D-080 - Décision d'un comité d'arbitrage

Il est allégué que l'appelant a braqué son arme de service sur un collègue (le « plaignant ») dans une aire fermée du bâtiment qui abrite le détachement. D'autres allégations portent sur l'utilisation, par l'appelant, du système de courrier électronique de la GRC, ainsi que d'un téléphone cellulaire et d'un véhicule appartenant à la GRC pour entretenir des rapports intimes avec une employée du détachement. Il est également allégué que l'appelant a interrompu à cinq reprises ses fonctions de patrouilleur afin d'aller rejoindre cette employée et d'avoir des relations sexuelles avec elle. L'appelant a confirmé toutes ces allégations. Lors de l'audience sur la sanction, le principal point en litige consistait à déterminer si l'appelant avait braqué son arme de service sur le plaignant parce que ce dernier avait dit à un collègue qu'il soupçonnait l'appelant d'entretenir une relation adultère avec une employée. L'appelant a déclaré que ce n'était pas le cas, mais a admis que les commentaires du plaignant l'avaient préoccupé et qu'il lui en avait parlé plus tôt dans la journée. Pour sa part, l'appelant a soutenu que, au moment où il se dirigeait vers l'entrée est du détachement à la fin de son quart, son arme de service déjà déchargée à la main, un grand bruit causé par l'ouverture soudaine de la porte l'avait fait sursauter. Instinctivement, il a pointé son arme en direction de la porte avant de se rendre compte que la personne qui entrait dans le bâtiment était le plaignant. L'appelant a insisté pour dire que, dès qu'il a aperçu le plaignant, il a baissé son arme; il ne l'a donc braquée sur le plaignant que pendant une seconde, tout au plus. Toutefois, le plaignant a témoigné que l'appelant se trouvait derrière la porte lorsqu'il l'a ouverte et que ce n'est qu'en sa présence qu'il a sorti son pistolet chargé de son étui et qu'il l'a braqué sur son nez à une distance de 8 à 10 pouces pendant environ 5 secondes. L'appelant et le plaignant ont tous deux convenu qu'ils ne s'étaient pas échangé une seule parole pendant cet incident. Le plaignant n'a parlé à personne de l'incident pendant quatre jours avant de se décider à en glisser un mot au commandant de son détachement. Il a expliqué son silence par le fait qu'il avait tenté de comprendre pourquoi l'incident s'était produit. Entre temps, l'appelant a parlé à plusieurs de ses collègues de l'incident. Un d'entre eux a déclaré que l'appelant avait fait le commentaire suivant lorsqu'il a décrit la réaction du plaignant : « Vous auriez dû voir l'expression sur son visage. » L'appelant et le plaignant se sont rencontrés au domicile du commandant du détachement, à la demande de ce dernier, une semaine après l'incident, dans le but d'apaiser les préoccupations du plaignant sur toute cette affaire. Le plaignant a déclaré que la rencontre avait été très pénible parce que l'appelant avait refusé de s'excuser et de reconnaître ses torts. Cette déclaration a été réfutée tant par l'appelant que par le commandant du détachement. Le plaignant a insisté pour dire que, dans les jours suivants, il avait demandé à plusieurs reprises au commandant du détachement de lancer une enquête, mais que ce dernier n'avait rien voulu entendre. Pour sa part, le commandant a soutenu que le plaignant avait attendu plusieurs semaines avant de lui faire savoir qu'il n'était pas satisfait du résultat de la rencontre. Le commandant a demandé au plaignant de présenter une déclaration écrite au sujet de l'incident afin de pouvoir instituer une enquête, mais le plaignant est revenu le voir dans la journée pour lui dire qu'il ne souhaitait plus la tenue d'une enquête. Trois mois plus tard, le plaignant a été muté à un poste isolé dans le nord de la province. Ce n'est que trois mois après sa mutation qu'il a rédigé une déclaration dans laquelle il s'est plaint de l'incident et de la manière avec laquelle le commandant du détachement avait géré la situation. Dans le cadre de l'enquête menée par la Gendarmerie au sujet de cette plainte, l'appelant a déclaré à l'enquêteur que l'incident devait être interprété comme une blague. Toutefois, lors de son témoignage devant le comité d'arbitrage, l'appelant a admis que son explication avait été fausse, mais qu'il croyait à l'époque que cela éviterait que l'incident prenne de l'ampleur.

Le comité d'arbitrage a rejeté la déclaration de l'appelant pour expliquer l'incident et a conclu qu'il était « prêt à dire ce qu'il fallait pour ne pas voir disparaître ses perspectives d'emploi au sein de la GRC. » Il a conclu que l'incident avait été causé par les commentaires du plaignant voulant que l'appelant ait une relation amoureuse avec une employée. Il a aussi conclu que le témoignage du plaignant avait été crédible dans l'ensemble et que ce dernier avait attendu quatre jours avant de parler de l'incident au commandant de son détachement parce qu'il était en état de choc ou éprouvait de la peur. Le comité d'arbitrage a ordonné à l'appelant de démissionner de la Gendarmerie parce qu'il était incapable d'assumer la responsabilité de ses agissements. Il était donc impossible de contempler la réhabilitation de l'appelant.

L'appelant a soutenu que le comité d'arbitrage avait omis de tenir compte de modifications apportées à l'avis d'audience. Ces modifications donnaient les éclaircissements suivants : l'appelant avait seulement interrompu ses fonctions de patrouilleur; il n'avait pas quitté son secteur de patrouille pour avoir des relations sexuelles avec une employée. En outre, dans son évaluation de la crédibilité du plaignant, le comité d'arbitrage ne s'est pas penché sur les contradictions qui existaient avec les témoignages d'autres personnes. La sanction imposée par le comité d'arbitrage est jugée excessive par l'appelant comparativement à des décisions prises dans des cas semblables d'inconduite.

Conclusions du Comité

Dans sa décision écrite, le comité d'arbitrage explique clairement que les motifs à l'appui des conclusions relatives aux allégations tiennent compte des modifications approuvées à l'avis d'audience. Cependant, la décision concernant la sanction était fondée sur une évaluation erronée de la crédibilité du plaignant. Comme il n'avait pas en main des éléments de preuve clairs et convaincants qui auraient appuyé la version des faits présentée par le plaignant, le comité d'arbitrage n'a pas pu conclure que l'incident soulevait des préoccupations sur le plan de la sécurité. Le comité d'arbitrage aurait pu être justifié de rejeter les allégations de l'appelant quant à ce qui l'avait amené à braquer son arme de service sur le plaignant, mais il est fort probable que son geste découlait d'une réaction impulsive très brève, plutôt que d'une tentative délibérée de menacer ou d'intimider le plaignant. La conclusion voulant que le plaignant ait été en état de choc ou ait éprouvé de la peur ne concorde pas avec son témoignage. Au contraire, sa réaction tardive à l'incident révèle que celui-ci avait été beaucoup moins dramatique que ce qu'il avait prétendu. Le fait que l'appelant refuse d'admettre qu'il avait été guidé dans son geste par la colère qu'il éprouvait à l'endroit du plaignant n'était pas suffisant pour que le comité d'arbitrage conclue que l'appelant pourrait avoir recours à la violence à l'avenir en périodes de stress ou de difficultés personnelles. En soi, l'incident ne semble pas refléter un potentiel de violence, et il faut aussi tenir compte du fait que l'appelant ne s'était jamais fait imposer de mesures disciplinaires auparavant.

Recommandation du Comité datée du 1er mai 2003

L'appel concernant la conclusion du comité d'arbitrage au sujet des allégations d'inconduite devrait être rejeté. Toutefois, l'appel concernant la décision du comité d'arbitrage sur la sanction devrait être accueilli. L'appelant devrait être réprimandé et voir sa solde être confisquée pour une période de dix jours.

Décision du commissaire datée du 10 juillet 2003

Le commissaire a rejeté l'appel concernant la sanction. Il s'est dit en désaccord avec la recommandation du Comité d'imposer la confiscation de 10 jours de solde. Il a indiqué qu'il n'était pas prêt à renverser la décision du comité d'arbitrage, puisque les principales questions en cause portaient sur la crédibilité des témoins. Selon le commissaire, les membres du comité d'arbitrage étaient dans la meilleure position pour évaluer la crédibilité des témoins. Il a donc ordonné à l'appelant de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours.

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