C-015 - Décision d’une autorité disciplinaire
Pendant la période visée par le présent appel, l’appelant travaillait à un poste isolé dans un détachement composé de deux membres. Le chef du détachement avait préparé et affiché un horaire selon lequel lui et l’appelant travaillaient pendant six jours d’affilée et prenaient ensuite trois jours de congé. Pour remplacer un membre en congé de courte durée, l’autre membre effectuait son quart de travail, était ensuite en disponibilité et touchait une indemnité de « disponibilité opérationnelle immédiate ».
À la fin de 2014 et au début de 2015, l’appelant s’est fait rappeler plusieurs fois l’importance de respecter les horaires de quarts de travail et d’obtenir l’autorisation requise pour les modifier. Lors de la dernière réunion, l’appelant a reçu une fiche de rendement no 1004 dans laquelle il faisait l’objet d’une évaluation négative parce qu’il n’avait pas respecté un horaire de quarts de travail.
Plus tard, soit le 24 avril 2015, l’appelant a terminé son quart de travail plus tôt que prévu, sans en avoir obtenu l’autorisation préalable, pour emmener son épouse à l’hôpital, qui était enceinte et croyait avoir perdu ses eaux. Trois jours plus tard, soit le 27 avril 2015, l’appelant n’a pas effectué un quart de travail prévu à l’horaire, sans en avoir obtenu l’autorisation préalable, parce qu’un entrepreneur s’était présenté chez lui à l’improviste pour faire des travaux requis depuis longtemps et qu’il avait besoin d’une aide que l’épouse de l’appelant ne pouvait lui procurer.
L’appelant a fait l’objet de deux allégations selon lesquelles il n’était pas demeuré à son poste. Le 28 avril 2015, l’intimé a lancé une enquête relevant du code de déontologie sur les actes susmentionnés de l’appelant. Après examen du rapport d’enquête et des renseignements fournis par l’appelant lors de la rencontre disciplinaire, l’intimé a conclu que les allégations étaient établies.
L’appelant a interjeté appel à la fois contre la conclusion relative aux allégations et les mesures disciplinaires imposées. Il soutenait que les allégations n’étaient pas fondées, considérait que l’intimé avait un parti pris et contestait l’un des facteurs aggravants mentionnés.
Conclusions du CEE
Le CEE a déclaré que, pour établir les allégations, l’intimé devait conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant était censé travailler, qu’il n’avait pas effectué son quart de travail comme prévu et qu’il n’était pas autorisé à agir de la sorte. Il n’y avait pas lieu de conclure que les actes de l’appelant étaient scandaleux ou jetaient le discrédit sur la GRC. Par conséquent, le CEE a conclu que l’intimé avait déclaré à bon droit que les allégations avaient été formulées en vertu de l’article 4.1 du code de déontologie de la GRC et qu’il avait bien relevé et apprécié les éléments de preuve au dossier qui se rapportaient aux allégations.
Par ailleurs, le CEE a conclu que la communication d’une décision finale à l’appelant lors de la rencontre disciplinaire soulevait une crainte raisonnable de partialité de la part de l’intimé. Le CEE a déclaré qu’une personne bien renseignée, qui comprendrait l’objectif de la rencontre disciplinaire et étudierait la question de façon réaliste, en arriverait à la conclusion qu’il y a une probabilité de partialité et que l’intimé avait déjà pris sa décision quant à la véracité des allégations et à l’imposition des mesures disciplinaires avant d’avoir entendu les observations de l’appelant lors de la rencontre disciplinaire. Le CEE a également conclu que, contrairement aux dires de l’appelant, la Loi sur la GRC et la Politique sur la déontologie établissaient un régime législatif qui permet clairement à une autorité disciplinaire de déterminer d’abord s’il y a lieu de mener une enquête, d’ordonner la tenue de toute enquête nécessaire et de rendre ensuite une décision quant aux allégations.
Enfin, le CEE a conclu que les problèmes soulevés quant au carnet de l’appelant à titre de facteur aggravant n’étaient pas liés aux allégations selon lesquelles celui-ci n’avait pas terminé un quart de travail et n’en avait pas effectué un sans en avoir obtenu l’autorisation préalable.
Recommandations du CEE datées le 10 avril 2017
Le CEE a recommandé au commissaire, en application de l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, d’accueillir l’appel de l’appelant et de rendre la conclusion que, selon lui, l’intimé aurait dû rendre. Le CEE a estimé que la preuve au dossier établissait les allégations nos 1 et 2 selon la prépondérance des probabilités. Manifestement, l’appelant n’a pas terminé son quart de travail le 24 avril 2015 et ne s’est pas présenté au travail le 27 avril 2015. Dans les deux cas, l’appelant n’a pas demandé l’autorisation de s’absenter au préalable ni n’a avisé le chef du détachement.
Le CEE a aussi recommandé au commissaire, en application de l’alinéa 45.16(3)b) de la Loi sur la GRC, d’accueillir l’appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées par l’intimé quant à l’allégation no 2 et d’imposer de nouvelles mesures disciplinaires.
Décision du commissaire de la GRC datée le 4 août 2017
Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel ::
[TRADUCTION]
L’appelant est un gendarme supérieur affecté à un détachement isolé composé de trois membres, mais qui en comptait seulement deux à l’époque. L’appelant et le chef du détachement effectuaient tour à tour des quarts de travail selon un horaire qui était affiché. Lorsqu’un des membres n’était pas disponible pour travailler – lors de périodes de congé, par exemple – l’autre demeurait apte à répondre à des demandes d’assistance en effectuant ses propres quarts de travail, puis en étant en disponibilité, et touchait ainsi une indemnité de disponibilité opérationnelle.
De novembre 2014 à février 2015, l’appelant s’est fait dire – trois fois – de respecter l’horaire de quarts et d’obtenir l’autorisation requise avant de modifier un quart. La troisième fois, l’appelant a reçu des directives opérationnelles – inscrites sur une fiche de rendement no 1004 – parce qu’il n’avait pas respecté l’horaire de quarts affiché.
Le 24 avril 2015, l’appelant a terminé son quart de travail plus tôt que prévu pour emmener son épouse à l’hôpital, et ce, sans en avoir d’abord obtenu l’autorisation. Le 27 avril 2015, l’appelant, sans en avoir obtenu l’autorisation préalable, n’a pas effectué son quart parce qu’il était fatigué après avoir aidé plus tôt cette journée-là un entrepreneur ayant effectué des travaux à sa résidence appartenant à la GRC.
Le chef du détachement s’est présenté au détachement le 27 avril 2015 et a remarqué que l’appelant était censé travailler, mais qu’il n’était pas en service. L’intimé a lancé une enquête relevant du code de déontologie pour déterminer si l’appelant :
- (allégation no 1) avait terminé son quart plus tôt que prévu le 24 avril 2015, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de son chef, en contravention de l’article 4.1 du code de déontologie;
- (allégation no 2) ne s’était pas présenté au travail pour effectuer son quart le 27 avril 2015, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de son chef, en contravention de l’article 4.1 du code de déontologie.
Pendant la rencontre disciplinaire, l’intimé a présenté sa décision – rédigée avant la rencontre disciplinaire – à l’appelant. L’intimé a conclu que les allégations étaient établies et a imposé des mesures disciplinaires en conséquence. Ses conclusions et les mesures disciplinaires qu’il a imposées ont été portées en appel.
Le Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada (CEE) a examiné l’appel et présenté des recommandations en vertu de l’article 45.15 de la Loi sur la GRC. L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a suivi les recommandations du CEE quant aux conclusions de l’intimé et a souscrit partiellement aux recommandations du CEE quant aux mesures disciplinaires.
L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a accueilli l’appel en raison d’un manquement à l’équité procédurale : l’intimé a rendu ses conclusions et déterminé les mesures disciplinaires avant d’entendre les observations de l’appelant. L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a ensuite rendu la conclusion et imposé les mesures disciplinaires que, selon lui, l’intimé aurait dû rendre et imposer.
L’arbitre de l’appel en matière de déontologie a conclu que les deux allégations étaient établies. Il a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande; l’obligation de lire des politiques précises de la GRC sur les horaires de quarts; l’assujettissement à une stricte surveillance pendant le travail pour une période d’un an; l’obligation selon laquelle l’appelant sera inadmissible à toute promotion pour une période d’un an; une pénalité financière équivalente à 16 heures de solde.