Articles d'intérêt - Est constitue grief

Qu'est-ce qui constitue un bon grief?

par Monica Phillips, conseillère juridique
juin 2007

Le Comité externe se fait souvent demander ce qui constitue un bon grief. Aucune directive définie ne peut être fournie quant à la façon de faire valoir ou de défendre avec succès un grief, car le nombre de questions et des faits pouvant être soulevés est virtuellement illimité. Cependant, dans le cadre des examens de niveau II qu'il a effectués, le Comité externe a relevé certains problèmes concernant les dossiers de griefs qui soit ont une incidence sur la décision qui est prise au sujet du bien-fondé du grief, soit entraînent des retards.

Le présent article traite des principales considérations relatives à la présentation des griefs et aux réponses ceux-ci. Il aborde les questions touchant le fardeau de persuasion et la présentation des éléments de preuve, ainsi que la nécessité de bien expliquer son cas. Il traite également des questions préliminaires qui sont fréquemment soulevées dans les griefs, comme les délais prescrits, la qualité pour agir et la communication de renseignements. Enfin, il expose quelques idées concernant la présentation des griefs au niveau II. Le diagramme présenté à la fin de l'article fournit un résumé visuel des divers éléments dont les requérants et les intimés doivent tenir compte dans le cadre des griefs de niveau I.

L'explication de votre cas

L'un des problèmes les plus sérieux survient lorsqu'une ou les deux parties ne présentent pas un témoignage complet. Si des questions, des explications ou des faits importants sont omis, le cas peut être difficile à comprendre.

Pour les deux parties, le dépôt du grief au niveau I ne constitue pas la première étape. En effet, au moment où le grief est déposé, les parties sont susceptibles d'être engagées dans le dossier depuis déjà un certain temps et sont habituellement très familières avec les faits et les questions en litige. Il arrive donc parfois que les parties résument la preuve ou présentent les faits de façon générale, en présumant qu'ils sont déjà bien compris. Après tout, elles ont déjà expliqué leur position aux parties opposées et entendu ce que ces dernières avaient dire.

Cela pose toutefois un problème, car l'arbitre du grief ne saura rien d'autre du différend que ce que les parties lui auront communiqué. Si l'une ou l'autre des parties ne fournit pas les faits et éléments de preuve au dossier pour appuyer entièrement sa position, le grief peut être tranché en faveur de l'autre partie. Pour cette raison, les deux parties doivent présenter leur version des faits en procédant étape par étape.

D'abord, les deux parties doivent s'assurer d'inclure tous les faits dans leur présentation. Il faut répondre aux cinq questions suivantes : Qui? Quoi? Où ? Quand? et Pourquoi?. En outre, les parties doivent fournir tous les détails disponibles, notamment les noms, les dates et heures, et les lieux. L'objet du litige doit être clairement expliqué dans le grief, et les deux parties doivent exposer tous les éléments de preuve qui appuient leur position. Toutes les preuves documentaires à l'appui doivent être expliquées, et des copies de celles-ci doivent être incluses dans la présentation.

Les deux parties doivent également indiquer clairement toute loi ou politique sur laquelle elles se fondent et expliquer pourquoi, selon elles, cette loi ou politique appuie leur position. Une copie du texte de la loi ou de la politique, ou de l'extrait pertinent, doit aussi être incluse dans la présentation.

Enfin, les parties doivent clairement indiquer la décision qu'elles sollicitent de l'arbitre, et en particulier la réparation ou le recours qu'elles souhaitent obtenir.

Le fardeau de persuasion

Le fardeau de persuasion signifie qu'une partie en instance a l'obligation d'établir le bien-fondé de sa cause. Ainsi que le Comité externe l'a expliqué dans l'affaire G-052, et réaffirmé récemment dans l'affaire G-407, dans tous les cas où une personne soulève des allégations, comme dans le cadre d'un grief, elle doit établir le bien-fondé de sa cause auprès du preneur de décision avant que la partie opposée ne soit tenue de répondre. Le requérant a la charge initiale de la preuve selon la norme civile, c'est-à-dire suivant la prépondérance de la preuve.

