement humain des personnes qui ne participent pas aux hostilités, selon les principes d’humanité, de distinction, de proportionnalité et de précautions. La majorité des militaires demeurent mal préparés à un conflit en zone urbaine, que ce soit sur le plan de la doctrine, de l’entraînement, des armes et de la conception de l’équipement pour de telles opérations. Cependant, le risque accru que pose la guerre urbaine pour les civils nécessite d’apporter des changements en matière d’entraînement, de politiques et de pratiques militaires pour composer avec les conséquences humanitaires du combat en zone urbaine, tout en assurant le succès de la mission. Au cours des guerres récentes, les commandants ont aussi cerné des raisons stratégiques de réduire les préjudices causés aux civils, car des pertes civiles importantes peuvent miner la légitimité d’une mission militaire, profitant ainsi à l’ennemi. Comme l’a souligné un certain commandant : « Dans les guerres entre les peuples, où les véritables batailles sont pour la légitimité, les préjudices causés aux civils, même dans les limites du DCA, peuvent avoir des répercussions négatives majeures sur la mission. » [Traduction]Note de bas de page 6
Alors que les forces armées se préparent à améliorer leur capacité de mener des opérations dans des environnements urbains, y compris des opérations de combat à grande échelle, et à tirer parti d’opérations multidomainesNote de bas de page 7 qui synchronisent les opérations aériennes, terrestres, maritimes, cybernétiques et spatiales, il est impératif de comprendre les risques pour les civils et les biens de caractère civil, et d’adopter de nouvelles pratiques militaires pour réduire les préjudices causés aux civils.
Selon le présent article, la compréhension de l’environnement urbain, y compris le terrain, la population, l’infrastructure de soutien et la technologie, dans l’optique de l’atténuation des préjudices causés aux civils et aux biens de caractère civil, est essentielle pour que les planificateurs militaires puissent déterminer les façons de réduire au minimum ces préjudices, et pour apporter les mises à niveau requises sur le plan de la doctrine, des politiques, des pratiques, de l’entraînement et de l’équipement.Note de bas de page 8
Cadres juridiques, politiques et stratégiques pour réduire au minimum les préjudices causés aux civils
Droit
Le DCA reflète une tentative d’équilibre entre la nécessité militaire et le principe d’humanité. Note de bas de page 9 Le DCA est énoncé dans des traités comme les quatre Conventions de Genève de 1949, qui ont été négociées et ratifiées après la Seconde Guerre mondiale, ainsi que dans les Protocoles additionnels I et II de 1977 et dans le droit international coutumier.Note de bas de page 10
En vertu du DCA, une fois qu’une attaque contre une cible militaire vérifiée est jugée admissible, les responsables de la planification et des décisions relatives à cette attaque sont tenus d’en appliquer les règles pour éviter ou réduire au minimum les préjudices accessoires causés aux civils. Les trois grands principes qui s’appliquent à la conduite des hostilités, qu’il s’agisse de conflits armés internationaux ou non, sont la distinction, la proportionnalité et les précautions.Note de bas de page 11 Le Protocole additionnel I et le droit international coutumier exigent que les parties à un conflit fassent en tout temps la distinction entre les personnes civiles, les biens de caractère civil et les objectifs militaires.Note de bas de page 12 Les civils et les biens de caractère civil ne doivent pas être l’objet d’une attaque.Note de bas de page 13 La règle qui porte sur les attaques sans discrimination interdit les attaques qui ciblent à la fois des objectifs militaires et des civils ou des biens de caractère civil sans établir de distinction.Note de bas de page 14
La règle sur la proportionnalité interdit les attaques qui peuvent causer des pertes accessoires de vies civiles, des blessures à des civils ou des dommages à des biens de caractère civil qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct anticipé.Note de bas de page 15
Le DCA exige que toute opération militaire soit menée en veillant constamment à épargner la population, les civils et les biens de caractère civil.Note de bas de page 16 Le terme « opérations militaires » englobe « les déplacements, manœuvres et actions de toute nature, effectués par les forces armées en vue des combats » ou qui sont « liés aux hostilités », et non seulement les attaques.Note de bas de page 17 Par conséquent, les mesures visant à protéger les civils doivent être prises en compte dans la planification opérationnelle et l’exécution des missions, non seulement sous la forme d’une politique, mais aussi pour respecter les obligations légales, tant pendant la guerre qu’en préparation à la guerre.Note de bas de page 18 Cela peut comprendre les opérations au sol, l’établissement de bases, les préparatifs défensifs et les opérations de recherche.Note de bas de page 19
Le DCA impose les obligations supplémentaires de prendre toutes les précautions possibles lors de la planification d’une attaque et exige que les parties au conflit protègent les civils et les biens de caractère civil soumis à leur autorité contre les effets des attaques. Parmi les précautions que peut exercer la partie qui attaque, il peut s’agir d’évaluer les risques pour les civils, de fournir un avertissement par des moyens efficaces, de prendre toutes les précautions possibles quant au choix des moyens et des méthodes d’attaque en vue d’éviter les dommages causés incidemment, de s’abstenir de lancer une attaque qui causerait des dommages disproportionnés, de modifier le moment d’une attaque ou d’annuler complètement une attaque si elle risque de causer des dommages accessoires excessifs par rapport à l’avantage militaire attendu.Note de bas de page 20 La partie qui se défend est également tenue de prendre des précautions contre les effets des attaques, où il s’agit, entre autres, de fournir des avertissements en temps utile en cas d’attaque imminente, d’éloigner les civils qui sont soumis à son autorité du voisinage des objectifs militaires et d’éviter de placer des objectifs militaires à l’intérieur ou à proximité de zones fortement peuplées.Note de bas de page 21
Le DCA interdit également l’utilisation de boucliers humains et le recours à la famine contre les civils.Note de bas de page 22 Les tactiques d’encerclement et de siège ne sont légales que lorsqu’elles sont utilisées directement contre les forces ennemies, et la partie assiégée ne peut priver délibérément les civils de fournitures essentielles à leur survie.Note de bas de page 23
Les opérations en milieu urbain peuvent brouiller les fonctions policières et militaires, car les domaines de responsabilité se chevauchent et nécessiteront une coordination entre les forces militaires et la police, y compris les forces spéciales militaires, les armes et tactiques spéciales de la police et les équipes de renseignement de la police. Des plans doivent être élaborés pour mettre en œuvre des politiques appropriées – conformément au droit international humanitaire (DIH), usage de la force pour l’application de la loi – en ce qui concerne : la distinction entre les combattants et les civils; les opérations de détention/d’internement; les conditions et le traitement des prisonniers; les garanties judiciaires; les garanties procédurales; et le transfert, le rapatriement ou la libération des prisonniers.Note de bas de page 24
Enfin, un nombre croissant d’analyses se sont penchées sur l’application des principes et des règles du DCA dans le contexte des opérations cybernétiques et spatiales.Note de bas de page 25 Par exemple, les commentateurs militaires notent que, dans les guerres futures, le rythme accéléré des opérations pourrait donner lieu à une délégation des pouvoirs décisionnels à des subalternes qui utilisent des outils décisionnels automatisés.Note de bas de page 26 Il est donc essentiel de veiller à ce que les technologies émergentes utilisées pour la guerre évaluent suffisamment les impacts humanitaires prévisibles et respectent le DCA.Note de bas de page 27
Étant donné la nature complexe des environnements urbains – où s’entremêlent les militaires et les civils – et la délégation du pouvoir décisionnel, il est nécessaire que tout personnel de tous les niveaux reçoive une formation sur le DCA, le jugement éthique et les règles d’engagement (RE) propres au théâtre des opérations afin de veiller au respect du DCA et de réduire au minimum les préjudices causésaux civils.
