D-089 - Décision d'un comité d'arbitrage

Un membre de la GRC aurait dit à une automobiliste qu'il avait arrêtée pour conduite avec facultés affaiblies qu'il faudrait qu'elle l'emmène manger au restaurant pour le remercier d'avoir été indulgent à son égard en suspendant son permis de conduire pour une période de 24 heures seulement. Plus tard, le membre aurait aussi appelé l'automobiliste pour tenter de lui fixer un rendez-vous au restaurant. Le membre a déclaré que les deux allégations étaient fausses et a soutenu que c'était plutôt l'automobiliste qui avait offert de l'emmener au restaurant s'il acceptait de ne pas suspendre son permis de conduire et de ne pas lui donner de contravention pour avoir tourné à gauche sur un feu rouge. La mère de l'automobiliste, qui était allée rejoindre sa fille sur les lieux pour récupérer son véhicule, a déclaré dans son témoignage que le membre lui avait dit que sa fille devrait l'emmener au restaurant parce qu'il avait été indulgent à son égard. Au sujet de cette conversation, le membre a déclaré qu'il avait simplement répété ce que l'automobiliste lui avait dit. Celle-ci a ensuite ri et confirmé que c'était bel et bien l'invitation qu'elle avait lancée au membre. Le membre a admis avoir appelé l'automobiliste plus tard, mais a insisté pour dire qu'il souhaitait simplement lui communiquer l'adresse du détachement pour qu'elle sache où aller afin de récupérer son permis. Le membre a mentionné plusieurs dates quant au moment où l'automobiliste pourrait faire cela, mais celle-ci a multiplié les explications pour dire que cela ne lui serait pas possible aux dates avancées. Dans son témoignage, la mère de l'automobiliste a déclaré qu'elle avait pu entendre ce que sa fille avait dit au membre et qu'elle avait eu clairement l'impression que sa fille tentait de repousser les avances du membre qui souhaitait l'inviter au restaurant. Plus tard pendant la nuit, l'automobiliste et sa mère ont discuté avec l'officier de service au détachement du membre en question et lui ont fait part de leurs allégations quant à ce qui s'était produit sur les lieux de l'incident et au contenu de la conversation téléphonique qui s'en était suivie. L'officier de service a ensuite appelé le membre, qui a nié ces allégations, mais il n'a pas expliqué que c'était en fait l'automobiliste qui avait lancé l'invitation au sujet d'une sortie au restaurant.

Le comité d'arbitrage de la GRC qui s'est penché sur l'affaire a conclu qu'aucune des allégations n'avait pu être prouvée. Il a déclaré qu'il existait au moins un doute raisonnable quant à la fiabilité des éléments de preuve avancés pour justifier les allégations et que, comme il savait que le commandant avait l'intention de demander le congédiement du membre de la Gendarmerie, il a conclu que le commandant ne s'était pas acquitté du fardeau de la preuve. Le témoignage de l'automobiliste n'a pas été jugé crédible parce qu'elle s'était contredite à plusieurs reprises et il a été établi qu'elle avait commis des erreurs dans sa description de certains faits. De plus, elle était en état d'ébriété au moment de l'incident et cela a peut-être nui à sa mémoire et à son jugement. Le témoignage de la mère de l'automobiliste a été jugé peu fiable parce que celle-ci n'avait pas vraiment une connaissance objective de la proposition de sortie au restaurant, et sa description de la conversation téléphonique aurait pu soutenir la version des faits soit du membre, soit de l'automobiliste. Le témoignage du membre a été jugé entièrement crédible. Cette évaluation était fondée sur le comportement du membre à l'audience, sa volonté de coopérer avec les responsables de l'enquête sur les allégations et le fait que le commandant lui avait permis de continuer à témoigner à des procès. Le commandant en a appelé de la décision du comité d'arbitrage.

