C-061 - Décision d'un comité de déontologie 

L’appelant était le sergent responsable d’un bloc cellulaire dans un détachement. Au printemps, lui et Mme X, une employée municipale du même détachement, ont commencé à s’envoyer des messages textes sur des sujets liés ou non au travail. Au cours des semaines suivantes, leurs messages textes ont pris une tournure sexuelle. En juin 2014, Mme X et l’appelant ont eu des rapports sexuels au travail alors qu’ils étaient tous deux en service. À la fin de l’été 2014, Mme X aurait dit à l’appelant d’arrêter de lui envoyer des messages textes et lui aurait indiqué qu’elle souhaitait mettre fin à leur relation.   

Le 10 octobre 2014, Mme X a rencontré l’appelant par hasard dans l’une des cages d’escalier du détachement, alors qu’il terminait son quart de travail et qu’elle se hâtait dans le détachement pour commencer le sien. Leur version des faits diffère, mais le fait essentiel est que Mme X a fait une fellation à l’appelant. Les deux s’entendent toutefois pour dire qu’ils ont subitement mis fin au rapport sexuel. Mme X s’est ensuite adressée à une de ses collègues et lui a raconté ce qui s’était passé. Le même jour, le supérieur et l’autorité disciplinaire ont été mis au fait de la situation. Une enquête a été ordonnée, et l’appelant a été arrêté pour agression sexuelle. La Couronne a décidé de ne pas porter d’accusations.

Les allégations ont été examinées dans le cadre d’une audience contestée. Toutefois, une [traduction] « détermination des faits établis » a été présentée au comité de déontologie initial lors d’une conférence préparatoire. Vu le délai écoulé entre la signification de l’avis d’audience et les dates où s’est tenue l’audience, le représentant des membres a présenté une requête en arrêt des procédures. Le comité de déontologie initial a rejeté la requête en indiquant que le délai était inacceptable, mais qu’il ne répondait pas au critère établissant qu’il y a abus de procédure. Toutefois, le délai [traduction] « pourrait » être pris en compte par le comité de déontologie plus tard au cours de la procédure. Entre-temps, le comité de déontologie initial a été remplacé par un autre comité de déontologie.  

Le comité de déontologie a conclu que les deux allégations avaient été établies. À l’étape des allégations, le comité de déontologie a déclaré qu’il n’avait pas à établir si l’appelant était en situation d’autorité par rapport à Mme X ou si le contact sexuel était non désiré, parce que l’acte consistant à avoir un contact sexuel au détachement pendant les heures de service était déshonorant en soi. Les questions de situation d’autorité et de consentement seraient traitées à l’étape des mesures disciplinaires. À l’étape des mesures disciplinaires, le comité de déontologie a conclu que l’appelant était en situation d’autorité par rapport à Mme X. Il a aussi conclu que Mme X était peut-être consentante au début, mais que les actes n’étaient plus consensuels à l’automne 2014. L’appelant a reçu l’ordre de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours suivant cet ordre, sans quoi il serait congédié.

L’appelant a fait appel de la décision du comité de déontologie et a soulevé les motifs d’appel suivants : a) le comité de déontologie n’a accordé aucune réparation pour une violation clairement établie de la Charte; b) il n’a pas appliqué les principes juridiques applicables à la norme de preuve requise pour établir le bien-fondé des allégations; c) il a passé sous silence des contradictions et des aspects problématiques du témoignage de Mme X de façon à la considérer comme un témoin plus crédible que l’appelant sur la question du consentement; d) il s’est fondé sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés aux étapes du fond et des mesures disciplinaires de l’audience.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que la question de savoir si les droits de l’appelant à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garantis par l’article 7 étaient en jeu n’était pas la même que celle de savoir si le délai en soi était déraisonnable. Pour conclure à une violation de la Charte, il doit y avoir des répercussions graves et profondes découlant d’une tension psychologique causée par l’État; ce délai ne justifie pas à lui seul un arrêt des procédures, mais s’il y a preuve d’un « préjudice important » découlant du délai, un arrêt des procédures peut être justifié. Le CEE a conclu que l’appelant n’avait pas établi que le comité de déontologie avait commis une erreur en accordant peu de poids au délai comme circonstance atténuante.