Politiques
Dans les conflits récents, certains militaires ont adopté des politiques spécifiques à leur mission, adaptées pour réduire au minimum les préjudices causés aux civils. En Afghanistan, en réponse aux critiques publiques relatives aux préjudices causés aux civils, la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a promulgué plusieurs directives tactiques visant à réduire les pertes et les blessures parmi les civils, ainsi que les dommages aux biens de caractère civil.Note de bas de page 28 En 2011, à la suite de critiques généralisées dénonçant les préjudices causés aux civils, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a aussi introduit une politique visant à restreindre le recours à des tirs indirects dans les zones peuplées.Note de bas de page 29 En 2017, le gouvernement afghan a promulgué une Politique d’atténuation et de prévention des pertes civiles, engageant ses forces armées à atténuer les préjudices causés aux civils et à y remédier, grâce à des politiques, à l’entraînement des militaires et à une aide financière aux victimes du conflit.Note de bas de page 30
En 2016, l’OTAN a adopté sa toute première politique de protection des civils (PoC) et a renforcé l’engagement de l’organisation à l’égard d’une atténuation plus efficace des dommages civils.Note de bas de page 31 Cette politique était, en partie, la réponse de l’OTAN aux critiques des actions de l’OTAN qui avaient contribué à causer des victimes civiles lors de ses opérations en Libye et en Afghanistan. L’OTAN a tenté d’élaborer un cadre complet de PoC, non seulement afin « de réduire le plus possible et de limiter les effets négatifs pouvant découler d’opérations militaires de l’OTAN ou dirigées par l’OTAN », mais aussi pour « protéger les civils contre les violences physiques ou les menaces de violences physiques émanant d’autres acteurs dans les conflits, notamment par la mise en place d'un environnement sûr et sécurisé ».Note de bas de page 32 Cela a été suivi d’un manuel sur la PoC, publié en 2021.Note de bas de page 33 Sur une période de six ans, l’OTAN a considérablement renforcé ses politiques et ses cadres en matière de PoC, et leur applicabilité à la guerre en milieu urbain est d’autant plus cruciale aujourd’hui, dans le contexte d’une guerre contre l’un des partenaires stratégiques de l’OTAN, l’Ukraine.
Plus récemment, en réponse aux signalements de préjudices causés aux civils qui sont attribués aux États-Unis en Irak et en Syrie et à un examen interne des incidents,Note de bas de page 34 le département de la Défense des États-Unis a promulgué, en août 2022, le Civilian Harm Mitigation and Response Action Plan (CHMR-AP), un plan d’action pour améliorer la façon dont l’armée américaine prévient les préjudices causés aux civils et y réagit dans le spectre des conflits, y compris les opérations de lutte contre le terrorisme et les conflits de haute intensité. Ce plan demande aussi à l’armée de mettre en place un centre d’excellence en matière de protection civile; de réviser la doctrine, les politiques, l’entraînement et les plans d’intervention pour atténuer les dommages civils; et d’intégrer l’atténuation des dommages civils à la coopération en matière de sécurité, ainsi qu’avec les partenaires et les alliés.Note de bas de page 35 En novembre 2022, 83 pays, y compris tous les pays de l’OTAN dont le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, ont signé la Déclaration politique sur l’utilisation des armes explosives en zones peuplées.Note de bas de page 36
Motifs stratégiques
Outre les obligations légales et les politiques, les forces armées ont des raisons stratégiques de prendre des mesures pour réduire au minimum les dommages civils dans les zones peuplées. De graves dommages civils peuvent miner la légitimité d’une mission militaire.Note de bas de page 37 Cela peut entraîner une diminution du soutien politique, militaire ou financier (local et international), peut nuire à la collecte de renseignements auprès des sourcesNote de bas de page 38 et peut semer la division entre les partenaires multinationaux.Note de bas de page 39 De graves préjudices causés aux civils pourraient aussi éliminer les avenues de réconciliation, déclencher davantage de violence et – comme l’a reconnu la doctrine Urban Operations de l’armée des États-Unis et du Corps des Marines des États-Unis en 2022 – transformer un sentiment initialement neutre ou positif en hostilité envers les États-Unis et leurs partenaires, prolongeant ainsi le conflit.Note de bas de page 40 Les dommages causés aux biens de caractère civil, y compris aux infrastructures essentiellesNote de bas de page 41 dont dépendent les civils pour leur survie, comme l’électricité, l’eau, l’assainissement et les soins de santé, produisent des effets lourds de répercussions sur les vies et les moyens de subsistance, augmentent les coûts de reconstruction après un conflitNote de bas de page 42 et risquent d’aliéner la population si les services devaient ne pas être rétablis.Note de bas de page 43 Une destruction excessive aura également une incidence sur la capacité des opérations militaires de manœuvrer en terrain urbain.Note de bas de page 44
Les militaires ont cité des raisons stratégiques d’adopter des mesures supplémentaires pour réduire au minimum les préjudices causés aux civils. Par exemple, les mesures restrictives de la FIAS ont été imposées pour « éviter le piège de remporter des victoires tactiques tout en subissant des défaites stratégiques en raison de pertes civiles ou de dégâts excessifs ayant pour effet d’aliéner le peuple » [traduction].Note de bas de page 45 La politique de tir indirect de l’AMISOM a été promulguée en réponse à l’incapacité de protéger les civils dans la lutte contre al-Shabab, ce qui sapait le succès stratégique et opérationnel de l’AMISOM.Note de bas de page 46 Le Manuel sur la protection des civils de l’OTAN souligne qu’un « manque de prise en considération de [l’atténuation des dommages civils] aura une incidence négative sur l’ensemble de la mission » [traduction], car de telles « défaillances généreront des effets stratégiques négatifs et leurs conséquences se répercuteront à tous les niveaux de commandement. [La protection des civils] est donc essentielle au succès et à la légitimité de la mission » [traduction].Note de bas de page 47 De même, en août 2022, le département de la Défense des États-Unis a affirmé que la protection des civils est une priorité stratégique ainsi qu’un impératif moral.Note de bas de page 48
Considérations relatives à la planification de l'atténuation des préjudices causés aux civils en milieu urbain
Les opérations militaires en zone urbaine posent un défi pour plusieurs raisons, lesquelles doivent être examinées pour permettre la planification et la préparation, notamment dans l’optique de l’atténuation des dommages civils.Note de bas de page 49 La façon dont le terrain, la population, l’infrastructure et les systèmes d’information se chevauchent dans l’environnement urbain remettra en question tous les aspects de la structure de commandement et de contrôle d’une force militaire. Les systèmes urbains sont complexes et interconnectés, englobant des flux de personnes, de ressources et d’information dans les villes et en dehors de celles-ci. Ce caractère interconnecté des villes amplifie le préjudice qui se produit lors de dommages ou de la destruction d’un système urbain, qui ont des incidences qui se répercutent et des impacts à long terme sur les autres composantes.
