D-124 - Décision d'un comité d'arbitrage

L'appelant a admis s'être comporté d'une façon scandaleuse en utilisant son pistolet Taser trop hâtivement alors qu'il tentait de placer un suspect ivre et récalcitrant dans un camion de police. Les parties ont eu recours au processus disciplinaire accéléré (PDA). Elles ont invoqué un précédent donnant à penser qu'il convenait d'imposer une peine allant d'un avertissement à une modeste confiscation de la solde. Elles réclamaient des peines situées au plus bas de cet éventail. Or, le comité d'arbitrage a imposé une peine constituée d'un avertissement, de la confiscation de la solde pour une période de quatre jours et d'une recommandation visant à faire bénéficier l'appelant des conseils d'un spécialiste. Le comité d'arbitrage en a décidé ainsi sans informer les parties qu'il envisageait d'imposer une peine plus sévère que celles ayant été proposées et sans les inviter à présenter des arguments à ce sujet. Il a fait valoir qu'une peine plus sévère était de mise, notamment parce que l'appelant avait violé la politique sur le recours à la force, qu'il avait agi dans un accès de colère et que d'autres membres sur les lieux auraient pu l'aider à s'occuper du suspect. L'appelant a interjeté appel de la décision sur la peine.

Conclusions du CEE

Le CEE s'est penché sur de nombreuses questions préjudicielles. Il a indiqué que le PDA, malgré son utilité, ne pouvait priver le comité d'arbitrage des pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi, ni le dégager de ses obligations légales, ni entraver son pouvoir discrétionnaire solidement établi dans la loi. Le CEE a aussi fait observer que, puisque les renseignements n'avaient pas été fournis sous serment, ni sous affirmation solennelle, ni par voie d'affidavit, le comité d'arbitrage pouvait en tenir compte seulement s'ils avaient été acceptés d'un commun accord par les deux parties. Selon le CEE, l'information au dossier montrait que les renseignements avaient été acceptés d'un commun accord. Par ailleurs, le CEE a conclu que le comité d'arbitrage avait porté atteinte à l'équité de la procédure en n'invitant pas les parties à présenter des arguments sur la possibilité d'imposer une peine plus sévère que celles ayant été proposées. Toutefois, il a ajouté que ce manquement avait été rectifié, puisqu'au cours du processus d'appel, les parties avaient eu l'occasion de présenter des arguments sur la peine contestée.

Le CEE a ensuite conclu que la décision du comité d'arbitrage sur la peine était entachée d'erreurs dominantes et déterminantes. Le comité d'arbitrage a exagéré la mesure dans laquelle les actes de l'appelant violaient la politique sur le recours à la force. De surcroît, aucune preuve n'étayait les conclusions du comité d'arbitrage selon lesquelles l'appelant avait agi dans un accès de colère et d'autres membres auraient pu l'aider à s'occuper du suspect. En dernier lieu, le CEE a conclu qu'il convenait d'imposer une peine constituée d'un avertissement et de la confiscation de la solde pour une période de deux jours. Il a fait valoir que cette peine se situait dans l'éventail de celles ayant été convenues et qu'elle tenait compte des facteurs atténuants et aggravants, de la gravité du comportement et du lien entre celui-ci et les exigences du travail des policiers, tout en compensant les erreurs du comité d'arbitrage.

Recommandations du CEE datées le 31 décembre 2012

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel et de modifier la peine en la remplaçant par un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de deux jours. Il recommande aussi :

  1. que l'information concernant le PDA soit bien documentée, facilement accessible et communiquée aux membres faisant l'objet d'une audience disciplinaire afin qu'ils connaissent bien ce processus avant de décider d'y prendre part;
  2. que les dossiers confirment que les membres faisant l'objet de mesures disciplinaires ont reçu cette information;
  3. que les comités d'arbitrage soient sensibilisés à l'importance de veiller à ce que les dossiers indiquent clairement que tous les éléments de preuve ont été présentés conformément aux dispositions législatives et réglementaires.

Décision du commissaire de la GRC datée le 3 juillet 2013

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Le commissaire Robert W. Paulson a souscrit en partie aux conclusions et aux recommandations du CEE et a accueilli l'appel après avoir conclu que le comité d'arbitrage avait commis des erreurs manifestes et dominantes.

Le comité d'arbitrage a commis une erreur en interprétant et en appliquant à tort la politique de la GRC sur le recours à la force et le Modèle d'intervention pour la gestion d'incidents (MIGI). Selon la politique applicable, l'arme à impulsions (pistolet Taser) représentait un « dispositif intermédiaire » à utiliser lorsque les personnes opposaient une résistance ou manifestaient un comportement à risque élevé. Le commissaire a conclu que le pistolet Taser n'était pas, comme le comité d'arbitrage l'avait indiqué, [Traduction] « ce dont vous devez vous servir tout juste avant d'avoir à décharger votre arme à feu ».

Le comité d'arbitrage a formulé des hypothèses erronées en déclarant que l'appelant avait agi dans un accès de colère et que d'autres membres étaient présents pour l'aider à s'occuper du suspect. Ces conclusions ne reposaient sur aucune preuve. Le comité d'arbitrage a ensuite commis une erreur manifeste et dominante en établissant une distinction entre le présent cas et celui présenté par les parties, ainsi qu'en fondant sa décision d'augmenter la sévérité de la peine réclamée (du moins partiellement) sur ces conclusions non fondées. En outre, le comité d'arbitrage a commis un manquement à l'équité procédurale en imposant une peine plus sévère sans d'abord donner aux parties l'occasion de présenter des arguments sur cette peine qu'il envisageait d'imposer. Toutefois, le commissaire a souscrit à la conclusion du CEE suivant laquelle l'iniquité avait été corrigée lorsque les parties avaient eu l'occasion de traiter de la peine en appel.

Le commissaire a conclu que la peine réclamée en appel ressemblait à une proposition conjointe sur la peine, puisque le membre demandait la même peine que celle réclamée à l'audience par l'officier compétent. Il a souscrit à la jurisprudence et aux précédents de la GRC selon lesquels les propositions conjointes sur la peine ne devraient pas être rejetées sans qu'on fournisse de motifs clairs et convaincants démontrant que la peine réclamée était inappropriée, inadéquate, déraisonnable ou contraire à l'intérêt du public ou à celui de la Gendarmerie ou de ses membres, ou sans qu'on fournisse de motifs clairs et convaincants démontrant que l'acceptation de la proposition conjointe jetterait le discrédit sur l'administration du processus disciplinaire de la GRC (voir aussi D-115).

Le commissaire a déclaré que la peine proposée se situait dans l'éventail des peines acceptées par le comité d'arbitrage. Compte tenu des faits de l'espèce, des facteurs atténuants et aggravants ainsi que du précédent invoqué, le commissaire a conclu qu'une peine constituée d'un avertissement et de la confiscation d'un jour de solde était appropriée et raisonnable. Il n'a pas retenu la peine recommandée par le CEE, car elle semblait reposer sur les raisons avancées par le comité d'arbitrage pour établir une distinction entre le présent cas et celui ayant été présenté. Or, rien n'indiquait que l'appelant avait agi dans un accès de colère.

Le commissaire a imposé une peine constituée d'un avertissement et de la confiscation d'un jour de solde.

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2023-02-27