Les griefs qui ne sont pas appuyés par un fondement ou des observations portant sur des faits peuvent être rejetés au motif que le requérant ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve. Ainsi, dans l'affaire G-407, la requérante contestait une décision selon laquelle sa plainte de harcèlement était non fondée. Malgré le fait qu'on lui avait fourni le rapport d'enquête et les documents sur lesquels il était fondé, la requérante n'a présenté aucun argument précis indiquant pourquoi la décision concernant la plainte de harcèlement était erronée, et n'a fourni aucun document pour appuyer ses allégations. Le Comité externe a conclu qu'elle ne s'était pas acquittée de son fardeau initial de preuve et a recommandé que le grief soit rejeté. Le commissaire n'a pas encore rendu de décision dans cette affaire.

La nécessité d'établir un fondement factuel pour un grief est particulièrement important lorsqu'il est clair que des renseignements personnels sur le requérant sont requis pour prouver des allégations. Dans l'affaire G-387, le requérant a allégué que l'hébergement qu'on lui avait fourni lors du Sommet G-8 à Kananaskis était inadéquat. Il n'a toutefois offert aucune information quant à ce qui était inadéquat, inconfortable ou insalubre au sujet de l'hébergement. L'intimé a fourni de l'information générale en ce qui a trait aux commodités et la façon dont l'hébergement avait été choisi, mais le requérant n'a pas réfuté ces éléments de preuve ni répondu par des plaintes concrètes. Comme le requérant est la personne qui a été hébergée dans un logement prétendument inadéquat, il lui incombait de fournir l'information à l'appui de ses allégations. Le Comité externe a recommandé que le grief soit rejeté et le commissaire a souscrit à cette recommandation. Par contre, dans un autre grief où le caractère non adéquat de l'hébergement fourni lors du Sommet du G-8 a été expliqué en détail, le Comité externe a recommandé que le grief soit accueilli (affaire G-389, décision du commissaire en instance).

Les requérants doivent également s'assurer de présenter des observations en rapport avec tous les motifs de leur grief. À titre d'exemple, dans l'affaire G-406 le requérant a demandé être remboursé pour les pertes liées à l'amélioration d'immobilisations encourues lorsqu'il a vendu sa maison à la suite de sa mutation. En plus de soutenir que la politique de réinstallation autorisait ce paiement, le requérant a allégué que le refus de lui verser une indemnisation complète violait son droit de circulation et d'établissement en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le requérant a toutefois omis de fournir des raisons ou des arguments pour étayer cette allégation. Le Comité externe a refusé d'examiner cette allégation de violation de la Charte parce qu'elle n'était pas appuyée par la preuve. Le Comité externe a recommandé que le grief soit rejeté. Le commissaire n'a pas encore rendu de décision dans cette affaire.

Une fois que le requérant s'est acquitté du fardeau de la preuve, il incombe à l'intimé de fournir des éléments de preuve et des arguments pour réfuter les allégations du requérant. L'intimé doit répondre à tous les arguments avancés par le requérant à défaut de quoi les observations du requérant formeront toute la base factuelle, ce qui peut donner lieu à une décision en faveur du grief.

Prenons, par exemple, l'affaire G-099, qui visait un grief collectif en matière de classification. Les requérants ont allégué que le long délai imposé par la Gendarmerie en attendant la préparation d'un énoncé de mission constituait une erreur de procédure, et ils ont établi que la politique de classification ne comportait aucune mention relativement à la nécessité d'un énoncé de mission. Le Comité externe a conclu que si la Gendarmerie voulait soutenir que des énoncés de mission étaient essentiels au processus de classification, il lui revenait d'en fournir la preuve, ce qu'elle n'a pas fait. Le Comité externe a donc recommandé que le grief soit accueilli et qu'on accorde aux requérants une rémunération rétroactive à la hausse de 104 semaines. Le commissaire a souscrit à cette recommandation.

L'affaire G-301 offre un autre exemple de l'omission d'un intimé de réfuter le cas présenté par un requérant. Dans cette affaire, le requérant s'est plaint du fait qu'on lui avait ordonné de loger dans une caserne non conforme aux normes à l'extérieur de la ville, contrairement à la politique selon laquelle il avait droit un hébergement confortable et de bonne qualité. À l'appui de ses allégations, le requérant a fourni de l'information précise au sujet de l'hébergement inadéquat. L'intimé avait initialement soutenu que les installations étaient adéquates, mais il a par la suite indiqué que toute lacune aurait dû être signalée par le requérant afin qu'elle puisse être corrigée. Selon le Comité externe, le témoignage du requérant à propos de ce qu'il avait observé dans la caserne n'a pas été réfuté par l'intimé, qui prétendait que les installations étaient adéquates. Le Comité externe a recommandé que le grief soit accueilli. Le commissaire a souscrit à cette recommandation.

