D-116 - Décision d'un comité d'arbitrage

En mai 2006, l'appelant est entré dans une église et a menacé un évêque avec un couteau. Il a été accusé d'une infraction au Code criminel, soit celle d'avoir proféré des menaces. Au tribunal, il a plaidé coupable et son avocat et celui de la Couronne ont demandé au juge prononçant la peine de lui imposer une condamnation avec sursis. Ils ont formulé cette demande en partie parce que l'appelant souffrait apparemment d'un problème de santé au moment de l'incident. Aucune preuve médicale n'a été présentée. Le juge prononçant la peine a accueilli la demande. Il a conclu que [traduction] « les gestes s'expliquent par des raisons médicales et que, parce que [...] des soins médicaux ont été prodigués, le risque qu'il y ait d'autres difficultés a été réduit considérablement. »

Après le procès, la Gendarmerie a intenté des procédures disciplinaires devant un comité d'arbitrage interne. Lors de l'audience, l'appelant a admis qu'il avait menacé un évêque avec un couteau. Le comité d'arbitrage a conclu que ce geste représentait un comportement scandaleux devant être sanctionné par une mesure disciplinaire. L'avocat de la Gendarmerie a soutenu que l'appelant devrait être congédié de la Gendarmerie. L'avocat de l'appelant a demandé une peine moins sévère pour plusieurs raisons, et il a présenté des rapports médicaux concernant le problème de santé de l'appelant. Ce faisant, il a soutenu que le supposé problème de santé de l'appelant ne constituait pas un facteur atténuant en soi. Il a aussi fait valoir que l'appelant n'essayait pas de se servir de son supposé problème de santé pour éviter d'assumer la responsabilité de ses gestes.

Après avoir examiné le témoignage des témoins et les preuves médicales à sa disposition, le comité d'arbitrage a ordonné à l'appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi il serait congédié. L'appelant a interjeté appel de la décision au motif que la peine était excessive.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que les motifs d'appel de l'appelant n'étaient pas suffisamment valables. En particulier, il a conclu que le comité d'arbitrage avait appliqué la loi en bonne et due forme, qu'il avait traité la preuve d'opinion de façon raisonnable et qu'il avait ensuite rendu sa décision de façon équitable tout en respectant les principes pertinents.

Le CEE a expliqué que le comité d'arbitrage se trouvait dans une position très différente de celle du juge ayant prononcé la peine, car chacun d'eux disposait de renseignements différents. Le CEE a reconnu que le comité d'arbitrage et le juge ayant prononcé la peine ne partageaient pas la même opinion quant à savoir s'il y avait un lien entre le problème de santé de l'appelant et l'infraction. Toutefois, après avoir examiné des décisions clés de la Cour suprême du Canada et de la Cour d'appel fédérale, le CEE a conclu que l'évaluation comparée des facteurs obligeait le comité d'arbitrage à adopter une telle approche, et ce, pour les raisons suivantes :

  1. le conflit portait sur un facteur atténuant, et il n'a pas empêché que l'appelant soit déclaré coupable;
  2. une personne raisonnable en viendrait à la conclusion qu'on n'a pas porté atteinte à l'intégrité du processus judiciaire, et ce, étant donné que le comité d'arbitrage disposait de preuves médicales et que le juge ayant prononcé la peine n'en avait pas à sa disposition;
  3. il serait inéquitable d'interdire à l'avocat de la Gendarmerie de commenter ces preuves, étant donné qu'il ne les a pas présentées et qu'il n'était pas partie à l'audience pénale;
  4. l'intérêt public d'offrir aux membres de la GRC des procédures disciplinaires exhaustives et impartiales l'emporte sur la préoccupation voulant qu'il semble peut-être y avoir incohérence en l'espèce.

Recommandation du CEE datées le 28 septembre 2010

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de rejeter l'appel.

Décision du commissaire de la GRC datée le 27 mars 2012

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 27 mars 2012, le commissaire Paulson a conclu qu'il n'avait pas compétence pour trancher l'appel étant donné que l'appelant n'était plus membre de la GRC, celui-ci ayant été congédié par suite d'une décision d'un autre comité d'arbitrage (le « deuxième comité d'arbitrage »). Par conséquent, le commissaire n'a pas examiné le fond de l'appel.

Le 19 novembre 2009, le deuxième comité d'arbitrage a rendu une décision de vive voix dans laquelle il a ordonné à l'appelant de démissionner de la GRC dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié. (La décision écrite du deuxième comité d'arbitrage est publiée sous l'intitulé The Appropriate Officer of “F” Division and Constable K.R. Gregson (2009), 5 D.A. (4e) 213, 27 janvier 2010). Compte tenu de la décision du deuxième comité d'arbitrage et du fait que l'appelant n'a pas présenté son mémoire d'appel dans le délai prescrit pour contester cette décision, l'appelant a été congédié de la GRC le 3 décembre 2009.

Le commissaire a conclu que l'appelant n'était plus membre de la GRC au sens de la définition de « membre » énoncée à l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, car il avait été congédié de la Gendarmerie. De plus, en pratique, le commissaire ne pouvait plus imposer les peines disciplinaires prévues au paragraphe 45.12(3) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, à savoir la confiscation de la solde, la rétrogradation, l'ordre de démissionner ou le congédiement, car celles-ci se rapportent à la relation employeur-employé, qui n'existe plus. Le commissaire a donc conclu qu'il n'exerçait plus aucun pouvoir sur l'appelant et qu'il ne pouvait rendre une décision sur le fond de l'affaire étant donné que l'appelant n'était plus membre de la Gendarmerie.

Le commissaire a également jugé que l'appel était sans objet. Bien que la question de la peine ait pu constituer une question réelle à trancher au moment où l'appelant avait interjeté appel, cette question est devenue hypothétique, voire purement théorique; par suite de la décision du deuxième comité d'arbitrage, toute décision rendue par le commissaire n'aurait aucun effet concret sur l'issue de la situation de l'appelant. Le commissaire a conclu qu'aucune circonstance ne justifiait qu'il analyse et tranche le fond de chaque motif d'appel.

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2023-02-27