Jeux de décision tactique scénario #4
Attaque du passage étroit, façon canadienne¹

L’image est une carte appartenant à un scénario de jeu de décision tactique. Elle montre la situation actuelle, y compris passage étroit de l’ouest, crête sanctuaire, ville sanctuaire à 8 km, passage étroit. La carte inclut également une échelle indiquant une distance de 0 mètres, 250 mètres, 500 mètres et1000 mètres.

Ce scénario est un excellent exemple de la nécessité pour l’Armée canadienne d’avoir pour pratique d’insister pour que les commandants comprennent les plans de leurs commandants deux niveaux au-dessus d’eux. En tant que commandant (cmdt) de peloton (Pon) chargé de protéger le flanc du bataillon (Bon), nous devons agir d’une manière qui fait progresser la position (posn) du Bon.

Que savons-nous de l’ennemi jusqu’à présent? Il y a un élément ennemi qui attaque le Bon à proximité du pont. Il est raisonnable de supposer qu’il est situé de manière à maximiser l’effet d’obstacle du ravin rocheux et du terrain canalisant du pont pour soit retarder l’avancée du Bon, soit le bloquer purement et simplement. Cette posn est soutenue par d’autres posn sur la crête qui possèdent (au minimum) des mitrailleuses. Le fait que des tirs de mitrailleuses proviennent d’en haut porte à croire qu’il s’agit d’une posn délibérée. Notre Pon est entré en contact avec un petit élément ennemi qui s’est enfui vers le nord-ouest. Ce petit élément pourrait être un élément de sécurité pour la posn principale où le Bon est actuellement engagé. La préparation de l’ennemi et la nature canalisante du ravin, du pont et du passage étroit suggèrent que ce sera une posn difficile à surmonter.

Qu’en est-il du passage étroit de l’ouest? Notre Pon a réussi à traverser le ravin, n’obtenant le contact qu’avec un petit élément qui ne cherchait pas à se tenir devant nous pour se battre. Il s’est enfui en direction du passage étroit de l’ouest. L’absence d’un engagement déterminé à l’avant du ravin suggère que cette voie d’approche pourrait être tenue en force réduite par rapport au passage principal, mais la direction dans laquelle la patrouille ennemie s’est enfuie nous fait penser qu’il y a au moins un petit élément à proximité. Peut-être que l’ennemi a dû traiter le passage de l’ouest comme une mission d’économie de forces et ne fait que l’évaluer. C’est une zone d’incertitude.

Une autre zone d’incertitude est la crête sanctuaire entre les passages. Nous n’avons vu aucune indication d’activité ennemie dans ce secteur; cependant, il s’agit d’un terrain dominant qu’il serait avantageux de détenir, ne serait-ce que pour le point d’observation qu’il offre. Cela dit, l’ennemi ne peut pas être fort partout. Il a peut-être dû accepter des lacunes dans sa posn pour pouvoir être fort ailleurs, peut-être pensait-il que le terrain était un obstacle majeur en soi. Ce que nous savons de la crête, c’est qu’il est impraticable pour nos véhicules, mais là où nos véhicules ne peuvent se rendre pas, notre infanterie le peut.

Enfin, nous n’avons vu aucun signe de blindé ennemi. Ses blindés représentent une menace critique pour le Bon. La route est-ouest directement au nord représente une voie d’approche potentielle. Cacher les chars ennemis sur le côté nord de la crête semble être une option plausible que nous devons envisager et, selon la situation actuelle, les chars peuvent emprunter le passage étroit de l’ouest.

En faisant quelques déductions raisonnables en fonction de ce que nous savons, nous pouvons estimer un plan d’action plausible de la part de l’ennemi. L’ennemi défend le passage étroit pour retarder ou bloquer l’avancée du Bon. Pour atteindre son objectif, il utilise une posn près du pont avec des posn en profondeur sur la crête. Il mène une mission de sécurité (écran ou protection) à l’ouest du Bon pour protéger la posn principale et sécuriser son utilisation du passage étroit de l’ouest. Sa réserve est sa force blindée, qui pourrait être positionnée au nord du passage, mais pourrait aussi être ailleurs, et est prête à contre-attaquer dans le flanc gauche du Bon une fois fixé à la posn défensive principale. Une autre tâche probable pour la réserve ennemie serait de mener une mission de blocage contre le Bon à la sortie nord du passage étroit dans le cas où nous réussissons à éliminer la résistance ennemie à proximité du passage. Maintenant que nous avons acquis une meilleure compréhension de ce que l’ennemi peut faire et de la relation entre le terrain et ses objectifs, qu’est-ce que cela signifie pour notre Pon, notre tâche qui consiste à protéger le flanc du Bon et la nécessité pour nous de soutenir la mission de ce dernier? Examinons quelques options.

