C-010 - Décision d’une autorité disciplinaire
L'appelant était maître-chien et détenait le grade de caporal. Deux allégations ont été formulées contre lui à la suite de faits survenus au petit matin du 2 octobre 2014 alors qu'il était en disponibilité.
Vers 0 h 15, des employés d'un restaurant McDonald au service à l'auto ont remarqué qu'un conducteur s'était endormi au volant de sa camionnette. Ils l'ont réveillé et ont conclu qu'il était en état d'ébriété. Une des employés a appelé le service de police local. Alors qu'elle fournissait le numéro de plaque d'immatriculation de la camionnette au téléphone, le conducteur s'est enfui et a grillé un arrêt et un feu rouge. Le service de police local a établi que la camionnette était immatriculée au nom de l'appelant. Les policiers ont répondu à l'appel à 3 h en se présentant à la résidence de l'appelant. Ils ont vu le véhicule suspect, qui était recouvert de neige. Rien n'indiquait qu'il avait été déplacé récemment. Personne n'a répondu à la résidence. Puisqu'ils n'avaient pas été en mesure de suivre la trace de la camionnette et du conducteur, les policiers ont mis fin à leur enquête et ont quitté la résidence.
Entre-temps, à 0 h 43, un autre service de police a communiqué avec la Station de transmissions opérationnelles (STO) de la GRC pour demander l'aide d'un maître-chien. Puisque la STO n'arrivait pas à joindre l'appelant sur ses cellulaires, la STO a demandé à un autre membre de la GRC de se rendre à la résidence de l'appelant pour tenter de le trouver. À 2 h 4, le membre a informé la STO que personne ne répondait à la résidence. L'autre service de police a annulé la demande d'aide d'un maître-chien. Toutefois, le sergent de service de la GRC s'inquiétait du bien-être de l'appelant et a demandé au membre de retourner à la résidence de l'appelant. Vers 4 h 30, personne ne répondait à la résidence. Le sergent de service a demandé au membre d'entrer dans la résidence et celui-ci a avisé le service de police local qu'il le ferait. Vers 4 h 50, le membre de la GRC et trois policiers locaux ont sonné et cogné à la porte. Lorsque l'appelant a ouvert la porte, les policiers ont constaté qu'il était manifestement en état d'ébriété et inapte à remplir ses fonctions.
L'appelant a été accusé de s'être comporté d'une manière déshonorante en contravention de l'article 7.1 du code de déontologie en ayant conduit son véhicule automobile personnel avec les facultés affaiblies par l'alcool ou d'autres substances. Il a aussi été accusé d'avoir contrevenu à l'article 4.3 du code de déontologie en ayant consommé de l'alcool pendant qu'il était en disponibilité, et ce, en quantité suffisante pour être inapte à remplir ses fonctions.
L'intimée, qui agissait à titre d'autorité disciplinaire, a conclu que les deux allégations étaient établies. Elle a imposé une confiscation de la solde pour une période de 10 jours relativement à l'allégation no 1, une confiscation de la solde pour une période de 4 jours relativement à l'allégation no 2 ainsi qu'une réprimande, l'obligation de subir un traitement médical, la rétrogradation au grade de gendarme pour une période d'un an et la mutation à une autre ville pour les deux contraventions. L'appelant a contesté les conclusions de l'intimée et les mesures disciplinaires qui lui ont été imposées.
Conclusions du CEE
Appel à l'égard des conclusions sur les allégations
Le CEE a conclu que deux des motifs d'appel de l'appelant étaient fondés. D'abord, le CEE a convenu que l'un des détails de l'allégation no 1 – à savoir que le capot de la camionnette dégageait une chaleur lorsque les policiers se sont présentés à la résidence de l'appelant – contredisait la preuve au dossier. Le CEE a déclaré que l'intimée avait agi de façon manifestement déraisonnable en invoquant implicitement ce fait ou ce détail important, qui n'était pas corroboré par la preuve, et que ce geste avait contribué au caractère déraisonnable de la décision de l'intimée.
Le CEE a ensuite conclu que l'intimée n'avait pas motivé sa décision. Le rapport de décision comprenait des déclarations selon lesquelles les allégations étaient établies. Toutefois, ces déclarations n'étaient accompagnées d'aucun motif ni d'aucune explication à l'appui et reposaient sur des faits contestés ou non étayés par la preuve. L'intimée n'a formulé aucune conclusion de fait, n'a pas fait mention des éléments de preuve figurant dans le rapport d'enquête et n'a pas fourni de motifs permettant de comprendre pourquoi ou comment elle était parvenue à sa décision. L'omission de fournir des motifs contrevenait à l'article 8 des Consignes du commissaire (déontologie) et à l'article 9.2.1.14 de la Politique sur la déontologie, constituait un manquement à l'équité procédurale et rendait la décision de l'intimée manifestement déraisonnable.
Appel à l'égard des mesures disciplinaires imposées
Le CEE a convenu que l'intimée avait commis trois erreurs en imposant les mesures disciplinaires. Premièrement, elle n'avait pas tenu compte des bons et longs antécédents de travail de l'appelant à titre de facteur atténuant. Deuxièmement, dans son analyse des facteurs atténuants, elle n'avait pas expliqué en quoi une mutation à une autre ville faciliterait le retour au travail de l'appelant et tout traitement que pourrait lui prescrire le médecin-chef. Enfin, dans l'ensemble, elle n'avait pas justifié l'imposition de la mutation et de la rétrogradation pour une période d'un an, lesquelles constituent toutes deux des mesures disciplinaires graves.
Recommandations du CEE datées le 9 mai 2016
Puisque l'intimée n'a justifié ni ses conclusions ni les mesures disciplinaires imposées, le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel. En outre, le CEE a recommandé au commissaire de conclure que l'allégation no 1 n'avait pas été établie, mais de conclure que l'allégation no 2 avait été établie. En ce qui concerne les mesures disciplinaires, le CEE a recommandé au commissaire :
- d'annuler la confiscation de la solde pour une période de 10 jours imposée relativement à l'allégation no 1 et de rembourser à l'appelant la somme confisquée;
- de confirmer la confiscation de la solde pour une période de 4 jours imposée relativement à l'allégation no 2 ;
- de confirmer la réprimande écrite et l'obligation pour l'appelant de suivre un traitement médical;
- d'annuler la mutation à une autre ville ainsi que la rétrogradation pour une période d'un an et de rembourser à l'appelant le salaire qui lui a été confisqué à la suite de la rétrogradation.
Décision du commissaire de la GRC datée le 2 novembre 206
Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :
[TRADUCTION]
L'appelant fait appel de la conclusion de l'intimée selon laquelle deux allégations portées contre lui, qui contrevenaient aux articles 7.1 et 4.3 du code de déontologie de la GRC, étaient établies. Il interjette aussi appel des mesures disciplinaires imposées relativement aux contraventions. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a souscrit aux conclusions et à la recommandation du CEE d'accueillir l'appel quant aux allégations étant donné que l'intimée n'avait pas motivé sa décision. L'arbitre a ensuite conclu que l'allégation no 1 n'était pas établie faute de preuve convaincante quant à l'identité du membre. En outre, elle a conclu que l'allégation no 2 était établie. Elle a donc accueilli l'appel quant aux mesures disciplinaires et annulé celles imposées relativement à l'allégation no 1 . Quant à l'allégation no 2 , elle a confirmé l'imposition d'une réprimande écrite, d'une confiscation de la solde pour une période de quatre jours et d'une mesure obligeant l'appelant à suivre un traitement médical. Elle a annulé toutes les autres mesures disciplinaires.