D-061 - Décision d'un comité d'arbitrage
On reprochait à l'appelant d'avoir modifié un dossier de la GRC, en contravention de l'article 43 du Code de déontologie. Il avait fabriqué un rapport d'enquête et des notes à l'appui. Il avait inscrit une fausse date sur ces documents. Son but était de remplacer un rapport qui avait disparu, sur lequel était fondé une partie d'un affidavit à l'appui d'une demande de mandat d'écoute électronique. Un de ses collègues, cité à témoigner dans le cadre d'une poursuite à l'encontre de la Gendarmerie dans laquelle le mandat était en cause, avait besoin de ce rapport pour préparer son témoignage.
L'appelant a admis l'allégation. Un énoncé conjoint des faits a été présenté au Comité d'arbitrage et les parties ont fait une suggestion commune quant à la peine, soit une confiscation de cinq jours de solde et un avertissement. Le Comité d'arbitrage a conclu que l'allégation était fondée, mais il n'a pas accepté la suggestion commune. Il a plutôt ordonné à l'appelant de démissionner. En appel, l'appelant se pourvoit à l'encontre de la décision à l'effet que l'allégation était fondée et à l'encontre de la peine. L'intimé consent au premier motif d'appel, mais laisse au commissaire le soin d'établir la peine appropriée.
Ce qui est en cause, en appel, est la façon dont le Comité d'arbitrage a procédé à l'audience sur la peine. Avant d'entendre les parties, il leur a demandé ce qu'elles entendaient proposer comme peine. Lorsqu'il a appris qu'elles lui recommandaient une confiscation de cinq jours de solde et un avertissement, le Comité d'arbitrage a affirmé vouloir entendre des témoins car il considérait que l'affaire était « très sérieuse ». Après un ajournement de quelques heures seulement, le représentant de l'appelant a fait témoigner le supérieur hiérarchique de l'appelant et l'appelant. Les représentants des parties ont ensuite plaidé sur le caractère raisonnable de leur suggestion commune.
Selon l'appelant, si le Comité d'arbitrage l'avait avisé qu'il contemplait rejeter la suggestion commune, il aurait pu demander la permission de retirer son admission, ce qui aurait entraîné une nouvelle audience sur l'allégation.
Conclusions du Comité externe
Le Comité externe ne souscrit pas à l'argument selon lequel la décision sur l'allégation devait être renversée. Le Comité d'arbitrage n'avait pas à permettre à l'appelant de retirer son admission parce qu'il rejetait la suggestion commune. L'appelant n'a pas démontré que son admission n'était pas libre et volontaire, ou qu'il avait maintenant une défense à faire valoir. Le Comité externe a conclu que la décision quant au fondement de l'allégation était valide.
Le Comité externe était cependant d'avis que des erreurs fondamentales ont été commises dans le cadre de l'audience sur la peine. Le Comité d'arbitrage devait clairement aviser les parties qu'il entendait rejeter leur suggestion et que la peine à laquelle s'exposait l'appelant pourrait être aussi sévère que l'ordre de démissionner. Les commentaires du Comité d'arbitrage étaient trop ambigus pour que les parties sachent à quoi s'en tenir et pour qu'elles fassent des représentations en conséquence. De plus, le Comité d'arbitrage devait donner l'occasion aux parties de se faire entendre quant à la peine qu'il considérait imposer. Pour ce faire, il devait ajourner l'audience d'au moins quelques semaines pour que les parties se préparent adéquatement. Le droit à une défense pleine et entière de l'appelant n'a pas été respecté. La peine doit donc être annulée.
Le Comité externe a procédé ensuite à la détermination de la peine appropriée, puisque la Loi sur la GRC ne prévoit pas la possibilité d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un Comité d'arbitrage si l'appel est accueilli uniquement par rapport à la peine. Le Comité externe a souligné que la détermination d'une peine inclut nécessairement le fait qu'il existe une recommandation conjointe des parties. Un tribunal n'est pas lié par une suggestion commune sur la peine. Cependant, à moins de conclure que la recommandation n'est pas raisonnable, une telle peine devrait être entérinée. Le Comité externe a donc examiné l'ensemble des circonstances de cette affaire et l'a comparée à d'autres causes disciplinaires. Il a conclu que l'appelant mérite d'être puni sévèrement, mais pas d'être renvoyé de la Gendarmerie.
Recommandation du Comité externe datée du 16 juin 1999
Selon le Comité externe, la confiscation de solde de 5 jours et l'avertissement suggéré par les parties est raisonnable et il y a lieu pour le commissaire d'entériner cette peine. Le Comité externe a donc recommandé d'accueillir l'appel quant à la peine et d'imposer la peine suggérée par les parties.
Décision du commissaire datée du 19 juillet 1999
Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire. Sa décision, telle que résumée par son personnel, est la suivante :
Le commissaire a souligné qu'il était d'accord avec les recommandations du Comité externe d'examen (« le CEE ») relatives au retrait de l'admission. Le commissaire a soutenu que le défaut du Comité d'arbitrage (« le Comité ») d'adhérer à la sanction proposée par les parties, dans un énoncé conjoint des faits, ne l'obligeait pas à permettre à l'appelant de retirer son admission quant à sa conduite. Le commissaire a donc rejeté l'appel sur le bien fondé de l'allégation. Quant à la sanction, plus précisément le renvoi, le commissaire a ordonné son annulation puisque le Comité n'avait pas permis à l'appelant de préparer et de faire des représentations adéquates. Aux termes de l'article 45.16 de la Loi sur la GRC, le commissaire devait déterminer une nouvelle sanction. Dans cette optique, il a considéré les précédents, la gravité de la conduite et le contexte dans lequel elle s'est produite. Le commissaire a souligné que le comportement de l'appelant avait terni la crédibilité de l'organisation face au système judiciaire et a imposé à l'appelant un avertissement et dix jours de confiscation de la solde.
Le commissaire a ensuite commenté la conduite du Comité dans cette affaire et a souligné le devoir des comités d'arbitrage d'agir suivant les règles de justice naturelles et de permettre aux parties d'être entendues et de se préparer adéquatement pour l'audience. Finalement, le commissaire n'a pas appuyé la recommandation du CEE relative à la formation d'un comité consultatif visant à déterminer la procédure afin de traiter les dossiers disciplinaires contenant des ententes. Il a soutenu qu'il appartenait aux arbitres de diriger les audiences disciplinaires, de manière efficace et efficiente, tout en demeurant dans les limites de la Loi.