Terrain
Les zones urbaines peuvent comprendre des aspects horizontaux, verticaux, intérieurs, extérieurs et souterrains qui sont imposés à l’environnement naturel. Un bâtiment de plusieurs étages peut occuper la même superficie qu’un petit champ, mais la superficie de chaque étage est à peu près égale à celle du rez-de-chaussée. En outre, les zones urbaines peuvent comprendre des habitations informelles allant des bidonvilles aux immeubles de grande hauteur. Le volume et la densité de cette géométrie urbaine rendent les opérations urbaines très exigeantes en ressources, en temps, en personnel et en matériaux.Note de bas de page 50
Il est essentiel de comprendre les effets des munitions utilisées en terrain urbain. Plus de 60 % des bâtiments du monde sont composés de briques ou de béton résistant à la pénétration, ce qui a une incidence sur les effets et la détonation des munitions, les fragments propulsés et l’ouverture de brèches de façon balistique ou manuelle.Note de bas de page 51 Lorsque les bâtiments sont affaiblis par des frappes, il peut en résulter des débris qui tombent et les bâtiments peuvent même s’effondrer, augmentant le risque de blessures pour les civils et les soldats dans cette zone. Les décombres des bâtiments effondrés peuvent être contaminés par des munitions explosives non explosées (UXO), ce qui pose des risques et limite la manœuvrabilité dans la zone. Il faut aussi du temps et de l’équipement spécial pour extraire les personnes coincées sous les décombres, ce qui augmente les probabilités de décès ou d’amputation de membres.Note de bas de page 52
Les superficies souterraines amplifient la complexité du terrain urbain. Les installations souterraines sont des caractéristiques physiques inhérentes aux villes d’aujourd’hui, et leur nombre et leur dispersion augmentent au rythme de la croissance démographique et de l’étalement structurel qui l’accompagne. Des tunnels souterrains ont été utilisés par des acteurs armés tels que l’État islamique et le Hamas pour empêcher l’observation et l’attaque, ainsi que pour surprendre des cibles ou faire la contrebande de fournitures. La détection des entrées et des sorties d’installations souterraines peut être extrêmement difficile, alors que différents types de ressources sont nécessaires pour détecter, tracer et cibler les objectifs militaires. Il est presque impossible d’identifier les routes souterraines, compte tenu de la profondeur de certaines infrastructures et de la dissimulation astucieuse des puits d’air. Même lorsqu’une cible militaire est détectée, le tunnel pourrait se trouver sous des infrastructures civiles, comme les maisons et les hôpitaux, ce qui nécessiterait l’application de la règle de proportionnalité du DCA, en vue d’éviter de causer des préjudices excessifs aux civils. Les équipes qui ciblent les tunnels doivent aussi évaluer la double utilisation qui en est faite : ils peuvent être utilisés par des acteurs armés, notamment pour dissimuler les postes de commandement sous terre, mais aussi par des civils, comme abris ou hôpitaux souterrains, comme on l’a vu récemment en Ukraine et en Syrie.Note de bas de page 53
Les bâtiments, les murs, les tunnels et d’autres structures peuvent interférer avec les signaux de communication et les systèmes de navigation qui utilisent le système de localisation GPS. Cela peut limiter la connaissance de la situation et la capacité de vérifier l’emplacement de l’adversaire et des civils.
Aussi, les forces qui mènent une opération au sol pourraient devenir dispersées au moment de se déplacer dans les rues, les cages d’escalier et les corridors de la ville, ce qui entraîne une décentralisation du commandement et du contrôle, et augmente le risque pour les civils. Par conséquent, les soldats au niveau tactique doivent bien connaître les RE et exercer un jugement éthique élevé afin de se conformer aux règles du DCA ayant trait à la distinction, à la proportionnalité et aux précautions.
Les villes situées près des côtes, y compris les zones littorales comme les criques, les rivières et les chenaux, présentent une autre caractéristique propre au terrain urbain. En fait, 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 km (60 milles) d’un littoral.Note de bas de page 54 Le contrôle d’une zone littorale urbaine ou la capacité d’y accéder confère aux forces certaines capacités de manœuvre et de logistique. La planification doit donc tenir compte de la présence de civils, d’infrastructures et d’activités gouvernementales, économiques et industrielles dans la zone littorale. Ces endroits présentent aussi des risques d’inondation, de maladies d’origine hydrique et d’érosion côtière.
En outre, les villes côtières comprennent des ports et des pôles commerciaux, dont dépendent le réseau énergétique et les chaînes d’approvisionnement, et sont des points d’entrée clés pour le déplacement des personnes et la livraison de l’aide humanitaire. Toute perturbation des activités portuaires, y compris en raison d’un blocus,Note de bas de page 55 pourrait perturber l’approvisionnement en nourriture, en eau et en médicaments nécessaires à la population et aux hôpitaux, nuire à l’économie locale et potentiellement avoir une incidence sur les chaînes d’approvisionnement nationales et mondiales, comme cela s’est produit en Ukraine en 2022.
Le fort volume de terrain et les types de terrain des zones urbaines compliquent les activités de commandement, de contrôle et de collecte d’information, le déploiement des forces, le maintien en puissance et la logistique, et le transport et les manœuvres de l’équipement lourd. La conduite des opérations urbaines exige aussi un effort accru en matière de planification, de ressources et de mesures d’urgence.
