Les 100 ans de la Commission de la fonction publique du Canada 1908 à 2008

Commission de la fonction publique du Canada
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Ottawa (Ontario)  K1A 0M7

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No de catalogue : SC3-133/2008F-PDF
ISBN 978-0-662-04440-6

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par la Commission de la fonction publique du Canada, 2008

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Table des matières

Introduction

Fondé sur une tradition centenaire, le mandat de la Commission de la fonction publique (CFP) consiste à préserver les nominations de la fonction publique de toute ingérence politique et à garantir une fonction publique impartiale et professionnelle. À titre d'organisme indépendant mandaté par le Parlement, la CFP protège l'intégrité du régime de dotation de la fonction publique ainsi que la neutralité politique des fonctionnaires en élaborant des politiques et en fournissant conseils et soutien, de même qu'en assurant une surveillance et en menant des vérifications et des enquêtes.

Depuis 1908, la CFP a exercé un rôle bien précis. Au départ, son rôle touchait une fonction essentielle au sein du gouvernement du Canada, soit de voir à la qualité des nominations dans la fonction publique. Dix ans plus tard, c'est-à-dire en 1918, son rôle s'est étendu de sorte à englober la responsabilité exclusive d'effectuer ces nominations. Elle assume toujours ce rôle aujourd'hui.

Toutefois, le Parlement a également confié à la CFP, ou à son ancêtre, la Commission du service civil (CSC), de nombreuses tâches, qui sont toutes liées, dans une certaine mesure, à la qualité des nominations dans la fonction publique (par exemple, autrefois son rôle consistait à structurer les ministères et à classifier les emplois). Depuis 1908, de nombreux facteurs ont influé sur la nature de la fonction publique et sur le rôle de la CFP, notamment l'élargissement du rôle et l'augmentation de la taille de l'État, les changements économiques, l'accroissement de la population, les avancées technologiques, les deux guerres mondiales, les études portant sur la réforme et les pressions en ce sens, l'influence politique, l'opinion publique, les décisions judiciaires et le rôle des ministères et organismes gouvernementaux.

Au moment de célébrer son 100e anniversaire, la CFP peut, à juste titre, être fière de sa longévité et de sa capacité à s'adapter à des circonstances changeantes, tout en demeurant fidèle à son mandat de protection du principe du mérite et de la neutralité politique de la fonction publique fédérale. De fait, la CFP a eu une influence marquée sur la fonction publique fédérale et sur l'ensemble du pays. De plus, notre fonction publique professionnelle et impartiale, l'une des plus reconnues du monde, a largement contribué au régime gouvernemental démocratique du Canada ainsi qu'à sa bonne santé économique et sociale.

La CFP souhaite faire profiter la population canadienne et le monde entier de ses réalisations. Son centenaire constitue une bonne occasion de revoir l'histoire de la CFP, depuis sa création, et les raisons pour lesquelles elle demeure essentielle aujourd'hui.

Contexte

Pour comprendre l'évolution de la CFP, il est utile de remonter aux années 1800. La CFP telle qu'on la connaît aujourd'hui est l'héritière légitime du mouvement de réforme de la fonction publique, né au XIXe siècle dans le but de créer une fonction publique indépendante et professionnelle, dépourvue de tout favoritisme et de la corruption qui en découlait.

En vertu d'une loi adoptée en 1857 et intitulée Acte pour améliorer l'organisation du Service civil en Canada et le rendre plus effectif , la province du Canada a établi un bureau d'examinateurs pour le service civil. Son rôle consistait à examiner la candidature des « aspirants désirant être employés dans le service civil » et à fournir des certificats de qualification à ceux qui, d'après leur résultat à l'examen, avaient les valeurs morales et les qualités personnelles requises à la fonction publique. Toutefois, la Commission du service civil n'exerçait pas ses activités à temps plein, pas plus qu'elle n'était indépendante du gouvernement.