Quant au deuxième motif d’appel, le CEE a conclu qu’il n’existait aucune jurisprudence à l’appui du principe selon lequel les allégations devaient être prouvées [traduction] « telles qu’elles sont rédigées ». En outre, pour conclure qu’une allégation a été établie, tous les énoncés détaillés de celle-ci n’ont pas à être prouvés. Le CEE a conclu que le comité de déontologie n’avait pas commis d’erreur en concluant que les allégations avaient été établies sans se prononcer sur la question de savoir si l’appelant était en situation d’autorité par rapport à Mme X et si le contact sexuel était non désiré. Le comité de déontologie a expliqué que, puisque l’appelant avait admis avoir eu un contact sexuel au lieu de travail et avoir eu une relation inappropriée avec Mme X, ces éléments suffisaient à établir qu’il avait eu une conduite déshonorante.

En ce qui concerne l’appréciation de la crédibilité de Mme X par le comité de déontologie, le CEE a conclu qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable. Le comité de déontologie a expliqué les raisons pour lesquelles il a jugé la version des faits de Mme X plus plausible. Il était aussi conscient que son témoignage comportait certaines incohérences. Lorsqu’un juge de première instance démontre qu’il est conscient des incohérences dans le témoignage d’un témoin, mais qu’il conclut néanmoins que le témoin était crédible, la cour d’appel n’a aucune raison d’intervenir en l’absence d’erreur manifeste et dominante. 

Enfin, le CEE a conclu que l’appelant ne pouvait pas soulever de préoccupations quant aux documents d’une enquête antérieure. Ils ont été déposés à l’audience, et l’appelant n’a pris aucune position à leur égard ni n’a demandé que des témoins comparaissent devant le comité de déontologie. Quant à la relation entre la ville et la GRC, le CEE a conclu que le comité de déontologie ne pouvait pas prendre officiellement acte d’un effet négatif sur leur relation de travail, car aucune preuve à ce sujet n’avait été présentée à l’audience. Cela dit, le CEE a conclu que, lorsque la décision est examinée dans son ensemble, l’erreur ne semble pas assez grave pour justifier l’accueil de l’appel en soi. Le comité de déontologie a invoqué plusieurs circonstances aggravantes pour expliquer sa décision d’ordonner le congédiement de l’appelant.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé de rejeter l’appel.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 21 octobre 2022

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L’appelant a fait l’objet de deux allégations fondées sur l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC pour avoir eu une conduite déshonorante susceptible de discréditer la Gendarmerie. Il a été accusé d’avoir eu un contact sexuel non désiré à son initiative et d’avoir noué et entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle et teintée de flirt avec une gardienne de bloc cellulaire sur laquelle il exerçait une autorité en tant que sergent de bloc cellulaire.

L’appelant a contesté les deux allégations. Un comité de déontologie a conclu que les allégations avaient été établies et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi il serait congédié de la Gendarmerie. L’appelant a interjeté appel.

En appel, l’appelant a fait valoir que le comité de déontologie : n’avait accordé aucune réparation pour le délai effectivement déraisonnable lié à l’audience disciplinaire; avait commis une erreur en considérant des détails des allégations comme circonstances aggravantes plutôt que comme éléments essentiels; avait tiré des conclusions sur la crédibilité qui ne reposaient pas sur la preuve; et avait commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés. Par conséquent, l’appelant demandait à être réintégré dans ses fonctions.

L’appel a été renvoyé pour examen devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE). Le CEE a conclu que le comité de déontologie : n’avait pas commis d’erreur en refusant de considérer le délai déraisonnable comme une circonstance atténuante; n’avait pas contrevenu aux principes applicables d’équité procédurale; et n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable.

L’arbitre a conclu que la décision du comité de déontologie était étayée par le dossier, qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable et qu’elle ne contrevenait pas aux principes applicables d’équité procédurale. L’appel a été rejeté.

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