C-034 - Décision d'une autorité disciplinaire

L'appelant a été impliqué dans un incident avec un suspect menotté et possiblement en état d'ébriété qui est tombé la tête la première sur le sol d'un bloc cellulaire et a subi une blessure au visage ayant nécessité des points de suture (« incident »). L'appelant a rédigé des rapports de police et des notes sur l'incident, lequel a été filmé par des caméras de la Gendarmerie (« images de vidéosurveillance de l'incident »). Dans ces rapports et notes, l'appelant a décrit l'incident comme une tentative infructueuse de sa part de stabiliser physiquement un suspect qui titubait. Le suspect s'est plaint de l'incident, après quoi l'appelant a fait l'objet d'une accusation de voies de fait ayant été suspendue deux ans plus tard environ. Deux allégations ont été formulées contre l'appelant : 1) il avait usé d'une force excessive et non sollicitée contre le suspect, en contravention de l'article 5.1 du code de déontologie; 2) il avait inscrit des renseignements faux ou inexacts dans des rapports de police au sujet de la blessure subie par le suspect, en contravention de l'article 8.1 du code de déontologie.

À la suite d'une enquête au cours de laquelle l'appelant a fait une déclaration détaillée et un expert en recours à la force a présenté un rapport concluant que l'appelant avait usé d'une force excessive contre le suspect, une rencontre disciplinaire a eu lieu, lors de laquelle l'appelant a refusé de présenter des argumentations. Son avocat a fait valoir qu'il était [Traduction] « contre-indiqué » de poursuivre le processus disciplinaire visant l'appelant pendant qu'un processus pénal connexe était en cours. L'intimé a décidé de poursuivre la rencontre disciplinaire. Compte tenu des images de vidéosurveillance de l'incident, du rapport sur le recours à la force et d'autres éléments de preuve, il a conclu que les deux allégations avaient été établies et a imposé plusieurs mesures disciplinaires. L'appelant a interjeté appel et présenté deux argumentations avec pièces jointes. Sa première argumentation, qui a été présentée dans le délai prescrit, comprenait deux arguments. Sa deuxième argumentation, présentée plusieurs mois plus tard, comprenait trois autres arguments, dont l'un voulant que l'intimé l'ait privé de son droit à l'équité procédurale en faisant abstraction de la préoccupation soulevée par son avocat lors de la rencontre disciplinaire.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que plusieurs documents joints à la première argumentation en appel de l'appelant étaient inadmissibles en appel, car ils auraient pu être présentés à l'intimé, mais ne l'ont pas été. Il a aussi conclu que deux des arguments énoncés dans la deuxième argumentation en appel de l'appelant, dont celui concernant le manquement à l'équité procédurale, étaient inadmissibles en appel, puisqu'ils auraient pu être présentés à la rencontre disciplinaire ou dans la première argumentation en appel, mais ne l'ont pas été.

Le CEE a ensuite jugé non fondés les trois motifs d'appel admissibles de l'appelant. Premièrement, il a conclu que l'omission d'assurer le suivi et l'examen de la preuve d'un sergent ayant visionné les images de vidéosurveillance de l'incident aurait pu constituer une erreur manifeste, mais pas une erreur dominante, puisque la preuve n'était pas concluante et que l'intimé avait visionné les mêmes images en s'appuyant aussi sur d'autres éléments de preuve qui les mettaient en contexte. Deuxièmement, le CEE a conclu que l'intimé n'avait pas commis d'erreur en confrontant la façon dont l'appelant voyait l'incident avec les images de vidéosurveillance de l'incident, puisqu'il ne disposait pas d'éléments de preuve ou de positions sur le bien-fondé de cette démarche et que la preuve à l'appui soumise par l'appelant en appel n'était pas utile. Troisièmement, le CEE a conclu que l'intimé avait eu raison de considérer comme facteur aggravant l'accusation de voies de fait portée contre l'appelant, même si elle avait été suspendue, car la Politique sur la déontologie indique clairement qu'une accusation peut constituer un facteur aggravant, peu importe son dénouement.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé que l'appel soit rejeté.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 27 mai 2020

