D-117 - Décision d'un comité d'arbitrage
L'intimé a admis avoir enfreint la politique de la Gendarmerie en ne signalant pas immédiatement un coup de feu qu'il avait tiré par mégarde sur les lieux d'un accident (la balle tirée ayant atteint un véhicule). Les parties ont décidé de recourir au processus de règlement rapide des dossiers disciplinaires. Il n'y avait pas d'avis indiquant la date, le lieu et l'heure de l'audience. L'audience s'est tenue sans délai. En outre, les parties se sont servies uniquement d'un exposé conjoint des faits.
Le comité d'arbitrage (le comité) s'est dit lié par l'information présentée dans l'exposé conjoint des faits. Par conséquent, il a conclu que l'exposé conjoint des faits ne permettait pas d'établir que l'intimé savait, au moment où le coup de feu avait été tiré, que la balle avait atteint un véhicule. Plus important encore, il a conclu que l'intimé ne s'était pas comporté d'une façon scandaleuse en tardant à signaler le coup de feu, car ce retard s'expliquait par le fait que l'intimé avait d'abord arrêté et pris en charge les suspects, demandé des conseils et tenté vainement, à plusieurs reprises, de discuter avec un supérieur.
L'appelant a interjeté appel. Il a soutenu que le comité d'arbitrage avait mal appliqué le critère servant à établir l'existence d'un comportement scandaleux, avait tiré une conclusion erronée à la lecture de l'exposé conjoint des faits et n'avait pas tenu compte d'éléments de preuve très importants. L'intimé s'est dit en désaccord avec l'appelant. Il est revenu sur son aveu selon lequel il s'était comporté d'une façon scandaleuse.
Conclusions du CEE
Le CEE a fait observer que, bien que le processus de règlement rapide des dossiers disciplinaires constitue un mécanisme utile, il ne peut priver les comités d'arbitrage des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, ni les dégager de leurs obligations légales, ni entraver leur pouvoir discrétionnaire solidement établi dans la loi, et ce, surtout lorsqu'il y a assouplissement des garanties procédurales. Il a reconnu que le processus de règlement rapide des dossiers disciplinaires était un processus informel, mais a signalé que les comités d'arbitrage devaient néanmoins continuer à respecter les règlements régissant la production de la preuve. En outre, le CEE s'est montré préoccupé par le fait que l'intimé semblait revenir sur son aveu selon lequel il s'était comporté d'une façon scandaleuse.
Le CEE a conclu que le comité d'arbitrage n'avait pas commis d'erreur dans la façon dont il avait appliqué le critère servant à établir l'existence d'un comportement scandaleux, ni dans ses conclusions à ce sujet. Il a aussi déclaré que l'exposé conjoint des faits ne comprenait aucune information lui permettant de conclure raisonnablement que l'intimé savait, au moment où le coup de feu avait été tiré, que la balle avait atteint un véhicule. Finalement, il a conclu que l'exposé conjoint des faits ne permettait pas d'établir l'existence d'une autre inconduite que l'appelant reprochait à l'intimé.
Recommandation du CEE datées le 7 décembre 2010
Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de rejeter l'appel. Il a aussi formulé les recommandations suivantes concernant le recours futur au processus de règlement rapide des dossiers disciplinaires :
- que l'information concernant ce processus soit bien documentée, facilement accessible et communiquée aux membres afin qu'ils le connaissent bien avant de décider d'y prendre part;
- que les dossiers confirment que les membres faisant l'objet d'une audience disciplinaire ont reçu cette information;
- que les comités d'arbitrage sachent qu'ils doivent s'assurer que les dossiers montrent clairement que les règlements régissant la production de la preuve ont été respectés;
- que des mesures soient prises pour s'assurer que les membres ne fassent pas d'aveu formel avant d'avoir obtenu de l'information et des conseils d'un représentant des membres, notamment au sujet de ce qui arrive à la suite d'un aveu.
Décision du commissaire de la GRC datée le 13 juillet 2012
Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :
[TRADUCTION]
Dans une décision rendue le 13 juillet 2012, le commissaire Robert W. Paulson a accueilli l'appel de l'officier compétent et a ordonné la tenue d'une nouvelle audience.
Le commissaire a convenu avec l'appelant que le comité d'arbitrage avait commis une erreur dans l'application du critère de comportement scandaleux, et ce, en portant son attention sur la question de savoir si l'intimé savait, au moment où le coup de feu avait été tiré, que la balle avait atteint le véhicule. Le commissaire a conclu qu'il n'était pas nécessaire de trancher cette question pour établir s'il y avait eu comportement scandaleux en l'espèce. Il a donc conclu qu'il était déraisonnable que le comité d'arbitrage suive ce raisonnement.
Le commissaire a déclaré que le fait de ne pas avoir signalé l'incident était scandaleux en soi, indépendamment du fait que l'intimé savait ou non que la balle avait atteint le véhicule au moment de l'incident. Le fusil de l'intimé s'est déchargé près d'un véhicule dans lequel se trouvait au moins un occupant, ce qui représentait un risque important de blessure à une personne ou de dommage matériel. Il importait donc d'établir un périmètre de sécurité autour du lieu de l'incident et de trouver la balle ayant été tirée, dans la mesure du possible. L'intimé aurait dû dire aux policiers qui s'étaient rendus sur les lieux de l'incident pour lui prêter main-forte que son fusil s'était déchargé. De plus, il aurait dû signaler immédiatement l'incident à son chef. Le risque important que présente toute situation où une arme à feu est déchargée suffit pour justifier l'obligation de signaler immédiatement cet incident.
Le commissaire s'est dit en désaccord avec le CEE et a accueilli ce motif d'appel.
Le commissaire a écrit : [Traduction] « En tant que membres de la GRC, nous sommes habilités à porter et à utiliser des armes à feu. Cette lourde responsabilité s'accompagne d'importantes règles et obligations. Cette tâche importante incombe aux membres opérationnels. Ni la Gendarmerie ni les citoyens que nous avons juré de protéger ne s'attendraient à ce qu'un membre prenne à la légère ses obligations ou responsabilités liées à l'utilisation de son arme à feu. La politique relative au signalement d'une décharge d'arme à feu s'avère extrêmement importante et la violation de cette politique ne constitue pas une erreur mineure. »
Le commissaire a rejeté l'autre motif d'appel et s'est dit d'accord avec le CEE. Il a conclu que l'intimé, après avoir signalé l'incident à son chef, s'était conformé à la politique et que le défaut de signaler l'incident n'existait plus. Le commissaire a déclaré que le comité d'arbitrage n'avait commis aucun manquement en examinant l'ensemble des circonstances décrites dans l'exposé conjoint des faits, y compris le fait que le membre n'avait pas d'abord consigné l'incident de décharge d'arme à feu dans le rapport du SIRP. Puisque l'intimé avait déjà signalé l'incident à son chef, le fait qu'il ne l'avait pas consigné dans le rapport du SIRP ne signifiait pas qu'il ne l'avait pas signalé et ne constituait pas un comportement scandaleux. Toutefois, le commissaire s'est dit d'avis que le défaut de consigner l'incident dans le rapport du SIRP aurait plutôt dû être considéré comme un défaut d'obéir à un ordre, soit un acte qui n'était pas allégué dans l'avis et pour lequel l'appelant ne pouvait donc pas réclamer l'imposition de mesures disciplinaires contre le membre.
Puisqu'il est lié par l'article 45.16 de la Loi, le commissaire a ordonné la tenue d'une nouvelle audience, en exigeant toutefois qu'elle se déroule le plus tôt possible.