Conclusions du Comité externe

Les commentaires du comité d'arbitrage au sujet de la norme de preuve étaient confus et plutôt inexacts. C'est la gravité de l'inconduite plutôt que la sanction souhaitée qui peut avoir une incidence sur la norme de preuve, mais il faut quand même prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités. Dans les faits, c'est la norme qu'a appliquée le comité d'arbitrage, car ses conclusions sur les allégations étaient fondées sur une évaluation des éléments de preuve qui ont montré que la version des faits présentée par le membre était entièrement crédible, tandis que la version contradictoire de l'automobiliste et de sa mère était peu fiable. Néanmoins, les motifs avancés pour justifier les décisions relatives à la crédibilité étaient déficients à bien des égards, ce qui a nui aux conclusions sur les allégations. Le comité d'arbitrage a commis une erreur en faisant reposer son évaluation du témoignage de l'automobiliste sur le fait qu'elle était en état d'ébriété et il a dégagé beaucoup trop de conclusions dans les contradictions et les erreurs de fait constatées dans son témoignage. Le comité d'arbitrage a également mal interprété le témoignage de la mère de l'automobiliste. Celle-ci en savait plus au sujet de l'invitation à manger que l'a cru le comité d'arbitrage étant donné que c'était le membre lui-même qui lui en avait parlé. Aussi, contrairement à ce qu'a déclaré le comité d'arbitrage, la description faite par la mère de l'automobiliste de la conversation téléphonique ne pouvait pas soutenir la version des faits présentée par le membre. Pour ce qui est de l'évaluation de la crédibilité du membre, le comité d'arbitrage a accordé beaucoup trop d'importance à son comportement lors de l'audience, mais certainement pas assez aux aspects de la preuve qui remettaient en question la crédibilité de sa version des faits, comme l'omission de sa part de parler à l'officier de service de l'invitation au restaurant lancée par l'automobiliste ou de consigner ce fait dans ses notes, et le fait que sa déclaration pendant l'enquête disciplinaire contredisait son témoignage devant le comité d'arbitrage, en particulier pour ce qui est de ce que l'automobiliste lui avait dit au téléphone. Il est particulièrement troublant de constater que le comité d'arbitrage a fondé son évaluation de la crédibilité du membre sur le fait qu'il avait été autorisé à continuer de témoigner à des procès. Cette observation n'était pas du tout pertinente, et le comité d'arbitrage en a tiré des conclusions injustifiées au sujet du niveau de confiance qu'accordait le commandant au membre. Par conséquent, une autre audience devrait être convoquée devant un comité d'arbitrage différent.

Recommandation du Comité externe datée le 30 septembre 2004

L'appel devrait être accueilli.

Décision du commissaire datée le 12 juillet 2005

Le commissaire a rendu sa décision, telle que résumée par son personnel :

Le 12 juillet 2005, le commissaire a confirmé la décision du comité d'arbitrage et a rejeté l'appel.

Le commissaire a souligné que le recours dont voulait se prévaloir l'appelant n'était pas un recours prévu par la Loi sur la GRC. Pour ce qui est du bon critère de preuve à appliquer, le commissaire, tout comme le comité externe, estimait que les conclusions du comité d'arbitrage au sujet des allégations étaient fondées sur les bons critères de preuve, c'est-à-dire la prépondérance des probabilités. C'est pourquoi le motif de l'appel a été jugé irrecevable.

Le commissaire a également examiné la question de l'importance à accorder aux conclusions du comité d'arbitrage au chapitre de la crédibilité. Le commissaire s'est fondé sur les récentes conclusions de la Cour fédérale et sur la nature factuelle de la question de la crédibilité pour statuer que la norme de la décision manifestement déraisonnable devrait s'appliquer en l'espèce. C'est pour cette raison qu'il n'avait pas l'intention d'infirmer la décision du comité d'arbitrage, estimant qu'il fallait accorder beaucoup d'importance aux conclusions du comité d'arbitrage. Le commissaire était d'avis qu'une audience devant un comité composé d'agents de police expérimentés, dont l'un d'entre eux avait une formation juridique, constituait un moyen approprié d'assurer le respect des normes élevées de conduite et de professionnalisme de l'organisation.

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