C-121 - Décision d'une autorité disciplinaire
Trois membres de la GRC ont reçu des captures d’écran provenant du compte Facebook de l’appelante, apparemment accessible au public. L’intimée soutenait donc que l’appelante avait eu une conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC (l’allégation). L’appelante a reconnu les faits reprochés dans l’allégation. L’intimée a alors conclu que l’allégation avait été établie. Elle a notamment expliqué qu’une personne raisonnable conclurait que la conduite de l’appelante pourrait nuire aux relations de la GRC avec le grand public, et plus particulièrement avec la communauté. Elle a ensuite ordonné l’imposition d’une mesure disciplinaire, à savoir la confiscation de trois jours de solde.
L’appelante a présenté quatre principaux arguments en appel. Premièrement, elle n’avait pas eu l’occasion de clarifier le contexte de sa conduite. Deuxièmement, l’intimée n’avait pas appliqué le critère servant à établir si sa conduite était déshonorante. Troisièmement, les motifs invoqués par l’intimée pour conclure que l’allégation avait été établie s’avéraient insuffisants. Quatrièmement, la mesure disciplinaire était trop sévère.
Conclusions du CEE
Le CEE s’est penché sur les quatre arguments.
Premièrement, l’appelante a eu l’occasion de clarifier le contexte de sa conduite et l’a saisie. Ses observations présentées à l’intimée comptaient 11 pages à simple interligne. Non seulement elle y exposait ses arguments juridiques, mais elle y expliquait aussi en détail comment son [traduction] « passé, ses expériences vécues et son éducation définiss[aient] son système de croyances et de pensées profondes ». Elle a aussi joint des lettres d’appui indiquant qu’elle était une excellente membre qui respectait la communauté. Si l’appelante avait souhaité fournir davantage de renseignements contextuels, elle aurait pu le faire dans ses observations présentées à l’intimée.
Deuxièmement, l’intimée a explicitement appliqué le critère de la personne raisonnable pour établir si la conduite était déshonorante.
Troisièmement, les motifs exposés dans la décision étaient utiles, mais ils ne répondaient pas valablement à deux des premiers arguments centraux de l’appelante. Par conséquent, la décision était manifestement déraisonnable. Conformément à l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, le CEE a recommandé de rendre comme suit les conclusions que l’intimée aurait dû rendre à l’égard de ces deux arguments passés sous silence.
Dans son premier argument, l’appelante faisait essentiellement valoir que la GRC l’avait placée dans une situation où elle avait été sanctionnée deux fois pour le même comportement, ce qui est contraire à la loi. Le CEE a rejeté cet argument. Il a recommandé de conclure que l’appelante s’était trouvée dans une situation où elle n’avait reçu qu’une seule sanction, à savoir la confiscation de trois jours de solde. Le supérieur de l’appelante lui avait déjà conseillé de supprimer le contenu offensant de son compte Facebook, mais il ne s’agissait pas d’une [traduction] « sanction ». De plus, son supérieur n’avait pas ordonné l’imposition de mesures disciplinaires proprement dites, n’avait pas imposé de mesures administratives, ni même rempli une fiche de rendement négative.
Dans son deuxième argument, l’appelante soutenait que la GRC avait violé les droits que lui garantissait l’article 8 de la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Le CEE a aussi rejeté cet argument. Il a conclu qu’il n’était pas possible d’effectuer une analyse fondée sur l’article 8 sans formuler bien des conjectures. L’appelante n’avait jamais précisé quels actes violaient ses droits, ni expliqué en quoi ils pouvaient constituer une fouille, une perquisition ou une saisie, ni montré comment il existait une quelconque attente au respect de sa vie privée. Même s’il avait été possible d’effectuer une analyse fondée sur l’article 8, il est difficile d’établir comment elle aurait pu entraîner l’exclusion d’éléments de preuve ou le rejet de l’allégation. L’appelante a reconnu les faits reprochés dans l’allégation ainsi que la conduite sous-jacente. De plus, une collègue avait obtenu par elle-même des éléments de preuve qui prouvaient amplement l’allégation.
Le CEE a ensuite fait siens les motifs de l’intimée et conclu que l’allégation avait été établie.
Enfin, l’appelante n’a pas démontré que la décision d’imposer la confiscation de trois jours de solde devait être modifiée.
Recommandation du CEE
Le CEE recommande d’accueillir l’appel conformément à l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC parce que les motifs invoqués par l’intimée pour conclure que l’allégation avait été établie ne répondaient pas valablement à deux des arguments centraux de l’appelante et qu’ils n’étaient donc pas suffisants. Toujours conformément à l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, le CEE recommande aussi de rendre les conclusions que l’intimée aurait dû rendre à l’égard des deux arguments de l’appelante passés sous silence, à savoir qu’ils ne sont pas convaincants et que l’allégation a été établie en fin de compte. Enfin, le CEE recommande de rejeter l’appel interjeté par l’appelante contre la mesure disciplinaire, conformément à l’alinéa 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC.