D-120 - Décision d'un comité d'arbitrage

L'officier compétent (OC) a convoqué une audience disciplinaire. Il a formulé une allégation selon laquelle le membre s'était comporté d'une façon scandaleuse en utilisant une carte de voyage de la Gendarmerie sans autorisation pour jouer à des jeux d'argent et effectuer des achats personnels, et en étant ensuite incapable de rembourser le solde dû. Les parties ont demandé que l'affaire soit réglée par l'intermédiaire du processus disciplinaire accéléré (PDA) et leur requête a été acceptée. Le membre a reconnu la véracité de l'allégation dans un exposé conjoint des faits, qui représente le seul document sur lequel les parties se sont fondées.

Le comité d'arbitrage a déclaré que le comportement du membre n'était pas suffisamment grave pour amener une personne raisonnable à conclure qu'il s'agissait d'un comportement scandaleux. Il a conclu qu'un simple manquement aux politiques de la Gendarmerie, en l'absence de turpitude morale ou d'une grave transgression des valeurs de la Gendarmerie, ne représentait pas automatiquement un comportement scandaleux. Il a souligné que le membre n'avait pas récidivé après s'être fait dire de cesser le comportement reproché. En outre, le comité n'était pas d'avis que le membre avait utilisé sa carte de voyage à des fins malhonnêtes, illégales ou immorales. Il a déclaré que le fait d'éprouver des difficultés financières ne constituait pas un comportement scandaleux en soi, car il existe une différence entre refuser de payer une dette et être aux prises avec un problème temporaire de liquidités. De plus, il a fait remarquer que l'inconduite du membre s'était déroulée sur une courte période, que celui-ci avait dépensé assez peu d'argent et qu'il avait payé sa dette lorsqu'on lui avait demandé de le faire.

L'OC a interjeté appel. Selon lui, le comité a commis une erreur lorsqu'il a appliqué le critère servant à établir l'existence d'un comportement scandaleux. Le membre n'est pas d'accord avec l'appelant et soutient qu'un manquement aux politiques ne constitue pas nécessairement un comportement scandaleux.

Conclusions du CEE

Le CEE s'est dit préoccupé par le fait que le membre semblait avoir rétracté son aveu, ce qui donnait à penser qu'il avait peut-être avoué quelque chose à tort, et ce, dans le seul but de régler l'affaire par l'intermédiaire du PDA.

Le CEE a constaté que le comité avait tenu compte des éléments de preuve, des arguments et des précédents qui lui avaient été présentés. Il a conclu que le comité avait bien appliqué le critère objectif servant à établir l'existence d'un comportement scandaleux. Il a fait remarquer qu'une erreur de jugement ne constituait pas toujours un manquement au Code de déontologie. Il a aussi conclu que le terme « scandaleux » évoquait le concept de turpitude morale ainsi que ses visées, ce qui conforte l'idée selon laquelle une personne raisonnable peut tenir compte de la présence ou de l'absence de turpitude morale pour juger du caractère scandaleux d'un comportement. Même si le comité a peut-être rendu une décision différente de celles rendues dans des cas semblables, il a expliqué les raisons pour lesquelles il estimait que ces cas se distinguaient de celui du membre. Le CEE n'a relevé aucune erreur dans l'explication partielle du comité selon laquelle le membre avait accumulé une dette moins importante, et sur une moins longue période, que d'autres membres. De plus, il a reconnu que l'inconduite du membre n'était pas aussi grave que celle d'un membre qui récidivait après s'être fait dire de cesser le comportement qu'on lui reprochait.

Recommandation du CEE datées le 21 mars 2011

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de rejeter l'appel. Il a aussi recommandé que tous les participants au PDA veillent à ce que les membres y prenant part ne fassent aucun aveu sans avoir reçu toute l'information et tous les conseils de la part du représentant du membre, sans avoir reconnu la véracité de tous les éléments de l'allégation et sans en avoir informé le représentant du membre concerné.

Décision du commissaire de la GRC datée le 24 septembre 2012

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 24 septembre 2012, le commissaire Robert W. Paulson a accueilli l'appel interjeté par l'officier compétent.

Le commissaire s'est dit en désaccord avec le comité d'arbitrage et le CEE. Il a conclu que l'intimé s'était comporté d'une façon scandaleuse en utilisant une carte de crédit autorisée par la Gendarmerie pour des dépenses non liées au travail (et pour des fins contraires aux modalités qu'il avait acceptées), puis en ne payant pas son compte, de telle sorte que celui-ci est devenu en souffrance et que la société émettrice de carte de crédit a dû se faire rembourser par la Gendarmerie.

Le commissaire a convenu avec l'appelant que le comité d'arbitrage avait commis une erreur dans l'application du critère de comportement scandaleux en exigeant qu'il y ait présence de comportement immoral, de dépenses excessives ou d'un défaut de respecter un avertissement ou un ordre de se conformer à la politique.

Le commissaire a cité avec approbation deux décisions de comités d'arbitrage : (2000) 8 D.A. (3e) 36 et (2004) 21 D.A. (3e) 132. Il a indiqué que les membres autorisés à utiliser des cartes de crédit approuvées par le gouvernement étaient investis d'une [Traduction] « grande confiance » et qu'ils [Traduction] « ne doivent pas prendre à la légère ce privilège ainsi que la confiance qui leur est accordée ». Il a déclaré que [Traduction] « [c]e droit s'accompagne d'une responsabilité, soit celle de veiller à ce que les dépenses soient légitimes et liées à l'objet de l'émission de la carte de crédit, surtout lorsqu'on sait que la Gendarmerie est responsable de ces dépenses en dernier ressort », tout en indiquant qu'en l'espèce, la société émettrice de carte de crédit a recouvré le montant en souffrance auprès de la GRC.

Puisqu'il était lié par l'article 45.16 de la Loi, le commissaire a ordonné la tenue d'une nouvelle audience, mais a encouragé les parties à résoudre l'affaire rapidement.

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