En 1868, aux termes de la Loi sur le service civil du Canada du nouveau gouvernement fédéral, une commission du service civil a été établie dont les pouvoirs se limitaient aux examens, à la certification et aux enquêtes sur les promotions au service intérieur ( les postes de la fonction publique à Ottawa et dans les environs ). Toutefois, le soi-disant « système des dépouilles » en ce qui a trait aux nominations des ministres ( terme qui provient d'une analogie avec les dépouilles recueillies par le vainqueur sur le champ de bataille ) est demeuré essentiellement intact. Les gouvernements nouvellement élus licenciaient un grand nombre de fonctionnaires embauchés par le gouvernement précédent, pour les remplacer par des personnes qu'ils avaient eux-mêmes choisies. C'est donc dire que des pratiques comme le favoritisme flagrant, le gonflement des effectifs et l'inefficacité étaient largement répandues et qu'elles ont marqué les premières années de la fonction publique canadienne.

La Loi sur le service civil, adoptée en 1882, a permis d'établir un bureau d'examinateurs du service civil composé de trois membres chargés de superviser les examens de nomination et de promotion selon le principe de réussite ou d'échec, deux fois par année. Les examinateurs pouvaient rejeter la candidature des personnes qui ne réussissaient pas l'examen.

La tâche à accomplir

Au début des années 1900, le gouvernement tentait d'empêcher les ministres et députés de participer aux nominations à la fonction publique, étant donné que cette participation semblait lui causer des difficultés à n'en plus finir. Le gouvernement estimait qu'une bonne mise en œuvre des politiques gouvernementales reposait sur une fonction publique professionnelle, d'où l'importance d'embaucher du personnel compétent. Toutefois, à l'époque, la popularité et l'avenir électoral d'un député dépendaient également de sa capacité à récompenser l'appui obtenu sur le plan politique. De la même façon, le gagne-pain des fervents électeurs du parti était souvent influencé par cette récompense possible.

À la fin des années 1800 et au début des années 1900, diverses commissions d'enquête parlementaires et plusieurs journalistes avaient rapporté des scandales et des pratiques inefficaces en ce qui a trait aux nominations à la fonction publique. En outre, les Canadiens ordinaires et les fonctionnaires eux-mêmes déploraient certains des effets les plus dévastateurs du favoritisme, soit l'incompétence, l'indifférence et l'inefficacité.

Le premier ministre Wilfrid Laurier avait décidé alors qu'il était temps d'agir, ce qui a eu pour effet l'adoption de la Loi de 1908 modifiant la Loi du service civil.

La Loi de 1908 modifiant la Loi du service civil

Le titre Loi de 1908 modifiant la Loi du service civil minimise sa portée. Les modifications apportées à la Loi sur le service civil étaient substantielles. De fait, la CFP, d'abord créée officiellement sous le nom de Commission du service civil (CSC), était constituée de deux commissaires qui se voyaient confier un mandat à vie, à titre inamovible. Leur rémunération fixée par la loi, la durée de leur mandat et une lourde procédure relative aux congédiements étaient autant de moyens pris par le Parlement pour assurer l'indépendance de la Commission.

La tâche des commissaires consistait à nommer des Canadiens à des postes de la fonction publique uniquement sur la base de leurs compétences ou de leur mérite, non pas en fonction de considérations politiques. Le gouvernement souhaitait que les commissaires se sentent libres de se pencher sur les problèmes et de le faire sans crainte de représailles et sans favoritisme. L'indépendance de la CSC était également confirmée par le fait qu'elle ne relevait pas d'un ministre, mais bien du Parlement, et encore là, uniquement pour ce qui était de son fonctionnement général. La CSC n'avait pas à justifier au Parlement la sélection d'une personne en particulier pour une nomination ou une promotion. C'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui en ce qui concerne la CFP.

La Loi de 1908 avait créé une CSC, indépendante et neutre sur le plan politique, qui était chargée d'approuver les nominations et promotions internes et externes à des postes de la fonction publique. Toutefois, le favoritisme politique dans les nominations n'avait pas été éliminé. À cet égard, un auteur donne l'exemple suivant, qui illustre bien l'attitude qui avait cours à l'époque. Un musicien dont le grand-père avait été le farouche militant d'un parti s'est rendu à Ottawa peu après le retour au pouvoir de ce parti en 1911. Il a alors obtenu l'appui du ministre responsable de la Commission géologique pour se porter candidat à un poste. Il a affirmé à la CSC que, même s'il ne possédait aucune qualification, il souhaitait obtenir le poste afin de pouvoir s'adonner à la musique.

