D-088 - Décision d'un comité d'arbitrage

Le commandant a soutenu qu'à deux reprises au cours de la même soirée, le membre s'était comporté de façon scandaleuse et que, par conséquent, il avait enfreint le Code de déontologie de la GRC. Ce soir-là, le membre, qui n'était pas de service, donnait un coup de main à son épouse qui exploitait un bar. Un ex-employé du bar est entré dans l'établissement et s'est dirigé vers les toilettes. Le membre a suivi l'ex-employé dans les toilettes et l'a vu retirer une somme d'argent qui était dissimulée au-dessus d'une tuile au plafond. L'ex-employé a déclaré au membre qu'il allait se servir de cet argent pour acheter de la cocaïne. Le membre a rétorqué en ordonnant à l'ex-employé de quitter les lieux. Plusieurs minutes plus tard, le membre est retourné aux toilettes et y a récupéré deux billets de 20 $ laissés là par l'ex-employé. Il a soit remis l'argent à son épouse, soit placé celui-ci dans la caisse enregistreuse. Dans l'heure qui a suivi, plusieurs membres de la GRC qui recherchaient un suspect à la suite d'un vol à main armée qui venait d'avoir lieu tout près de là dans un dépanneur ont été conduits au bar par un chien pisteur. Ils ont indiqué au membre que le suspect était grand et mince. Le membre leur a répondu qu'il n'avait vu personne qui ressemblait au suspect dans le bar au cours de l'heure précédente. Par la suite, le membre a accompagné ses collègues pendant qu'ils vérifiaient les semelles des chaussures des clients du bar et qu'ils se rendaient dans un appartement situé à un étage supérieur. Au moment où ses collègues allaient quitter les lieux, le membre s'est approché d'eux et leur a indiqué qu'il venait tout juste de se souvenir que l'ex-employé était venu au bar et qu'il se pourrait qu'il soit le suspect en question. Il leur a également remis les deux billets de 20 $ qu'il avait récupérés. Le membre a aidé ses collègues à retrouver l'ex-employé, qui a ensuite été arrêté, accusé et reconnu coupable de vol à main armée. La première allégation d'inconduite découlait du fait que le membre aurait fermé les yeux sur un délit criminel qui aurait pu être commis par l'ex-employé. En effet, le membre aurait dû se douter que l'argent caché dans le plafond des toilettes avait probablement été volé. Pour ce qui est de la deuxième allégation, le membre n'aurait pas été honnête avec ses collègues lorsqu'il leur a dit au départ qu'aucune personne ressemblant au suspect ne s'était trouvé au bar. Interrogé par la Gendarmerie au sujet de ces événements, le membre a expliqué que l'ex-employé avait souvent un comportement bizarre, mais totalement innocent. C'est pourquoi il ne s'était pas posé plus de questions sur le fait que l'ex-employé cachait de l'argent dans les toilettes. Le membre a insisté pour dire qu'il avait oublié l'incident survenu dans les toilettes au moment où ses collègues sont arrivés au bar et que, par conséquent, il ne leur avait pas menti lorsqu'il leur avait dit que personne répondant à la description du suspect ne s'était présenté au bar. Il s'est souvenu de l'incident dans les toilettes lorsque son épouse lui en a parlé et il a réagi en faisant immédiatement part de cela à ses collègues. Selon le témoignage d'un spécialiste judiciaire dans le domaine des alcools, la mémoire et le jugement du membre auraient pu être affaiblis par la quantité d'alcool qu'il disait avoir consommée pendant la soirée. Certains membres qui avaient été présents sur les lieux ont témoigné que le membre en question ne semblait pas en état d'ébriété, tandis que d'autres ont déclaré le contraire.

Le comité d'arbitrage de la GRC devant lequel cette affaire a été entendue a conclu qu'aucune des allégations n'avait été prouvée. Le comité d'arbitrage s'est dit déçu du fait que le membre ne s'était pas inquiété outre mesure des gestes posés par l'ex-employé dans les toilettes; toutefois, il a accepté ses explications voulant que le comportement parfois excentrique de l'ex-employé ait exercé une influence sur sa réaction à l'incident. Le comité d'arbitrage a déclaré que le membre avait agi correctement avec les billets de 20 $ trouvés dans les toilettes étant donné qu'il ne savait pas à ce moment-là que l'argent avait été volé. Il a également accepté les explications du membre voulant qu'il ait oublié l'incident lorsque, plus tard, ses collègues lui ont posé des questions. Vu que les gestes posés par le membre n'étaient pas intentionnels, le comité d'arbitrage a conclu qu'ils ne pouvaient pas être considérés comme étant scandaleux. Il a admis que la consommation d'alcool et la grande fatigue découlant du travail par quart pouvaient avoir affaibli la mémoire et le jugement du membre.

L'appelant a soutenu que le comité d'arbitrage n'avait pas appliqué les bons critères pour déterminer si la conduite du membre avait été scandaleuse. Il a prétendu que, même si le membre n'avait pas tenté de tromper qui que ce soit, sa conduite était tout de même scandaleuse en raison de l'impression donnée aux autres membres et de la manière dont le grand public serait susceptible de percevoir ses gestes. Le comité d'arbitrage a aussi été critiqué pour avoir accordé beaucoup trop d'importance au témoignage concernant les conséquences de la consommation d'alcool et de la grande fatigue sur la mémoire et le jugement, car l'état d'ébriété du membre n'avait pas été établi clairement.

Conclusions du Comité externe

Même si les gestes du membre avaient pu être jugés scandaleux malgré qu'il n'ait pas voulu causer de torts, sa conduite ne pouvait être évaluée strictement sur la base des impressions que d'autres membres avaient eues de ses agissements. Le comité d'arbitrage était tenu de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris les explications du membre au sujet de ses gestes. Il était raisonnable que le comité d'arbitrage estime que ces explications étaient crédibles. Les preuves présentées au comité d'arbitrage ont établi que les agissements du membre pouvaient être attribuables à son inattention et à son mauvais jugement plutôt qu'à une absence d'éthique de sa part. Comme le membre a informé ses collègues au sujet de l'ex-employé dès qu'il s'est rendu compte qu'il pourrait s'agir du suspect dans le vol à main armée, la Gendarmerie n'aurait pas été justifiée d'imposer des mesures disciplinaires au membre. Il semble que le comité d'arbitrage savait pertinemment que la consommation d'alcool et un état de grande fatigue ne constituaient qu'une explication possible du comportement du membre; toutefois, les preuves à cet égard étaient peu convaincantes.

Recommandation du Comité externe datée du 30 juillet 2004

L'appel devrait être rejeté.

Décision du commissaire datée du 30 décembre 2004

Le commissaire était d'accord avec les conclusions et la recommandation du Comité externe et a rejeté l'appel.

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2023-02-27