D-093 - Décision d'un comité d'arbitrage
Des programmes d'échange de fichiers poste à poste ont été installés sur l'ordinateur d'un gestionnaire dirigeant une section de technologie de l'information, ainsi que sur l'ordinateur de deux de ses subordonnés, et ce, en consultation avec le membre et avec son approbation. Les activités d'échange de fichiers ont accru de façon importante le volume de données transmises par Internet, à un point tel que la Gendarmerie a reçu une facture additionnelle de 12 000 $ pour ses services Internet. Lorsque son superviseur lui a parlé de la facture, le membre ne lui a pas mentionné l'utilisation de programmes d'échange de fichiers. Il a supprimé les programmes et modifié le registre informatique pour tenter de dissimuler l'utilisation des programmes. Toutefois, une enquête de la Gendarmerie a permis de constater cette utilisation, et des mesures disciplinaires ont été intentées contre le membre. Lors de l'audience devant le comité d'arbitrage de la GRC (le « comité d'arbitrage »), le membre a reconnu son inconduite et a présenté des excuses. Toutefois, il a insisté sur le fait qu'il n'aurait pas toléré l'utilisation de programmes d'échange de fichiers s'il avait su que cela entraînerait des coûts supplémentaires pour la Gendarmerie. Il a également précisé qu'il avait très peu utilisé ces programmes et qu'il n'était pas au courant que ses subordonnés téléchargeaient des films et offraient la possibilité de les télécharger à des utilisateurs ne faisant pas partie de la Gendarmerie. Il était impossible d'établir quel trafic Internet était attribuable à chaque ordinateur puisque le superviseur du membre avait négligé de remplacer un routeur défectueux. De plus, il était possible qu'une partie de l'augmentation soit attribuable à d'autres ordinateurs faisant partie du même réseau, mais la Gendarmerie n'a pas examiné ce fait dans le cadre de son enquête. L'installation d'un pare-feu aurait permis de prévenir le téléchargement des fichiers, mais le superviseur du membre estimait que le coût en était prohibitif. Le membre a expliqué avoir tenté de dissimuler ses activités parce qu'il était en état de choc. Toutefois, le comité d'arbitrage en a conclu qu'il n'avait pas été honnête et se fondait entre autres sur ce motif pour lui ordonner de présenter sa démission. Le comité d'arbitrage a également précisé que, en raison de son expertise en technologie de l'information, on s'attendait à ce que le membre fasse preuve d'un très haut degré d'intégrité et de rectitude dans le domaine de la protection des droits d'auteur, mais ses agissements ont démontré qu'on ne pouvait pas se fier à lui à ce chapitre. Le comité d'arbitrage a reconnu qu'il était impossible de déterminer avec exactitude dans quelle mesure le membre avait contribué à l'augmentation du trafic Internet, mais il a précisé que le membre avait une certaine part de responsabilité puisqu'il avait lui-même téléchargé des fichiers à l'aide des programmes d'échange de fichiers, notamment un progiciel graphique.
Le membre a soutenu, dans le cadre de son appel relatif à l'ordre de présenter sa démission, que le comité d'arbitrage avait mal interprété les faits et que lui-même avait été traité plus sévèrement que d'autres membres ayant fait preuve d'une inconduite semblable. Il a fait valoir que sa connaissance de la technologie de l'information n'aurait pas dû constituer un facteur aggravant, surtout puisqu'il avait des connaissances plutôt restreintes des programmes d'échange de fichiers poste à poste. Il estimait injuste d'être tenu responsable des activités liées aux ordinateurs de ses subordonnés, comme le téléchargement en aval et en amont de films, alors qu'il n'était même pas au courant de ces activités. De plus, selon lui, le comité d'arbitrage n'a pas suffisamment tenu compte de son explication - il craignait que lui et ses subordonnés perdent leur emploi et qu'il serait tenu de rembourser la facture de 12 000 $ - puisque le comité d'arbitrage a critiqué son manque d'honnêteté, dénoté par sa tentative de dissimuler les événements.
Conclusion du Comité externe
L'interprétation des faits par le comité d'arbitrage semble correcte et sa décision était fondée. Le membre était en situation de confiance, à titre de gestionnaire d'une section de technologie de l'information, et cette confiance a été complètement détruite par ses agissements. La jurisprudence selon laquelle des affaires semblables d'inconduite ont entraîné des sanctions moins graves ne s'applique pas en l'espèce parce que ces affaires ne mettaient pas en cause un gestionnaire à la tête d'une section de technologie de l'information. Le gestionnaire a choisi de fermer les yeux sur les activités qu'il savait être incorrectes; le fait qu'il ne se soit peut-être pas rendu compte des conséquences financières possibles pour la Gendarmerie n'est pas pertinent. L'abus de confiance a été aggravé par sa tentative de dissimulation des événements. Ses craintes, à ce moment, au sujet de la perte possible d'emplois et de l'obligation de rembourser la facture de 12 000 $ ne l'emportaient pas sur la responsabilité qu'il avait, à titre de gestionnaire, de faire preuve de leadership et de rendre des comptes. Le fait que son superviseur ait omis d'installer un pare-feu et de réparer un routeur défectueux n'est pas pertinent dans le cadre de la détermination d'une sanction appropriée. La gravité de l'inconduite du membre est la même, indépendamment de la mesure dans laquelle son utilisation des programmes d'échange de fichiers, et celle de ses subordonnés, ont contribué à augmenter le volume de transmission de données sur Internet.
Recommandation du Comité externe datée le 30 mars 2005
L'appel devrait être rejeté.
Décision du commissaire datée le 27 novembre 2005
Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :
[TRADUCTION] Le 27 novembre 2005, le commissaire a souscrit à une décision du comité d'arbitrage ainsi qu'aux recommandations du Comité externe d'examen en rejetant l'appel.
Dans le cadre de sa décision, le commissaire a non seulement tenu compte de l'inconduite de l'appelant, mais également de la façon dont il s'est comporté lorsque son inconduite a été mise au jour. Son comportement, c'est-à-dire la participation, le fait de fermer les yeux et la tromperie, a détruit la confiance qui existait entre lui et son employeur. L'appelant a trompé son employeur en lui fournissant des explications qu'il savait être mensongères, en manquant d'intégrité et en ne se comportant pas de façon responsable. La conduite de l'appelant allait tellement à l'encontre des valeurs fondamentales de la GRC, et ce, pendant une longue période, qu'il ne pouvait plus continuer à travailler au sein de l'organisation. Sa mise à pied représentait donc la seule sanction appropriée.
On a donc ordonné à l'appelant de donner sa démission de la GRC dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié.