C-043 - Décision d'un comité de déontologie
En février 2015, l'appelant a remarqué, en retournant à son véhicule, qu'il avait été vandalisé et que des objets y avaient été dérobés. En revenant chez lui, il a heurté accidentellement un panneau de signalisation, ce qui a causé d'autres dommages à son véhicule. Peu après, il a signalé les dommages à sa compagnie d'assurances et a fait une demande d'indemnité pour vandalisme. Il n'a pas déclaré à sa compagnie d'assurances que certains dommages étaient attribuables à sa collision avec un panneau de signalisation. Plus tard, il a amené son véhicule chez un professionnel pour le faire réparer et il a répété que tous les dommages à son véhicule étaient imputables à du vandalisme. Selon le personnel de l'atelier de réparation, les dommages ne pouvaient être uniquement attribuables à du vandalisme, et la compagnie d'assurances a mis la réparation en suspens. L'appelant a ensuite discuté avec un enquêteur de la GRC qui menait l'enquête sur le vol. Il ne lui a pas dit que la moitié des dommages sur son véhicule qu'il avait signalés n'étaient pas liés au vandalisme ou au vol et qu'ils avaient plutôt été causés par une collision. Il a ensuite réitéré, dans une déclaration à un expert en sinistres et à un enquêteur d'assurances ainsi que dans une déclaration solennelle à un notaire, que les dommages à son véhicule avaient été causés uniquement par du vandalisme. Le 29 avril 2015, l'appelant a plaidé coupable à une accusation de communication de renseignements faux ou trompeurs en contravention de l'Insurance Act (procédure judiciaire).
Deux allégations de contravention au code de déontologie ont été portées contre l'appelant. L'audience disciplinaire portait sur un exposé conjoint des faits. Le comité de déontologie a conclu que les deux allégations avaient été établies. Il a ensuite tenu une audience sur les mesures disciplinaires à imposer. L'autorité disciplinaire demandait le congédiement de l'appelant, tandis que ce dernier demandait une confiscation de solde.
Le comité de déontologie a ordonné à l'appelant de démissionner. Malgré l'existence de circonstances atténuantes, il y avait aussi d'importantes circonstances aggravantes. Le comité de déontologie a invoqué la [traduction] « condamnation au criminel » de l'appelant comme circonstance aggravante et a explicitement rejeté l'affirmation du juge de la cour provinciale selon laquelle l'inconduite commise était un acte isolé. Par ailleurs, compte tenu de considérations liées à l'arrêt McNeil, le déploiement de l'appelant imposerait un fardeau administratif à la Gendarmerie. Enfin, l'appelant avait cherché à retirer un avantage personnel, car son comportement lui avait permis d'éviter à la fois d'avoir à payer une franchise et d'être tenu responsable d'une collision impliquant un seul véhicule.
L'appelant a fait appel de la mesure disciplinaire. Il a fait valoir que le comité de déontologie avait commis une erreur en concluant qu'il était motivé par l'appât du gain et qu'il y avait eu tromperie préméditée et délibérée révélant la présence d'un défaut de caractère. En outre, il a affirmé que le comité de déontologie avait commis une erreur dans ses conclusions sur les répercussions liées à l'obligation de communication mentionnée dans l'arrêt McNeil. Il soutenait aussi que le comité de déontologie avait commis une erreur en minimisant les circonstances atténuantes et en exagérant les circonstances aggravantes. Dans son argumentation en appel, l'appelant a demandé à présenter d'autres arguments sur l'éventail des mesures disciplinaires et à obtenir une réunion de cas avec l'arbitre avant qu'une décision finale soit rendue.
Conclusions du CEE
Le CEE a conclu que l'appelant ne devrait pas être autorisé à présenter d'autres arguments sur l'éventail des mesures disciplinaires. Lors de l'audience, il avait présenté des arguments sur l'éventail de mesures disciplinaires appropriées et il ne peut pas revenir sur cette position en appel. Puisqu'une réunion de cas se tiendrait après que le CEE aurait présenté ses conclusions et recommandations, le CEE a indiqué que la décision de tenir ou non cette réunion reviendrait à l'arbitre de dernier niveau.
Le CEE a indiqué que des éléments de preuve avaient mené le comité de déontologie à conclure que l'appelant était aussi motivé par le souci de ne pas être tenu responsable de la collision impliquant uniquement son véhicule. En outre, cette question avait été soulevée par le représentant de l'autorité disciplinaire dans ses arguments sur les allégations et dans la décision du comité de déontologie sur les allégations. Or, l'appelant a choisi de ne pas traiter de cette question.
Le CEE a également jugé suffisants les motifs du comité de déontologie étayant sa conclusion selon laquelle l'appelant avait commis une fraude sur une longue période. Le comité de déontologie avait clairement expliqué pourquoi il était parvenu à cette conclusion, à savoir que l'appelant avait entretenu son mensonge pendant cinq semaines, et ce, à trois différentes organisations et à plusieurs personnes.
Le CEE a conclu que le comité de déontologie avait accepté à juste titre l'opinion d'une membre de la GRC sur les répercussions de l'arrêt McNeil. Il a conclu que les témoins ordinaires peuvent présenter leurs observations en tant qu'opinions lorsqu'ils ne font que donner un énoncé concis des faits et s'ils sont mieux placés que le juge des faits pour se former une opinion.
Le CEE a conclu que la conclusion du comité de déontologie selon laquelle l'inconduite n'était pas un acte isolé ne constituait pas une remise en cause abusive de la conclusion du juge de la cour provinciale. La question soumise au comité de déontologie n'était pas la même que celle présentée au juge de la cour provinciale.
Enfin, le CEE a conclu que le comité de déontologie n'avait pas commis d'erreur dans son appréciation des circonstances atténuantes et aggravantes. Les conclusions du comité de déontologie sur ces questions étaient toutes étayées par le dossier. Bien que le comité de déontologie ait fait état d'une condamnation « au criminel », cette erreur n'était pas déterminante en l'espèce et des éléments de preuve montraient qu'il savait que l'appelant n'avait pas été reconnu coupable d'une infraction criminelle.
Recommandation du CEE
Le CEE a recommandé que l'appel soit rejeté.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 5 mai 2021
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
L'appelant a interjeté appel des mesures disciplinaires imposées par le comité de déontologie de la GRC, qui avait conclu que deux allégations de conduite déshonorante avaient été établies et ordonné à l'appelant de démissionner dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié. L'appelant soutient que la procédure était inéquitable sur le plan procédural puisqu'il n'avait pas eu de possibilité raisonnable de s'expliquer. Il ajoute que le comité de déontologie a commis une erreur en concluant qu'il avait commis une fraude étalée sur une longue période et en rejetant son témoignage selon lequel il avait agi impulsivement, ce qui a mené le comité de déontologie à conclure que sa [traduction] « tromperie délibérée révélait un "défaut de caractère fondamental qui le rendait inapte à continuer à travailler [à la GRC]" ». L'appelant fait valoir que le comité de déontologie a commis une erreur en concluant qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction criminelle qui [traduction] « illustr[ait] la gravité de l'inconduite », puisqu'il n'a pas de casier judiciaire étant donné qu'il a été reconnu coupable d'une infraction à une réglementation provinciale.
Je suis convaincu que le comité de déontologie a bien saisi la nature de la déclaration de culpabilité prononcée à l'issue de la procédure devant la cour provinciale. Dans l'application de la norme de la décision manifestement déraisonnable, il faut faire preuve d'une grande retenue envers le comité de déontologie sur la question des mesures disciplinaires appropriées. Bien que la décision ne soit pas parfaite, j'estime que l'appelant n'a pas établi que le comité de déontologie a commis des erreurs manifestes et déterminantes. Le comité de déontologie a agi dans les limites de sa compétence et, après avoir entendu et apprécié la preuve directement, a délibéré et rendu de vive voix d'abord, puis par écrit près de sept mois plus tard, une décision justifiable, transparente et intelligible. Je suis convaincu que le comité de déontologie a déterminé l'éventail des mesures disciplinaires appropriées, pris en compte les facteurs atténuants et aggravants pertinents et ordonné une peine qui n'est pas manifestement déraisonnable dans les circonstances.
Je rejette l'appel et confirme les mesures disciplinaires imposées par le comité de déontologie.