Jeux de Décision Tactique scénario #3
Un raid qui tourne mal

par Lieutenant-Colonel Matthew Rolls, CD

Vous êtes le commandant du 9e peloton, compagnie (Cie) M, 3e Bataillon (Bon) du Royal Canadian Regiment (RCR). Votre peloton est organisé comme un peloton d’infanterie légère avec trois sections de fusiliers et une section d’armes. Vous avez également une section d’armes supplémentaires comprenant deux armes antiblindées modernes à moyenne portée, qui proviennent du peloton d’armes de votre Cie, laquelle est rattaché à votre commandement opérationnel (OPCOM).

Le 3 RCR opère dans les zones de terrain complexes d’Atropia depuis plusieurs mois maintenant. Plus tôt aujourd’hui, le 3 RCR s’est emparé de trois points de franchissement au-dessus d’un cours d’eau important pour permettre à une formation alliée d’effectuer un passage des lignes vers l’avant. La Cie M s’est emparée d’un de ces points de franchissement. Des retards font en sorte que la formation ne devrait pas commencer sa traversée avant 24 heures, ce qui fait que la Cie M a consolidé le point de franchissement pour le protéger et exécute maintenant ses activités courantes dans une position défensive. Les efforts du commandant (cmdt) pour faire de la position de la Cie M une position de défense cohérente sont entravés par la nécessité de se réorganiser après l’attaque et de procéder à l’évacuation des blessés, en plus de l’obscurité dans laquelle il faut travailler. Alors que vous préparez votre position, vous apercevez le commandant adjoint de la Cie qui approche.

Il vous appelle : « 33, le cmdt veut vous voir au sujet d’une tâche. Venez au poste de commandement de la Cie dès que possible. »

Vous prenez votre carte, votre carnet de campagne et votre signaleur et vous vous dirigez vers le poste de commandement. À votre arrivée, vous trouvez le cmdt, le sergent-major de compagnie et l’officier observateur avancé de la Cie rassemblés autour du petit écran relié à un système d’aéronef sans équipage (UAS). En regardant l’écran entre leurs épaules, vous pouvez voir deux chars ennemis dans une clairière.

« 33, j’ai une tâche pour vous », dit le cmdt Cie.

« Comme vous le savez, notre tâche ici est de conserver ce point de franchissement pour permettre le passage des lignes vers l’avant par la formation alliée qui suit. En raison de circonstances imprévus, cette opération a été retardée, et je ne m’attends pas à voir les éléments de tête de cette formation avant au moins 24 heures. Cela offre à l’ennemi une excellente occasion de perturber notre traversée. De plus, je ne m’attends pas à ce que la Cie M soit défendable jusqu’à ce que les derniers préparatifs soient terminés après la première lueur, dans environ 12 heures. Le reste du Bon est dans une situation similaire à la nôtre; ils consolident également leurs points de franchissement respectifs pour permettre à la formation de traverser une fois qu’elle sera prête. »

Le cmdt Cie poursuit : « Il y a quelques minutes, Golf a détecté ces deux T55 ennemis dans une clairière non loin d’ici. L’UAS a encore quelques minutes sur zone, et je vous laisserai vous assoir avec Golf sous peu pour commencer à entrer les renseignements manquants. » Vous regardez attentivement l’écran, essayant de discerner d’autres unités ennemies sur les lieux et de voir à quoi ressemble le terrain, puis le cmdt Cie ajoute : « Je soupçonne que ces deux chars se préparent à lancer une contre-attaque sur notre position, probablement à l’aube. Je ne peux pas permettre que cette menace pèse sur le point de franchissement, surtout avant que nous soyons prêts à y faire face. »

Le cmdt Cie vous regarde directement dans les yeux et dit : « 33, votre mission est de détruire cet ennemi pour protéger les préparatifs défensifs de la Cie M et la traversée de la formation multinationale. Je répète... » Le cmdt Cie répète la mission, et vous confirmez la tâche qui vous a été assignée. Le cmdt Cie poursuit : « Je pense que vous pouvez tirer parti du couvert de la nuit et de la végétation dense pour vous approcher des vieux T55. Je vais vous assigner une section du peloton d’armes de la Cie pour l’OPCOM de cette tâche. Cependant, je n’ai pas grand-chose d’autre à offrir. La Brigade n’est pas actuellement l’effort principal, et la situation aérienne n’est pas favorable à un appui aérien rapproché. L’UAS n’a plus que quelques minutes sur zone. Je vous laisse vous assoir avec Golf, puis revenez-moi pour confirmer que vous comprenez votre tâche et pour me soumettre toutes les questions ou demandes que vous pourriez avoir. »

