C-062 - Décision d'une autorité disciplinaire
L’appelant a abusé de son statut de membre de la GRC pour nouer une relation amoureuse avec une civile. Ce faisant, il a compromis par mégarde une enquête sur un homicide menée conjointement par la GRC et un service de police partenaire. La GRC a effectué une enquête en déontologie. L’intimé a examiné le dossier d’enquête et une lettre contenant les commentaires du conseiller en déontologie. Il a ensuite tenu une rencontre disciplinaire au cours de laquelle il a entendu les observations de l’appelant et discuté de celles-ci.
L’intimé a rendu une décision (la décision). Il a conclu que l’appelant avait abusé de sa position en contravention de l’article 3.2 du code de déontologie (allégation no 1). Il a aussi conclu que l’appelant avait jeté le discrédit sur la GRC en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie (allégation no 2). Il a ensuite ordonné l’imposition d’une réprimande écrite pour l’allégation no 1 et la confiscation de 40 heures de solde pour l’allégation no 2.
L’appelant a interjeté appel. Il soutenait avoir été privé d’un processus équitable. Selon lui, le conseiller en déontologie avait outrepassé son rôle et avait tranché lui-même l’affaire ou fait en sorte que l’intimé ait un parti pris. Il affirmait aussi que l’intimé n’avait pas bien expliqué comment les allégations avaient été établies ni pourquoi il s’était vu imposer une réprimande écrite et la confiscation de 40 heures de solde.
Conclusions du CEE
Le CEE a conclu que le processus disciplinaire n’était aucunement inéquitable. Le conseiller en déontologie avait respecté son rôle énoncé dans les textes officiels de la GRC en matière de déontologie. Sa lettre offrait des conseils sur la façon de comprendre et d’aborder l’affaire. Elle ne recommandait pas à l’intimé de prendre une décision précise. Elle ne l’incitait pas non plus à rendre une conclusion donnée. De plus, il ressortait clairement du dossier que l’intimé avait rédigé, signé et daté une décision dans laquelle il avait discuté des positions de l’appelant et fourni des motifs dans ses propres mots. Une personne raisonnablement bien renseignée, qui étudierait la présente affaire en profondeur, de façon réaliste et pratique, trouverait, selon toute vraisemblance, que l’intimé avait rendu une décision équitable.
Le CEE a aussi conclu que l’intimé avait expliqué comment l’appelant avait abusé de sa position et jeté le discrédit sur la GRC. La décision contenait des indications liant la preuve et les observations aux allégations et à l’inconduite, puis aux contraventions au code de déontologie. Ces indications auraient pu être meilleures. Toutefois, elles ne contenaient pas d’erreurs manifestes et comprenaient des motifs assez solides pour constituer une analyse défendable justifiant la décision.
En outre, le CEE a conclu que la décision laissait entendre pourquoi l’appelant s’était vu imposer une réprimande écrite pour avoir abusé de sa position (c.-à-d. l’allégation no 1). L’intimé a énoncé huit circonstances atténuantes liées à l’inconduite, mais une seule circonstance aggravante. Le nombre disproportionné de circonstances atténuantes semble avoir réduit la gravité de l’inconduite au point qu’une mesure disciplinaire simple suffisait.
Toutefois, le CEE a conclu que la confiscation de 40 heures de solde ordonnée par l’intimé était déraisonnable. Il en était ainsi uniquement parce que la décision ne contenait pas d’indications liant la conduite déshonorante de l’appelant (c.-à-d. l’allégation no 2) à l’ordre d’imposer cette mesure disciplinaire. L’appel devrait être accueilli en partie pour cette raison. En se fondant sur certains principes généraux tirés du Guide des mesures disciplinaires, le CEE a conclu que deux mesures disciplinaires devraient être imposées pour la conduite déshonorante. La première est la confiscation de 40 heures de solde. L’autre est l’obligation de réfléchir aux valeurs fondamentales de la GRC que sont l’honnêteté, l’intégrité et le professionnalisme.
Recommandations du CEE
Le CEE a recommandé que la commissaire accueille l’appel en partie uniquement parce que l’intimé n’a pas assez bien expliqué pourquoi il avait ordonné que l’appelant se voie confisquer 40 heures de solde pour avoir jeté le discrédit sur la GRC. Le CEE a recommandé aussi que deux mesures disciplinaires soient plutôt imposées à l’appelant pour cette inconduite. La première est la confiscation de 40 heures de solde, une mesure disciplinaire jugée appropriée après une analyse approfondie. L’autre est l’obligation de réfléchir aux valeurs fondamentales de la GRC que sont l’honnêteté, l’intégrité et le professionnalisme.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 10 janvier 2023
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
L’appelant devait répondre à deux allégations de contravention au code de déontologie, à savoir qu’il n’aurait pas agi avec intégrité, équité et impartialité et aurait abusé de son autorité, de son pouvoir ou de sa position en contravention de l’article 3.2 du code de déontologie (allégation no 1) et qu’il se serait comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie (allégation no 2). Les deux allégations découlaient d’une relation extraconjugale entretenue par l’appelant, au cours de laquelle il avait donné de faux renseignements sur son identité et sur ses fonctions à la GRC.
L’appelant a contesté les allégations. L’intimé a conclu que les deux allégations avaient été établies et a imposé une réprimande écrite pour l’allégation no 1 et la confiscation de 40 heures de solde pour l’allégation no 2. L’appelant a fait appel de la décision et des mesures disciplinaires.
En appel, l’appelant a fait valoir que la décision de l’intimé contrevenait aux principes applicables d’équité procédurale et était manifestement déraisonnable.
L’appel a été renvoyé pour examen devant le CEE. Le CEE a recommandé de rejeter l’appel interjeté contre les conclusions et d’accueillir l’appel interjeté contre les mesures disciplinaires au motif que l’intimé n’avait pas assez bien expliqué pourquoi il avait imposé la confiscation de 40 heures de solde. Le CEE a recommandé d’imposer la confiscation de 40 heures de solde, après une analyse approfondie, ainsi que l’obligation de réfléchir aux valeurs fondamentales de la GRC que sont l’honnêteté, l’intégrité et le professionnalisme.
L’arbitre saisi de l’appel en matière de déontologie a conclu que l’intimé avait rendu une décision manifestement déraisonnable en concluant que les allégations nos 1 et 2 avaient été établies, puisque ses motifs n’étaient pas assez détaillés et qu’il tenait l’appelant responsable de deux différentes contraventions au code de déontologie en se fondant sur les mêmes faits. L’arbitre a appliqué le principe de l’arrêt Kienapple.
Dans la nouvelle décision, l’arbitre a conclu que l’allégation no 2 avait été établie. Quant aux mesures disciplinaires, il a imposé une réprimande et la confiscation de 40 heures de solde, mais a rejeté la recommandation du CEE d’imposer l’obligation de réfléchir aux valeurs fondamentales de la GRC.