Changements climatiques et environnement naturel
Les conflits armés peuvent causer la dégradation et la destruction de l’environnement, affectant le bien-être, la santé et la survie de la population.Note de bas de page 56 Les effets peuvent durer des années ou des décennies une fois la guerre terminée, comme on l’a vu en Irak, au Mali, en République centrafricaine et au Yémen.Note de bas de page 57 Les phénomènes météorologiques extrêmes auront également un impact amplificateur dans les zones urbaines en raison de la densité de la population et des infrastructures, ce qui pourrait nécessiter des missions de secours en cas de catastrophe pendant les opérations militaires. Les planificateurs doivent tenir compte de la façon dont les conditions météorologiques et climatiques influent sur les conditions de vie, y compris l’impact de la chaleur extrême sur les personnes ayant un accès limité à l’eau, ou du froid sur celles qui n’ont pas accès à l’électricité ou aux combustibles de chauffage. Les impacts directs sur les infrastructures essentielles, telles que les usines de pompage et de purification de l’eau et les installations d’assainissement des eaux usées, entraînent la défaillance du service et des systèmes d’approvisionnement en nourriture et en eau potable, comme ce que l’on a vu à Gaza et en Ukraine.Note de bas de page 58
Les planificateurs doivent également évaluer les risques et les conséquences pour l’environnement naturel, à court et à long terme, des substances toxiques et d’autres polluants rejetés par les munitions explosives, y compris les mines et les débris de guerre explosifs.Note de bas de page 59 Des substances toxiques peuvent s’infiltrer dans le sol, le sous-sol et l’eau, contaminer ces sources et propager des maladies, menacer les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des civils et mettre en danger l’écosystème. Il existe aussi un risque de rejet de polluants et de contaminants lorsque des installations qui contiennent des matières dangereuses (comme des produits chimiques, des agents biologiques ou des substances radiologiques) sont endommagées, car la propagation de ces matières peut avoir un impact sur la santé publique. Les incendies industriels, forestiers et agricoles et la combustion de pétrole vont aussi augmenter les émissions de gaz à effet de serre et dégrader l’écosystème, comme cela s’est produit en Ukraine. Le DCA interdit les attaques directes contre des barrages, des digues et des centrales nucléaires électriques, et ce, même si ces objectifs sont des objectifs militaires, étant donné les répercussions directes et à long terme sur les civils et l’environnement naturel.Note de bas de page 60
Population
La compréhension de la population urbaine – sa composition, sa taille et son emplacement – aide à la planification opérationnelle afin d’atténuer les effets d’une attaque et de se défendre contre les attaques. La compréhension d’une population découle d’une bonne connaissance des questions liées à la race, à la religion, aux origines ethniques, aux tribus, aux clans, aux classes économiques ou sociales, au niveau de scolarité, à l’âge, au sexe, aux professions et à d’autres caractéristiques démographiques sociales importantes d’une population urbaine, ainsi que des sources de pouvoir et d’influence (formelles et informelles) des sociétés urbaines. Le fait de connaître les perceptions et les intentions des civils en ce qui concerne leur sécurité, y compris ce qu’ils perçoivent comme des menaces, et les façons dont les civils mèneront leur vie et se déplaceront dans une zone de combat permettra aux commandants de mieux comprendre l’environnement humain. Les commandants doivent comprendre comment les civils contribuent aux efforts de la force adverse,Note de bas de page 61 sans toutefois répondre à la définition juridique d’une participation directe aux hostilités,Note de bas de page 62 ou comment les forces ennemies peuvent utiliser les civils comme boucliers humains.Note de bas de page 63 Une telle compréhension permettra également d’éclairer la façon dont les forces de sécurité peuvent communiquer efficacement avec les civils afin de les protéger lors d’une attaque et des effets d’une attaque, et permettre la mise en œuvre des efforts pour protéger ou évacuer en toute sécurité les civils présents dans les zones de combat.
Les combats dans les zones urbaines entraînent souvent des déplacements massifs,Note de bas de page 64 modifiant de façon permanente le paysage et le tissu social de nombreuses villes du monde. Les civils n’ont souvent d’autre choix que de fuir, et ils le font souvent en grand danger, alors qu’ils risquent d’être pris pour cible, de se trouver au milieu de tirs croisés, d’être maltraités par une partie au conflit ou de se retrouver séparés des membres de leur famille. Une fois les combats terminés, les UXO et le manque de services essentiels empêchent de nombreuses personnes déplacées de revenir chez elles, souvent pendant des années.Note de bas de page 65
Toutefois, les civils ne partent pas tous. Certains ne sont pas en mesure de le faire en raison de leur âge, d’un handicap ou de problèmes de santé, ou n’ont pas de moyen de transport. Certains ne veulent pas quitter leur domicile, craignent d’entreprendre un voyage dangereux en raison des opérations cinétiques en cours, ou s’inquiètent des incertitudes liées à la vie dans un camp de réfugiés ou dans un nouvel environnement où les services de base ne sont pas disponibles. Lorsque les opérations cinétiques commencent, certains civils peuvent devoir quitter temporairement leur domicile pour se réfugier dans n’importe quel autre bâtiment. Les commandants militaires – qui attaquent ou qui se défendent – sont tenus par le DCA de protéger les civils durant une attaque et des effets d’une attaque. Les forces armées qui attaquent doivent fournir des avertissements en temps utile et par des moyens efficaces pour permettre aux civils de partir volontairement en toute sécurité, mais il est probable que certains ou plusieurs civils resteront. Par conséquent, les assaillants qui opèrent dans les zones urbaines doivent envisager que les bâtiments abritent des civils et respecter les règles de distinction et de proportionnalité dans les processus d’établissement des cibles. Les pauses humanitaires des parties au conflit pour permettre aux civils qui partent volontairement de le faire en toute sécurité, comme cela a été mis en œuvre dans la ville assiégée de Marioupol, devraient être envisagées.Note de bas de page 66
Infrastructure
L’infrastructure urbaine est conçue pour soutenir les habitants d’une ville et comprend des systèmes interconnectés comme le commerce, la culture, les communications et l’information, l’administration, l’assainissement, l’eau, l’électricité, les hôpitaux, les aérodromes, les routes, les ponts, les métros, les ports, les trains et les corridors de transport des biens et des services. La guerre urbaine engendre de l’insécurité alimentaire en perturbant les chaînes d’approvisionnement et les marchés dont dépendent les citadins pour survivre.
La perturbation ou la dégradation de l’infrastructure électrique dont dépend un adversaire peut être avantageuse sur le plan militaire, mais elle n’est légale que si de telles opérations sont jugées conformes aux règles du DCA quant aux précautions qui doivent être prises lors d’une attaque.Note de bas de page 67 Cependant, les dommages et la destruction des services – sanitaires, d’eau, d’électricité et médicaux – qui sont essentiels à la survie de la population sont préjudiciables aux civils, comme on l’a vu à Gaza, en Ukraine et en Syrie.Note de bas de page 68 Les coupures de ces services de base sont aggravées lorsque les villes sont assiégées, lorsque des organisations humanitaires impartiales se voient refuser l’accès à la populationNote de bas de page 69 ou lorsque les conflits urbains se prolongent, car les experts techniques qui sont aptes à effectuer la restauration ou l’entretien des infrastructures sont tués ou blessés, ou partent pour des raisons de sécurité. Souvent, les services nécessitent des produits consommables (carburant, chlore, médicaments) dont la disponibilité est limitée par les combats. Cela peut avoir une incidence progressive et souvent irréversible sur le fonctionnement des infrastructures essentielles.
Les planificateurs doivent connaître l’emplacement de ces structures, leur état et les effets probables des armes sur ces dernières, notamment en consultant des ingénieurs et des experts de l’infrastructure urbaine, afin de permettre au commandant de déterminer les plans d’action appropriés conformes au DCA. Il pourrait s’agir de placer des éléments de l’infrastructure sur une « liste des endroits à ne pas attaquer ». Les parties au conflit peuvent aussi contribuer à prévenir l’insécurité alimentaire en protégeant les structures civiles comme les marchés, les entrepôts, les magasins et les installations d’approvisionnement en eau contre les attaques et en assurant le fonctionnement continu de la logistique de distribution alimentaire et des marchés.
Les exigences en matière de protection, de rétablissement et de maintien des services essentiels nécessitent également des ressources et du personnel considérables. Ces éléments doivent être pris en compte dans la planification afin de répondre aux besoins urgents de la population et de permettre le retour des personnes déplacées, de façon à mettre en place les conditions d’une transition vers les autorités civiles, ainsi que pour améliorer les relations entre civils et militaires et favoriser une efficacité opérationnelle globale.
