D-091 - Décision d'un comité d'arbitrage

Un Comité d'arbitrage de la GRC avait à se prononcer sur quatre allégations à l'effet qu'une membre civil aurait contrevenu au Code de déontologie. La première allégation concernait notamment une menace d'avoir recours à de l'aide d'individus impliqués dans le crime organisé pour faire subir des blessures à un individu à qui elle reprochait de l'avoir giflé. La deuxième allégation était que la membre avait harcelé son ex-amant en tenant à maintes reprises de communiquer avec lui après qu'il lui eut indiqué qu'il mettait un terme à leur relation et ne voulait plus avoir de contact avec elle. La troisième allégation portait sur la désobéissance à un ordre que la membre avait reçu de ne plus communiquer avec son ex-amant. Cet ordre avait été donné par un enquêteur de la GRC qui examinait alors une plainte présentée par l'ex-amant de la membre civile. La quatrième allégation était que la membre s'était absentée de son district d'affectation sans l'approbation de son gestionnaire, pendant qu'elle était en congé de maladie. Elle s'était alors rendue en Floride et a séjourné au même hôtel où se trouvait alors son ex-amant sans que celui-ci eut été averti qu'elle serait là. La membre a présenté une requête au Comité d'arbitrage pour qu'il ordonne l'arrêt des procédures. Ses principaux motifs furent que les allégations concernaient sa vie privée et ne mettaient pas en jeu des intérêts légitimes de la GRC, que l'enquête disciplinaire comportait de sérieuses irrégularités, telles que la destruction de notes d'entrevue, et que la GRC avait agi à l'encontre des avis de plusieurs médecins en allant de l'avant avec des procédures disciplinaires, aggravant ainsi l'état santé de la membre qui était déjà fragile. La requête a été rejetée. À l'audience concernant le bien-fondé des allégations, la membre a soutenu qu'elle n'a proféré quelque menace que ce soit. Le Comité d'arbitrage a conclu que la membre n'était pas crédible et il s'est notamment appuyé sur le témoignage d'un enquêteur de la GRC qui a indiqué que la membre lui avait avoué avoir fait des menaces. Quant à la deuxième allégation, le Comité d'arbitrage a conclu que la membre n'avait pas harcelé son ex-amant mais l'allégation était tout de même établie parce qu'il eut une occasion où la membre avait menacé son ex-amant de faire enquêter ses transactions immobilières par la GRC. La troisième et quatrième allégations ont été jugées mal fondées. Comme peine, le Comité d'arbitrage a imposé la confiscation de deux jours de solde pour la première allégation et un avertissement pour la deuxième allégation. L'appel interjeté par la membre portait notamment sur le refus du Comité d'arbitrage d'ordonner l'arrêt des procédures et l'évaluation de la crédibilité de la membre et de son ex-amant.

Conclusions du Comité externe

Le Comité d'arbitrage a bien interprété la jurisprudence qui prévoit qu'un arrêt des procédures ne saurait être justifié que lorsqu'on est en présence d'un comportement qui choque la conscience de la communauté. La tenue d'une enquête disciplinaire s'imposait lorsque la GRC fut informée que la membre aurait menacé de faire subir des blessures à un ami de son ex-amant car ce comportement était susceptible de jeter le discrédit sur la GRC. Il en est de même de l'information que la membre persistait, sans motifs valables, à vouloir communiquer avec son ex-amant après que celui-ci lui eut clairement signalé qu'il ne voulait plus avoir de contact avec elle. Les erreurs commises lors de l'enquête n'ont pas eu d'effet néfaste sur la capacité de la membre à se défendre contre les allégations. Bien que l'état de santé de la membre semble s'être aggravée parce qu'elle a fait l'objet d'une enquête disciplinaire et qu'on puisse considérer que sa condition médicale constitue une déficience mentale, cela ne signifie pas pour autant qu'il y a eu infraction aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés en allant de l'avant avec cette enquête et renvoyant l'affaire par la suite à un comité d'arbitrage. La déficience ne constituait pas nécessairement l'explication principale pour le comportement reproché et il serait donc normal que la membre fasse l'objet de mesures disciplinaires s'il était établi que le comportement reproché en était un qu'elle aurait pu contrôler. Quant à l'évaluation de la crédibilité des témoins, le Comité d'arbitrage n'a pas omis de considérer quelque élément important que ce soit de la preuve en se prononçant sur cette question. Le témoignage de l'ex-amant de la membre était suffisant en soi pour que le Comité d'arbitrage puisse conclure que la première allégation avait été établie. Il a aussi amplement justifié sa conclusion à l'effet que le témoignage de la membre n'était pas crédible. Par contre, la conclusion du Comité d'arbitrage à l'effet que la deuxième allégation fut établie est problématique étant donné qu'il a conclu que la plupart des événements décrits à l'appui de cette allégation ne constituaient pas un comportement scandaleux. Il a substitué sa propre allégation pour celle qu'avait préparé le commandant divisionnaire, ce qui contraire à l'esprit de la Loi sur la GRC.

Recommandation du Comité externe datée le 18 mars 2005

L'appel à l'encontre de la conclusion du Comité d'arbitrage quant au bien-fondé de la première allégation devrait être rejeté; l'appel à l'encontre de la conclusion quant au bien-fondé de la deuxième allégation devrait être accueilli.

Décision du commissaire datée le 13 avril 2006

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

En ce qui concerne la question de la recevabilité de nouvelles représentations déposées après le rapport du Comité externe, le Commissaire a décidé de ne pas tenir compte des observations écrites de l'appelante ni des objections de la représentante de l'intimé. Le Commissaire a également rejeté la requête pour ordonner l'arrêt des procédures car la preuve ne démontrait pas que le maintien des procédures avait préjudicié l'administration régulière de la justice. De plus, il n'y a eu aucune violation des droits et libertés de l'appelante.

Le Commissaire a ensuite rejeté l'argument que l'appelante fut privée de l'opportunité de présenter une défense pleine et entière du fait que certaines spécifications n'étaient pas incluses dans l'avis d'audience disciplinaire. Pour ce qui est de l'évaluation de la crédibilité des témoins, le Commissaire a accepté l'analyse de la crédibilité qu'a fait le Comité d'arbitrage et a ainsi rejeté ce motif d'appel. étant donné que le Comité d'arbitrage était en meilleure position pour évaluer la crédibilité des témoins, le Commissaire a accordé au Comité un haut degré de déférence.

Finalement, en ce qui concerne les conclusions du Comité d'arbitrage sur les allégations, le Commissaire est d'accord avec les conclusions et recommandations du Comité externe quant à la première allégation et ne voit aucune raison de renverser les conclusions du Comité d'arbitrage. Pour la deuxième allégation, le Commissaire a conclu que le Comité d'arbitrage avait une mauvaise perception du comportement jugé scandaleux et a donc accueilli l'appel de cette allégation, tel que recommandé par le Comité externe. Le Commissaire a réaffirmé la sanction du Comité d'arbitrage d'un avertissement et de la confiscation de deux jours de solde. De plus, il a appuyé la recommandation que l'appelante poursuive des soins professionnels selon les recommandations des Services de santé de la GRC pour s'assurer que l'état de santé de l'appelante ne l'empêche pas d'exécuter ses tâches au sein de l'organisation.

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