D-130 - Décision d'un comité d'arbitrage

Quatre allégations ont été formulées contre l'appelant. Trois d'entre elles concernaient l'omission de l'appelant de mener une enquête approfondie sur des affaires, tandis que la quatrième voulait que l'appelant ait induit un autre membre en erreur. Un comité d'arbitrage de la GRC (comité d'arbitrage) a été formé pour examiner ces allégations. Toutefois, le comité d'arbitrage s'est d'abord penché sur quatre questions préliminaires.

Premièrement, l'appelant a demandé qu'une assignation soit délivrée au président du comité d'arbitrage (président). L'appelant exigeait que le président témoigne dans le cadre d'une requête déposée pour contester l'indépendance institutionnelle du comité d'arbitrage (requête sur l'indépendance). Le greffier a refusé de délivrer l'assignation après avoir reçu un ordre en ce sens par le président. L'appelant a ensuite demandé la récusation du président en expliquant, dans deux demandes de récusation distinctes, les raisons pour lesquelles le président devait témoigner dans le cadre de la requête sur l'indépendance. Le président a refusé de se récuser.

Deuxièmement, l'appelant a demandé qu'un des autres membres du comité d'arbitrage (membre no 2 du comité d'arbitrage) se récuse en raison d'un conflit d'intérêts apparent. Le membre no 2 du comité d'arbitrage a ensuite transmis au représentant de l'officier compétent (ROC) un projet de décision rejetant cette demande de récusation, et ce, sans en transmettre une copie au représentant du membre (RM) de l'appelant. Le membre no 2 du comité d'arbitrage et le ROC ont également eu un entretien téléphonique au cours duquel le ROC a commenté brièvement le projet de décision. Plus tard, le membre no 2 du comité d'arbitrage a rejeté la demande de récusation. Après avoir été mis au fait des échanges ayant eu lieu entre le ROC et le membre no 2 du comité d'arbitrage, le RM a présenté une autre demande pour que le membre no 2 du comité d'arbitrage se récuse. Cette demande a été rejetée.

Troisièmement, le comité d'arbitrage a instruit la requête sur l'indépendance déposée par l'appelant. Après avoir entendu le témoignage de deux témoins, dont celui du témoin A ainsi que les arguments des parties, le comité d'arbitrage a ajourné l'audience pour délibérer. Quatre jours après l'ajournement, et avant qu'une décision soit rendue sur la requête sur l'indépendance, le président a été vu en train de discuter de la requête avec le témoin A. L'appelant a demandé que le président se récuse au motif que ses gestes suscitaient une crainte raisonnable de partialité. Le président a rejeté la demande de récusation.

Quatrièmement, après que le comité d'arbitrage a rendu sa décision de rejeter la requête sur l'indépendance, l'appelant a déposé une nouvelle requête dans laquelle il demandait la récusation du président et de tous les membres du comité d'arbitrage ainsi que la réouverture de la requête sur l'indépendance (requête en réouverture). L'appelant a indiqué que la requête en réouverture reposait sur des renseignements donnant à penser que le président avait déjà été impliqué dans des affaires qui soulevaient un doute sur sa capacité d'avoir tranché la requête sur l'indépendance de manière impartiale. L'appelant souhaitait que le témoin B témoigne à l'appui de cette nouvelle requête. Le comité d'arbitrage a refusé d'entendre le témoin B et a rejeté la requête en réouverture.

Le comité d'arbitrage a ensuite tenu une audience sur les allégations et conclu que trois des quatre allégations étaient établies. L'appelant a reçu l'ordre de démissionner. Il a interjeté appel des conclusions du comité d'arbitrage sur les allégations et des différentes décisions rendues sur les quatre questions préliminaires résumées précédemment.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que les motifs d'appel de l'appelant concernant les quatre questions préliminaires s'avéraient déterminants dans l'issue de l'appel.

Premièrement, l'ordre donné au greffier par le président de ne pas délivrer d'assignation à son attention ainsi que l'omission du greffier de délivrer l'assignation contrevenaient aux exigences prévues au paragraphe 6(1) des Consignes du commissaire (pratique et procédure). Bien que l'appelant ait ensuite eu l'occasion de présenter des arguments pour faire valoir que le président se devait de témoigner dans le cadre de la requête sur l'indépendance, le président a commis une erreur en ne se récusant pas du comité d'arbitrage, puisque l'appelant avait établi qu'il devait témoigner. L'appelant n'a pas eu toute la latitude pour présenter sa cause, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 45.1(8) de la Loi sur la GRC.

Deuxièmement, le courriel que le membre no 2 du comité d'arbitrage a envoyé au ROC, tout comme la conversation téléphonique qu'il a eue avec lui, avant de trancher une demande de récusation à son endroit présentée par le RM, étaient inappropriés et suscitaient une crainte raisonnable de partialité, car ils témoignaient d'une familiarité partisane envers le ROC au cours de la procédure.

Troisièmement, le président a suscité une crainte raisonnable de partialité en discutant de la requête sur l'indépendance avec le témoin A. On pourrait penser que le président s'est rallié à l'une des parties dans l'affaire en discutant d'une question avec un témoin avant que le comité d'arbitrage rende une décision écrite ou de vive voix sur la requête sur l'indépendance. La question de savoir si cette discussion a bel et bien influé sur la décision n'était pas pertinente pour déterminer s'il y avait une crainte raisonnable de partialité.

Quatrièmement, les intérêts personnels du président étaient en jeu dans la décision du comité d'arbitrage de rejeter la demande de témoignage du témoin B à l'appui de la requête en réouverture, décision qui a aussi suscité une crainte raisonnable de partialité. Dans la décision finale du comité d'arbitrage, le président a fait des remarques sur son rôle dans une plainte déposée contre lui par le témoin B. Ces remarques témoignaient d'un degré d'implication personnelle faisant craindre, à bon droit, que le président était peut-être inapte à statuer en toute impartialité sur la demande de témoignage du témoin B.

Le CEE a conclu que les erreurs commises par le comité d'arbitrage et ses membres, dans le traitement des quatre questions préliminaires susmentionnées, portaient atteinte à l'équité procédurale. Deux témoins potentiellement importants n'avaient pas témoigné et la crainte raisonnable de partialité remettait en cause l'ensemble de l'équité procédurale. Une nouvelle audience s'avérait nécessaire pour préserver l'intégrité de la procédure et des décisions découlant de celle-ci.

Recommandation du CEE datée le 30 juin 2016

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir l'appel et d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience vu les différentes atteintes au droit à l'équité procédurale de l'appelant.

Décision du commissaire de la GRC datée le 27 juin 2017

Le commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 27 juin 2017, le commissaire a convenu avec le CEE que le comité d'arbitrage avait porté atteinte au droit de l'appelant à une audience équitable vu l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. La décision du comité d'arbitrage est donc invalide.

En général, la conclusion portant qu'il y a eu atteinte à l'équité procédurale entraînerait le renvoi de l'affaire devant un comité d'arbitrage distinct en vue d'une nouvelle audience. En l'espèce, le commissaire a conclu que les circonstances mèneraient inévitablement au même résultat, tant sur le bien-fondé d'une requête contestant l'indépendance institutionnelle des comités d'arbitrage de la GRC que sur le bien-fondé des allégations.

Contrairement au CEE, le commissaire n'était pas d'avis que l'appelant devait avoir droit à une nouvelle audience et il a exercé son pouvoir prévu à l'alinéa 45.16(2)c) de la Loi sur la GRC. Il a ordonné que l'appelant démissionne ou qu'il soit congédié s'il ne s'exécutait pas dans les quatorze jours suivant la signification de la décision.

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