Cybersécurité, intelligence artificielle et guerre de l’information
Dans les zones urbaines, l’interconnectivité des réseaux et des infrastructures de soutien engendre d’importants défis lorsque des acteurs étatiques ou non étatiques utilisent les technologies pour poursuivre des objectifs militaires. Les zones urbaines dépendent fortement des infrastructures de communication, et toute perturbation des services peut grandement perturber le fonctionnement normal d’une ville. Le cyberespace est principalement utilisé à des fins civiles, mais les réseaux civils et militaires sont parfois interconnectés. Alors que les réseaux militaires peuvent dépendre d’une infrastructure cybernétique civile – comme des câbles à fibres optiques, des satellites, des routeurs ou des nœuds de communication, et des réseaux de capteurs – cette utilisation militaire risque de faire de cette infrastructure civile une cible militaire. Toutefois, les attaques doivent respecter l’interdiction d’attaques sans discrimination, ainsi que les règles de proportionnalité et de précautions qui doivent régir les attaques. Ainsi, dans l’application de ces règles, il faut tenir compte de la nature interconnectée du cyberespace et du risque de préjudices accessoires généralisés causés aux civils.
Par exemple, des cyberattaques sophistiquées peuvent perturber la prestation de services essentiels à la population, y compris les systèmes de soins de santé, d’électricité, d’énergie et d’approvisionnement en eau. La destruction de câbles à fibres optiques, de réseaux sans fil, de centres de données ou de réseaux de capteurs peut avoir un impact considérable sur la ville, mais aussi sur les pays voisins. Par conséquent, la militarisation de l’infrastructure cybernétique et le fait de cibler cette infrastructure posent un risque élevé pour les populations qui dépendent de cette infrastructure lorsqu’elle peut s’inscrire dans les objectifs militaires.Note de bas de page 70
Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) sont également intégrés aux capacités militaires, ce qui mènerait à un certain degré d’autonomie opérationnelle, mais risque d’introduire de nouveaux risques de causer des dommages civils si l’IA devait être utilisée pour sélectionner et viser les cibles.Note de bas de page 71 La future collecte de renseignements militaires s’appuiera non seulement sur les données recueillies par les drones, les plateformes en haute altitude et les satellites, mais aussi sur les médias sociaux, les messages textes et les classifications alimentées par l’IA. À mesure que les sources de données augmentent, les risques pour les civils peuvent augmenter en raison des limites qui caractérisent les technologies, comme l’imprévisibilité, les biais dans les algorithmes d’IANote de bas de page 72 et la nécessité de tenir les algorithmes à jour dans un environnement en évolution. La mise à profit de ces capacités dans les conflits armés doit être conforme au DCA et aux cadres d’éthique.Note de bas de page 73
La technologie accentue également le risque que des acteurs armés accèdent aux données pour identifier ou cibler les civils, et qu’ils manipulent l’information pour influencer la population.Note de bas de page 74 La guerre de l’information – qui comprend la désinformation (la diffusion de fausses informations dans l’intention de tromper) ou la mésinformation (la diffusion de fausses informations sans intention spécifique de tromper) – peut être utilisée par des acteurs armés et avoir des conséquences négatives pour les civils.Note de bas de page 75 Bien que la guerre de l’information soit aussi ancienne que la guerre elle-même, les progrès technologiques peuvent influencer les opinions et les comportements à une plus grande échelle que jamais auparavant. Par exemple, il devient de plus en plus difficile de distinguer l’information réelle des fausses informations produites par les systèmes d’IA sous forme de textes, d’images, de vidéos ou de contenus audio.Note de bas de page 76
De faux contenus peuvent être largement diffusés sur les médias sociaux dans le but d’exacerber les tensions ethniques et la violence entre les communautés, comme on le voit au Myanmar avec les attaques contre les Rohingyas, une minorité musulmane.Note de bas de page 77 Il peut en résulter des préjudices contre les civils, y compris de mauvais traitements, l’arrestation sans motif, la discrimination, le refus d’accès aux services essentiels ou des attaques contre leur personne ou leurs biens. La désinformation a également mis en danger les travailleurs humanitaires et les travailleuses humanitaires et peut perturber l’accès aux services essentiels durant les conflits armés, comme en Syrie, où des attaques ont visé la Défense civile syrienne (les Casques blancs), qui opère dans les régions du pays contrôlées par l’opposition.Note de bas de page 78 Dans les conflits armés actuels, de simples citoyens et de simples citoyennes participent aussi à des « armées électroniques », des « usines à trolls » ou des « brigades du web » et font la promotion de la désinformation.Note de bas de page 79 Ce contexte peut renforcer le biais de confirmation et accélérer la diffusion de rapports spécieux qui peuvent affecter la qualité de la collecte de renseignements vérifiables sur lesquels s’appuient les commandants pour planifier une attaque ou défendre une ville.Note de bas de page 80
Entraînement
Les opérations urbaines exigent beaucoup de ressources et nécessitent un soutien logistique important, beaucoup de personnel, des lieux d’évacuation médicale, des ressources pour les civils comme pour les militaires, ainsi qu’une coordination suffisante pour faciliter l’accès humanitaire à la population. Les opérations urbaines nécessitent des compétences spécialisées, de l’expérience et un entraînement pertinent, mais cet entraînement est entravé lorsqu’il n’est pas possible de modéliser des zones urbaines denses, y compris les comportements humains, les infrastructures et les technologies de façon exacte. Les entraînements en guerre urbaine sont habituellement axés sur la sécurisation d’espaces et l’ouverture de brèches, et sont généralement dispensés dans des centres d’entraînement dépourvus d’une population réaliste et représentative. De plus, ces entraînements se déroulent généralement au niveau de la compagnie ou à un niveau inférieur, et sont peu fréquents. L’entraînement du personnel se limite le plus souvent à des études de cas ou à des exercices sur table, sans l’apport d’organismes civils et humanitaires externes.Note de bas de page 81
Munitions
Selon les experts en guerre urbaine, les principales méthodes d’attaque d’une fortification ennemie urbaine sont soit de la détruire, soit de causer l’évacuation du bâtiment en recourant à des munitions explosives, avant d’y envoyer l’infanterie pour sécuriser le bâtiment, au besoin.Note de bas de page 82 Pour accomplir ce résultat, de nombreux acteurs armés recourent à des armes explosives de grande étendue, comme des bombes à grand rayon d’action, des tirs d’artillerie et de mortiers non guidés, des IED et des systèmes de lance-roquettes multiples. Toutefois, ces armes sont mal adaptées à une utilisation dans des zones peuplées, étant donné leur grand rayon de souffle et de fragmentation, ainsi que le manque de précision des systèmes de propulsion et le lancement de plusieurs munitions sur une grande superficie. De telles armes, si elles sont utilisées dans des zones urbaines où des cibles militaires se trouvent à proximité de personnes civiles ou de biens de caractère civil, risquent de causer des blessures, des décès parmi les civils et des dommages civils à une échelle dramatique.Note de bas de page 83
En réponse à l’impact humanitaire de l’utilisation de telles armes, 83 États, dont le Canada, se sont réunis à Dublin en novembre 2022 pour approuver la Déclaration politique sur l’utilisation des armes explosives en zones peuplées.Note de bas de page 84 Les États se sont engagés à renforcer la conformité au DIH, à adopter de nouvelles politiques pour restreindre/éviter l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées « lorsque l’on peut s’attendre à ce que leur utilisation cause des préjudices à des civils ou des dommages à des biens de caractère civil » [traduction], à améliorer l’entraînement, à entreprendre des évaluations des dommages de combat et des mécanismes de suivi des dommages civils, et à améliorer les programmes d’aide aux victimes.
Des armes guidées de précision peuvent réduire les dommages civils et ont été utilisées lors de récentes guerres urbaines, mais les stocks peuvent être rapidement épuisés. De plus, lorsque ces armes sont déployées contre un adversaire déterminé qui utilise la couverture que lui procure le terrain urbain, leur efficacité peut être compromise.Note de bas de page 85 Plus récemment, des trousses de guidage de précision, qui coûtent moins cher et peuvent être fixées à des bombes non guidées pour améliorer leur précision, ont été utilisées en Ukraine. Toutefois, dans un environnement contesté, il est possible de brouiller le système de positionnement GPS et de certaines munitions guidées, ce qui mine la précision, comme on l’a également vu en Ukraine.Note de bas de page 86 Ainsi, dans une guerre urbaine, une innovation constante est requise pour adapter et utiliser des munitions appropriées qui peuvent cibler efficacement l’objectif militaire tout en demeurant conformes au DCA et réduire au minimum les dommages civils.
La voie à suivre
Les militaires devraient mieux préparer leurs forces aux défis de la guerre urbaine afin d’atténuer le problème des préjudices causés aux civils. Les forces armées doivent comprendre non seulement l’environnement dans lequel elles combattent, mais aussi la façon d’y opérer tout en réduisant au minimum les préjudices causés aux civils, comme l’exigent les lois et les politiques. L’état de préparation à la guerre urbaine exige des instructions, des outils, des politiques, des pratiques et des munitions spécifiques à l’environnement urbain et qui tiennent suffisamment compte des risques pour les civils et les biens de caractère civil. Les opérations urbaines comprennent des combats interarmes, y compris l’infanterie, les forces blindées, les systèmes d’armes à tir direct, les tirs d’artillerie et indirects, les tireurs d’élite, les cyberattaques et les frappes aériennes pour soutenir les forces terrestres. Elles combinent également les forces spéciales, le renseignement, les affaires civiles et le génie. Dans ce contexte, les considérations liées à l’atténuation des préjudices causés aux civils doivent être intégrées à toutes les fonctions de combat, en plus de leurs éléments habilitants essentiels.
Pour les opérations de combat à grande échelle,Note de bas de page 87 qui sont conceptualisées comme des conflits entre deux États modernes ayant des capacités semblables ou quasi égales, il existe un besoin critique d’innover en ce qui concerne les outils d’atténuation des dommages civils et l’adaptation aux environnements urbains. Les dommages collatéraux excessifs ont une incidence sur l’opinion nationale et mondiale, en plus de nuire aux opérations en cours, à la consolidation des gains et à la transition vers des opérations de stabilité. Les champs de bataille modernes exigent que les commandants composent avec les défis d’un environnement d’information connecté où tous les acteurs armés peuvent utiliser l’information pour amplifier les divisions et influer sur les résultats stratégiques.Note de bas de page 88 Les outils d’atténuation des dommages civils ne servent pas seulement aux opérations de contre-insurrection ou de contre-terrorisme, où le soutien de la population locale est un objectif stratégique; ils sont obligatoires dans les opérations de combat à grande échelle, compte tenu des défis opérationnels. La doctrine Urban Operations de l’armée des États-Unis et du Corps des Marines des États-Unis de 2022 stipule que « les impacts négatifs à long terme des dommages collatéraux dans une zone peuplée peuvent éclipser tout effet positif à court terme sur l’ennemi. Les dirigeants doivent constamment évaluer les impacts de leurs actions et peser les risques par rapport aux gains potentiels » [traduction].Note de bas de page 89
Premièrement, la protection des civils et des biens de caractère civil doit, pour chaque mission, être intégrée à l’intention du commandant et à la planification opérationnelle. Deuxièmement, les militaires doivent faire une analyse complète de l’environnement civil lors la phase de préparation du renseignement en vue des opérations, ce qui implique des considérations relatives à la population, à l’infrastructure essentielle et au terrain. Troisièmement, les planificateurs doivent comprendre les capacités de résilience de base dans un environnement urbain, notamment la capacité des collectivités, des institutions gouvernementales, des infrastructures, des systèmes essentiels et de l’économie à résister au choc du déclenchement des hostilités. Quatrièmement, les militaires doivent mettre à jour la doctrine et l’instruction pour tenir compte des défis opérationnels et tactiques des opérations urbaines en ce qui concerne la présence de civils et les risques pour ces derniers. Cinquièmement, les militaires doivent adapter les pratiques d’établissement des cibles opérationnelles à l’environnement urbain, en accordant la priorité à l’apprentissage et à l’adaptation. Sixièmement, les militaires doivent entraîner les forces partenaires sur les pratiques exemplaires (et en tirer des leçons) concernant l’atténuation des préjudices causés aux civils.
Intention du commandant – protection des civils
D’un point de vue stratégique, les militaires doivent, pour chaque mission, s’assurer d’inclure la protection des civils dans les objectifs du commandant et de l’intégrer aux plans opérationnels. Cela a été fait par la FIAS en Afghanistan depuis 2009, et par l’AMISOM en 2011. Pour ces deux missions, les changements apportés aux RE et en matière d’instruction et de tactiques ont donné lieu à une réduction des dommages civils.Note de bas de page 90 En Irak, la protection des civils était un objectif précis du concept des opérations des Forces de sécurité irakiennes (FSI), et le premier ministre et les dirigeants religieux ont diffusé des messages publics pour renforcer l’importance de la protection des civils lors des opérations militaires contre l’État islamique. Cela a donné lieu à une bonne coordination entre les forces irakiennes et les organisations humanitaires; toutefois, l’intention stratégique élargie ne s’est pas concrétisée dans la doctrine, les RE, l’entraînement des militaires et les tactiques sur le terrain.Note de bas de page 91
Une application adéquate de la PoC à l’intention du commandant peut établir un cadre où l’atténuation des préjudices causés aux civils et des dommages aux biens de caractère civil n’est pas seulement une exigence légale et appuyée par une politique, mais fait également partie des directives du commandant. Il devient ainsi possible d’intégrer la protection des civils aux opérations, notamment sur le plan des ressources de suivi, de l’entraînement, des tactiques, des outils et de la coordination avec les acteurs externes. La protection des vies civiles et des biens de caractère civil ne doit pas être uniquement la tâche des unités des Affaires civiles, qui dirigent les opérations d’accès humanitaire et de stabilité. Cette protection doit aussi être intégrée à la planification, au renseignement, aux opérations, au ciblage et à l’entraînement, et elle doit être prise en compte au moment de déterminer les leçons qui peuvent être tirées des missions antérieures.
