D-110 - Décision d'un comité d'arbitrage

L'appelante a déclaré avoir été sexuellement agressée par son conjoint. Elle s'est par la suite rétractée. Elle a plaidé coupable et elle a été reconnue coupable d'avoir donné un témoignage contradictoire au cours d'une procédure pénale. À la majorité, le comité d'arbitrage a statué que sa faute admise constituait un comportement scandaleux équivalant à une violation du Code de déontologie de la GRC. Il a conclu qu'elle a manifesté un manque d'engagement face aux diverses valeurs fondamentales de la Gendarmerie. Il était également d'avis que les facteurs atténuants étaient insuffisants pour annuler la gravité de l'inconduite, même s'il a admis qu'elle était atteinte du syndrome de la femme battue (SFB) au moment de la faute. Il lui a enjoint de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi elle serait congédiée. Selon un membre dissident du comité d'arbitrage, la preuve du SFB l'a empêché de conclure que l'appelante a délibérément fait des déclarations trompeuses. Il aurait imposé une sanction consistant en un avertissement, une confiscation de dix jours de solde et une recommandation de mutation.

L'appelante a interjeté appel de la décision quant à la peine seulement.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que la majorité du comité d'arbitrage a ordonné une peine disproportionnée parce qu'il a omis de tenir compte comme il se doit du lien de causalité entre l'inconduite de l'appelante et le SFB. Deux témoins experts ont présenté une opinion en preuve révélant que :

Le CEE a conclu que la majorité du comité d'arbitrage a omis d'éclairer son analyse globale de l'affaire à l'aide de cette preuve essentielle et que cela portait donc atteinte à sa conclusion selon laquelle l'appelante était une personne de bonne réputation et une employée supérieure à la moyenne bénéficiant d'un soutien important dans la collectivité. Le CEE était également d'avis que la formation et l'expérience de l'appelante ne l'immunisaient pas contre les effets du SFB. Il a de plus conclu que la compassion était un facteur à prendre en considération dans cette affaire extraordinaire, même s'il est impossible de rendre une décision uniquement en invoquant ce motif. Il en est venu à cette conclusion en raison de la présence du SFB, affection très grave à laquelle on n'a pas accordé l'importance appropriée. Le CEE est d'avis qu'une personne raisonnable, informée au sujet de l'inconduite et du lien de causalité avec le SFB conclurait que l'inconduite de l'appelante, quoique très grave, était unique et circonstancielle et qu'elle a donc eu un effet minimal sur la profession de policier et la confiance du public.

Recommandation du CEE datées le 28 juillet 2009

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel. Il a recommandé également qu'il impose la peine suivante : un avertissement officiel, une recommandation de mutation et une recommandation de thérapie continue.

Décision du commissaire datée le 17 février 2012

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumé par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 17 février 2012, le commissaire Paulson a souscrit aux conclusions et aux recommandations du CEE et a accueilli l'appel interjeté par l'appelante contre la décision du comité d'arbitrage relative à la peine.

Le commissaire a convenu avec le CEE que les membres majoritaires du comité d'arbitrage n'avaient pas tenu compte comme il se doit du lien de causalité entre l'inconduite et le syndrome de la femme battue, qui représentait un facteur atténuant d'une importance cruciale. Le commissaire a indiqué que le témoignage contradictoire de l'appelante portait sur une seule question, à savoir celle du consentement à un acte sexuel avec son mari violent. Les témoignages d'experts ont révélé que l'inconduite pouvait s'expliquer par les effets du syndrome de la femme battue (comme un manque d'incohérence sur le plan cognitif et le fait de minimiser les actes subis). En outre, la preuve a montré que l'appelante ne savait toujours pas si elle avait donné son consentement (ce qui serait aussi probablement attribuable aux effets du syndrome de la femme battue, selon les experts). Le commissaire n'a pas souscrit aux propos de l'officier compétent selon lesquels l'importance du syndrome de la femme battue était moindre en l'espèce étant donné que l'appelante était une agente de la paix qualifiée. Le commissaire a convenu avec le CEE que la Gendarmerie devrait faire preuve de compassion dans ce cas extraordinaire. Il a aussi fait mention du témoignage d'un autre membre en l'espèce, qui avait déclaré ce qui suit : « Elle est victime de violence conjugale, et si la Gendarmerie n'en tient pas compte, je considère que toute notre conception de ce type de violence en sera compromise. »

Le commissaire a indiqué que le syndrome de la femme battue expliquait ou allégeait aussi plusieurs facteurs aggravants examinés par le comité d'arbitrage. Il a fait remarquer que l'appelante éprouvait du remords, qu'elle avait présenté des excuses et qu'elle avait fourni des éléments de preuve liés à sa réadaptation. En outre, des hauts gradés de la Gendarmerie et des partenaires du système de justice étaient favorables à ce qu'elle conserve son emploi à la Gendarmerie et étaient prêts à travailler de nouveau avec elle. Compte tenu de l'ensemble des faits en l'espèce – les facteurs aggravants et la quantité impressionnante de facteurs atténuants, les peines imposées dans des cas semblables, le fait que les gestes de l'appelante s'expliquaient par la relation violente qu'elle vivait, que son témoignage portait uniquement sur cette relation et ne s'apparentait aucunement à son comportement au travail et dans la vie de tous les jours, et qu'elle ne suivait pas de thérapie au moment des gestes reprochés – il va de soi que la peine imposée par les membres majoritaires du comité d'arbitrage était inéquitable.

Le commissaire a imposé une peine composée d'un avertissement, d'une recommandation de thérapie continue et d'une recommandation de mutation.

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2023-02-27