Vous vous installez avec l’officier observateur avancé alors que l’UAS fait un dernier tour de l’objectif et amorce son retour. Les T55 semblent être placés dans une zone ouverte le long de la route, et il n’y a aucune indication de l’emplacement des équipages ni aucune infanterie de soutien. Vous n’avez vu aucun autre char. Alors que l’UAS revient à ses opérateurs, il montre que la végétation autour des chars et entre vous et eux est aussi épaisse qu’elle l’était sur le trajet vers l’objectif de la Cie M. De plus, le pont juste avant la clairière semble être en béton. Il est assez étroit, ne permettant qu’à un seul véhicule à la fois de traverser, et mesure environ 15 à 20 mètres de longueur. Il y a une petite clairière d’environ 50 mètres de chaque côté du pont, ce qui confirme votre reconnaissance (reco) cartographique. L’UAS fournit peu d’information sur les caractéristiques hydrographiques. Vous retournez voir le cmdt Cie, lui confirmez votre compréhension de la tâche, puis lui posez une question.

« Est-ce que nous évaluons qu’il n’y a que ces deux chars? Vont-ils contre-attaquer avec seulement deux T55 sur un terrain comme celui-ci? »

« Ce n’est certainement pas de cette façon que je procéderais », répond le cmdt, « mais l’ennemi est connu pour mener des attaques de chars sans appui. Il lui manque également des plateformes plus modernes après les premiers mois de ce conflit. Il se peut qu’il soit pressé par le temps, un peu comme moi, et qu’il pense qu’attaquer de nuit avec une force restreinte pourrait valoir le risque. Cela dit, il pourrait être en train d’attendre des renforts. Qui sait! Mais plus tôt nous agirons, mieux ce sera pour devancer ses plans, quels qu’ils soient. »

Vous prenez acte du point de vue du cmdt sur le fait que le temps presse et entamez immédiatement une analyse rapide de la situation. À la lumière de votre expérience dans le pays jusqu’à présent et de la reco de carte, votre appréciation détaillée du temps vous amène à croire que vous pouvez occuper le rendez-vous à l’objectif (RVO) en environ 3 heures, effectuer des reconnaissances et mener des actions sur l’objectif en environ 2 heures, puis retourner à l’emplacement de la Cie M en 3 heures, ce qui laisse beaucoup de temps avant la première lueur au cas où le retour prendrait plus de temps en raison du déplacement de victimes et de prisonniers. Vous rassemblez rapidement votre peloton pour donner les ordres et, avec votre adjudant de peloton, vous réorganisez la section Charlie en éléments de sécurité et en une équipe de navigation. Vous conservez l’organisation standard pour le reste du peloton, après avoir décidé que toute autre organisation de tâches se déroulera au RVO une fois que la reco par le chef confirmera certains éléments de l’objectif.

L’image est une carte appartenant à un scénario de jeu de décision tactique. Elle montre la situation actuelle, y compris les emplacements du Point de Rassemblement (AP), du Point de Rendez-vous (RP) et du Point de Vue. De plus, elle affiche le positionnement des Éléments de Sécurité B et C. La carte inclut également une échelle indiquant une distance de 500 mètres.
Figure 1: Situation actuelle 

L’image est une carte appartenant à un scénario de jeu de décision tactique. Elle montre la situation actuelle, y compris les emplacements du Point de Rassemblement (AP), du Point de Rendez-vous (RP) et du Point de Vue. De plus, elle affiche le positionnement des Éléments de Sécurité B et C. La carte inclut également une échelle indiquant une distance de 500 mètres. 

Le mouvement vers le RVO et son occupation se déroule bien, et la nuit claire et la pleine lune aident l’équipe de navigation à garder le cap. Vous vous déplacez vers le cours d’eau, en remarquant que ses rives escarpées le rendent complètement impraticable pour les véhicules, mais pas pour la circulation piétonnière. Vous avez maintenant établi votre point de vue et laissé l’élément de sécurité A en place. Une fois sur place, vous constatez la présence des deux T55, mais aucune autre présence ennemie. Les éléments de sécurité B et C communiquent par radio peu de temps après pour vous informer qu’ils sont sur place à leur position d’interception. Vous et vos commandants de section procédez ensuite à la reco par le chef, puis vous revenez par le point de dislocation et avancez vers le point de RVO. En cours de route, le PC de la Cie envoie un rapport de situation consolidé expliquant que les Cie O et N mènent une série d’engagements intermittents avec des contre-attaques à leurs points de franchissements respectifs. Chaque attaque comprend des chars, et l’attaque sur la Cie N comprend également des éléments d’infanterie.