Comprendre l’environnement civil
Une bonne compréhension de l’environnement civil est nécessaire dans un contexte où les guerres futures impliqueront plusieurs domaines et comprendront des fonctions de combat interarmées des services terrestres, aériens, maritimes, spatiaux et cybernétiques.Note de bas de page 92 Les civils et les biens de caractère civil sont une dimension cruciale de la guerre urbaine. Pour ce faire, les militaires doivent analyser les populations, les démographies, les effets d’une cyberattaque sur les infrastructures essentielles, la proximité des civils et des infrastructures civiles par rapport aux objectifs militaires afin de déterminer les répercussions des diverses armes, et doivent prévoir et analyser ce que pourraient faire les civils avant, pendant et après les opérations militaires. De telles analyses, y compris pour des opérations à grande échelle, permettraient non seulement d’assurer une plus grande conformité au DCA et ainsi de remplir les obligations légales, mais aussi de soutenir l’efficacité opérationnelle, car la densité de population et l’infrastructure dans les opérations de combat à grande échelle déterminent grandement la capacité d’une force à se déplacer et à manœuvrer dans une ville.
En comprenant mieux le comportement et les modes de vie des civils, l’armée peut améliorer ses efforts de collecte d’information afin de faire la distinction entre les objectifs civils et militaires à des fins de ciblage, en particulier dans le cas d’un ciblage dynamique. De plus, une telle analyse peut permettre la coordination de l’aide humanitaire pour faciliter le déplacement des civils et leur fournir de la nourriture, de l’eau, un abri et des médicaments, même lorsque des conditions semblables à celles d’un siège se développent.Note de bas de page 93
Bien que les actifs de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (RSR) puissent contribuer considérablement à la compréhension de l’environnement opérationnel, un adversaire moderne ayant des capacités semblables ou quasi égales pourrait pirater les systèmes de renseignement, brouiller les signaux, mener des cyberattaques et des opérations de désinformation ou de mésinformation. Dans un tel scénario, où l’espace aérien serait probablement fermé, dégradé et perturbé, les systèmes analogiques et les outils non technologiques, y compris le renseignement humain et le renseignement de source ouverte, seront essentiels pour acquérir une compréhension approfondie de l’environnement opérationnel afin de soutenir les méthodes d’estimation des dommages collatéraux (EDC). Compte tenu des défis en matière de ressources pour tirer à la fois parti du RSR et du renseignement humain, l’intention du commandant d’atténuer les préjudices causés aux civils permettra d’établir l’ordre de priorité à l’égard de ces ressources.
Compte tenu de la proximité des civils et des cibles militaires dans la guerre urbaine, l’analyse de l’environnement se doit d’intégrer les effets du terrain, les capacités de l’adversaire et la présence de la population. Par exemple, dans un environnement urbain où des civils sont présents, tout ciblage d’installations de stockage de munitions devrait inclure une analyse des effets d’une frappe sur la zone environnante, ce qui peut inclure des centrales électriques ou des bâtiments vides où des personnes déplacées auraient pu chercher refuge. Alors que les forces armées intègrent des technologies fondées sur l’IA, il convient d’explorer la création de systèmes de communication fiables permettant de signaler et de mettre à jour l’information provenant du personnel non militaire sur le terrain afin de mieux comprendre l’environnement civil et de l’intégrer aux systèmes militaires.Note de bas de page 94 Dans le choix des armes, le processus d’appariement arme-cible devrait être adapté au terrain urbain (par exemple, l’épaisseur des parois des bâtiments, les effets sur les réseaux d’égout souterrains) afin d’éclairer les façons d’ajuster le type, la fusée et la taille des munitions, et ainsi limiter les effets de grande étendue afin de réduire au minimum les dommages civils.
Dans les opérations de combat à grande échelle, l’accent qui est mis sur la vitesse signifie que les militaires devront en faire davantage pour adapter les outils et les armes de ciblage en vue d’éviter de répéter les erreurs du passé qui ont causé des dommages aux civils.Note de bas de page 95 Les militaires peuvent analyser les opérations antérieures pour éclairer les évaluations futures en apprenant des erreurs qui n’avaient pas été adéquatement anticipées ou atténuées, et ainsi permettre une évaluation des effets « raisonnablement prévisibles ». Ce qui est raisonnablement prévisible variera en fonction des circonstances de l’attaque, de la cible et de l’environnement opérationnel, y compris en tirant parti des leçons retenues lors des opérations antérieures. Les exercices d’entraînement et d’instruction doivent inclure suffisamment les dimensions de l’environnement civil pour permettre de déterminer les plans d’action, éclairer l’apprentissage et cerner les ressources et les tactiques requises.
Comprendre l’état de préparation de base qui est nécessaire pour aider la population
Les planificateurs militaires devraient entreprendre une évaluation approfondie de la façon dont les gouvernements locaux et nationaux, en cas de crise, ont établi des plans et ont les capacités requises pour continuer à exécuter et à soutenir les fonctions gouvernementales essentielles. Cette évaluation devrait comprendre les besoins de base en matière de nourriture et d’eau, les plans d’urgence pour l’accès à des fournitures de rechange en nourriture et en eau, les plans d’atténuation des risques cybernétiques, les systèmes d’alerte rapide, la cartographie des systèmes de soins de santé et de transport, les fournitures médicales, l’équipement de protection individuelle et les ressources de décontamination, le rétablissement des capacités de communication sécurisées et des infrastructures essentielles, la capacité de faire face à des pertes massives et l’état de préparation à des pertes massives et à des situations d’évacuation.
La liste suivante n’est pas exhaustive, mais l’état de préparation devrait inclure la nourriture, l’eau et les médicaments de base, y compris l’équipement de protection individuelle et les ressources de décontamination, ainsi que des plans d’urgence pour d’autres voies d’approvisionnement en nourriture et en eau. Il faudrait également inclure l’entraînement et l’instruction : sur la façon d’intervenir en cas de pertes massives au cours d’un combat ou en cas d’éclosion d’une maladie; sur la façon de soutenir l’accès humanitaire et de fournir la nourriture, l’eau, les soins de traumatologie et les fournitures médicales aux personnes déplacées, y compris pendant un siège; sur la façon de contrer les tactiques ennemies qui utilisent les civils comme boucliers humains, au moyen de communications stratégiques visant à délégitimer les boucliers humains et/ou des solutions de rechange tactiques; sur la façon de protéger les infrastructures essentielles, y compris contre les cyberattaques; sur la façon de déterminer les conditions et les ressources qui seront nécessaires pour rétablir les services essentiels et éliminer les munitions non explosées; sur la façon d’établir des routes sécuritaires pour les civils qui souhaitent quitter une zone de combat; et sur la façon d’évaluer les mécanismes qui seront efficaces pour avertir les civils d’une attaque imminente.Note de bas de page 96
Doctrine et instruction
La doctrine et l’instruction militaires doivent être mises à jour pour se concentrer non seulement sur les combats dans des zones bâties où le terrain est un facteur clé, mais aussi dans les zones peuplées où les civils sont un facteur important. La doctrine doit énoncer la priorité que l’on accorde à la protection des civils, tant au niveau stratégique que tactique, et dans l’ensemble des opérations, y compris les opérations de combat à grande échelle, où il existe des défis importants lorsqu’il s’agit de gérer les mouvements, le déplacement et l’évacuation de grandes populations, où il y a un risque de pertes massives.