La première option est de faire comme on vous l’a dit : protéger le flanc le long de la route est-ouest. C’est votre tâche, après tout, et il est raisonnable que le cmdt s’attende à ce que vous exécutiez votre tâche et que vous protégiez le flanc du Bon pendant qu’il est au milieu d’un contact qui attire l’attention de ses dirigeants. De notre emplacement actuel, nous pourrions probablement apporter un certain soutien au Bon en ayant recours à des armes d’appui, ou si nous pouvons placer nos véhicules blindés légers dans une posn de tir.

Deuxièmement, nous pourrions attaquer l’ennemi au pont étroit, avec qui le Bon est actuellement en contact, en le frappant sur le flanc gauche. Cela exigerait que nous abandonnions notre mission de protection du flanc, ou que nous assumions des risques pour la mission en divisant votre force entre les deux tâches. De plus, il fait nuit, le Bon est concentré sur son combat en cours, il a un élément sur le flanc de la posn ennemie attaquant d’est en ouest, il y a un risque de tirs amis, et nous attaquerions dans les tirs de mitrailleuse actuels contre le Bon. Il serait impossible de coordonner cette attaque. Ce plan d’action engagerait également le Pon dans le combat du Bon, alors que nous avons actuellement la liberté d’action, ce qui est utile au Bon. Certains diront qu’il s’agit d’une manœuvre audacieuse, mais elle est plus susceptible d’être téméraire et inutile.

La troisième option serait d’attaquer le long de la colonne de la crête sanctuaire, frappant l’ennemi tenant le passage étroit dans son flanc gauche ou derrière lui. Cet ennemi est probablement fortement concentré sur son attaque du Bon, et cela offre un moyen de réduire la pression sur le Bon tout en permettant à son objectif d’avancer par le passage. À l’instar de la deuxième option, avec ce plan d’action, nous assumons un risque pour la mission de protection du flanc. Nous devons également tenir compte du rapport risque-avantages de l’élimination de la menace frontale pour le Bon tout en réduisant notre capacité à nous prémunir contre une menace blindée potentielle sur le flanc du Bon.

Une quatrième option serait d’engager le Pon vers le passage étroit de l’ouest et le sommet. Cette option nous fait profiter d’une occasion en saisissant le terrain clé qui fournit des points d’observation de chaque côté de la crête sanctuaire et nous donne la chance de couper la capacité de l’ennemi à contre-attaquer (C atq) à travers le passage étroit de l’ouest. Elle permet également d’établir le Pon dans une posn améliorée pour soit mener une attaque le long de la crête sanctuaire, soit sécuriser la posn d’attaque et la ligne de départ pour une autre organisation qui mènera l’attaque, si l’une ou l’autre action était jugée souhaitable. C’est une option audacieuse qui, comme toute autre option de ce genre, comporte des risques. Nous ne sommes pas certains de la situation le long du sommet et à proximité du passage étroit de l’ouest. Il est plausible que l’ennemi cherche à conserver le passage et qu’il ait suffisamment de ressources sur place pour refuser au Pon son utilisation. Il est aussi plausible que le sommet puisse également contenir des éléments ennemis. Une série de postes d’observation semble tout à fait possible. Le mouvement vers le sommet et le passage, puis un engagement à un endroit ou l’autre, pourraient compromettre la capacité du Pon à effectuer sa tâche de protection. Nous ne sommes pas non plus certains de l’emplacement de la réserve ennemie. Il est tout à fait logique que ce soit au nord de la crête sanctuaire, mais il est possible que ce soit quelque part au sud de la crête et à l’ouest de nous. Dans un tel cas, engager nos forces vers le passage et la crête pourrait compromettre notre capacité à protéger le flanc du Bon. Enfin, dans le cas où la force blindée de l’ennemi serait engagée avec succès contre le Bon et que le Pon serait situé sur la crête, nous risquerions d’être coupés du Bon. Il s’agit d’un risque important envers la force pour le Pon et cela limiterait probablement la liberté d’action du Bon de choisir de rompre le contact et de se retirer d’un tel engagement.