Alors que vous traversez le cours d’eau, l’élément de sécurité A envoie un message radio : « 31, ici le point d’observation. Nous observons du mouvement à l’objectif. On dirait que les équipes sont sorties et qu’elles préparent les véhicules pour se déplacer. » Vous vous rendez compte que le temps presse et vous accélérez le rythme. Vous parlez également par radio à votre adjudant de peloton pour vous assurer que tous les éléments sont prêts à bouger à votre retour au RVO. Cinq minutes plus tard, vous entendez une longue rafale provenant d’un C9, suivie d’autres tirs d’armes légères par le nord, où votre élément de sécurité B est positionné. Vous communiquez par radio avec l’élément de sécurité B, mais n’obtenez aucune réponse. Lorsque vous revenez au RVO, le point d’observation communique par radio : « 31, ici le point d’observation. Deux autres T55 viennent d’arriver à l’objectif, ainsi que deux gros camions. On dirait qu’ils ont quelques blessés, et les gars des chars parlent aux gars qui ont sauté du camion de tête. »

Vous n’êtes plus en communication avec l’élément de sécurité Bravo et vous avez une force plus importante dans la zone de l’objectif, qui comprend maintenant deux chars supplémentaires. Votre esprit s’emballe à l’idée des nombreuses possibilités et de l’incertitude de la situation.

Et maintenant, lieutenant?

En cinq minutes, déterminez quel sera votre plan d’action. Votre réponse doit comprendre des directives s’adressant à vos subalternes, l’organisation des tâches, un diagramme et tout rapport que vous tenteriez d’envoyer aux niveaux supérieurs. 


SOLUTION : UN RAID QUI TOURNE MAL
(Développer la section pour lire)

Dans le scénario intitulé « Un raid qui tourne mal », nous voyons un commandant de peloton (Cmdt Pon) confronté à une situation ayant considérablement évolué, mais sans changement dans l’intention de son cmdt, soit empêcher la force ennemie de nuire aux préparatifs défensifs de la Compagnie (Cie) M. Le Cmdt Pon a reçu la tâche de « détruire l’ennemi pour protéger les préparatifs défensifs de la Cie M et le franchissement de la formation multinationale ». Cela suggère que nous, à titre de Cmdt Pon, devons examiner comment nous allons atteindre l’intention du commandement supérieur, en gardant à l’esprit que la tâche de détruire et que l’activité offensive du raid est moins importante que l’atteinte de l’objectif, soit protéger les préparatifs défensifs de la Cie M et permettre le franchissement de la formation multinationale. Comme l’exécution des préparatifs défensifs est en grande partie une question de temps, nous devons fournir ce temps à la Cie M, que ce soit en éliminant la menace ou en la ralentissant.

Il y a quelques éléments d’incertitude dans la situation actuelle. L’intention de l’ennemi dans la zone de l’objectif reste inconnue. A-t-il toujours l’intention d’attaquer après ce qui ressemblait à un engagement avec l’élément de sécurité B? Dans l’affirmative, quand? De plus, à ce stade, nous savons que la force de l’ennemi a augmenté, mais nous ne savons pas encore dans quelle mesure, à l’exception de l’augmentation de la force blindée avec deux T55 supplémentaires. Nous devrions également tenir compte du fait qu’un gros camion peut généralement transporter près d’un peloton d’infanterie. Heureusement, l’élément de sécurité A reste au point d’observation pour nous tenir informés de la situation ennemie. Enfin, selon les rafales entendues lorsque vous avez communiqué avec l’élément de sécurité Bravo, l’ennemi a été alerté de votre présence dans la région. Cela suggère que l’ennemi prendra l’une des deux mesures suivantes, ou les deux. Tout d’abord, il cherchera à sécuriser sa zone de rassemblement avec son infanterie débarquée sur le terrain proche qui l’entoure. Deuxièmement, il cherchera à accélérer ses préparatifs pour quitter la zone de rassemblement et, vraisemblablement, attaquer la Cie M. La force de l’ennemi et la probabilité réduite que vous puissiez surprendre l’ennemi sont des facteurs essentiels pour déterminer les prochaines étapes.

