C-013 - Décision d’une autorité disciplinaire

L'appelante avait eu l'autorisation d'un agent des ressources humaines (ARH) d'exercer un emploi extérieur dans une institution financière. En vertu de la politique sur les conflits d'intérêts (politique sur les CI) de la Gendarmerie, les membres doivent obtenir cette autorisation avant de participer à une activité extérieure pour laquelle ils reçoivent un avantage personnel, directement ou indirectement. En janvier 2013, l'ARH a retiré son autorisation concernant l'emploi extérieur de l'appelante et a ordonné à celle-ci de cesser d'exercer cet emploi (ordre de l'ARH). En guise de réponse, l'appelante a informé l'ARH qu'elle avait effectivement déjà démissionné de son poste dans l'institution financière.

En 2014-2015, l'appelante a fait la promotion et la vente d'un supplément nutritionnel et de bijoux, des activités pour lesquelles elle a été rémunérée. Elle n'a pas demandé l'autorisation de la Gendarmerie pour participer à ces deux activités. En janvier 2015, après que la Gendarmerie a été mise au fait des deux activités exercées par l'appelante, celle-ci a assisté à une réunion avec un officier supérieur au cours de laquelle elle a nié qu'elle vendait des bijoux.

Trois allégations ont été formulées contre l'appelante. Selon l'allégation no 1, l'appelante, en participant à ces activités sans en avoir eu l'autorisation, avait contrevenu à l'article 4.2 du code de déontologie, qui oblige les membres à faire preuve de « diligence dans l'exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités ». D'après l'allégation no 2, l'appelante ne s'était pas conformée à l'ordre de l'ARH en participant à ces activités, ce qui contrevenait à l'article 3.3 du code de déontologie qui dispose que les membres « exécutent des ordres et des directives légitimes ». Selon l'allégation no 3, l'appelante avait menti à un supérieur en niant qu'elle vendait des bijoux, ce qui contrevenait à l'article 8.1 du code de déontologie. Au terme d'une rencontre disciplinaire, l'intimé a conclu que les trois allégations étaient établies et a imposé diverses mesures disciplinaires, dont une pénalité financière équivalente à cinq jours de solde et la confiscation de cinq jours de congé annuel. L'appelante a interjeté appel des conclusions de l'intimé quant aux trois allégations ainsi que des mesures disciplinaires imposées.

Conclusions du CEE

Après avoir conclu que l'appel pouvait faire l'objet d'un renvoi devant le CEE sur le fond, le CEE s'est d'abord penché sur l'admissibilité d'un rapport médical soumis par l'appelante pendant la procédure d'appel. Le CEE a invoqué les Consignes du commissaire (griefs et appels), qui prévoient qu'un appelant ne peut déposer un document en appel si celui-ci était disponible pendant la procédure déontologique. Le CEE a conclu que le rapport médical n'était pas admissible, puisqu'il contenait de l'information qui aurait pu être raisonnablement présentée pendant la procédure déontologique.

Le CEE a ensuite examiné les motifs d'appel de l'appelante concernant les conclusions de l'intimé quant aux trois allégations. En ce qui concerne l'allégation no 1, le CEE a conclu qu'une contravention à l'article 4.2 du code de déontologie pouvait être établie par des éléments de preuve montrant que la conduite du membre témoignait d'un degré de négligence faisant de celle-ci un problème d'inconduite plutôt qu'un simple problème de rendement. Le CEE a conclu que le dossier étayait la conclusion de l'intimé selon laquelle l'appelante avait participé à des activités secondaires prévues par la politique sur les CI sans obtenir l'autorisation requise, mais que les motifs de l'intimé ne traitaient pas de la question de savoir si l'appelante avait fait preuve d'un degré de négligence suffisant pour confirmer qu'elle avait contrevenu à l'article 4.2. Vu cette omission, le CEE a jugé que la conclusion de l'intimé quant à l'allégation était manifestement déraisonnable et que l'appel devrait être accueilli. Toutefois, le CEE était d'avis que le commissaire, au moment de rendre la conclusion que l'intimé aurait dû rendre, pourrait conclure que l'allégation était établie. Le fait que l'appelante a fait la promotion et la vente d'un supplément nutritionnel et de bijoux sans en obtenir l'autorisation auparavant, alors qu'elle connaissait déjà les exigences de la politique sur les CI à cet égard, témoignait du degré de négligence requis pour établir qu'elle avait contrevenu à l'article 4.2.

En ce qui concerne l'allégation no 2, le CEE n'a pas souscrit à la conclusion de l'intimé selon laquelle l'appelante ne s'était pas conformée à l'ordre de l'ARH en faisant la promotion et la vente d'un supplément nutritionnel et de bijoux. L'ordre de l'ARH enjoignait seulement à l'appelante de cesser d'exercer son emploi secondaire dans l'institution financière, ordre auquel l'appelante s'était conformée au moment où il avait été donné. Par conséquent, l'appelante n'avait pas contrevenu à l'article 3.3 du code de déontologie. Le CEE a recommandé que soit accueilli l'appel interjeté contre la conclusion de l'intimé quant à l'allégation no 2 et que le commissaire conclue que l'allégation no 2 n'est pas établie.

