C-140 - Appels en matière de déontologie

L’appelant et un autre membre ont arrêté M. X, un suspect bien connu des policiers. Après avoir obtenu la permission d’entrer chez lui et de se changer, M. X a réussi à s’enfuir (l’incident). Plus tard dans la journée, l’appelant a envoyé un courriel aux membres affectés au prochain quart de travail pour les informer que M. X s’était [traduction] « échappé par la fenêtre et avait pris la fuite » (le courriel). Environ deux semaines plus tard, l’appelant a créé un dossier décrivant l’incident dans le Système d’incidents et de rapports de police (SIRP). Il a indiqué qu’il avait arrêté M. X et qu’il l’avait ensuite autorisé à entrer chez lui, après quoi ce dernier s’était enfui par une fenêtre. Après avoir examiné ces renseignements consignés dans le SIRP, un supérieur a rédigé un rapport de situation faisant part de ses préoccupations quant au signalement de l’incident. Il a expliqué que personne n’avait signalé l’incident à la Station de transmissions opérationnelles (STO) ou à son supérieur respectif ni créé de dossier concernant une « évasion d’une garde légale ». Plus tard, des membres ont retrouvé et détenu M. X.

L’intimé soutenait que l’appelant n’avait pas rendu compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de ses responsabilités et de l’exercice de ses fonctions, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie (l’allégation). Il a précisé que l’appelant n’avait pas signalé et consigné l’évasion d’une garde légale d’un suspect comme il se doit. À la suite d’une enquête et d’une rencontre disciplinaire, l’intimé a conclu que l’allégation avait été établie (la décision). Il a ensuite imposé une mesure disciplinaire, soit la confiscation de trois jours de solde.

L’appelant a fait valoir plusieurs arguments en appel, dont un qu’il semblait présenter pour la première fois. Toutefois, il n’a soulevé qu’une seule question déterminante : l’intimé a-t-il fourni des motifs suffisants à l’appui de la décision? Le CEE s’est concentré sur cette question. Il a traité des autres principales préoccupations de l’appelant lorsqu’il a exposé son point de vue sur la façon de trancher l’affaire. 

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu qu’il serait inapproprié d’examiner le nouvel argument de l’appelant en appel. L’appelant n’a pas soulevé cet argument (ni aucun point ou motif connexe) devant l’intimé, même s’il en avait eu connaissance avant que la décision soit rendue. Il n’a pas non plus invoqué de circonstances exceptionnelles qui l’auraient empêché de le soulever devant l’intimé.

Le CEE a ensuite conclu que la décision était manifestement déraisonnable parce que les motifs ne comprenaient pas d’analyse rationnelle ou défendable. Plus précisément, l’intimé a déterminé qu’il y avait eu contravention de l’article 8.1 du code de déontologie, bien qu’il ait conclu qu’il n’y avait pas eu intention de tromper et qu’il n’ait pas tenu compte de la question de savoir s’il y avait eu insouciance. Comme il ne pouvait y avoir contravention de l’article 8.1 sans élément de tromperie ou d’insouciance, les motifs étaient insuffisants.

Le CEE a conclu que le commissaire devrait accueillir l’appel pour cette raison et rendre la décision que l’intimé aurait dû rendre, en vertu de l’alinéa 45.16(2)b) de la Loi sur la GRC, à savoir que l’appelant avait contrevenu à l’article 8.1 du code de déontologie en négligeant, par insouciance, de rendre compte de l’incident en temps opportun, de manière exacte et détaillée. Même s’il possédait de l’expérience, qu’il était connu pour sa diligence et son sang-froid et qu’il était tenu de connaître les attentes en matière de signalement, l’appelant n’a pas informé la STO de l’incident, s’est abstenu de le signaler dans un dossier du SIRP ou dans tout autre dossier pendant environ deux semaines et n’a pas précisé dans le courriel que M. X avait été arrêté et s’était enfui. L’appelant a donc agi sans précaution ni préoccupation quant aux conséquences possibles de ses actes. Il a donc, par insouciance, négligé de rendre compte de l’incident en temps opportun, de manière exacte et détaillée, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie.

Enfin, le CEE a conclu que le commissaire devrait annuler la mesure disciplinaire imposée à l’appelant et en imposer une autre (quoiqu’elle ne soit pas nécessairement différente) en vertu du paragraphe 45.16(3) de la Loi sur la GRC. Une mesure disciplinaire convenable en l’espèce consistait en la confiscation de trois jours de solde, bien qu’elle repose sur une évaluation quelque peu différente de celle de l’intimé.

Recommandations du CEE

Le CEE recommande que le commissaire accueille l’appel interjeté contre la décision parce que les motifs de l’intimé sont insuffisants. Il recommande aussi que le commissaire rende la décision que l’intimé aurait dû rendre, à savoir que l’appelant avait contrevenu à l’article 8.1 du code de déontologie en négligeant, par insouciance, de rendre compte de l’incident en temps opportun, de manière exacte et détaillée. Enfin, le CEE recommande que le commissaire impose une mesure disciplinaire consistant en la confiscation de trois jours de solde.

Détails de la page

2025-11-12