D-126 - Décision d'un comité d'arbitrage

L’appelant aurait commis un acte répréhensible, à savoir qu’il aurait eu un rapport sexuel pendant qu’il était de service et en uniforme. Il aurait aussi fait une déclaration fausse et trompeuse de façon délibérée et volontaire à un officier supérieur au sujet du rapport sexuel. Toutefois, dans les détails des allégations, les paragraphes nos 5 et 6 de l’allégation no 1 étaient les mêmes que les détails de l’allégation no 2.

À l’audience, l’appelant a reconnu, avec réserve, la véracité de l’allégation no 1, après quoi le représentant de l’officier compétent (ROC) a retiré l’allégation no 2. Le comité d’arbitrage n’a pas précisé si le ROC retirait aussi les paragraphes nos 5 et 6 de l’allégation no 1. Les parties ont ensuite informé le comité d’arbitrage qu’elles ne s’entendaient pas sur la question de savoir si l’allégation no 1 portait sur un rapport sexuel non consensuel, et donc sur une agression sexuelle. Le ROC a demandé à présenter des éléments de preuve sur la question du consentement, ce à quoi le représentant du membre (RM) ne s’est pas opposé. L’audience a porté uniquement sur la question de savoir si le rapport sexuel avait été consensuel. Lors du témoignage de l’appelant, le RM a obtenu des témoignages relativement à l’allégation no 2, qui avait été retirée.

Dans sa décision rendue de vive voix sur le fond, le comité d’arbitrage a indiqué que les allégations n’avaient pas été bien rédigées et que les paragraphes nos 5 et 6 de l’allégation no 1 constituaient les éléments essentiels de l’allégation no 2. Il a établi que la portée de l’allégation no 1 se limitait uniquement au rapport sexuel et ne couvrait pas l’objet de l’allégation no 2 ayant été retirée. En outre, le comité d’arbitrage a déclaré que l’allégation no 1 portait uniquement sur un rapport sexuel consensuel. Il a conclu que les témoignages ainsi que l’aveu de l’appelant permettaient d’établir la véracité de l’allégation no 1. Même s’il a déclaré que la question du consentement n’était pas en cause, le comité d’arbitrage a formulé de nombreuses conclusions sur cette question, ce qui l’a amené à rendre des conclusions de fait ainsi que des conclusions sur la crédibilité des témoins.

Lors de l’audience sur la peine, les parties ont proposé conjointement une peine constituée d’un avertissement, d’une recommandation de bénéficier des conseils d’un spécialiste et de la confiscation de la solde pour une période de 10 jours de travail. À la fin de l’audience, le comité d’arbitrage a autorisé l’appelant à présenter des excuses, lesquelles n’ont pas été faites sous serment. Le comité d’arbitrage a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié.

L’appelant a interjeté appel de la décision du comité d’arbitrage sur le fond, et ce, en invoquant principalement des manquements à l’équité procédurale. Il a interjeté appel de la décision sur la peine au principal motif que le comité d’arbitrage avait commis une erreur en rejetant la proposition conjointe sur la peine présentée par les parties. Il a aussi fait valoir que le comité d’arbitrage avait porté atteinte à son droit de garder le silence que lui garantissait la Charte.

Conclusions du CEE

Manquements à l’équité procédurale

Le CEE a conclu que le libellé de l’allégation no 1 ne respectait pas les normes de rédaction prévues aux alinéas 43(5)a) et b) de la Loi sur la GRC et avait été un facteur ayant contribué aux manquements à l’équité procédurale pendant l’audience ainsi qu’aux erreurs dans la décision du comité d’arbitrage sur la peine.

Le CEE a déclaré que le comité d’arbitrage avait manqué aux principes d’équité procédurale au début de l’audience, et ce, en omettant de préciser si les paragraphes nos 5 et 6 de l’allégation no 1 avaient été retirés et en omettant d’établir si l’allégation no 1 portait sur un rapport consensuel ou non et, par conséquent, si la question du consentement était digne d’intérêt.

Par ailleurs, le CEE a conclu qu’une fois que le comité d’arbitrage avait établi que la portée de l’allégation no 1 concernait uniquement une allégation de rapport sexuel consensuel, il avait enfreint les principes d’équité procédurale en admettant et en invoquant des éléments de preuve inadmissibles et non pertinents ayant été obtenus lors de l’audience sur la question du consentement.

