C-028 - Décision d'une autorité disciplinaire
L’appelant était le chef d’un détachement. Le 8 avril 2015, le sergent du détachement a envoyé au chef de district (l’autorité disciplinaire) un courriel faisant état de problèmes liés au tempérament de l’appelant et à ses relations interpersonnelles avec ses subalternes depuis 2013 et avec le service de police municipal. Le 22 mai 2015, l’autorité disciplinaire a ordonné la tenue d’une enquête relevant du code de déontologie. Le 8 juin 2015, l’appelant s’est vu signifier la lettre de mandat, qui comprenait huit (8) allégations. Le 2 novembre 2015, l’enquêteur a présenté son rapport à l’autorité disciplinaire. L’enquêteur avait interrogé 17 témoins et recueilli d’autres renseignements, dont une déclaration des faits rédigée par l’appelant. L’appelant a reçu signification d’un avis de rencontre disciplinaire daté du 6 novembre 2015 et a présenté un cahier comprenant sa réponse aux allégations, des éléments de preuve ainsi que des lettres d’appui. La rencontre disciplinaire s’est tenue le 18 décembre 2015, l’appelant étant alors accompagné de sa conseillère en services en milieu de travail pour les membres.
L’autorité disciplinaire a rendu sa décision le 18 décembre 2015. Elle a conclu que quatre des huit allégations étaient établies. Elle a imposé les mesures disciplinaires suivantes à l’appelant : une pénalité financière équivalente à quatre (4) jours de solde, une réduction de la banque de congés de trois (3) jours, une réprimande, l’obligation de continuer à assister à des séances de consultation et l’obligation d’écrire une lettre d’excuses au service de police municipal.
L’appelant a interjeté appel de la décision en invoquant le processus suivi par les enquêteurs et l’autorité disciplinaire. Il a fait valoir que l’autorité disciplinaire ne pouvait agir de la sorte puisqu’il s’était déjà vu imposer une mesure disciplinaire simple relativement à ces incidents, à savoir une directive donnée de vive voix par le chef de district, et que certains des incidents s’étaient produits plus d’un an avant l’imposition des mesures disciplinaires. Il a aussi déclaré qu’il n’avait pas vu des notes d’un inspecteur avant que la décision soit rendue. Il les avait reçues lorsqu’il avait obtenu les documents sur lesquels s’était fondée l’autorité disciplinaire. Il a indiqué que l’intimé avait recueilli lui-même ces notes avant la rencontre disciplinaire et qu’il ne les lui avait pas communiquées. Par conséquent, il avait été privé de son droit à l’équité procédurale. Enfin, il a déclaré que les déclarations des témoins ne lui avaient pas été communiquées dans leur intégralité et que l’autorité disciplinaire avait injustement rejeté sa demande d’enquête complémentaire.Conclusions du CEE
Le CEE a d’abord conclu que les mesures disciplinaires n’avaient pas été imposées après l’expiration du délai d’un an. La preuve au dossier ne permettait pas d’établir clairement si l’autorité disciplinaire était au fait de la conduite de l’appelant avant de lancer l’enquête relevant du code de déontologie. Les allégations découlaient du courriel du sergent du détachement envoyé à l’intimé le 8 avril 2015. Le CEE a conclu que l’appelant ne s’était pas acquitté du fardeau d’établir que l’enquête manquait d’objectivité. Toutefois, le CEE a conclu que l’autorité disciplinaire avait contrevenu aux principes d’équité procédurale en ne reportant pas la rencontre disciplinaire et en ne communiquant pas les notes de l’officier responsable des opérations à l’appelant. Le CEE a également conclu que ces manquements n’avaient pas été corrigés pendant le processus d’appel et que la cause de l’appelant ne pouvait être considérée comme étant sans espoir. Enfin, le CEE a conclu qu’une directive donnée de vive voix par un supérieur ne constituait pas une mesure disciplinaire simple; par conséquent, il n’y avait pas lieu de conclure que l’appelant avait été sanctionné deux fois pour la même infraction.
Recommandation du CEE
Le CEE a recommandé d’accueillir l’appel.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 25 novembre 2019
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
Dans l’affaire McBain c. Canada (Procureur général), 2016 CF 829, la Cour fédérale a reconnu que « dans certaines circonstances, les tribunaux administratifs d’appel ont été reconnus comme ayant le pouvoir de remédier aux erreurs ou manquements de nature procédurale dans le cadre d’une décision d’une instance inférieure » (para. 46). Par conséquent, j’estime que la possibilité de remédier aux manquements à l’équité procédurale dans le processus de rencontre disciplinaire en appel n’est pas aussi limitée que le président le laisse entendre, puisque le législateur a délibérément prévu la possibilité d’effectuer des examens de novo dans les appels de décisions d’autorités disciplinaires. Cela dit, j’accepte la conclusion du CEE selon laquelle les notes de l’officier responsable des opérations n’ayant pas été communiquées méritaient une enquête plus approfondie, puisqu’elles portent sur des renseignements non précisés que l’intimé connaissait sur le comportement reproché à l’appelant et sur la chronologie de ces renseignements (Documents, pages 34-35). J’estime que ces circonstances représentent un manquement à l’équité procédurale auquel la procédure d’appel n’a pas remédié (Rapport, paras. 171-174). Je me vois donc dans l’obligation d’accueillir l’appel et de conclure que les allégations n’ont pas été établies. Il est évident que l’appelant, comme supérieur, avait tendance à s’emporter et à crier, comme le révèlent l’examen de la gestion et l’enquête déontologique. Il affirme avoir changé et appris des stratégies d’adaptation pour mieux maîtriser ses émotions. Je le somme de rester vigilant. L’appel est accueilli. Les allégations sont jugées non fondées et les mesures disciplinaires sont annulées.
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