C-039 - Décision d'une autorité disciplinaire

L'appelant aurait dit un commentaire déplacé. Il aurait ensuite répété ce commentaire en présence d'autres instructeurs. L'appelant a déclaré que son commentaire avait été mal compris et que la dernière partie de sa phrase avait probablement été mal comprise par les autres instructeurs. Aucun autre participant n'a entendu le commentaire et la membre à qui il l'a fait ne s'en rappelait pas et a déclaré n'avoir qu'un vague souvenir de ce qui s'était passé.

Une enquête déontologique a été lancée sur une prétendue contravention à l'article 2.1 du code de déontologie, à savoir que l'appelant aurait fait un commentaire irrespectueux à caractère sexuel.

À la suite de deux rencontres disciplinaires, l'intimée a rendu une décision écrite dans laquelle elle a conclu que l'appelant avait fait le commentaire irrespectueux reproché, en contravention de l'article 2.1 du code de déontologie. Elle a conclu que l'appelant avait fait ce commentaire après examen des éléments de preuve et des attestations de bonnes mœurs de l'appelant ainsi que des dépositions des instructeurs ayant déclaré avoir entendu le commentaire.

Comme mesures disciplinaires, l'intimée a imposé la rétrogradation de grade pour une période d'un an ainsi qu'une réprimande écrite. La sévérité des mesures disciplinaires imposées reposait en grande partie sur la [traduction] « doctrine de l'incident cumulatif » (ci-après la « doctrine »), qui permet à l'employeur d'invoquer des inconduites commises antérieurement pour démontrer l'existence d'un comportement récurrent et montrer que l'employé n'a pas appris de ses erreurs. Cette doctrine permet d'imposer une peine plus sévère que celle qu'il conviendrait d'imposer si l'incident était pris isolément. L'intimée a fait valoir que l'appelant avait déjà fait l'objet de mesures disciplinaires pour avoir fait des commentaires déplacés. La mesure disciplinaire la plus récente qui lui avait été imposée était la confiscation de la solde pour une période de dix jours, soit la peine la plus sévère qui pouvait être imposée à l'époque, après le congédiement. Selon elle, l'appelant n'avait pas appris de ses erreurs. Par l'entremise d'une avocate, l'appelant a interjeté appel puis présenté une argumentation dans laquelle il a fait valoir qu'il y avait eu des manquements à l'équité procédurale et des erreurs de droit et que la décision était déraisonnable. Il a en outre affirmé que si l'allégation était jugée établie, les mesures disciplinaires, notamment la rétrogradation, étaient excessives par rapport à la contravention au code de déontologie.

Conclusions du CEE

Le CEE a rendu des conclusions relativement à bon nombre d'arguments avancés par l'appelant quant à l'allégation et aux mesures disciplinaires imposées pour diverses raisons reflétant la jurisprudence applicable, mais les arguments suivants s'avéraient les plus importants. Premièrement, avant l'enquête déontologique, une [traduction] « enquête préliminaire » avait été effectuée pour parler aux participants et aux instructeurs du cours afin de tenter de savoir ce que l'appelant avait dit. L'appelant n'avait pas été invité à participer à ce processus, ce qu'il considérait comme inéquitable sur le plan procédural. Le CEE a conclu que l'« enquête préliminaire » n'était qu'une collecte de renseignements pour déterminer s'il y avait pu avoir contravention au code de déontologie et qu'il n'était pas nécessaire que l'appelant y participe à cette étape-là, puisqu'il avait eu droit aux garanties procédurales nécessaires pendant le processus déontologique. Deuxièmement, l'appelant soutenait que la membre à qui il avait fait le commentaire s'était fait dire le prétendu commentaire pendant l'enquête préliminaire et qu'elle ne s'en souvenait pas elle-même. Le CEE a conclu que le dossier ne permettait pas d'établir si le prétendu commentaire avait été dit à la membre, mais que même s'il l'avait été, il ne s'agissait pas d'un facteur déterminant dans la décision, car l'allégation avait été jugée établie surtout parce que l'intimée avait préféré les dépositions des instructeurs qui se souvenaient avoir entendu le prétendu commentaire au témoignage de l'appelant. Troisièmement, l'appelant soutenait que la décision de l'intimée était inéquitable sur le plan procédural parce qu'elle ne tenait pas compte des positions qu'il avait prises dans ses arguments présentés avant et pendant les deux rencontres disciplinaires. Le CEE a conclu que l'intimée aurait dû idéalement traiter de ces positions dans sa décision, mais qu'elles n'étaient pas au cœur de la décision, que les motifs fournis par l'intimée dans sa décision étaient suffisants et que le dossier lui-même contredisait ces positions. Enfin, l'appelant a mis en doute la fiabilité des dépositions faites par certains témoins. Le CEE a conclu que certaines dépositions contenaient des erreurs mineures, mais que celles-ci étaient accessoires et que les dépositions, prises dans leur ensemble, n'étaient pas sujettes à caution.