Enfin, le CEE a déclaré que la décision du comité d’arbitrage était invalide et entachée de nullité en raison des manquements à l’équité procédurale et de l’audience inéquitable. Il a recommandé la tenue d’une nouvelle audience devant un comité d’arbitrage différemment constitué.

Erreurs dans l’imposition de la peine

Le CEE a conclu que le comité d’arbitrage avait commis des erreurs dans l’imposition de la peine. Premièrement, il a commis une erreur lorsqu’il a rejeté la peine recommandée conjointement par les parties, et ce, en ne respectant pas les principes juridiques applicables. Le comité d’arbitrage n’a pas examiné la recommandation conjointe avec l’attention et la considération qu’elle méritait. En outre, il n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles la peine proposée serait à ce point clémente, inappropriée ou déraisonnable qu’elle serait injuste, qu’elle irait à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle déconsidérerait l’administration de la justice. Deuxièmement, le comité d’arbitrage a commis une erreur dans l’évaluation des facteurs aggravants en ne tenant pas compte des éléments de preuve inadmissibles et non pertinents. Troisièmement, les motifs invoqués par le comité d’arbitrage pour imposer la peine reposaient en grande partie sur l’objet de l’allégation no 2 ayant été retirée. Quatrièmement, le comité d’arbitrage a commis une erreur en appliquant le principe de la parité, car il a mal interprété les cas présentés par les parties et ne les a pas distingués correctement du présent cas. La peine proposée conjointement par les parties faisait partie de l’éventail des peines imposées dans les cas présentés et s’avérait raisonnable dans les circonstances.

Droit de garder le silence garanti par la Charte

Le CEE a déclaré que, même s’il n’était pas nécessaire de traiter de cet argument pour trancher l’appel, l’appelant n’avait pas présenté le fondement factuel requis pour établir qu’il avait le droit de garder le silence ou qu’il y avait eu violation ou négation de ce droit.

Recommandations du CEE datées le 26 février 2015

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d’accueillir l’appel sur le fond et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience compte tenu de l’atteinte grave portée aux droits de l’appelant à l’équité procédurale et à une audience équitable.

Si le commissaire rejette la recommandation concernant la tenue d’une nouvelle audience, le CEE lui a recommandé de conclure que la décision du comité d’arbitrage sur la peine était erronée, d’accueillir l’appel sur la peine et d’imposer la peine proposée conjointement par les parties, à savoir un avertissement, une recommandation de bénéficier des conseils d’un spécialiste (si cette mesure s’avère toujours pertinente) et la confiscation de la solde pour une période de 10 jours de travail.

En outre, le CEE a recommandé au commissaire de rappeler aux membres de la Gendarmerie chargés de rédiger les allégations et les détails contenus dans les avis d’audience qu’il est important de rédiger clairement un énoncé distinct de chaque allégation et d’y inclure des détails se rapportant uniquement à cette allégation.

Enfin, le CEE a recommandé au commissaire de rappeler aux membres des comités d’arbitrage que tout témoignage devant ces comités doit être fait sous serment ou par affirmation solennelle.

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 11 septembre 2015, le commissaire Robert W. Paulson a conclu que le comité d’arbitrage avait porté atteinte aux droits de l’appelant à l’équité procédurale et à une audience équitable. La décision du comité d’arbitrage n’est donc pas valide.

Normalement, l’affaire devrait être renvoyée devant un autre comité d’arbitrage pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle audience vu la conclusion selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale, mais le commissaire a conclu que les circonstances mèneraient inévitablement au même résultat pour ce qui est du fond de l’allégation no 1. Il a donc exercé son pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 45.16(2)c) de la Loi et a conclu que les gestes de l’appelant contrevenaient au paragraphe 39(1) du code de déontologie et qu’ils étaient scandaleux et jetaient le discrédit sur la Gendarmerie.

Le commissaire a rejeté la proposition conjointe sur la peine, puisqu’il la jugeait inappropriée et considérait qu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter. Il a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivant la réception de la décision, sans quoi il serait congédié.

À l’instar du CEE, le commissaire a conclu que l’appelant n’avait pas présenté de fondement factuel pour établir qu’il y avait eu violation de la Charte et que ce motif d’appel n’était pas fondé.

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2023-02-27