La situation amie est plus claire, mais la situation de l’élément de sécurité B reste incertaine. Son état immédiat est hors de votre contrôle, et vous devez vous concentrer sur la façon de vous adapter à la nouvelle situation. Cependant, pour établir votre plan, il convient de considérer comment vous prendrez en charge une éventuelle connexion avec l’élément de sécurité B. L’élément de sécurité A vous fournit une connaissance de la situation et votre équipe de navigation sécurise le point de dislocation. L’élément de sécurité C est en place à une position d’interception au sud de votre position. De plus, le reste de votre peloton et les attachements sont centrés au rendez-vous à l’objectif (RVO), ce qui vous offre une certaine flexibilité pour réagir à la situation.

Le terrain dans votre secteur immédiat n’a évidemment pas changé, mais il a pris une nouvelle importance à mesure que la situation a changé. Le terrain proche fournit une couverture et permet à votre peloton débarqué de se dissimuler, mais la zone immédiate autour de l’objectif peut être moins sûre si l’ennemi choisit de débarquer l’infanterie et de la dégager. La route assure une approche à vitesse élevée pour les forces ennemies, mais le terrain proche canalise leur mouvement, les restreignant à la route et à la zone immédiate qui l’entoure. Le cours d’eau et le pont qui le surplombe représentent d’autres obstacles qui canaliseront le mouvement ennemi. Les meilleurs endroits pour optimiser la portée des armes antiblindées et des mitrailleuses sont autour de l’objectif aux emplacements de vos bases de feu actuellement prévus, ainsi qu’à plusieurs points le long de la route où les lignes de visée sont plus longues. La route comporte quatre virages à 90 degrés qui offrent la possibilité d’isoler des parties de la colonne ennemie lorsqu’elle se déplace sur la route et crée des emplacements possibles pour des embuscades en forme de L.

Les facteurs temporels et spatiaux sont largement incertains et dépendent des actions de l’ennemi. En tant que force motorisée, l’ennemi a un avantage important par rapport à notre force sur le plan de la vitesse. S’il choisit de se déplacer le plus rapidement possible, il sera difficile pour notre peloton d’intervenir assez rapidement. Cela suggère que la rapidité de la décision et de l’exécution est essentielle pour que nous puissions nous mettre en position avant que l’ennemi puisse commencer à bouger et anticiper toute action que nous cherchons à prendre. Le temps et l’espace sont liés aux éléments de surprise et de sécurité, ainsi qu’à l’ennemi. Comme l’ennemi a été alerté de notre présence, l’élément de surprise sera plus difficile à réaliser. La surprise consiste à frapper l’ennemi alors qu’il n’est pas préparé, ce qui signifie qu’il faut se déplacer plus vite qu’il ne peut réagir ou poser un geste inattendu. Par exemple, se déplacer plus vite que l’ennemi peut poster un élément de sécurité local devient probablement beaucoup plus difficile une fois qu’il a été alerté.

Notre analyse démontre que l’objectif de notre mission (l’intention) n’a pas changé, mais nous devrons déterminer si la mission doit se dérouler différemment. La doctrine des É.-U. utilise l’acronyme DRAWD (Defend, Reinforce, Attack, Withdraw, Delay – défendre, renforcer, attaquer, se retirer, ralentir) pour ce type d’analyse afin d’examiner globalement les options que nous pourrions poursuivre1. Dans le cas présent, nous pouvons éliminer les options de renforcement et de retrait. Compte tenu de l’emplacement de la Cie M, il est très peu probable que des renforts puissent arriver à temps, et cela les détournerait de leurs préparatifs défensifs, principale raison pour laquelle nous accomplissons cette tâche. Un retrait permettrait à l’ennemi de mener ses activités de préparation et de se déplacer vers la Cie M sans être dérangé, ce qui signifie que nous raterions notre objectif de permettre à la Cie M de terminer ses préparatifs défensifs. Nous pouvons donc examiner les options de défense, d’attaque et de ralentissement.

 

Figure 1 : Processus de réflexion du commandant de peloton tout au long de l’appréciation  L’image est un graphique décrivant le processus de réflexion d’un Commandant de Section tout au long de l’estimation, détaillant l’analyse de la mission et des facteurs impliqués dans la détermination des tâches pour répondre à l’intention du Commandant. Il inclut des activités possibles telles que Raid, Défendre, Bloquer et Retarder. L’objectif est de prévoir du temps pour les préparations défensives en réponse aux situations changeantes.
Figure 1 : Processus de réflexion du commandant de peloton tout au long de l’appréciation

L’image est un graphique décrivant le processus de réflexion d’un Commandant de Section tout au long de l’estimation, détaillant l’analyse de la mission et des facteurs impliqués dans la détermination des tâches pour répondre à l’intention du Commandant. Il inclut des activités possibles telles que Raid, Défendre, Bloquer et Retarder. L’objectif est de prévoir du temps pour les préparations défensives en réponse aux situations changeantes.