La présentation de vos documents

Les deux parties doivent également présenter tous les documents à l'appui de leurs positions. S'il manque des documents au dossier, le grief peut être renvoyé pour que le dossier soit complété. Ceci a été le cas dans l'affaire G-374, où la requérante a contesté la façon dont sa mutation de la fonction publique à la Gendarmerie a été traitée. L'arbitre a déterminé que la requérante n'avait pas qualité pour agir car seul le Conseil du Trésor était habilité à prendre une décision, mais le dossier ne comportait aucune information au sujet de la loi ou de la politique qui s'appliquait à la mutation et de la personne qui avait pris la décision de procéder la mutation. Étant donné que la requérante n'avait pas eu l'occasion de consulter la documentation pertinente et qu'aucune des parties n'avait présenté d'observations, le Comité externe a recommandé de renvoyer le cas afin que le dossier soit complété, et le commissaire a souscrit à cette recommandation.

À peu d'exceptions près, les parties qui omettent de présenter leur cas de manière complète au niveau I ne sont pas autorisées à plaider de nouveau leur cause au niveau II. Les circonstances qui permettent à une partie d'ajouter de l'information au dossier à l'étape du niveau II sont expliquées ci-dessous. Cependant, en règle générale, les deux parties doivent prendre bien soin d'inclure tous les faits, éléments de preuve et arguments dans leur présentation au niveau I.

La considération des questions préliminaires Le système de règlement des griefs, bien qu'il ne soit pas indûment complexe, comporte un certain nombre d'étapes distinctes. Les deux parties ont des obligations, parfois différentes, à respecter à chacune de ces étapes. Selon le système actuel, la deuxième étape, après le dépôt du formulaire 3081, est l'étape de règlement précoce. Au cours de cette phase, les parties doivent convenir, outre le bien-fondé du cas, de ce qui suit :

Si les parties sont incapables de s'entendre au sujet de ces trois questions préliminaires, elles doivent toutes deux présenter des observations complètes expliquant leur position, et le différend doit être soumis à l'arbitre de niveau I afin qu'il rende une décision.

Les délais de prescription

En ce qui a trait aux délais de prescription, le membre doit établir que le grief a été présenté au niveau I dans les 30 jours suivant la date à laquelle le requérant a connu ou aurait dû connaître la décision, l'acte ou l'omission. Si le requérant n'est pas certain si le grief a été présenté dans les délais prescrits, il doit présenter des observations indiquant les raisons du retard et fournir une justification en vue d'obtenir un prolongement du délai.

Le requérant qui omet de fournir cette information peut voir son grief rejeté expressément en raison du délai. Dans l'affaire G-372, le requérant avait dépassé d'une journée le délai prescrit pour présenter son grief et ce, aux deux paliers. Il n'a pas présenté d'explication pour laquelle il avait présenté son grief tardivement, et rien dans le dossier n'indiquait qu'il avait l'intention de répondre aux exigences réglementaires. En outre, le requérant n'avait pas respecté le délai prescrit au niveau II, même si l'arbitre de niveau I avait fait valoir l'importance du respect des délais en rejetant son grief pour ce même motif. Pour ces raisons, le Comité externe a refusé de recommander au commissaire une prolongation du délai. Le commissaire a souscrit à cette recommandation.

L'intimé doit expliquer pourquoi, selon lui, les délais n'ont pas été respectés et doit répondre aux arguments du requérant, s'il y a lieu. Il doit aussi indiquer si un prolongement est justifié.

La qualité pour agir

En ce qui concerne la qualité pour agir, le requérant doit démontrer qu'il répond aux cinq critères stipulés dans la Loi, à savoir :

L'intimé doit fournir les raisons pour lesquelles il estime que le requérant n'a pas qualité pour agir, et il doit répondre aux observations du requérant, s'il y a lieu.

