C-011 - Décision d’une autorité disciplinaire

Après l'arrestation d'un suspect, l'appelant a rédigé un Rapport au procureur de la Couronne (RPC). Il a écrit que l'information ayant mené à l'arrestation du suspect provenait de quatre sources humaines. Il a également écrit que chaque source était fiable et que chacune d'elles lui avait donné de l'information plus de 100 fois. Le suspect a été poursuivi en justice et a plaidé coupable à une accusation réduite. Lors d'une enquête interne menée par la suite, l'appelant a reconnu avoir commis une erreur en ayant indiqué dans le RPC que chacune des quatre sources humaines lui avait donné de l'information plus de 100 fois. Il a expliqué qu'il aurait dû écrire que lui et d'autres membres avaient obtenu de l'information plus de 100 fois de la part de chacune de ces sources. Il s'est excusé de son erreur, qu'il a qualifiée d'erreur typographique attribuable au rythme du travail.

Deux allégations ont été formulées, mais l'une d'elles a ensuite été jugée non fondée. Selon l'allégation retenue (allégation no 1), l'appelant avait contrevenu à l'article 8.1 du code de déontologie en ayant inscrit des renseignements inexacts dans le RPC. Au terme d'une enquête, l'intimé a reçu un rapport d'enquête reposant sur environ 800 pages de preuve. Lors d'une rencontre disciplinaire, l'intimé a pris possession de l'argumentation écrite de l'appelant et a déclaré qu'il demanderait des conseils. L'intimé a laissé entendre que l'appelant aurait l'occasion de présenter des observations de vive voix à l'égard des allégations et des mesures disciplinaires éventuelles au cours d'une autre rencontre disciplinaire. Or, il n'en a pas eu l'occasion. L'intimé a rendu une décision quelques heures avant l'expiration du délai prévu à cette fin et aurait affirmé qu'il était responsable de cette situation.

L'intimé a conclu que l'appelant avait contrevenu à l'article 8.1 du code de déontologie en ayant inscrit des renseignements inexacts dans le RPC. Il a expliqué que l'appelant avait agi de façon négligente et dangereuse. Il a imposé deux mesures disciplinaires : une confiscation de la solde pour une période de cinq jours et l'ordre de ne pas gérer de sources humaines pendant six mois. Le lendemain, l'intimé a indiqué qu'il remplaçait la confiscation de la solde par une réduction de la banque de congés annuels afin d'harmoniser les mesures disciplinaires imposées à l'appelant avec celles ayant été imposées dans un autre dossier. Peu après, l'intimé a déclaré qu'il avait lu le rapport d'enquête, mais qu'il n'avait pas examiné les centaines de pages de preuve qui avaient été rassemblées à son intention.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que l'intimé avait imposé à l'appelant une confiscation de la solde pour une période de cinq jours et que l'appel pouvait donc être renvoyé devant le CEE en vertu de l'alinéa 45.15(1)a) de la Loi sur la GRC. Le CEE a déclaré que la confiscation de la solde avait été imposée conformément aux textes officiels applicables, contrairement à la réduction de la banque de congés annuels, et que d'autres textes officiels empêchaient l'intimé de modifier le rapport de décision en l'espèce.

Après avoir traité d'autres questions préliminaires d'importance moindre, le CEE s'est penché sur le fond de l'affaire.

Le CEE a conclu que le droit à l'équité procédurale de l'appelant avait été violé irrémédiablement étant donné qu'il n'avait pas eu une occasion appropriée de faire valoir son point de vue sur les allégations et les mesures disciplinaires éventuelles au cours d'une rencontre disciplinaire. La rencontre disciplinaire prévue dans la Politique sur la déontologie constitue un élément essentiel du processus disciplinaire. Il s'agit de l'unique occasion pour un membre de traiter d'une allégation en personne et de discuter des mesures disciplinaires éventuelles avec une autorité disciplinaire. Pour qu'une rencontre disciplinaire occupe la place qui lui revient dans le processus disciplinaire, le membre visé doit avoir l'occasion de présenter ses observations. Elle ne peut se limiter, sans le consentement de l'appelant, à la présentation d'argumentations écrites. L'appelant pouvait légitimement s'attendre à ce qu'on lui donne l'occasion de présenter des observations de vive voix au cours d'une rencontre disciplinaire.

Le CEE a également déclaré que l'intimé n'avait pas bien entendu l'affaire dont il était saisi, ce qui contrevenait aux dispositions de la Politique sur la déontologie et aux principes d'équité procédurale sur lesquelles elles reposent. L'intimé a admis qu'il n'avait pas veillé à ce que sa décision repose entièrement sur l'ensemble des éléments de preuve. En outre, le CEE a conclu que le dossier ne permettait pas de conclure à l'existence d'une crainte de partialité de la part de l'intimé et n'indiquait pas que l'intimé avait omis de tenir compte de l'argumentation écrite de l'appelant.

Le CEE a conclu que l'intimé, le jour où il avait rendu sa décision, aurait dû s'abstenir de formuler des conclusions ou sinon conclure que les deux allégations n'étaient pas établies, puisque l'appelant n'avait pas eu l'occasion de présenter, de manière exhaustive, des observations de vive voix à l'égard des allégations et des mesures disciplinaires, comme le prévoyait le processus disciplinaire établi par la Gendarmerie. Ce manquement à l'équité procédurale ne peut être corrigé à ce stade-ci du processus.

Recommandations du CEE datées le 24 mai 2016

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel et de conclure que l'allégation no 1 n'est pas établie. Le CEE a aussi recommandé au commissaire d'accueillir l'appel à l'égard des mesures disciplinaires imposées à l'appelant par l'intimé et d'annuler celles-ci.

Décision du commissaire de la GRC datée le 3 août 2016

Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

L'appelant interjette appel de la conclusion de l'intimé voulant qu'une allégation ait été établie, soit celle selon laquelle des déclarations fausses, trompeuses ou inexactes ont été faites à un supérieur en contravention de l'article 8.1 du code de déontologie de la GRC. Il interjette aussi appel de la mesure disciplinaire imposée pour cette contravention. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a souscrit aux conclusions du CEE et à sa recommandation d'accueillir l'appel interjeté contre l'allégation et de conclure que l'allégation no 1 n'est pas établie. Le droit à l'équité procédurale de l'appelant a été violé gravement et irrémédiablement. En outre, l'arbitre de l'appel en matière de déontologie a convenu avec le CEE que l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires devait aussi être accueilli et que celles-ci devaient donc être annulées.

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