Si l’option de défense est choisie, le terrain canalisant dans la zone offre au peloton des approches couvertes et dissimulées des positions de combat à partir d’où il pourrait surprendre l’ennemi. Le pont, en particulier, est un emplacement intéressant où une certaine impasse pourrait être créée, au moins assez pour des portées d’engagement minimales, tout en canalisant le mouvement des blindés. L’infanterie ennemie pourrait encore s’infiltrer par le terrain proche et par le cours d’eau, mais le courant représente toujours un obstacle au mouvement de l’infanterie, qui pourrait être couvert par les positions d’observation et de tir. En s’engageant avec l’ennemi, l’élément de sécurité B a agi comme une sorte de force de sécurité pour la défense en usant les forces ennemies, introduisant ainsi une incertitude quant à notre emplacement et notre intention et nous donnant le temps d’établir notre défense. Le point d’observation est un écran qui fournit un avertissement précoce du mouvement de l’ennemi et aide à déterminer son intention. Cet élément pourrait être renforcé par l’équipe de navigation ou se retirer au RVO. L’élément de sécurité C agit comme une forme de réserve et pourrait établir une position en profondeur pour éliminer tous les éléments ennemis qui pénètrent dans les positions avancées. Comme l’état de l’élément de sécurité B est encore inconnu, il serait sage d’assurer la sécurité du RVO afin de lui fournir un endroit connu où rejoindre le reste du peloton. Dans un tel scénario, la tâche de destruction pourrait demeurer en vigueur, ou un blocage pourrait également fonctionner. 

Cette option cède l’initiative à l’ennemi, lui permettant de poursuivre ses préparatifs pour attaquer et sécuriser sa zone locale avant de partir. L’ennemi peut également réussir à trouver notre point d’observation, nous privant ainsi d’une alerte précoce. De plus, il n’est pas facile de mettre en place une position défensive dans l’obscurité. Mener une défense nous permet cependant de choisir une position avantageuse pour un engagement. Bien qu’il soit irréaliste de chercher à créer des positions de combat hautement protégées, il est concevable que des sillons puissent être creusés pour réduire l’exposition. Des tirs directs pourraient également être coordonnés pour optimiser leur efficacité, tout en reconnaissant que cela sera difficile dans l’obscurité. Le peloton peut également établir des positions de combat plus rapidement qu’il ne peut s’infiltrer furtivement à sa position d’attaque prévue et aux emplacements de ses bases de tir pour le raid. Des positions de combat placées à une distance de soutien mutuel les unes des autres améliorent la puissance de combat, facilitent le contrôle et optimisent la cohésion. Enfin, si l’ennemi ne trouve pas le point d’observation, un plan d’emploi des feux pourrait alors être coordonné au moyen des tirs de soutien disponibles pour fournir une profondeur supplémentaire à la défense.

Le peloton pourrait continuer à planifier la conduite d’opérations offensives. La première option serait de poursuivre le raid comme prévu. Cette option nécessiterait probablement une occupation hâtive de la position d’attaque et de la base de tir. Ce mouvement aurait pour effet de réduire la furtivité et d’alerter l’ennemi. Subir les attaques de l’ennemi pendant que le peloton est dispersé et s’infiltre dans les positions qui lui sont assignées causerait une confusion importante et un désordre au sein du peloton, et rendrait probablement la tâche de destruction impossible. De plus, l’augmentation de la puissance de combat de l’ennemi signifie qu’un tel engagement pourrait avoir de graves conséquences. Cela étant dit, si l’ennemi est timide ou lent à réagir, le raid pourrait encore surprendre l’ennemi et permettre sa destruction, ce qui est un résultat idéal. 

