D-127 - Décision d'un comité d'arbitrage

Au cours de la soirée du 30 janvier 2009 et de la matinée du 31 janvier 2009, l'appelante, qui n'était pas de service, s'est rendue plusieurs fois à la résidence de M. et Mme AB. Ces derniers, qui ne connaissaient pas l'appelante, lui ont permis d'utiliser leur téléphone. L'appelante a consommé de la bière en leur présence et a reconnu en avoir aussi consommé au cours de la soirée. Pendant qu'elle était à leur résidence, elle a communiqué plusieurs fois avec les répartiteurs de la GRC pour se plaindre d'une dispute qu'elle avait eue avec son ex-petit ami, EB, qui habitait non loin de là. La dispute portait principalement sur le fait que certains biens de l'appelante se trouvaient à la résidence d'EB et que celui-ci refusait qu'elle les emporte avec elle. Le gendarme DK a répondu à la plainte, s'est rendu à la résidence d'EB et a décidé qu'il valait mieux régler l'affaire le lendemain matin. Le gendarme DK a fait part de sa décision à l'appelante. Alors qu'elle parlait au téléphone avec les répartiteurs et le gendarme DK chez M. et Mme AB, l'appelante s'est fâchée en raison de la manière dont sa plainte était traitée. Elle a fini par quitter la résidence de M. et Mme AB au petit matin, après quoi Mme AB l'a vue en train de conduire sa camionnette. Le lendemain matin, l'appelante a téléphoné chez M. et Mme AB et a demandé à Mme AB de [Traduction] « ne rien dire à personne de ce qui s'était passé le soir précédent ».

Un comité d'arbitrage a tenu une audience sur une allégation de comportement scandaleux visant l'appelante à la suite des faits susmentionnés. Le représentant de l'officier compétent (ROC) a fait entendre plusieurs témoins, après quoi la représentante du membre (RM) a indiqué qu'elle ne présenterait aucune preuve. Elle a aussi présenté une requête en irrecevabilité en faisant valoir que le ROC n'avait pas présenté de preuve sur certains détails de l'allégation et que les détails en soi ne révélaient pas l'existence d'un comportement scandaleux. La RM a reconnu devant le comité d'arbitrage que sa requête serait rejetée dans l'éventualité où au moins certains éléments de preuve se rapporteraient aux éléments essentiels de l'infraction de comportement scandaleux et que, le cas échéant, le comité d'arbitrage aurait alors à déterminer si l'allégation avait été établie selon la prépondérance des probabilités. Le ROC et la RM ne s'attendaient pas à ce que le comité d'arbitrage apprécie la preuve ou évalue sa fiabilité ou sa valeur probante à l'étape de la requête en irrecevabilité. Le comité d'arbitrage a entendu les argumentations des parties sur la requête et a ensuite suspendu l'audience. À la reprise de l'audience, il a rendu une décision de vive voix dans laquelle il concluait que l'allégation avait été établie, sans faire état d'aucune décision sur la requête en irrecevabilité. Toutefois, dans la décision écrite qu'il a rendue plus tard sur l'allégation, il a indiqué qu'il avait rejeté la requête en irrecevabilité. Le comité d'arbitrage a ensuite accepté une proposition conjointe sur la peine, à savoir la confiscation de 10 jours de solde et un avertissement, tout en y ajoutant une recommandation de thérapie continue.

En appel, l'argument principal de l'appelante était que le comité d'arbitrage n'avait pas respecté son obligation d'équité procédurale, et ce, en omettant de statuer sur la requête en irrecevabilité lors de l'audience et en omettant ensuite de donner l'occasion à l'appelante de présenter des observations détaillées sur l'allégation. L'appelante a demandé que le commissaire de la GRC ordonne la tenue d'une nouvelle audience sur l'allégation.

Après que le répondant a présenté une argumentation en réponse à l'appel, l'appelante a présenté une réfutation.

Conclusions du CEE

Le CEE a déclaré qu'il fallait garantir une équité procédurale élevée aux membres faisant l'objet d'une audience disciplinaire devant un comité d'arbitrage et que le droit de présenter des observations finales et exhaustives sur le fond d'une allégation était garanti par le paragraphe 45.1(8) de la Loi sur la GRC. Le comité d'arbitrage n'avait pas donné l'occasion à l'appelante de présenter des observations détaillées sur le fond de l'allégation ni sur la qualité, la fiabilité et la valeur probante de la preuve présentée. La RM s'est parfois penchée sur le poids et la crédibilité à accorder à la preuve, mais ses observations portaient principalement sur la requête en irrecevabilité, un contexte fort différent de celui ayant trait aux observations plus détaillées sur le fond d'une allégation. En omettant d'expliquer et de suivre un processus clair pour recevoir les observations, le comité d'arbitrage a violé le droit à l'équité procédurale de l'appelante, notamment son droit de se faire entendre dans le cadre d'une audience équitable et son droit de présenter des observations.

Recommandations du CEE datées le 8 avril 2015

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel, de demander aux parties de lui présenter des observations sur le fond de l'allégation et, au titre de l'alinéa 45.16(2)c) de la Loi sur la GRC, de rendre la conclusion que, selon lui, le comité d'arbitrage aurait dû rendre quant à la question de savoir si l'allégation avait été établie. Bien qu'on ordonne habituellement la tenue d'une nouvelle audience pour remédier au manquement à l'équité procédurale, le CEE était d'avis que le commissaire, en rendant sa propre conclusion au titre de l'alinéa 45.16(2)c) de la Loi sur la GRC, pourrait remédier au manquement à l'équité procédurale commis par le comité d'arbitrage en obtenant et en examinant les observations des parties. Tous les éléments de preuve figuraient au dossier et l'appelante avait eu toute la latitude pour contre-interroger les témoins du répondant. Le renvoi de l'affaire à un nouveau comité d'arbitrage en vue d'une nouvelle audience entraînerait d'autres retards importants et susciterait des préoccupations quant aux témoignages datant d'il y a six ans.

Le CEE a aussi recommandé au commissaire de conclure que la réfutation présentée par l'appelante n'était pas admissible au titre du cadre régissant un appel interjeté contre la décision du comité d'arbitrage qui est prévu dans la Loi sur la GRC.

Décision du commissaire de la GRC datée le 24 novembre 2015

Le commissaire de la GRC a rendu sa décision, telle que résumé par son personnel :

[TRADUCTION]

L'appelante a interjeté appel de la décision du comité d'arbitrage rendue le 29 avril 2011. À l'instar de l'appelante et du CEE, le commissaire a conclu que le comité d'arbitrage avait violé le droit de l'appelante à l'équité procédurale en ne lui donnant pas l'occasion de présenter des observations détaillées sur l'allégation. Par conséquent, le commissaire déclare que la décision du comité d'arbitrage est nulle.

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2023-02-27