C-073 - Décision d'une autorité disciplinaire
L’appelant travaillait au détachement. Il devait répondre à sept allégations devant l’intimé. Trois allégations concernaient des manquements à l’article 5.1 du code de déontologie (recours excessif à la force) parce qu’il avait utilisé de l’aérosol capsique trois fois contre des personnes détenues au détachement. Trois autres allégations concernaient des manquements à l’article 8.1 (signalement d’activités) parce qu’il n’avait pas consigné l’utilisation de l’aérosol capsique à chaque occasion. Une dernière allégation concernait un manquement à l’article 3.3 (désobéissance à un ordre légitime) parce qu’il n’avait pas respecté les conditions de son ordonnance de suspension en prenant un congé personnel sans l’approbation requise d’un supérieur. L’intimé a conclu que deux des allégations concernant l’utilisation de l’aérosol capsique avaient été établies, de même que l’allégation relative au non-respect de l’ordonnance de suspension. Il a imposé des mesures disciplinaires, dont la confiscation de 40 jours de congé et de 2 jours de solde.
L’appelant a aussi été accusé au criminel devant une Cour de justice sous deux chefs d’agression armée se rapportant aux mêmes incidents liés à l’utilisation de l’aérosol capsique qui avaient été jugés établis lors de la procédure déontologique. L’un des chefs d’accusation a été suspendu, et l’appelant a été acquitté pour l’autre. Au procès criminel, l’expert de la Couronne était la même personne ayant rédigé un rapport d’expert pour la GRC lors de la procédure déontologique.
En appel devant le CEE, l’appelant a seulement fait appel de la décision de l’intimé relativement aux deux allégations concernant l’utilisation de l’aérosol capsique. Il a aussi présenté de nouveaux éléments de preuve et de nouvelles observations découlant du procès criminel. Il a notamment présenté une copie de la décision de la Cour de justice. Le CEE a structuré les arguments de l’appelant en six motifs d’appel :
- l’intimé a commis une erreur en concluant que la mise sous surveillance des détenus en raison d’un risque de suicide constituait une option viable;
- l’intimé n’a pas tenu compte des contradictions dans les rapports d’experts;
- l’intimé n’a pas tenu compte de l’incidence du non-respect du protocole sur le recours à la force;
- l’intimé a fait abstraction du fait qu’il y a eu non-respect de la politique de la GRC relative aux enquêtes externes sur les allégations criminelles portées contre des membres;
- l’intimé n’a pas accordé suffisamment d’importance aux liens qu’entretenait l’appelant avec la collectivité;
- le jugement de la Cour de justice confirme que la décision reposait sur des renseignements incomplets.
Conclusions du CEE
À titre préliminaire, le CEE a conclu que les nouveaux éléments de preuve étaient admissibles parce qu’ils répondaient aux critères établis dans l’arrêt Palmer c. La Reine, 1979, [1980] 1 RCS 759.
Quant aux six motifs d’appel, le CEE a d’abord conclu que la conclusion de l’intimé selon laquelle la mise sous surveillance des détenus en raison d’un risque de suicide constituait une option viable n’était pas « manifestement déraisonnable » parce que la politique en vigueur pendant la période en cause permettait aux gardiens d’entrer dans les cellules en cas d’urgence.
Deuxièmement, il a conclu que l’intimé avait tenu compte des deux rapports d’experts et qu’il avait traité de chacun d’entre eux. Il ressortait clairement des motifs de l’intimé qu’il avait tenu compte du dossier dont il disposait parce qu’il avait expliqué pourquoi il avait préféré l’un des rapports d’experts à l’autre.
Troisièmement, le CEE estimait que certains aspects de la procédure suivie laissaient à désirer, mais que l’appelant n’avait pas démontré comment ou dans quelle mesure la décision de l’intimé avait été influencée par le non-respect du protocole sur le recours à la force, notamment par le fait qu’un sergent d’état-major n’avait pas fait de commentaires à l’appelant concernant les gestes qu’il avait commis lors de l’un des incidents ni ne l’avait réprimandé pour ceux-ci.
Quatrièmement, pour ce qui est de l’argument selon lequel la GRC aurait dû faire appel à un tiers pour mener l’enquête, le CEE a conclu que l’appelant n’avait pas développé cet argument dans ses observations et qu’il était donc difficile d’établir en quoi l’intimé avait commis une erreur à cet égard, voire si la question lui avait été soumise lors de la rencontre disciplinaire.
Cinquièmement, le CEE a conclu que la réputation de l’appelant au sein de la collectivité et auprès du maire avait été considérée comme une circonstance atténuante par l’intimé dans la détermination des mesures disciplinaires qu’il convenait d’imposer.
Enfin, le CEE a conclu que, dans le cadre d’une procédure déontologique, ce qui compte est l’appréciation des faits pertinents par le décideur. Par conséquent, il était évident que l’intimé connaissait les facteurs qui n’avaient pas été pris en considération par l’expert de la Couronne au dire de la Cour de justice. Le CEE a ensuite soulevé la possibilité que la remise en cause des faits traités par la Cour de justice puisse constituer un abus de procédure. Il a conclu que la juge n’avait pas rendu de conclusions factuelles précises sur le caractère raisonnable de la force utilisée par l’appelant lors des incidents en cause et que les principes de l’abus de procédure énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P. n’empêchaient donc pas la remise en cause des faits dont l’intimé avait été saisi. Le CEE a établi une distinction entre la présente situation et ses conclusions et recommandations formulées dans le dossier C-2022-007 (C-070).
Recommandation du CEE
Le CEE recommande au commissaire de rejeter l’appel.