D-108 - Décision d'un comité d'arbitrage

On reproche à l'appelant d'avoir commis cinq actes scandaleux distincts à l'encontre du paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 1988 (DORS/88-361) (le Règlement), ainsi qu'un acte de désobéissance à un ordre légitime à l'encontre de l'article 40 du Règlement. Les allégations sont résumées ci-dessous :

Allégation no 1 (mitaine) - En décembre 2002, l'appelant a crié après son ex-femme (gend. X) et son fiancé en utilisant un langage offensant, insultant et vulgaire à leur endroit, et il a lancé une paire de mitaines d'enfant sur son ex-femme, qui l'ont atteinte à la poitrine.

Allégation no 2 (bureau) - En février 2003, l'appelant a eu une altercation verbale avec son commandant de district (le CD) et un superviseur éventuel.

Allégation no 3 (désobéissance à un ordre) - En juillet 2003, le CD, sur recommandation du médecin-chef, a ordonné à l'appelant de participer à une séance de consultation sur la maîtrise de la colère avec un psychologue. L'appelant ne s'est pas présenté au rendez-vous.

Allégation no 4 (lave-auto) - à une occasion entre 1993 et 1996, alors qu'il se trouvait dans un lave-auto, l'appelant a frappé la gend. X à la jambe avec son poing fermé.

Allégation no 5 (arme à feu) - à une occasion entre 1993 et 1996, lors d'une dispute avec la gend. X à leur domicile, l'appelant a pointé son arme de service sur sa tête et a dit : « Si tu me détestes tant que ça, tire-moi dessus, tout de suite ».

Allégation no 6 (vacances) - à une occasion en 1998, l'appelant a saisi sa femme par le bras et a frappé son avant-bras environ quatre ou cinq fois.

Décision du comité d'arbitrage - Le comité d'arbitrage a indiqué que la question principale était la crédibilité et qu'il devait déterminer s'il fallait croire l'appelant ou les témoins de l'officier compétent (OC). Le comité d'arbitrage a conclu que l'appelant n'était pas crédible, que les témoins de l'OC étaient crédibles et que les six allégations avaient été établies.

En ce qui a trait à l'allégation de désobéissance à un ordre légitime, le comité d'arbitrage a conclu que même si la Gendarmerie a le pouvoir d'ordonner une évaluation, elle ne peut ordonner un traitement. Néanmoins, le comité d'arbitrage a déterminé que puisque le premier volet d'un traitement est une évaluation, l'ordre du CD concernant le traitement était légitime.

Le comité d'arbitrage a demandé à l'appelant de donner sa démission dans les quatorze jours suivants faute de quoi il serait congédié.

Motifs de l'appel - L'appelant a porté en appel les conclusions du comité d'arbitrage sur le bien-fondé des allégations 3, 4, 5 et 6. Il a également porté en appel la sanction imposée. Les motifs d'appel de l'appelant sont les suivants : le comité d'arbitrage a commis une erreur dans les évaluations de sa crédibilité; il a commis une erreur en concluant que l'ordre du CD était légitime; et il a commis une erreur en imposant une sanction déraisonnable, contraire aux principes d'équité et de parité.

Conclusions du CEE

Conclusions sur l'information supplémentaire présentée dans le cadre de l'appel

Après que le dossier a été renvoyé devant le CEE, l'appelant a déposé d'autres appels. Le CEE a noté que dans des circonstances exceptionnelles, le commissaire de la GRC peut prendre en considération des renseignements supplémentaires non présentés au moment de l'audience, mais seulement si tous les critères suivants sont respectés : il est dans l'intérêt de la justice de le faire; l'élément de preuve ne pouvait raisonnablement pas avoir été présenté à l'audience; l'élément de preuve s'applique à l'une des questions en cause; l'élément de preuve est crédible; et on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que l'élément de preuve, s'il est admis, ait influencé la décision du comité d'arbitrage.

Le CEE a conclu que la plupart des renseignements supplémentaires présentés en appel ne respectaient pas les critères établis. Le CEE a cependant conclu que les renseignements supplémentaires liés à la preuve appuyant les allégations selon lesquelles la gend. X et son fiancé ont menti sous serment, qui a été établie par un enquêteur indépendant, respectaient tous les critères ci-dessus.

Conclusions sur le bien-fondé des allégations

Allégation no 3 (désobéissance à un ordre)
Le CEE a conclu que l'ordre du CD était clair et qu'il a spécifiquement ordonné à l'appelant de participer à une séance de consultation. étant donné que la Gendarmerie n'a pas le pouvoir d'ordonner à un membre de se soumettre à du counselling, le Comité externe a conclu que l'ordre du CD n'était pas légitime.

Allégations nos 4, 5, 6 (lave-auto, arme à feu, vacances)
Compte tenu des renseignements supplémentaires présentés en appel concernant la crédibilité de la gend. X, le CEE a recommandé la tenue d'une nouvelle audience sur ces allégations.

