D-056 - Décision d'un comité d'arbitrage

Un membre a été entraîneur de hockey à deux endroits où il était en poste pendant plusieurs années. À ce titre, il avait permis à des garçons qui faisaient partie de son équipe d'habiter chez lui, parce qu'ils vivaient dans la rue, parce que leur famille habitait trop loin pour que les garçons puissent assister aux séances d'entraînement ou parce que les parents des garçons ou les services sociaux le lui avaient demandé. D'autres joueurs de son équipe et des amis se présentaient à sa maison, pour le voir ou pour rendre visite aux jeunes qui y habitaient. Le membre a fait l'objet de quatre allégations de conduite scandaleuse jetant le discrédit sur la Gendarmerie. Deux allégations portaient sur une conduite s'étant produite pendant près de huit ans à deux postes différents, c'est-à-dire d'avoir permis la consommation d'alcool par des mineurs, d'avoir laissé à la disposition des mineurs qui habitaient chez lui ou qui lui rendaient visite du matériel pornographique, de s'être saoulé en présence de mineurs à son domicile et d'avoir pris part à des bagarres amicales au cours desquelles il avait parfois frappé du revers de la main les parties génitales des garçons. La troisième accusation portait sur le mauvais entreposage de son arme à feu. Lorsqu'il a été suspendu de ses fonctions, le membre a été raccompagné chez lui par son supérieur pour rendre son revolver. Selon les renseignements consignés, le revolver chargé du membre se trouvait sur le plancher de sa chambre à coucher. En quatrième lieu, le membre était également accusé d'avoir, alors qu'il était suspendu de ses fonctions en rapport à cette affaire, permis à deux mineurs qui lui rendaient visite de consommer de l'alcool à son domicile.

À l'audience devant le Comité d'arbitrage, le membre a reconnu les faits reprochés, et un exposé conjoint des faits a été déposé. L'exposé révélait que le membre avait déjà fait l'objet de mesures disciplinaires simples pour avoir permis, à une occasion précise, à des mineurs de consommer de l'alcool; une note avait également été consignée à son dossier de rendement parce qu'il avait, à une autre occasion encore, permis à des mineurs de consommer de l'alcool et de regarder des films pornographiques. Le Comité d'arbitrage a conclu que les quatre allégations avaient été prouvées. Quant à la peine, le membre a présenté en preuve plus d'une vingtaine de lettres provenant de parents, d'enseignants et d'autres membres de la collectivité le remerciant de sa participation à la vie communautaire et des efforts importants qu'il avait faits pour aider et encourager les jeunes dans leur éducation et leur participation sportive. Le membre a également déposé plusieurs évaluations de son rendement qui le décrivaient comme le membre le plus apprécié de son unité et comme un enquêteur très compétent et infatigable. Le membre a également témoigné.

Le Comité d'arbitrage a imposé un avertissement et une confiscation de solde de trois jours relativement à la troisième accusation, qui portait sur le mauvais entreposage du revolver de service. Le Comité d'arbitrage a étudié les trois autres allégations ensemble et a ordonné au membre de démissionner. Le Comité estimait que le membre, puisqu'on lui avait déjà reproché un comportement semblable, savait pertinemment que son comportement était inacceptable. Le Comité d'arbitrage ne croyait pas que le membre avait accepté la responsabilité de ses gestes ou qu'il était susceptible de changer. Le membre a interjeté appel de l'ordre de démissionner, alléguant que le Comité d'arbitrage avait commis plusieurs erreurs dans sa décision.

Le 14 mai 1998, le CEE a émis ses conclusions et recommandations. Le Comité externe est arrivé à la conclusion que le Comité d'arbitrage avait commis deux erreurs. Tout d'abord, il a commis une erreur parce qu'il a déterminé que le membre avait enfreint la loi provinciale applicable relativement aux boissons alcooliques en servant de telles boissons aux mineurs qui résidaient chez lui. Cette loi n'est pas enfreinte lorsqu'un adulte sert de l'alcool à un mineur sous sa responsabilité chez le mineur ou dans une autre résidence. Ensuite, bien que le Comité d'arbitrage ait signalé les réalisations du membre dans la collectivité, il n'a pas porté une attention suffisante à cet aspect et n'a pas reconnu le dévouement du membre à l'égard de son employeur et de sa collectivité comme une importante circonstance atténuante. Bien que la première erreur ait amené le Comité d'arbitrage à accorder une importance démesurée au fait que le membre ait servi de l'alcool aux mineurs qui résidaient sous son toit, le Comité externe a estimé que cette erreur n'était pas déterminante. Le membre avait tout de même enfreint la loi relative aux boissons alcooliques en permettant à des mineurs qui ne résidaient pas chez lui de consommer de l'alcool. De plus, sa conduite contrevenait au Code de déontologie et il savait, tout au long de la période visée par les allégations, que son employeur considérait que son comportement à l'égard de l'alcool était scandaleux.

La seconde erreur du Comité d'arbitrage était plus sérieuse. Le Comité externe a souligné, après avoir pris connaissance des lettres d'appui et des évaluations du rendement présentées en preuve, que le membre s'était grandement dévoué aux collectivités dans lesquelles il avait été détaché, que ce soit par ses services professionnels ou par son travail de bénévole. Bien que le membre doive être tenu responsable de certains actes qui constituent un comportement scandaleux, son dévouement et le bien évident qui en a découlé ne peuvent être mis de côté. Il demeure que le membre a choisi une profession réglementée en entrant dans les rangs de la Gendarmerie. Le Comité externe ne s'est pas tant préoccupé de la gravité des actes précis que du fait que le membre a sciemment décidé de ne pas modifier son comportement, même si l'employeur lui avait clairement fait savoir qu'un tel comportement n'était pas acceptable du point de vue éthique. Il faut reconnaître les réalisations du membre dans la collectivité, ce qui, par conséquent, atténue l'inconduite. Or, même si on examine son comportement d'une perspective moins stricte, il ressort que le membre n'était pas prêt à être régi par ses obligations déontologiques. Enfin, le Comité externe a estimé que les erreurs commises par le Comité d'arbitrage ne permettaient pas de douter de l'équité ou de la justesse des sanctions imposées. Le Comité externe a donc recommandé de rejeter l'appel.

Le 27 août 1998, le commissaire a rendu sa décision. Il a souscrit à la recommandation du Comité externe et a confirmé l'ordre de démissionner.

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