C-023 - Décision d'une autorité disciplinaire

Sous les yeux de l'appelante, un suspect menotté et possiblement en état d'ébriété a été impliqué dans un incident au terme duquel il est tombé la tête la première sur le sol d'un bloc cellulaire et s'est blessé au visage (l'incident). Bien des documents ont été rédigés au sujet de l'incident. L'appelante a rédigé un Rapport au procureur de la Couronne (RPC) sur l'arrestation et l'incident ainsi que des notes manuscrites de police et un résumé laconique de témoignage anticipé qui indiquait seulement qu'elle était l'enquêtrice principale dans l'arrestation du suspect. L'avocat du suspect a ensuite déposé une plainte dans laquelle il soutenait notamment que l'appelante et un autre membre présent lors de l'incident avaient rédigé des documents trompeurs à propos de l'incident.

Deux allégations ont été formulées à l'endroit de l'appelante, mais l'une d'elles a été jugée non fondée au bout du compte. L'autre allégation (l'allégation) voulait que l'appelante ait contrevenu à l'article 8.1 du code de déontologie de la GRC en inscrivant des renseignements faux ou inexacts dans des [Traduction] « rapports de police » sur l'incident. Les rapports prétendument fallacieux ont été maintes fois mentionnés à l'appelante comme étant le RPC et le [Traduction] « rapport de police ». À la suite d'une enquête, une rencontre disciplinaire a eu lieu. Au cours de celle-ci, l'appelante a notamment indiqué qu'elle n'avait rédigé qu'un seul rapport sur l'incident, soit le RPC. L'intimé a conclu que l'allégation était établie et a donc imposé à l'appelante une réprimande et une confiscation de solde de plusieurs jours.

L'appelante a interjeté appel de la décision de l'intimé et des mesures disciplinaires imposées. Elle a présenté huit principaux arguments. Toutefois, le CEE s'est seulement penché sur les arguments touchant l'équité procédurale, notamment sur celui selon lequel l'appelante n'avait rédigé qu'un seul rapport de police (c. à d. le RPC) et ignorait quel autre rapport contesté lui avait été attribué.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que l'intimé avait violé irrémédiablement un principe d'équité procédurale en décidant que l'appelante avait rédigé et inscrit des renseignements faux ou inexacts dans un rapport de police autre que le RPC. Pendant le processus disciplinaire, l'allégation faisait état de « rapports de police » au pluriel. Or, il ressort du dossier que l'appelante avait rédigé le RPC, mais qu'elle n'avait pas écrit un autre « rapport de police » contesté qui lui avait été attribué et qu'elle n'en connaissait pas l'existence. Elle n'a pas reçu une copie de ce rapport. En outre, elle n'a jamais obtenu le titre, la date, le numéro ou le nom des destinataires du rapport, ni reçu un résumé ou d'autres renseignements à son sujet. L'information au dossier n'indique pas de quel rapport il s'agit ni ne permet de le retracer. Outre le RPC, l'appelante a rédigé deux autres documents concernant l'intervention de la GRC auprès du suspect (c.-à-d. ses notes de police écrites et un bref résumé de témoignage anticipé), mais ni l'un ni l'autre ne peut être raisonnablement considéré comme un « rapport de police » et rien dans le dossier ne donne à penser que l'intimé les considérait comme des rapports contenant des renseignements faux ou trompeurs. Par conséquent, l'appelante n'était pas en mesure de connaître toutes les preuves à réfuter ni de présenter une défense en connaissance de cause. Il s'agissait d'un manquement grave à l'équité procédurale compte tenu des conséquences importantes que subissait l'appelante sur les plans financier et professionnel.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé à la commissaire d'accueillir l'appel de l'appelante, de conclure que l'allégation n'était pas établie et d'annuler les mesures disciplinaires imposées, ce qui aurait pour effet de retirer la réprimande du dossier de l'appelante et de rembourser à celle-ci toute solde lui ayant été confisquée.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 11 avril 2019