À plusieurs égards, les réformes entreprises en 1908 étaient de portée limitée. Tout d'abord, elles ne s'appliquaient qu'au service intérieur, à Ottawa, qui ne comptait qu'environ 5 000 postes, et non au service extérieur, beaucoup plus vaste, qui comprenait des postes situés partout ailleurs. De plus, la certification d'un commissaire selon laquelle un candidat était qualifié signifiait simplement que cette personne possédait les qualifications minimales pour le poste. Aussi, étant donné que la Loi ne s'appliquait pas aux postes temporaires, les ministères créaient de nombreux postes de ce type. Enfin, lorsque la guerre a éclaté en 1914, de nombreux commis ont été nommés à titre temporaire dans la foulée de la Loi sur les mesures de guerre. Il s'agissait là d'employés qui n'étaient pas visés par la Loi sur le service civil.

La Loi sur le service civil de 1918

La croissance rapide de la fonction publique en raison de la Première Guerre mondiale a suscité des pressions visant à promouvoir l'efficacité, à réduire les pertes, à moderniser la fonction publique et à établir un gouvernement fort qui pouvait régler les conflits. En même temps, on estimait qu'un gouvernement fédéral efficace pourrait protéger les intérêts commerciaux du Canada après la guerre. En effet, dès 1911, un groupe d'hommes d'affaires bien en vue, connu sous le nom de Toronto Eighteen, avait manifesté son appui aux conservateurs de Robert Borden afin de contester la décision du premier ministre libéral Wilfrid Laurier de conclure un accord de réciprocité commerciale avec les États-Unis. Le groupe offrait son appui en échange d'une fonction publique et d'un gouvernement plus forts et plus efficaces, et du renforcement du ministère du Commerce afin d'ouvrir des marchés à l'étranger.

En 1917, le premier ministre Borden avait fait de la réforme de la fonction publique et de l'abolition du favoritisme l'une des deux priorités de son nouveau gouvernement, l'autre étant la poursuite des efforts de guerre vers une issue favorable. Il avait affirmé vouloir « éliminer toute trace du favoritisme ». Il y avait eu trop d'échecs, d'incidents évités de justesse et de mesures globales inefficaces dans l'effort de guerre du Canada en raison des nominations partisanes.

En 1918, au moment de l'adoption de la nouvelle loi, la distinction établie entre le personnel politique et le personnel apolitique ou les fonctionnaires professionnels était claire. Cette loi visait également le service extérieur.

La Loi sur le service civil de 1918 était fondée sur le principe de l'indépendance des commissaires et accordait à ceux-ci des pouvoirs en matière de nomination, par exemple en ce qui a trait aux promotions, aux périodes d'essai, aux mutations et aux mesures disciplinaires dans les cas de fraude ou d'usurpation d'identité lors des examens. Trois commissaires s'étaient alors vu confier un mandat de 10 ans que seul le Parlement pouvait renouveler ou y mettre une fin anticipée. La CSC était chargée d'effectuer la classification des postes de la fonction publique, d'établir la structure du personnel au sein des ministères, de recommander les échelles de rémunération au Cabinet (que le Cabinet ne pouvait qu'accepter ou rejeter) et de mener des études et des enquêtes. La CSC pouvait également régir les congédiements, la présence au travail et les démissions. Elle avait aussi la responsabilité d'appliquer la règle interdisant aux fonctionnaires de se livrer à des activités politiques partisanes liées à l'élection d'un candidat ou de gérer des fonds appartenant à des partis. Afin de définir avec plus de précision le pouvoir de la CSC en ce qui a trait aux nominations, des modifications ont été apportées à la Loi en 1919, ce qui a eu pour effet de retirer au Cabinet, aux ministres et aux fonctionnaires de la Couronne, ou à tout autre conseil ou commission, le pouvoir de nommer des employés à la fonction publique.

