C-014 - Décision d’une autorité disciplinaire

L'épouse de l'appelant a informé la GRC qu'elle avait subi de la violence conjugale de la part de l'appelant. La GRC a mené une enquête relevant du code de déontologie sur une allégation selon laquelle l'appelant s'était comporté de façon scandaleuse en faisant subir continuellement de la violence conjugale à son épouse (l'allégation). L'autorité disciplinaire (l'intimée) a obtenu un rapport d'enquête comprenant des déclarations de témoins et d'autres documents concernant huit incidents présumés de violence conjugale.

L'intimée s'est penchée sur les huit incidents présumés de violence conjugale décrits dans le rapport d'enquête et a conclu que l'allégation était établie. Elle a aussi conclu que le dossier comprenait de l'information indiquant que l'appelant avait proféré des menaces à son épouse. Selon l'intimée, ces menaces faisaient partie de la violence conjugale. Elle a imposé plusieurs mesures disciplinaires à l'appelant, dont la confiscation de 15 jours de solde.

L'appelant a interjeté appel de la décision de l'intimée quant à l'allégation. Il soutenait que le rapport d'enquête comportait des erreurs; que l'intimée s'était fondée sur des résumés inexacts de déclarations de témoins et qu'elle n'avait pas examiné attentivement toute l'information dont elle disposait; qu'elle avait commis des erreurs dans certaines de ses conclusions de fait et dans son appréciation de la crédibilité; et que la décision de l'intimée soulevait une crainte raisonnable de partialité contre l'appelant.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que l'appelant ne pouvait contester le contenu du rapport d'enquête pour la première fois en appel. Un appel est un examen des constatations et des conclusions formulées par un décideur dans la première décision, et non une deuxième chance d'ordre général pour revoir à nouveau les éléments de preuve. Selon le principe général, les instances d'appel ne doivent pas examiner de nouveaux arguments. L'appelant avait eu toute la latitude de soulever des préoccupations relatives au rapport d'enquête avant la rencontre disciplinaire; puisqu'il ne l'a pas fait, l'intimée n'a pas pu répondre à ses préoccupations. La présomption de l'appelant selon laquelle l'intimée cernerait elle-même les préoccupations qu'il nourrissait à l'égard du rapport d'enquête ne permet pas d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant l'examen de ce motif d'appel.

En outre, le CEE a conclu que la décision de l'intimée ne comprenait aucun élément donnant à penser que celle-ci s'était fondée uniquement sur des résumés de l'enquête ou de déclarations de témoins. L'intimée n'a pas mentionné qu'elle s'était fondée sur ces résumés et, en général, sa description des incidents à l'origine de l'allégation reprenait bien les principaux éléments figurant dans la version intégrale des déclarations des témoins faites par l'appelant et son épouse.

Le CEE a ensuite conclu que les conclusions de fait de l'intimée et son appréciation de la crédibilité n'avaient pas donné lieu à une erreur flagrante ou manifeste qui s'avérait déterminante dans la décision portée en appel. Bien que le CEE ait conclu que l'intimée avait commis une erreur en déclarant que les menaces qu'aurait proférées l'appelant faisaient partie de la violence conjugale sans qu'elle ait d'abord rendu une conclusion précise à cet égard, il ne s'agissait pas d'une erreur déterminante, puisque sa conclusion finale aurait été la même si elle n'avait pas commis cette erreur.

Enfin, le CEE a conclu que l'appelant n'avait pas établi l'existence d'une crainte raisonnable de partialité de la part de l'intimée. En droit, il est présumé que l'intimée agit d'une façon juste et impartiale et il faut des preuves importantes pour réfuter cette présomption. Les arguments de l'appelant qui remettent en cause les conclusions de l'intimée et son appréciation des déclarations des époux ne convaincraient pas une personne bien renseignée, qui aurait lu la décision contestée et étudié la question en profondeur, que l'intimée avait consciemment ou inconsciemment tranché l'affaire injustement.

Recommandation du CEE datée le 1 mars 2017

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de rejeter l'appel de l'appelant et de confirmer la décision de l'intimée.

Décision du commissaire de la GRC datée le 20 juillet 2017

Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel ::

[TRADUCTION]

L'appelant, un gendarme de la GRC, était marié à une femme (R.L.) qui n'était pas membre de la GRC. Ils ont été mariés pendant neuf ans et ont eu trois enfants. Leur relation était tumultueuse : ils vivaient un conflit teinté de violence verbale, psychologique et physique qui les a amenés un jour à se séparer. Le 17 septembre 2014, R.L. s'est présentée à un détachement de la GRC et a demandé au personnel du détachement de signifier à l'appelant un document concernant la garde d'enfants. Pendant qu'elle était au détachement, R.L. a déclaré avoir été victime de violence conjugale de la part de l'appelant et a soulevé d'autres questions liées au code de déontologie.

L'appelant a fait l'objet d'une enquête criminelle et d'une enquête relevant du code de déontologie relativement à la violence conjugale. D'autres questions ayant fait surface au cours des enquêtes ont entraîné la tenue d'autres enquêtes relevant du code de déontologie. L'appelant a fait des déclarations et a ensuite présenté à l'intimée des observations sur les allégations de violence conjugale lors d'une rencontre disciplinaire.

L'intimée a conclu que trois des quatre allégations de contravention au code de déontologie – dont celle relativement à la violence conjugale – avaient été établies. L'appelant n'interjette pas appel des mesures disciplinaires imposées ni des deux autres allégations de contravention au code de déontologie ayant été établies – il fait seulement appel de la décision d'avoir établi l'allégation de contravention au code de déontologie relativement à la violence conjugale.

L'appelant fait valoir que l'intimée a rendu sa décision d'une façon inéquitable sur le plan procédural et que celle-ci était manifestement déraisonnable. Il soutient que l'enquête s'avérait partiale à son égard et que l'intimée n'avait pas tenu suffisamment compte des éléments de preuve établissant qu'il était la victime de violence conjugale et non l'agresseur dans sa relation avec R.L.

Le Comité externe d'examen de la Gendarmerie royale du Canada (CEE) a examiné le présent appel et formulé des recommandations en vertu de l'article 45.15 de la Loi sur la GRC. Le CEE a déclaré que certaines observations de l'appelant n'avaient pas été présentées à l'intimée et qu'elles ne pouvaient donc être examinées en appel. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a souscrit à cette recommandation.

Le CEE a aussi recommandé le rejet de l'appel. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a conclu que les observations de l'appelant n'avaient pas démontré que la décision de l'intimée était manifestement déraisonnable ou qu'elle avait été rendue d'une façon inéquitable sur le plan procédural. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a souscrit à la recommandation du CEE de rejeter l'appel et a accepté en partie l'analyse du CEE à l'appui de cette recommandation.

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2022-08-16