La cinquième et dernière option serait de continuer à protéger le flanc tout en mettant au point d’autres options au nom du Bon sans engager le Pon vers le sommet et le passage. Le risque d’une C atq de chars signifie que la protection du flanc ne peut pas être simplement abandonnée. Au même moment, le Bon est fixé devant le passage étroit. Sa capacité à forcer le passage peut être compromise, et il nous incombe de soutenir le Bon dans l’ouverture d’autres options. Le Bon devra peut-être commencer à envisager d’autres options pour traverser la crête sanctuaire, et le sommet de la crête offre des points d’observation sur le côté nord de la crête ainsi qu’une voie d’approche potentielle pour attaquer le passage étroit, comme indiqué dans la troisième option, si cela était jugé nécessaire. Dans cette option, nous prendrions la majeure partie de notre Pon et établirions une posn de blocage hâtifqui accomplirait la tâche de protection, tandis qu’une patrouille effectuerait une reconnaissance du passage étroit de l’ouest et du sommet à proximité du passage. Cette option permet de recueillir des renseignements pour le compte du Pon et du Bon. Cela nous aiderait à déterminer la force, la disposition et la composition de l’ennemi à proximité du passage et du sommet et peut-être à confirmer l’emplacement de la réserve ennemie. Cette information aiderait le cmdt Bon à prendre des décisions sur la prochaine étape tout en protégeant le flanc du Bon et en évitant le risque de foncer tête baissée jusqu’à la crête sanctuaire. Cependant, l’option comporte le risque que l’ennemi agisse devant nous et dans une telle force que nous perdrions la possibilité de nous emparer du passage étroit de l’ouest et du sommet.

Dans ce scénario, il est juste de se demander ce que le Bon devrait faire. Contrairement à d’autres jeux de décision tactique, nous avons des communications avec notre quartier général, nous devrions donc faire rapport au Bon, ce qui aidera le cmdt Bon et son état-major à formuler des options supplémentaires autres que de foncer violemment droit devant dans le passage étroit. Le cmdt Bon pourrait tenter d’attaquer par le passage étroit en menant une série d’attaques hâtives. Si cela échouait, il pourrait passer à une attaque délibérée. Les attaques hâtives contre une posn forte de l’ennemi entraînent le risque de mettre le Bon s’amenuise progressivement jusqu’à devenir inapte au combat. Si le cmdt choisit de passer à une attaque délibérée, cela prendra beaucoup de temps, et si la décision est toujours d’essayer de forcer le passage de front, le résultat pourrait encore être de rendre le Bon inapte à combattre. Si l’évaluation du cmdt révèle que le Bon n’a pas la puissance de combat pour forcer le passage, alors il pourrait s’adresser au cmdt de la brigade (Bde) pour obtenir des forces supplémentaires. Cette option prendrait également beaucoup de temps, et il n’y a aucune garantie que le cmdt Bde acceptera de mettre ces forces à disposition.

Comme notre Pon a rencontré une résistance minimale jusqu’à présent, le Bon devrait envisager fortement la viabilité du passage étroit de l’ouest comme voie de contournement. Il devrait également effectuer activement des reconnaissances, même en étant au contact, pour trouver l’unité de chars ennemie. S’attaquer à la faiblesse de l’ennemi et atténuer ses forces est évidemment bon. Le passage étroit de l’ouest représente une vulnérabilité potentielle de l’ennemi; d’autre part, son unité de blindés est une force que nous devons trouver afin de mieux perturber sa capacité à nous causer du tort. Il y a aussi une composante temporelle à cette situation. Nous avons été en contact avec un élément ennemi qui s’est retiré, ce qui signifie qu’il est au courant de la présence du Pon et pourrait raisonnablement en déduire que nous pourrions chercher à prendre des mesures pour nous emparer du passage. La situation nous donne l’occasion de devancer l’action de l’ennemi en ce qui concerne le passage, ce qui nous placerait en position avantageuse et nous permettrait de garder nos options ouvertes.

Ultimement, nous savons que nous voulons avoir accès à la plaine sanctuaire et que pour soutenir la prise de décision du cmdt, nous devons lui fournir de l’information et des options. Les options facilitent la prise et le maintien de l’initiative pour gagner l’avantage. Les première, deuxième et troisième options n’y parviennent pas, tandis que les quatrième et cinquième options y parviennent. La quatrième option est optimisée pour une situation où la réserve ennemie est au nord de la crête sanctuaire, et le sommet et le passage étroit de l’ouest sont légèrement tenus. En revanche, la cinquième option atténue le risque de se tromper sur l’emplacement de la réserve, le risque que pose pour la force l’incertitude quant à la situation ennemie sur le sommet et autour du passage étroit de l’ouest, et le risque d’être coupé. Elle comporte cependant le risque que l’ennemi puisse occuper par la force le passage étroit de l’ouest ou des parties du sommet et empêcher son utilisation par nous ou par le Bon. La façon dont nous choisirons entre ces deux options dépendra de la façon dont nous interprétons quel risque est le plus dangereux pour le Bon et sa mission. Il n’y a pas de réponses faciles dans de tels cas. Quoi qu’il en soit, nous devons choisir, et il y aura certainement quelqu’un qui pensera que nous avons tort. Nous devons être en mesure de défendre l’option que nous choisissons, puis de l’exécuter violemment!