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

Le suspect a été arrêté. À son arrivée à l'aire de détention du détachement X, il a refusé d'obtempérer aux ordres de la gendarme X, la policière l'ayant arrêté. L'appelant a été appelé pour prêter assistance à la gendarme X et a escorté le suspect jusqu'à l'aire de détention du bloc cellulaire. Pendant tout ce temps, le suspect avait les mains menottées derrière le dos. Il a résisté lorsque l'appelant a tenté de le placer dans une cellule pour la nuit. L'appelant a tenté de le maîtriser. Toutefois, lors d'un incident ayant duré quatre secondes, le suspect s'est éloigné et s'est mis à tomber la tête la première dans une direction. L'appelant a empêché la chute du suspect dans cette direction, mais il l'a ainsi fait tomber dans une autre direction et le suspect s'est cogné la tête au sol. L'appelant et la gendarme X ont tenté de lui prodiguer les premiers soins et ont immédiatement avisé leurs supérieurs, qui se sont rendus sur les lieux. Les ambulanciers sont arrivés et ont transporté le suspect à l'hôpital, où il a reçu des soins médicaux avant d'être remis aux mains des policiers le soir même. L'appelant et la gendarme X ont présenté des rapports écrits sur l'incident le soir même, sans regarder les images de vidéosurveillance de l'incident.

Le 21 mai 2015 ou vers cette date, l'avocat de la défense du suspect a déposé une plainte dans laquelle il soutenait que les rapports de police ne concordaient pas avec son examen des images de vidéosurveillance et que son client avait été agressé par les policiers. Une enquête déontologique a été lancée sur ces allégations. Le 5 mai 2016, l'appelant a reçu signification d'un avis de rencontre disciplinaire indiquant qu'il aurait contrevenu aux articles 5.1 et 8.1 du code de déontologie. Le 10 mai 2016, l'avocat criminaliste de l'appelant a informé l'intimé par écrit qu'il lui semblait inapproprié de tenir la rencontre disciplinaire avant l'issue de la poursuite pénale (qui n'avait toujours pas été suspendue) et que l'appelant ne présenterait aucune argumentation pendant la rencontre disciplinaire. Lorsque celle-ci a été tenue le 13 mai 2016, l'avocat de l'appelant a soulevé deux questions préliminaires et demandé de nouveau que la rencontre disciplinaire soit reportée et se tienne après le dénouement de la poursuite pénale. Aucune de ces questions n'a été traitée dans le rapport de décision et la rencontre disciplinaire s'est poursuivie. Sur le conseil de son avocat, l'appelant n'a présenté aucune argumentation sur le fond des allégations.

Dans le rapport de décision daté du 20 mai 2016 (et signifié le 24 mai 2016), l'intimé a invoqué le rapport de l'expert en recours à la force et conclu que les deux allégations avaient été établies selon la prépondérance des probabilités. Le 3 avril 2017, l'accusation criminelle portée contre l'appelant a été suspendue. Le 4 février 2020, le CEE a présenté un rapport dans lequel il concluait que la décision de l'intimé n'était pas manifestement déraisonnable et que l'appel en matière de déontologie devait être rejeté.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie (l'« arbitre ») a accepté les recommandations du CEE sur l'admissibilité des nouveaux éléments de preuve et des argumentations présentées tardivement, mais il a rejeté ses autres recommandations. L'arbitre a conclu que la décision de l'intimé était manifestement déraisonnable parce qu'elle faisait abstraction des questions préliminaires soulevées par l'avocat de l'appelant. Il a conclu que les faits décrits dans les rapports de l'appelant ne correspondaient pas exactement à ceux observés dans les images de vidéosurveillance, mais qu'ils avaient été décrits honnêtement par l'appelant selon son interprétation de ce qui s'était passé à ce moment-là. L'arbitre a aussi conclu que l'appelant n'avait pas réagi de la meilleure façon lorsque le suspect s'était éloigné, mais qu'il n'avait pas voulu lui faire du mal et que ses gestes étaient objectivement raisonnables dans les circonstances. L'arbitre a déclaré non établies les allégations selon lesquelles l'appelant avait contrevenu aux articles 5.1 et 8.1 du code de déontologie et il a annulé les mesures disciplinaires.

Détails de la page

Date de modification :