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

L'appelante a arrêté [M. X] pour violence familiale et a obtenu l'aide du [gend. Y] pour s'occuper du prisonnier. [M. X], qui était en état d'ébriété et menotté derrière le dos, a résisté activement lorsque les policiers ont tenté de l'escorter à sa cellule. Au cours des quatre secondes qui ont suivi (l'incident), [M. X] s'est éloigné du [gend. Y] et s'est mis à tomber la tête la première vers l'appelante. Tous trois ont alors fait plusieurs pas dans la direction où [M. X] tombait pendant que l'appelante tentait de le retenir et que le [gend. Y] essayait de le faire reculer. Le [gend. Y] a ensuite posé fermement ses pieds au sol et a pu faire reculer [M. X], mais avec son élan, [M. X] est tombé la tête la première sur le sol, dans la direction inverse. Dans sa chute, [M. X] a subi une coupure au front et s'est mis à saigner. Des ambulanciers l'ont donc transporté à l'hôpital, où il y a reçu des points de suture. Après qu'il a passé un tomodensitogramme n'ayant révélé rien d'anormal, un médecin l'a remis aux mains des policiers pour qu'il passe la nuit dans une cellule.

L'avocat de la défense de [M. X] a obtenu communication des enregistrements vidéo de l'incident et déposé une plainte selon laquelle l'appelante et le [gend. Y] avaient commis des voies de fait criminelles sur son client et rédigé des descriptions de l'incident en minimisant leur rôle dans la chute de [M. X].

À la suite de cette plainte, l'intimé a lancé des enquêtes relevant du code de déontologie pour établir si le [gend. Y] et l'appelante avaient usé d'une force excessive et inscrit des renseignements faux ou inexacts dans leurs rapports de police. Dans l'enquête sur les gestes de l'appelante, une copie des documents d'enquête et des enregistrements vidéo de l'incident a été transmise à un expert en recours à la force qui, après avoir visionné l'incident d'une durée de quatre secondes plusieurs fois, seconde après seconde, a conclu que les gestes du [gend. Y] n'étaient pas conformes aux politiques de la GRC. Il a aussi indiqué que la description de l'incident par le [gend. Y] (qui figurait aussi dans la description de l'appelante) ne correspondait pas à plusieurs égards à ses observations tirées du visionnement des enregistrements vidéo. L'intimé a conclu que l'appelante n'avait pas usé d'une force excessive, mais qu'elle avait inscrit des renseignements faux ou inexacts dans le Rapport au procureur de la Couronne (RPC) et dans un rapport de police. Il lui a imposé des mesures disciplinaires, à savoir une réprimande et la confiscation de trois jours de solde. L'appelante a interjeté appel des conclusions de l'intimé et des mesures disciplinaires qu'il a imposées.

Le Comité externe d'examen de la GRC (CEE) a recommandé que l'appel interjeté contre les conclusions et les mesures disciplinaires soit accueilli parce que l'intimé avait rendu une décision inéquitable sur le plan procédural en mentionnant à la fois le RPC et un rapport de police, sans que le dossier permette de savoir de quel rapport de police il s'agissait. Le CEE a recommandé que l'arbitre de l'appel en matière de déontologie conclue que l'allégation n'avait pas été établie parce que l'erreur ne pouvait être corrigée par un réexamen de la preuve au dossier. Le CEE a recommandé que les mesures disciplinaires soient annulées pour la même raison.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a convenu avec le CEE que l'appel devait être accueilli, mais il a conclu qu'il pouvait traiter la question d'équité procédurale en limitant son analyse et ses conclusions au RPC. Il a donc examiné le dossier et conclu que les disparités perçues entre les images de vidéosurveillance et la description des faits par l'appelante ne permettaient pas d'établir l'allégation de contravention au code de déontologie. Il a aussi annulé les mesures disciplinaires imposées à l'appelante.

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