D-076 - Décision d'un comité d'arbitrage

L'appelant avait remis à un auteur des documents confidentiels sur les stratégies employées par les services de police pour enquêter sur les Bandes de motards criminalisés (BMC). Par la suite, l'auteur a reproduit ces documents dans un livre qui accusait la GRC d'avoir recours à de « sales tours » afin d'obtenir du financement supplémentaire des gouvernements dans le but d'enquêter sur les BMC.

L'appelant était d'avis que la GRC aurait pu enquêter sur les BMC efficacement au moyen des budgets existants en redistribuant les ressources. Il avait initialement présenté sa proposition à son commandant divisionnaire, mais elle n'a pas été retenue. C'est alors qu'il s'est tourné vers l'auteur qui écrivait son livre sur les BMC. Il lui a communiqué des renseignements dans l'espoir qu'ils montrent que les services de police mettaient en danger le public et se livraient à des pratiques illicites par l'entremise des stratégies nationales et provinciales de lutte contre les BMC. En particulier, l'appelant critiquait un plan de communication conçu, selon lui, pour « effrayer le public afin qu'il contraigne le gouvernement à attribuer davantage de ressources [aux services de police] ». L'appelant a défendu ses gestes en prétendant qu'il les avait posés afin de mettre en évidence une préoccupation d'ordre public légitime. Il affirmait aussi que les documents qu'il avait communiqués ne révélaient pas de renseignements confidentiels, puisqu'ils ne traitaient pas des opérations policières et des activités de collecte de renseignements en cours.

Le comité d'arbitrage a conclu que, parce que l'appelant avait communiqué des renseignements reçus d'autres organismes d'application de la loi, « on constaterait les conséquences à un haut niveau au sein de l'organisme et, en particulier, dans la création de partenariats ». À l'audience sur la sanction, l'appelant a soutenu qu'il croyait agir par souci pour l'intérêt public et non pour gain personnel. Il a admis que la communication des documents représentait une erreur de jugement parce qu'il a cru à tort que l'auteur ne les publierait pas. Le comité a ordonné à l'appelant de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours parce que l'appelant n'avait pas prouvé qu'il était prêt à « épouser entièrement les valeurs de la Gendarmerie ».

L'appel était fondé sur trois motifs. En premier lieu, on a fait valoir que le comité d'arbitrage aurait dû rejeter l'action à cause de preuve d'abus de procédure par la Gendarmerie dans la façon dont elle a fait enquête sur l'affaire et parce qu'elle n'a pas communiqué à l'appelant tous les renseignements à temps. En deuxième lieu, on n'aurait pas dû conclure que les gestes de l'appelant constituaient des infractions au Code de déontologie. On allègue que le comité d'arbitrage n'aurait pas tenu compte « du besoin de transparence et de l'obligation de rendre compte au sein des services de police » et n'aurait pas considéré « la mauvaise réputation qu'ont les Bandes de motards criminalisés auprès des citoyens canadiens ». Enfin, la sanction que le comité a imposée est trop sévère et inéquitable compte tenu de la façon dont des inconduites semblables ont déjà été traitées et des facteurs atténuants dans les circonstances, y compris les difficultés personnelles et professionnelles qu'éprouvait l'appelant quand il a communiqué les documents.

Le 5 juin 2002, le CEE a émis ses conclusions et recommandations. Le comité d'arbitrage a judicieusement interprété et appliqué la jurisprudence pertinente à la question du recours abusif. Aussi imparfaite qu'elle ait pu être, la procédure n'a néanmoins pas porté préjudice à la possibilité qu'avait l'appelant de se défendre devant le comité. Les renseignements communiqués par l'appelant ne portaient pas sur une question d'ordre public. L'appelant a tiré des conclusions non corroborées à propos des stratégies liées aux BMC et adoptées aux niveaux national et provincial. Les documents qu'il a communiqués n'appuient pas son affirmation selon laquelle ces stratégies mettaient en danger la sécurité du public ou étaient illicites. Toute personne raisonnable dans une société démocratique n'accepterait pas que des membres de la GRC se comportent de la même façon que l'appelant en sachant à quel point les répercussions des gestes de l'appelant pourraient nuire à la collectivité. L'appelant a agi avec témérité. Il n'était pas soucieux de l'intérêt du public. Il a simplement été contrarié de ne pas avoir réussi à convaincre son commandant divisionnaire de mettre oeuvre la proposition qu'il lui avait présentée, visant à redistribuer les ressources. Quant à la sanction, puisque l'appelant a tenté, durant son témoignage, de justifier ses gestes par sa « passion pour la justice », il serait difficile de conclure que le comité ne disposait d'aucun motif pour en déduire que les tribulations personnelles et professionnelles de l'appelant n'ont pas eu une incidence sur sa conduite. Bien qu'il s'agissait de la première fois en 18 années qu'il faisait l'objet d'une mesure disciplinaire, que ses rapports d'évaluation du rendement n'ont jamais montré de lacunes dans son rendement ou de défauts de caractère, qu'il ait reçu deux promotions au cours des deux années précédant l'incident et obtenu d'excellents résultats dans la sélection régionale du programme des aspirants officiers, on ne peut pas s'attendre à ce que la Gendarmerie garde dans ses rangs un membre qui semble peu fiable et qui ne comprend que d'une façon limitée les obligations de loyauté. Le Comité a recommandé le rejet de l'appel.

Le 18 juin 2002, le commissaire a rendu sa décision, telle que résumée :

Le commissaire s'est dit d'accord avec les conclusions et recommandations du Comité externe d'examen et a rejeté l'appel.

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