Conclusions sur la sanction

Le CEE a conclu que même si le commissaire de la GRC détermine que les six allégations ont été établies, la sanction imposée était disproportionnée par rapport à l'inconduite. Le CEE a conclu que le comité d'arbitrage avait tiré des conclusions qui n'étaient pas fondées ni appuyées par les éléments figurant au dossier; avait commis une erreur en considérant que certains facteurs étaient aggravants; avait commis une erreur en prenant en considération les opinions de l'OC, bien que ce dernier n'ait pas témoigné; et avait commis une erreur en jugeant que l'appelant n'était pas apte à exercer ses fonctions. Le CEE a conclu que ces erreurs avaient mené le comité d'arbitrage à imposer une sanction disproportionnée.

Recommandations du CEE datées le 10 février 2009

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de tenir compte uniquement des renseignements supplémentaires présentés en appel ayant trait aux allégations selon lesquelles la gend. X et son fiancé ont menti sous serment.

Le CEE a recommandé au commissaire d'accueillir l'appel sur le fond, de conclure que l'allégation de désobéissance à un ordre légitime n'avait pas été établie et d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un comité d'arbitrage différemment constitué en ce qui a trait aux incidents liés au lave-auto, à l'arme à feu et aux vacances.

Le CEE a également recommandé au commissaire d'accueillir l'appel sur la sanction et d'imposer une réprimande et la confiscation de trois jours de solde pour l'incident concernant les mitaines, ainsi qu'une réprimande et la confiscation de trois jours de solde pour l'incident qui s'est produit au bureau. Si le commissaire a été en désaccord avec les recommandations du CEE au sujet du bien-fondé, le CEE a recommandé au commissaire de conclure que le comité d'arbitrage a commis des erreurs dans sa décision relative à la sanction.

Le CEE a recommandé en outre au commissaire de s'assurer que la GRC applique les recommandations formulées dans l'évaluation médicale spéciale de l'appelant effectuée en 2001.

Deuxième décision du commissaire de la GRC datée le 18 mars 2013

Le commissaire a rendu une dieuxième decision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Il s'agit d'une deuxième décision sur l'appel interjeté par l'appelant contre la peine imposée dans le cadre du processus applicable aux mesures disciplinaires graves.

Le 25 janvier 2013, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de l'appelant et annulé la décision rendue le 29 avril 2011 par Rod Knecht, commissaire par intérim, qui ordonnait à l'appelant de démissionner dans les quatorze jours suivants, faute de quoi il serait congédié de la Gendarmerie. La Cour a présenté deux options : 1) renvoyer les allégations nos 4, 5 et 6 devant un comité d'arbitrage différemment constitué; 2) réexaminer et modifier la décision du commissaire par intérim Knecht sur les peines relatives aux allégations nos 1 et 2.

Dans une décision rendue le 18 mars 2013, le commissaire a modifié les peines relatives aux allégations nos 1 et 2 seulement.

Il a indiqué que le commissaire par intérim Knecht avait conclu, dans sa décision rendue le 29 avril 2011, que l'allégation no 3 n'avait pas été établie étant donné que les Consignes du commissaire (Évaluations de santé) ne s'appliquaient pas à l'ordre qu'avait reçu l'appelant, puisqu'aucun texte officiel ne permettait à la GRC, en tant qu'employeur, d'ordonner à un membre de suivre une thérapie de maîtrise de la colère.

En ce qui concerne les allégations nos 4, 5 et 6, le commissaire a décidé de ne pas les renvoyer devant un comité d'arbitrage différemment constitué compte tenu du temps qui s'était écoulé.

Le commissaire n'a pas retenu la recommandation du CEE concernant les peines à imposer relativement aux allégations nos 1 et 2, puisqu'il était d'avis que trop peu d'importance avait été accordée à l'inconduite antérieure de l'appelant. Il a indiqué que le comportement inacceptable de l'appelant avait gravement nui à sa capacité à diriger et à servir d'exemple, et qu'il serait inapproprié qu'il poursuive sa carrière dans la Gendarmerie au grade qu'il détenait.

En guise de peine, le commissaire a rétrogradé l'appelant de caporal à gendarme, a recommandé sa mutation, a ordonné qu'il se soumette à une évaluation de santé et a recommandé qu'il suive une thérapie de maîtrise de la colère.

Décision du commissaire de la GRC datée le 29 avril 2011

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 29 avril 2011, le commissaire par intérim Knecht a rejeté l'appel et confirmé la peine imposée par le comité d'arbitrage.

Renseignements supplémentaires présentés en appel

Le commissaire par intérim s'est dit d'accord avec le CEE et a seulement tenu compte des renseignements liés aux allégations de l'appelant selon lesquelles la gendarme X et son fiancé avaient menti sous serment, car seule cette partie des arguments supplémentaires en appel répondait aux critères régissant l'admissibilité de nouveaux éléments de preuve.