La communication de renseignements

Pour ce qui est de la communication des renseignements, le requérant doit établir les trois points suivants : que la Gendarmerie est en possession des documents, que les documents sont pertinents au grief, et que les documents sont raisonnablement nécessaires pour présenter le grief. Il s'agit de questions peu exigeantes, et une fois que le requérant y a répondu, l'intimé doit présenter des observations expliquant pourquoi les documents ne peuvent être divulgués. Dans le dossier du grief G-147, qui portait sur le refus de la Gendarmerie de fournir tous les documents demandés par le requérant pour un autre grief, le Comité externe a constaté que le requérant avait donné toute l'information possible à savoir pourquoi les renseignements demandés étaient pertinents. Puisque la Gendarmerie était en possession des documents en question, on ne pouvait s'attendre ce que le requérant puisse débattre de leur contenu. À partir du moment où l'existence d'un lien général a été établie, il est revenu à l'intimé de justifier le refus. L'intimé a omis de le faire, et le Comité externe a recommandé que les documents demandés soit fournis au requérant. Le commissaire a souscrit à cette recommandation.

L'intimé doit se garder de citer la Loi sur la protection des renseignements personnels ou la Loi sur l'accès à l'information comme motif de refus à une demande de divulgation de renseignements. Le Comité externe a toujours maintenu, ainsi que le commissaire, que la Loi sur la protection des renseignements personnels n'est pas un empêchement à la divulgation de renseignements (se reporter à titre d'exemple au cas G-380) et qu'il n'est pas acceptable de dire au requérant qu'il doit présenter une « demande d'accès à l'information » (se reporter à titre d'exemple au cas G-394).

De plus amples renseignements sur la qualité d'agir, les délais de prescription et la communication des renseignements sont disponibles à la page « Articles d'intérêt » du site Web du Comité externe, à l'adresse http://www.erc-cee.gc.ca.

Niveau II

Lorsque le requérant est insatisfait de la décision rendue au niveau I et demande un examen au niveau II, la question des délais de prescription doit de nouveau être prise en considération. Le requérant dispose de 14 jours, à compter de la date de la signification de la décision au niveau I, pour soumettre sa cause au niveau II. Si on doute que le grief ait été présenté dans les délais prescrits, le requérant doit fournir des explications sur l'observation des délais. Il doit également fournir les raisons justifiant un prolongement du délai, le cas échéant. Encore une fois, le grief est susceptible d'être rejeté si ces raisons ne sont pas fournies.

Enfin, dans la présentation au niveau II, le requérant doit clairement indiquer pourquoi il n'est pas d'accord avec la décision rendue au niveau I. Comme nous le mentionnons plus haut, de nouveaux documents sont rarement acceptés à cette étape-ci, sauf si le requérant ne pouvait raisonnablement connaître leur existence au moment où il a présenté ses observations au niveau I et s'ils n'ont pas déjà été examinés par l'arbitre de niveau I. Le requérant doit présenter des arguments à savoir pourquoi ces nouveaux documents devraient être pris en considération dans le cadre de sa présentation au niveau II, ainsi que les raisons pour lesquelles il lui a été raisonnablement incapable de fournir les documents à l'étape du niveau I.

Ainsi que pour le niveau I, l'intimé doit présenter des arguments concernant le non respect des délais de prescription, indiquer sa position par rapport à l'opposition du requérant à la décision du niveau I, et répondre aux arguments avancés par le requérant. L'intimé doit également présenter des arguments en ce qui a trait à l'admissibilité des nouveaux documents.

L'intimé ne peut demander la tenue d'un examen au niveau II, mais si le requérant soumet une demande pour un tel examen, l'intimé peut aussi présenter des observations s'il n'est pas d'accord avec la décision rendue au niveau I. Cette situation peut se produire lorsque le grief a été accueilli en partie au niveau I ou que l'intimé estime que la décision était correcte mais le raisonnement erroné.

Conclusion

Lorsque le requérant et l'intimé s'acquittent entièrement des questions de procédure et de fond relatives au grief, le processus se déroule plus harmonieusement. Il est plus probable que le grief soit tranché sur le fond et réglé rapidement si le dossier du grief est complet et si toutes les questions ont été pleinement débattues. Il y a moins de risque que le grief soit renvoyé au niveau I ou mis en suspens en attendant la réception d'observations ou de documents supplémentaires. Bien que ni l'une ni l'autre des parties ne puisse être assurée de gagner sa cause, c'est là ce qui constitue un bon grief.

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