D-078 - Décision d'un comité d'arbitrage

Le Comité d'arbitrage a ordonné à l'appelant de démissionner de la GRC pour avoir effectué des consultations non autorisées d'une banque de données électronique intitulée Centre d'information de la police canadienne (CIPC) concernant trois membres d'une bande criminalisée connue sous le nom de Dope Squad. À l'audience quant à la peine, le Comité d'arbitrage a permis à l'officier compétent de mettre en preuve le fait que le soir où ont eu lieu les plus récentes consultations du CIPC, l'appelant a téléphoné un des individus sur qui avaient porté ces consultations. Le Comité d'arbitrage a également accepté de recevoir de la preuve concernant des consultations que l'appelant a effectuées le lendemain d'une banque de données interne à la GRC intitulée Système de récupération des renseignements judiciaires (SRRJ) qui contient des renseignements sur les enquêtes criminelles. Cette preuve a permis au Comité d'arbitrage de conclure que le but poursuivi par l'appelant en consultant le CIPC était d'aider les membres de Dope Squad à déjouer les efforts de la police d'en savoir davantage sur leur implication dans le meurtre d'un membre d'une bande rivale. Cette conclusion n'allait pas dans le même sens que le témoignage de l'appelant, qui a soutenu avoir agi uniquement par curiosité, car il avait connu les membres de Dope Squad dans son adolescence avant que ce groupe ne devienne une bande criminelle, et qui a soutenu ne leur avoir rien divulgué des renseignements que le CIPC contenait à leur sujet. L'appelant a indiqué que la GRC lui a permis de continuer d'accéder au CIPC pendant cinq mois après avoir entrepris son enquête sur ses agissements. On lui a également permis de continuer de travailler pendant deux ans et ce, même après lui avoir signifié l'avis d'audience. Ce n'est que deux mois avant l'audience du Comité d'arbitrage que l'appelant a été suspendu de ses fonctions et informé que l'officier compétent n'avait plus confiance en lui. L'appelant a dit regretter que ses consultations non autorisées du CIPC aient causé de l'embarras pour la GRC. Dans sa décision, le Comité d'arbitrage s'est dit d'avis que l'enquête avait été « apparemment mal faite » et a reproché à l'officier compétent son « absence de diligence et de congruité ». Néanmoins, il a décrit la perte de confiance de l'officier compétent à l'endroit de l'appelant comme étant un facteur aggravant. Par ailleurs, il a reproché à l'appelant de ne pas avoir démontré qu'il regrettait ce qu'il avait fait et était disposé à faire le nécessaire pour rétablir le lien de confiance avec son employeur.

L'appel concerne uniquement la décision quant à la peine et s'appuie sur quatre arguments: (1) le Comité d'arbitrage a commis une erreur en droit en permettant à l'officier compétent de mettre en preuve des faits collatéraux; (2) le Comité d'arbitrage a fait une évaluation manifestement déraisonnable de la preuve en concluant que l'appelant avait informé un membre de Dope Squad que le groupe était surveillé par la police; (3) la déclaration de l'officier compétent selon laquelle il avait perdu confiance en l'appelant n'aurait pas du être retenue par le Comité d'arbitrage comme facteur aggravant; et (4) la conclusion du Comité d'arbitrage à l'effet que l'appelant n'avait pas démontré qu'il regrettait ses gestes et serait en mesure de rétablir le lien de confiance avec l'employeur était fondée sur une interprétation erronée de la preuve.

Conclusions du Comité externe

Il n'y a pas de contradiction dans la position adoptée par le Comité d'arbitrage à l'effet que la preuve des entretiens téléphoniques entre l'appelant et un des membres de Dope Squad et celle de ses consultations du SRRJ était inadmissible lors de l'audience quant aux allégations mais admissible à l'audience quant à la peine, car les deux audiences servaient à des fins complètement différentes. Le but de l'audience quant aux allégations était d'établir si l'appelant avait effectué des consultations non autorisées du CIPC et, le cas échéant, si ces consultations étaient susceptibles de jeter le discrédit sur la GRC, sans égard aux motifs pour lesquels l'appelant les avait effectuées et sans égard à l'utilisation que l'appelant aurait pu faire des renseignements que ces consultations lui ont permis d'apprendre. Le but de l'audience quant à la peine, cependant, était de permettre au Comité d'arbitrage d'évaluer la gravité du comportement reproché à l'appelant, ce qui veut dire qu'il devait pouvoir identifier l'ensemble des facteurs aggravants et atténuants. Il ne pouvait espérer le faire à moins de savoir pourquoi l'appelant avait consulté le CIPC et ce qu'il avait fait des renseignements que ces consultations lui ont permis d'apprendre. Le Comité d'arbitrage n'avait pas d'autre choix que de se pencher sur ces questions malgré que l'avis d'audience n'abordait pas les motifs pour lesquels l'appelant avait agi, ni les conséquences de ses gestes. L'effet préjudiciable de la preuve des faits collatéraux n'était pas plus important que sa valeur probante, qui était très élevée étant donné que si peu de temps s'était écoulé entre les consultations du CIPC, les entretiens téléphoniques avec un des membres de Dope Squad et les consultations du SRRJ.

L'affirmation de l'officier compétent, qu'au moment de l'audience du Comité d'arbitrage, à l'effet qu'il n'avait plus confiance en l'appelant, ne semble pas avoir été un facteur aussi important dans la décision du Comité d'arbitrage d'ordonner à l'appelant de démissionner que l'a été la conclusion à l'effet que l'appelant avait commis un bris de confiance. Il s'agissait cependant d'une considération pertinente à indiquer comme facteur aggravant tout comme il était pertinent de la part du Comité d'arbitrage d'avoir décrit comme facteur atténuant le temps qu'on a mis avant de sévir contre l'appelant. De toute façon, le temps que l'intimé a mis avant de suspendre l'appelant de ses fonctions n'aurait pas pu permettre au Comité d'arbitrage d'imposer une peine moins sévère devant un aussi sérieux bris de confiance.

C'est également pour cela que la question de savoir si l'appelant regrette vraiment ce qu'il a fait n'est pas un facteur qui aurait pu avoir un effet sur la décision quant à la peine. Ce qu'il a fait ne peut être qualifié de simple erreur de jugement, parce qu'il a démontré qu'il attachait plus d'importance à faire preuve de loyauté à l'endroit d'un ami que d'aider un collègue d'un autre corps policier dans son enquête sur un crime sérieux.

Recommandation du Comité externe datée le 17 décembre 2002

L'appel devrait être rejeté.

Décision du commissaire datée le 31 janvier 2003

Le commissaire était tout à fait d'accord avec la décision du comité d'arbitrage et les conclusions et recommandations du Comité externe d'examen. Il considère que la faute grave commise par ce membre rompt le lien de confiance au coeur même de la relation employé-employeur. Le membre a refusé de se conformer aux valeurs fondamentales de la GRC et n'a pas manifesté de véritables remords, ni la volonté à faire ce qui est nécessaire pour restaurer le lien de confiance avec l'organisation. Le commissaire a rejeté l'appel et a ordonné au membre de démissionner dans les quatorze jours suivants, à défaut de quoi, il serait congédié.

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2023-02-27