L’entraînement en guerre urbaine est essentiel pouroutiller les soldats devant les réalités auxquelles ils seront confrontés, et cela doit inclure des scénarios où il y a présence de civils, ce qui aidera les soldats à mieux comprendre comment les civils se comporteront pendant les combats. Les soldats doivent apprendre à s’éloigner de l’hypothèse selon laquelle les civils quitteront la zone d’un conflit ou que la majorité d’entre eux seront évacués d’une zone en prévision des opérations. Tout conflit futur avec un adversaire de capacité égale touchera des zones où vivent de grandes populations. L’entraînement doit simuler les défis du combat urbain, qui est décentralisé et doit être mené dans un contexte où la visibilité est limitée et où les communications sont intermittentes. Les outils de réalité virtuelle, les jeux de guerre et les discussions de scénarios entre les commandants, les forces et les agences civiles sont cruciaux pour préparer les forces aux réalités de ce type de guerre. Note de bas de page 97
Pratiques de ciblage et leçons retenues
Les militaires doivent appliquer strictement les pratiques en matière d’identification positive des cibles, d’analyse du mode de vie en temps opportun, et de réduction pour les civils au moyen d’avertissements efficaces et en temps utile. Alors que les observations par visibilité directe sont dégradées dans les zones urbaines, les munitions de précision, si elles sont disponibles, peuvent réduire la probabilité d’erreur circulaire et améliorer la précision par rapport aux munitions indirectes, mais elles n’éliminent pas tous les dangers dans les zones urbaines. Il est essentiel de recourir à des mesures d’atténuation, y compris grâce à une compréhension approfondie de l’environnement civil avant de procéder aux objectifs militaires, et l’adaptation des caractéristiques techniques des armes explosives (y compris l’ogive, la fusée et le calibre, ainsi que la direction et l’angle). Le cas échéant, des armes non létales et des munitions à faible dommage collatéral devraient également être envisagées pour réduire le rayon de souffle.Note de bas de page 98 Les procédures d’EDC devraient s’appuyer sur l’expertise des spécialistes pertinents, comme des ingénieurs ou des spécialistes des produits chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, ainsi que sur un accès à des ensembles de données actuelles permettant d’évaluer les effets de deuxième et de troisième ordre dont la méthodologie d’EDC ne peut tenir compte. Pour le ciblage dynamique, où la possibilité de frapper l’adversaire est très limitée dans le temps, l’EDC devrait être adaptée, ou de nouveaux outils devraient être utilisés pour améliorer la sensibilisation de l’opérateur aux déplacements des civils et aux biens de caractère civil.
Si des véhicules aériens sans équipage et des munitions rôdeuses sont utilisés, ils doivent être conformes au DCA et faire l’objet d’une vérification humaine (« humain dans la boucle »). Cela pourrait comprendre l’usage d’images animées plein écran et de renseignements provenant de sources humaines pour observer la présence et le mouvement des civils et obtenir une analyse suffisante des modes de vie pour réduire au minimum les dommages civils.Note de bas de page 99
L’appariement des évaluations avant et après les frappes, ainsi que le suivi de tous les incidents ayant causé des dommages civils sont nécessaires pour tenir compte de la corrélation entre ces dommages et les moyens et méthodes de guerre, de façon à tirer des leçons qui seront intégrées à l’entraînement, à la planification, aux politiques et aux pratiques.Note de bas de page 100 Comme l’ont montré les opérations en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Somalie, en Ukraine et au Yémen, les évaluations des dommages de combat qui sont effectuées principalement au moyen des actifs de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, ou encore à distance, ne saisissent pas pleinement l’impact sur les civils et les biens de caractère civil.Note de bas de page 101 Au lieu de cela, une bonne pratique consiste à établir des protocoles de réception et d’analyse des renseignements provenant d’organisations internationales ou locales sur le terrain, ainsi que des reportages dans les médias ou de sources ouvertes, ce qui permet d’améliorer la compréhension et, par conséquent, l’efficacité militaire et d’atténuer les dommages civils.Note de bas de page 102
Échange de renseignements avec les forces partenaires
Les guerres futures avec un ennemi ayant des capacités semblables ou quasi égales sont susceptibles d’être menées avec des forces partenaires ou à l’appui de forces interarmées. Ainsi, le Canada et ses alliés et partenaires devront harmoniser leurs efforts, sur le plan politique et opérationnel, visant à protéger les civils au moyen d’une doctrine, de politiques, d’entraînements et de RE compatibles.Note de bas de page 103 Les partenaires devraient intégrer leurs stratégies et tactiques, utiliser des munitions appropriées et mettre en place des entraînements fondés sur des scénarios afin d’atténuer les dommages civils et d’intervenir si de tels dommages se produisent. En outre, les militaires devraient évaluer les avantages et les risques liés à leur soutien d’un partenaire, y compris les effets potentiels sur la population. Il importerait également de déterminer si le partenaire dispose de ressources suffisantes pour élaborer et mettre en œuvre des plans et des programmes d’atténuation.Note de bas de page 104
Conclusion
Le combat en zone urbaine représente le présent et l’avenir de la guerre. Pour les forces militaires, il s’agit du type d’opération qui pose les plus importants défis en raison de la proximité des civils et des objectifs militaires, et de ce que cela implique en matière de commandement et de contrôle, de ressources, d’entraînement, d’armes et de conception d’équipement. Pour les civils, il s’agit de la forme de guerre la plus dangereuse, étant donné l’ampleur des préjudices causés aux civils, les décès et les blessures, la destruction des infrastructures et les répercussions connexes sur les moyens de subsistance et l’éducation. Bien que le passé puisse éclairer les leçons qui doivent être intégrées pour éviter les erreurs, les militaires doivent dès à présent s’adapter aux nouvelles réalités de la guerre. L’intégration d’une approche qui intègre l’atténuation des dommages civils dans la planification de la guerre urbaine ainsi que dans les politiques, les entraînements, les tactiques et l’utilisation des armes, est essentielle aux fins de la conformité au DCA et à l’appui des meilleurs résultats stratégiques.
À propos de l'auteure
Sahr Muhammedally est spécialiste des questions qui concernent la protection des civils, le droit international humanitaire et les droits de la personne. Elle a conseillé et formé de nombreux militaires sur les approches d’atténuation des dommages civils. Elle a travaillé au sein de diverses organisations internationales, notamment à titre de directrice du Center for Civilians in Conflict pour les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Elle est boursière non-résidente et instructrice à l’Urban Warfare Center de la 40e Division d’infanterie de l’armée des États-Unis.
Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition d’octobre 2024 du Journal de l’Armée Canadienne (21-1).
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