C-035 - Décision d'une autorité disciplinaire

Alors qu’une catastrophe naturelle s’aggravait dans un lieu précis, l’appelant a été évacué de son quartier résidentiel après que l’état d’urgence a été décrété dans la collectivité. Le membre en question, un gendarme travaillant dans la collectivité, était en congé régulier ce jour-là. L’appelant a évacué son jeune enfant et conduit jusqu’à une ville avoisinante épargnée par la catastrophe naturelle. Il devait reprendre ses quarts à son lieu de travail le lendemain. Il s’est plutôt présenté au quartier général divisionnaire situé dans la ville où il s’était rendu et aurait été, selon ses dires, [Traduction] « libéré » de ses fonctions par un membre de grade supérieur. Puisqu’il était le seul parent disponible pour s’occuper de son enfant pendant la catastrophe naturelle, il est resté avec lui au cours des quelques jours ayant suivi.

Les gestes de l’appelant on fait l’objet d’une enquête déontologique. À la suite d’une rencontre disciplinaire, l’intimée a rendu une décision écrite dans laquelle elle a conclu que l’appelant avait contrevenu à l’article 4.1 du code de déontologie, qui dispose que les membres doivent se présenter au travail et demeurer à leur poste, à moins d’autorisation contraire.

L’intimée a conclu que l’appelant avait fait des efforts pour se présenter au travail au quartier général divisionnaire, mais qu’il ne s’était pas présenté comme prévu à son lieu de travail et qu’il avait donc contrevenu à l’article 4.1 du code de déontologie. Elle lui a imposé des mesures disciplinaires, dont la confiscation de 12 heures de solde et de 12 heures de congé annuel. L’appelant a interjeté appel de la conclusion de l’intimée selon laquelle l’allégation avait été établie en faisant valoir qu’il avait eu de bonnes raisons de s’absenter du travail. Il a fait état d’éléments de preuve selon lesquels il avait été libéré de ses fonctions et avait dû soudainement s’occuper de son jeune enfant en tant que seul parent disponible à ce moment-là.

Conclusions du CEE

Après s’être penché sur les questions préliminaires du bien-fondé du renvoi et du respect des délais, le CEE a conclu que la décision de l’intimée était manifestement déraisonnable. Il a conclu que l’intimée n’avait pas analysé sérieusement d’importants éléments de preuve figurant au dossier, qui indiquaient que l’appelant aurait pu raisonnablement penser qu’il était autorisé à s’absenter, et que sa situation familiale constituait une excuse légitime pour s’absenter. Le CEE a ensuite évalué lui-même les éléments de preuve conformément à l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, ce qui l’a amené à conclure que l’appelant avait été autorisé à s’absenter du travail et/ou qu’il avait une excuse raisonnable de s’y absenter pendant la période visée par l’allégation.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé à la commissaire d'accueillir l'appel interjeté contre la conclusion de l'intimée quant à l'allégation au motif que la décision de celle-ci est manifestement déraisonnable. Il a recommandé aussi que la commissaire, en rendant la conclusion que l'intimée aurait dû rendre en vertu de l'alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, conclue que l'allégation n'est pas établie.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 6 mai 2020

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L'appelant était en congé régulier et ce jour-là, l'état d'urgence était en vigueur vu la menace posée par une catastrophe naturelle qui s'en rapprochait. L'appelant a évacué sa famille de sa résidence juste avant que le quartier soit durement frappé par la catastrophe naturelle. Ils se sont rendus pour rester chez un ami. Selon les conditions strictes de l'entente de garde, l'appelant ne pouvait laisser son jeune enfant avec quelqu'un qui n'était pas l'un de ses parents biologique. Il ne s'est pas présenté au travail pour contribuer aux opérations d'évacuation et d'urgence après qu'un rappel obligatoire au travail a été décrété par l'officier responsable par intérim du détachement. Il a expliqué sa situation au sergent par intérim du détachement.

L'appelant était censé reprendre ses quarts de travail. Conformément à la politique, il s'est présenté au détachement le plus près, soit au quartier général de la Division « X », où un membre de grade supérieur l'a informé qu'il était libéré de ses fonctions et que tout autre membre serait aussi libéré puisque d'autres membres s'en venaient. Le membre de grade supérieur l'a ensuite envoyé voir le médecin-chef et l'a mis en contact avec les services de soutien par les pairs.

Au cours des jours suivants, l'appelant est resté avec son jeune enfant, puisqu'il n'était pas prêt à la laisser sous la garde de quelqu'un d'autre que sa mère, qui avait été évacuée ailleurs.

Une enquête déontologique a été lancée, après quoi le rapport d'enquête a été envoyé à l'intimée pour examen. À la suite d'une rencontre disciplinaire, l'intimée a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant ne s'était pas présenté au travail ni n'était demeuré à son poste pour aider à évacuer les habitants dans le cadre des services essentiels d'urgence, en contravention de l'article 4.1 du code de déontologie (ci-après l'« allégation »). Elle lui a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une réprimande écrite, l'obligation de revoir les valeurs fondamentales de la GRC ainsi que la confiscation de 12 heures de congé annuel et de 12 heures de solde. L'appelant a interjeté appel de la décision de l'intimée.

L'affaire a été renvoyée devant le CEE pour examen. Le CEE a recommandé que l'appel soit accueilli. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a accepté cette recommandation après avoir conclu que l'intimée avait rendu une décision manifestement déraisonnable en ne tenant pas compte de l'argument de l'appelant selon lequel il avait été autorisé à s'absenter du travail, puisqu'il avait compris qu'il avait été libéré de ses fonctions après s'être présenté au quartier général de la Division « X », et en n'évaluant pas correctement l'excuse familiale justifiant l'absence de l'appelant au travail.

L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a accueilli l'appel, conclu que l'allégation n'avait pas été établie, annulé les mesures disciplinaires et ordonné à l'intimée de veiller à ce que 12 heures de congé annuel et 12 heures de solde soient créditées à l'appelant.

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