Environ un an après que le CEE a présenté son rapport, l'intimé a fourni d'autres renseignements supplémentaires au commissaire. L'appelant s'y est d'abord opposé, mais il a ensuite présenté des arguments pour y répondre. Le commissaire par intérim a seulement admis les renseignements liés aux conclusions des enquêtes pour parjure visant la gendarme X et son fiancé, car ils venaient compléter les éléments de preuve examinés par le CEE à ce sujet.

Bien-fondé des allégations

Allégation no 3

Le commissaire par intérim a souscrit au point de vue du CEE selon lequel le comité d'arbitrage avait commis une erreur en concluant que l'ordre du chef de district était légitime et que l'allégation voulant que l'appelant avait désobéi à un ordre légitime était établie. Il a accueilli l'appel de l'appelant sur ce point.

Allégations nos 4, 5 et 6 (les incidents liés au lave-auto, à l'arme à feu et aux vacances)

Le commissaire par intérim considérait que le comité d'arbitrage avait tenu compte de l'ensemble des arguments et des éléments de preuve présentés en faveur de l'appelant. En outre, il ne croyait pas que le comité d'arbitrage avait commis une erreur manifeste ou déterminante dans son évaluation de la crédibilité de la gendarme X ou dans sa décision de privilégier la version des incidents de celle-ci plutôt que celle de l'appelant quant aux trois allégations. Après avoir examiné les nouveaux éléments de preuve de l'appelant concernant les allégations de parjure visant la gendarme X et son fiancé, ainsi que ceux de l'intimé concernant les conclusions des enquêtes criminelles sur les allégations de parjure, le commissaire par intérim est parvenu à la même conclusion que celle du comité d'arbitrage pour ce qui est de la crédibilité. Selon lui, le comité d'arbitrage n'aurait pas statué différemment sur la crédibilité de la gendarme X à la lumière des conclusions de l'enquête sur la plainte de parjure déposée par l'appelant à l'encontre de la gendarme. Le commissaire par intérim a souscrit aux conclusions du comité d'arbitrage selon lesquelles les trois allégations avaient été établies selon la prépondérance des probabilités. Compte tenu de ses conclusions concernant les nouveaux éléments de preuve des deux parties, il n'a pas ordonné la tenue d'une nouvelle audience pour faire la lumière sur les trois allégations, contrairement à ce que le CEE lui recommandait de faire.

Peine

Le commissaire par intérim n'a pas souscrit au point de vue du CEE selon lequel le comité d'arbitrage avait formulé des conclusions qui n'étaient pas fondées ni appuyées par la preuve au dossier, et qu'il avait commis une erreur en considérant que certains facteurs étaient aggravants.

De plus, le commissaire par intérim n'a pas souscrit à la conclusion du CEE selon laquelle le comité d'arbitrage avait commis une erreur en prenant en considération les opinions de l'OC, bien que ce dernier n'ait pas témoigné. Il a conclu que rien n'indiquait que les opinions de l'OC figuraient dans les éléments de preuve sans que celui-ci ait témoigné. Il estimait que le comité d'arbitrage avait déduit que l'OC n'avait pas confiance en l'appelant à la lumière de la peine qu'il réclamait.

Quant à la conclusion du CEE selon laquelle le comité d'arbitrage avait commis une erreur en jugeant que l'appelant n'était pas apte à exercer ses fonctions, le commissaire par intérim a statué que les préoccupations du comité d'arbitrage relativement au potentiel de réadaptation de l'appelant étaient bien étayées par la preuve au dossier, p. ex., l'élément de preuve montrant que l'appelant n'avait pas suivi la recommandation du comité d'arbitrage en 1999, ainsi que la déclaration du chef de district selon laquelle l'appelant n'était pas capable de maîtriser ses émotions en vue d'accomplir ses tâches quotidiennes.

Le commissaire par intérim a conclu que le comité d'arbitrage avait tenu compte de tous les éléments pertinents et qu'il avait rendu une conclusion raisonnable. Même s'il considérait que seulement cinq des six allégations contre l'appelant avaient été établies, il estimait néanmoins qu'il était raisonnable d'imposer une peine de congédiement compte tenu de tous les facteurs, y compris la gravité des inconduites, les mesures disciplinaires imposées par le passé, l'absence de remords sincères chez l'appelant, le fait que le chef de district n'avait pas confiance en l'appelant et qu'il ne pensait pas que l'appelant était à sa place à la GRC, le manque d'appui de la part de l'OC ainsi que le faible potentiel de réadaptation de l'appelant. Le commissaire par intérim a conclu que les facteurs aggravants du présent cas l'emportaient sur les facteurs atténuants. Par conséquent, il a rejeté l'appel du membre quant à la peine, et a confirmé la peine imposée par le comité d'arbitrage.

Le commissaire par intérim a ordonné à l'appelant de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié.

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