Quant aux mesures disciplinaires, l'appelant soutenait que la rétrogradation était une mesure disciplinaire excessive par rapport au Guide des mesures disciplinaires et que la doctrine ne s'appliquait pas puisque les inconduites précédentes n'avaient pas été commises récemment. Le CEE a rejeté ces arguments et conclu que la doctrine s'appliquait, puisque chaque cas est examiné selon les circonstances qui lui sont propres et que, même si les mesures disciplinaires imposées ne correspondaient pas à celles habituellement imposées pour un commentaire irrespectueux, elles n'étaient pas manifestement déraisonnables puisque l'appelant en était à sa troisième contravention du même type et que l'intimée avait bien appliqué la doctrine.

Le CEE a recommandé que l'appel soit rejeté.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 29 octobre 2020

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

Le 17 janvier 2017, l'appelant agissait comme instructeur du cours. L'une des participantes, la gendarme X, a parlé à l'appelant. L'appelant lui aurait répondu en faisant l'un des deux commentaires. Un autre instructeur et surveillant qui était à proximité, a indiqué avoir clairement entendu l'appelant dire une autre commentaire.

Une enquête informelle a été effectuée le lendemain. Aucun des participants ne se souvenait d'avoir été témoin d'un comportement inapproprié, y compris la gendarme X, qui a déclaré que l'appelant et elle étaient des amis et qu'elle n'était pas offensée. La coordonnatrice du cours, qui était chargée de l'enquête informelle, se souvenait que l'appelant avait ri. Un autre membre de l'équipe d'instructeurs, a déclaré qu'il se rappelait vaguement avoir entendu l'appelant répéter le commentaire qu'il avait fait à la gendarme X, lorsqu'il s'était approché des instructeurs, et il n'arrivait pas à croire qu'une personne puisse faire un tel commentaire.

Une enquête déontologique a été ordonnée, suivie par la présentation d'un rapport d'enquête. Après deux rencontres disciplinaires, dont la première au cours de laquelle l'appelant a présenté de longues observations par l'intermédiaire de son avocate et la deuxième, qui a fait suite à un rapport d'enquête complémentaire, l'intimée a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant avait fait le commentaire irrespectueux, en contravention de l'article 2.1 du code de déontologie.

Comme mesures disciplinaires, l'intimée a imposé une rétrogradation pour une période d'un an ainsi qu'une réprimande écrite. Ces mesures disciplinaires sévères s'éloignaient de l'éventail de celles recommandées dans le Guide des mesures disciplinaires, mais elles reposaient sur la [traduction] « doctrine de l'incident cumulatif », laquelle permet à l'employeur d'invoquer des inconduites commises antérieurement qui révèlent l'existence d'un comportement récurrent et montrent que l'employé n'a pas tiré de leçons de ses erreurs. L'intimée a tenu compte des inconduites que l'appelant avait commises auparavant en faisant des commentaires déplacés, inconduites pour lesquelles la dernière sanction qui lui avait été imposée était la confiscation de la solde pour une période de dix jours, soit la peine la plus sévère à l'époque, après le congédiement.

L'appelant a contesté la décision de l'intimée. L'affaire a été renvoyée devant le CEE. Le CEE n'a trouvé aucun motif pour annuler la décision et a recommandé que l'appel soit rejeté. L'arbitre de l'appel en matière de déontologie a accepté cette recommandation. L'appel a été rejeté.

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2022-09-14