C-030 - Décision d'une autorité disciplinaire

L'appelant a pris une pause-repas dans un restaurant, où il a été vu en train d'observer une cliente. Il a intercepté le véhicule de celle-ci tout de suite après qu'elle est partie. Pendant le contrôle routier, il s'est présenté à elle et lui a donné une carte professionnelle de la GRC sur laquelle il a écrit son prénom d'usage et son numéro de cellulaire personnel, sans lui donner de contravention ni d'avertissement. La femme a pris la carte professionnelle en expliquant plus tard qu'elle [Traduction] « ne voulai[t] pas avoir de contravention ». Par la suite, elle a raconté ce qui s'était passé au fiancé de son amie, un membre de la GRC. Préoccupé par la situation, ce dernier s'est renseigné. Il a découvert que l'appelant, qu'il ne connaissait pas et avec qui il n'avait jamais travaillé, était le policier ayant effectué le contrôle routier. Il a fait part de ses constatations à un supérieur.

À la suite d'une enquête déontologique au cours de laquelle l'appelant n'a pas expliqué clairement pourquoi il avait intercepté la cliente et lui avait donné son numéro de cellulaire personnel, l'intimé a rendu une décision écrite dans laquelle il a conclu que l'appelant avait contrevenu à l'article 3.2 du code de déontologie en abusant de son autorité à titre de policier. Il a ensuite imposé à l'appelant une mesure disciplinaire corrective, soit la confiscation de six jours de solde, ainsi que des mesures disciplinaires simples. L'appelant interjette appel de la conclusion selon laquelle il a contrevenu au code de déontologie en invoquant plusieurs motifs. Si cette conclusion est confirmée, il demande subsidiairement que la confiscation de six jours de sa solde soit annulée ou réduite au motif qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire trop sévère.

Conclusions du CEE

Le CEE s'est penché sur les diverses positions et préoccupations soulevées en appel. Premièrement, l'intimé a commis une erreur de procédure en affirmant que l'appelant avait contrevenu à l'article 3.1 du code de déontologie, mais en concluant plutôt qu'il avait contrevenu à l'article 3.2. Cette erreur, bien que déplorable, n'a pas privé l'appelant de son droit à l'équité procédurale, car il ressortait clairement du dossier qu'il connaissait les allégations à réfuter et le risque qu'il courait, qu'il était prêt à répondre à celles-ci et qu'il avait eu l'occasion d'y répondre. Deuxièmement, l'intimé n'a pas commis d'erreur en n'ordonnant pas la tenue d'une enquête fondée uniquement sur les hypothèses de l'appelant. Troisièmement, l'intimé n'a pas fait abstraction de facteurs pertinents ni invoqué des facteurs dénués de pertinence. Enfin, son appréciation de la preuve et ses conclusions de fait n'ont par ailleurs pas révélé l'existence d'une erreur manifeste et déterminante.

Pour ce qui est des mesures disciplinaires, le CEE a conclu qu'il y avait lieu d'intervenir relativement à la confiscation de six jours de solde imposée à l'appelant par l'intimé, puisque celui-ci n'avait pas appliqué le critère à trois volets servant à déterminer les mesures disciplinaires appropriées. Le CEE a appliqué ce critère. Après avoir mentionné l'éventail des sanctions appropriées pour l'inconduite reprochée et réitéré les facteurs atténuants et aggravants, le CEE a conclu que la confiscation de deux jours de solde constituait la mesure disciplinaire la plus appropriée vu la gravité de l'inconduite et le lien entre celle-ci et les exigences du travail policier. Cette mesure cadrait avec les exigences du travail policier, comme l'indiquait le Guide des mesures disciplinaires de la GRC et comme en témoignaient les sanctions ordonnées par les services de police du Canada (dont la Gendarmerie) pour des inconduites du même ordre.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé que l'appel soit accueilli en partie; plus précisément, il a recommandé que l'appel interjeté par l'appelant contre les mesures disciplinaires soit accueilli et que la mesure disciplinaire corrective, soit la confiscation de six jours de sa solde, soit réduite à deux jours de sa solde.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 4 mai 2020

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L'appelant, un gendarme, faisait des heures supplémentaires. Vers 22 h 30, il a pris une pause-repas dans un restaurant où s'y trouvaient deux femmes. Il a quitté le restaurant, mais est resté à proximité et a surveillé la circulation en se garant en face de celui-ci. Plus tard cette nuit-là, l'appelant a intercepté une des femmes après qu'elle a quitté le restaurant. Elle a déclaré qu'elle ne roulait pas à une vitesse excessive et qu'elle n'avait pas reçu de contravention lors du contrôle routier. L'appelant lui a donné une carte professionnelle sur laquelle il avait inscrit son prénom d'usage et son numéro de téléphone personnel. Selon la femme, l'appelant l'a invitée à l'appeler si jamais elle sortait dans certains quartiers de la ville. Cet incident a été signalé quelques mois plus tard, après quoi une enquête déontologique a été ordonnée pour établir si l'appelant avait abusé de son autorité (article 3.2 du code de déontologie) ou s'était comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie (article 7.1 du code de déontologie). Au cours de l'enquête, l'appelant a déclaré qu'il ne se souvenait pas du contrôle routier, mais il a nié avoir intercepté la femme pour la courtiser. Il a aussi déclaré qu'il donnait régulièrement son numéro de téléphone personnel aux automobilistes et qu'il était généralement sympathique avec les gens après avoir établi qu'il n'avait pas à les accuser d'une infraction.

À la suite d'une rencontre disciplinaire, l'intimé a conclu que l'appelant avait abusé de son autorité, mais n'a pas jugé que l'allégation de conduite déshonorante avait été établie parce que l'inconduite avait déjà été traitée dans la conclusion selon laquelle l'appelant avait abusé de son autorité. Comme mesures disciplinaires, l'intimé a ordonné à l'appelant de renoncer à six jours de solde, de revoir les valeurs fondamentales de la GRC avec son officier hiérarchique et de discuter avec son supérieur immédiat de la procédure que doivent suivre les policiers lors de contrôles routiers.

L'appelant a interjeté appel des conclusions de l'intimé et des mesures disciplinaires qu'il avait imposées. Pendant le processus d'appel, il a présenté d'autres arguments après l'expiration du délai prévu à cette fin.

Le 30 octobre 2019, le CEE a rendu ses conclusions et recommandations. Le CEE a recommandé de ne pas accepter les arguments présentés tardivement, puisque l'appelant les avait présentés tardivement sans justification et que la teneur des documents ne justifiait pas une prorogation rétroactive du délai. Le CEE a recommandé de rejeter l'appel interjeté contre les conclusions. Il a recommandé d'accueillir l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires parce qu'elles n'étaient pas suffisamment justifiées. Il a recommandé que la confiscation de la solde soit réduite de six jours à deux jours.

L'arbitre de l'appel a accepté la plupart des recommandations du CEE, mais le fondement de sa décision différait de l'analyse du CEE à certains égards. Il a convenu avec le CEE qu'il y avait lieu de réduire la confiscation de la solde, mais il l'a réduite à quatre jours de solde plutôt qu'à deux jours, comme le recommandait le CEE.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a rejeté l'appel interjeté contre les conclusions de l'intimé. Il a accueilli l'appel interjeté contre les mesures disciplinaires imposées. Il a confirmé les mesures disciplinaires simples déjà imposées et réduit la confiscation de la solde en la faisant passer de six jours à quatre jours.

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