Une autre option offensive serait de tirer parti de l’un des points le long de la route pour tendre une embuscade à l’ennemi alors qu’il se dirige vers la Cie M. Les virages à 90 degrés sont optimaux pour établir des embuscades en forme de L. La probabilité d’obtenir un effet de surprise avec une telle manœuvre est élevée, et il est possible que le peloton puisse infliger des dégâts importants à l’ennemi. Les deux chars supplémentaires, cependant, représentent une formidable augmentation de la puissance de combat, et il est fort peu probable que les artilleurs antiblindés puissent détruire les quatre chars avant qu’ils ne puissent répondre avec une puissance de feu importante contre des parties de l’embuscade. De plus, nous n’avions pas l’intention de mener une embuscade, de sorte que nous n’avons pas prévu de multiplicateurs de combat qui auraient pu compenser ces problèmes, tels que des mines hors route ou des obstacles permettant d’augmenter la puissance de combat lors d’une embuscade.

Finalement, le Cmdt Pon pourrait décider de retarder les opérations. Cela nécessiterait d’utiliser autant d’espace que possible pour ralentir le mouvement de l’ennemi jusqu’à l’aube, alors que les préparatifs défensifs de la Cie M devraient être terminés. Le Cmdt Pon pourrait donner aux chefs de section un maximum de latitude pour établir leurs propres positions d’embuscade, ce qui permettrait de mener rapidement un engagement de tir direct, de forcer l’ennemi à débarquer pour rechercher la section, puis de se retirer en vue d’une embuscade ultérieure.

Le ralentissement n’est pas une tâche facile, et cette option s’accompagne d’un bon nombre des mêmes défis qu’une embuscade de peloton, mais dans une plus grande mesure. Il serait difficile de contrôler les sections parce qu’elles sont dispersées. Il faudrait décentraliser les armes antiblindés, ce qui rendrait impossible le soutien mutuel. Plus important encore, pour effectuer un ralentissement, il est important d’être au moins aussi mobile que la force adverse. Dans ce cas, le peloton pourrait se retrouver dans une situation où, même si des sections progressent par dépassement, il devra littéralement courir d’embuscade en embuscade pour maintenir son avance sur l’ennemi. Cette combinaison peut mener à l’épuisement, à une perte de contrôle et une défaite éventuelle. À l’opposé, un engagement direct très efficace sur le plan des tirs pourrait imposer des ralentissements disproportionnés par rapport à l’effort déployé, réduisant ainsi le nombre d’embuscades qui devraient être menées et donnant aux sections suffisamment de temps pour localiser et occuper leurs positions ultérieures.

Le problème ci-dessus révèle les complications qui surviennent lorsque l’on tente d’équilibrer le risque pour la mission et le risque pour la force de petites unités opérant indépendamment. Les exigences pour une opération de ralentissement vont probablement au-delà de la capacité du peloton en raison de sa mobilité limitée. Poursuivre le raid contre un adversaire qui est maintenant alerté et a plus que doublé en puissance de combat est une proposition présentant un risque élevé, mais qui peut être aussi très payante. Cependant, la capacité du peloton à atténuer ce risque est faible. Défendre ou mener une embuscade sont les deux choix qui offrent le meilleur équilibre au moment d’assurer la plus grande probabilité de succès pour la mission et de réduire le risque pour la force. Quant à savoir quelle option est supérieure, il s’agit de déterminer comment le Cmdt Pon évalue sa capacité à optimiser l’utilisation du terrain à l’endroit de son choix et à établir avec succès un site d’embuscade ou une position défensive. 

À PROPOS DE L’AUTEUR

Le lieutenant-colonel Matthew Rolls s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes en 2006 à titre d’officier d’infanterie, et il s’est joint ensuite au Royal Canadian Regiment (RCR). Il a passé tout son temps régimentaire avec le 2 RCR, après avoir été commandant de peloton, commandant adjoint de compagnie, officier adjoint des opérations, capitaine-adjudant et commandant de compagnie de fusiliers et de compagnie d’administration. Il a pris part à des déploiements en tant que commandant de peloton de fusiliers avec l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar et le Groupement tactique du 1er Bataillon, Royal Canadian Regiment de la FO 1­10, et en Lettonie dans le cadre de l’opération REASSURANCE en tant que commandant d’une compagnie de fusiliers. Il est diplômé de l’Expeditionary Warfare School du US Marine Corps ainsi que du Programme de commandement et d’état-major interarmées. Il est titulaire d’un baccalauréat en sciences politiques et d’une maîtrise en études de la défense et en études militaires. Il occupe actuellement des fonctions au sein de la cellule du Chef – Intégration des systèmes de combat du Vice-Chef d’état-major de la défense (VCEMD).

Ce scénario est apparu pour la première fois en ligne sur le site Web du Journal de l'Armée canadienne (octobre 2024)

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