Pour ce qui est de l'allégation no 3, le CEE a conclu que le dossier étayait la conclusion de l'intimé selon laquelle l'appelante avait contrevenu à l'article 8.1 du code de déontologie en mentant à son supérieur relativement à la promotion et à la vente de bijoux; le CEE a recommandé le rejet de l'appel interjeté contre la conclusion de l'intimé quant à cette allégation.

Quant à l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées par l'intimé, le CEE a indiqué que l'intimé n'avait fourni aucun motif justifiant celles-ci. Vu cette omission, le droit de l'appelante à l'équité procédurale a été violé et la décision de l'intimé à cet égard s'est avérée manifestement déraisonnable. Le CEE a recommandé que le commissaire accueille l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées par l'intimé et qu'il impose des mesures disciplinaires à la lumière de son propre examen du dossier. À cet égard, le CEE a souligné que l'appelante n'avait aucun antécédent disciplinaire et qu'elle avait collaboré à l'enquête, soit deux facteurs atténuants. Quant aux facteurs aggravants, il a indiqué que l'inconduite relative aux activités extérieures s'était répétée plusieurs fois, et ce, au cours d'une longue période. Vu ces facteurs et l'éventail des mesures disciplinaires figurant dans le Guide des mesures disciplinaires de la Gendarmerie ainsi que dans d'autres cas pertinents, le CEE a recommandé au commissaire d'imposer la confiscation d'un jour de solde ou de congé de l'appelante relativement à l'allégation no 1, la confiscation de trois jours de solde de l'appelante relativement à l'allégation no 2 ainsi qu'une réprimande écrite. En outre, le CEE a recommandé que le commissaire confirme une mesure disciplinaire imposée par l'intimé, soit l'assujettissement de l'appelante à une stricte surveillance pendant le travail.

Recommandations du CEE datées le 17 août 2016

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel en partie ainsi que de conclure que l'allégation no 1 a été établie et que l'allégation no 2 ne l'était pas. Le CEE a aussi recommandé au commissaire de rejeter l'appel interjeté contre la conclusion de l'intimé quant à l'allégation no 3. En outre, le CEE a recommandé au commissaire d'accueillir l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées à l'appelante par l'intimé et d'imposer les mesures disciplinaires susmentionnées à la lumière de son propre examen du dossier.

Décision du commissaire de la GRC datée le 31 mars 2017

Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel ::

[TRADUCTION]

L'appelante est une sous-officière qui travaille dans un groupe spécialisé d'analyse. Elle a obtenu l'autorisation d'exercer un emploi secondaire dans une banque, mais cette autorisation lui a été retirée lorsque son horaire de travail a été réduit afin de lui permettre de se reposer pour des raisons de santé. L'appelante s'est fait dire que, lorsque son état de santé lui permettrait de travailler un plus grand nombre d'heures par semaine, on lui confierait des tâches appropriées au sein de la GRC.

L'appelante s'est ensuite mise à vendre des suppléments nutritionnels et des bijoux. Elle travaillait toujours selon un horaire réduit pour des raisons de santé et n'avait pas obtenu l'autorisation d'exercer cet emploi secondaire. Lorsque son superviseur l'a interrogée sur la vente de bijoux, elle a nié plusieurs fois qu'elle en vendait. L'intimé a lancé une enquête relevant du code de déontologie et conclu que l'appelante avait :

L'intimé a imposé les mesures disciplinaires suivantes par suite de ces conclusions : une réprimande écrite, l'assujettissement de l'appelante à une stricte surveillance pendant le travail pour une période d'un an, la confiscation de 40 heures de solde et une réduction de 40 heures de la banque de congés annuels. Les conclusions de l'intimé et les mesures disciplinaires qu'il a imposées ont été portées en appel.

Le Comité externe d'examen de la GRC (CEE) a examiné le présent appel et présenté des recommandations en vertu de l'article 45.15 de la Loi sur la GRC. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a suivi les recommandations du CEE relativement aux conclusions de l'intimé et a souscrit en partie aux recommandations du CEE concernant les mesures disciplinaires.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a rejeté l'appel relativement à l'allégation no 3 et confirmé la conclusion de l'intimé selon laquelle l'appelante avait menti à son superviseur. Il a accueilli l'appel relativement aux allégations nos 1 et 2, puisque les décisions étaient manifestement déraisonnables – dans son raisonnement, l'intimé n'expliquait pas convenablement les motifs de ses conclusions à l'égard de ces deux allégations. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a ensuite rendu la décision que, selon lui, l'intimé aurait dû rendre. Il a conclu que l'appelante avait exercé un emploi secondaire sans en avoir obtenu l'autorisation (allégation no 1), mais qu'elle n'avait pas désobéi à un ordre (allégation no 2) en agissant ainsi.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a conclu que les mesures disciplinaires imposées par l'intimé étaient manifestement déraisonnables, puisque ce dernier n'avait aucunement motivé les mesures qu'il avait choisies. Après examen de la preuve, l'arbitre de l'appel en matière de déontologie a imposé les mesures disciplinaires que, selon lui, l'intimé aurait dû imposer, à savoir : l'obligation de lire les documents et les politiques de la GRC concernant le retour progressif au travail; l'assujettissement à une stricte surveillance pendant le travail pour une période d'un an; une réduction de huit heures de congé; la confiscation de 40 heures de solde; et une réprimande écrite.

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