Les défis à relever pour la CSC étaient immenses. En 1918, la CSC comptait un effectif de 12 personnes. Néanmoins, elle a annoncé qu'elle s'attaquerait d'abord à la classification des emplois pour les 50 000 fonctionnaires fédéraux, après quoi elle se chargerait de restructurer tous les ministères.

Au XIXe siècle, à titre de première étape d'un processus visant à restructurer les méthodes de travail, des « spécialistes » avaient appliqué une soi-disant méthode d'analyse scientifique aux fonctions des travailleurs industriels afin de classifier leurs emplois. Le gouvernement du Canada a d'ailleurs été l'un des premiers employeurs d'envergure à tenter de classifier les emplois à si grande échelle. Plus de 2 000 catégories d'emploi ont ainsi été créées dans l'administration fédérale.

Malgré sa responsabilité en ce qui a trait à la restructuration de la fonction publique, clairement énoncée dans la Loi de 1918, la CSC affirmait ne pas disposer de l'appui nécessaire des ministères et devoir obtenir l'autorisation écrite du premier ministre ou un décret en conseil particulier avant de prendre des mesures à cet effet. Par conséquent, la CSC s'est limitée à formuler des recommandations générales sur la restructuration des ministères. Par exemple, elle s'est intéressée aux économies qui pouvaient être réalisées grâce au regroupement des services communs.

La Loi de 1918 a conféré à la CSC la responsabilité d'établir des barèmes de rémunération pour les nouvelles catégories d'employés et celle de modifier les barèmes pour les catégories existantes. Un nouveau système de classification adopté en 1919 a permis d'éliminer les différences entre le service intérieur et le service extérieur au chapitre de la classification. Dans la dernière moitié des années 1920, les tâches liées à la rémunération monopolisaient en grande partie l'attention de la CSC.

Le mérite

Les premières lois régissant le service civil au Canada précisaient simplement que les nominations devaient être fondées sur des « concours » ou des « concours publics ». Jusqu'en 1961, le concours est d'ailleurs demeuré le critère légal employé pour procéder à des nominations. Les termes « mérite » et « ordre de mérite » sont ensuite apparus dans la législation subséquente sur la fonction publique, mais uniquement à des fins procédurales.

Aux termes de la Loi de 1918, les examens pouvaient comprendre diverses techniques, qui permettaient d'évaluer de façon juste la compétence et les aptitudes relatives des candidats à l'exercice réel des fonctions. Ainsi, le mérite n'était pas lié à une compétence ou à une connaissance abstraite, mais bien à la capacité d'accomplir le travail. Toutefois, dans le langage courant, pour la plupart des Canadiens, le terme « mérite » était devenu synonyme de « concours ».

La Commission du service civil dans les années 1920

Étant donné que l'élimination du favoritisme constituait la principale raison d'être de la CSC, il était normal qu'un commentateur écrive ce qui suit : « La fonction la plus importante attribuée à la CSC [en 1918] était l'administration des emplois de fonctionnaires par voie de concours. » La CSC s'est toujours considérée, d'abord et avant tout, comme responsable du système de recrutement par concours fondé sur le principe du mérite. De la même façon, dans l'esprit du public, la CSC a toujours été associée à la protection du principe du mérite, non pas aux activités visant une plus grande efficacité (par exemple, la classification, la restructuration des ministères ou la fixation des salaires).

Même si les députés, à titre individuel, prônaient assez régulièrement le retour du système axé sur le favoritisme, premiers ministres et ministres respectaient le mandat de la CSC. À un partisan qui se plaignait de la situation, le premier ministre Mackenzie King, alors nouvellement en fonction, répondait en 1922 que « le Parlement a accordé à la CSC de vastes pouvoirs, et placé la juridiction de celle-ci hors de notre portée [...] ». Une génération plus tard, le secrétaire d'État affirmait au Parlement que la Commission du service civil ne relèvait non pas du ministre, mais bien du Parlement; le secrétaire d'État n'administrait aucunement le service civil ni la Commission.

Au milieu des années 1920, les politiciens ont constaté qu'ils disposaient désormais de temps à consacrer à des tâches plus importantes que de répondre aux demandes incessantes provenant de leurs électeurs et d'autres députés et ministres souhaitant obtenir un poste pour eux-mêmes ou pour leurs partisans. Le fait d'éliminer les considérations de nature politique de la fonction publique avait instauré une stabilité accrue dans l'administration fédérale, étant donné que les gouvernements pouvaient se succéder sans qu'il en découle d'importants mouvements d'effectifs.

Au cours des années 1920, la CSC a concentré ses efforts sur le renforcement d'un système de concours aux fins de nominations et de promotions (un système fondé sur le principe du mérite) comme solution de remplacement acceptable au système de favoritisme. En 1921, des restrictions officielles ont été imposées quant à l'emploi des femmes mariées. Celles qui occupaient des postes permanents devaient démissionner si elles se mariaient. Ces restrictions sont demeurées en place jusqu'en 1955. En 1924, la Loi sur la pension du service civil a été adoptée afin de promouvoir et de protéger une fonction publique où l'on pouvait faire carrière.

L'époque de la Crise

Dans les années 1930, le portrait de la fonction publique a commencé à changer radicalement. Depuis le début, l'objectif avait été de transformer la fonction publique en embauchant des personnes sur la base de leur compétence, non pas de leur allégeance politique. Même si la CSC n'était pas la seule responsable de l'amélioration de la qualité des personnes qui se joignaient à la fonction publique et qui y demeuraient en poste, ses procédures de sélection ont produit d'excellents résultats. Par exemple, plusieurs jeunes hommes prometteurs sont entrés au service de la fonction publique à l'époque, notamment O. D. Skelton, qui est devenu sous-secrétaire d'État aux Affaires extérieures, Charles Ritchie qui a par la suite occupé la fonction de diplomate et Lester B. Pearson, devenu plus tard premier ministre. En faisant référence à cette période, le professeur A. M. Lower de l'Université Queen's écrivait, en 1954, « … n'avons-nous pas, au cours des dernières années, envoyé nos étudiants les plus brillants dans la bureaucratie? ».

Il n'en demeure pas moins que la Crise a fait grimper considérablement le taux de chômage et provoqué une diminution importante des recettes publiques. Le gouvernement a réagi en réduisant les dépenses, une mesure dont il a confié la responsabilité au Conseil du Trésor, un comité du Cabinet. Celui-ci avait pour mandat de réduire les coûts d'administration des programmes gouvernementaux et d'apporter des changements organisationnels visant à diminuer les pertes et à réaliser d'importantes économies.

Le gouvernement n'a pas congédié de fonctionnaires, car il ne souhaitait pas aggraver le problème du chômage. Il a plutôt ordonné des réductions salariales, mis fin aux augmentations de salaire et promotions, et annulé tous les mouvements de personnel et les décisions qui entraînaient des dépenses. Étant donné que le recrutement et la promotion des fonctionnaires sont devenus rares, pendant un certain nombre d'années, la tâche principale de la CSC, qui consistait à garantir le mérite lors des nominations, a cessé d'être une préoccupation, tant pour le gouvernement que pour la population.

Durant les années 1930, la CSC et le Conseil du Trésor, alors de taille relativement réduite, ont assuré ensemble la gestion du personnel de la fonction publique pendant une courte période, même s'ils ne prenaient pas conjointement les décisions. Après la Confédération, le Conseil du Trésor n'avait pas joué un rôle très important dans la gestion de la fonction publique et des ministères, ni dans le contrôle des dépenses gouvernementales. Toutefois, dans les années 1930, le Conseil a assumé les fonctions de gestion que la CSC ne pouvait ou ne souhaitait pas exercer, compte tenu de son autonomie vis-à-vis du gouvernement et, par conséquent, de l'absence de pouvoirs ou de responsabilités en matière de financement. En 1932, le gouvernement transférait au Conseil du Trésor plusieurs des responsabilités de la CSC en matière de dotation.

Le Conseil du Trésor à titre de gestionnaire du personnel

La décision du premier ministre Richard B. Bennett de choisir le Conseil du Trésor pour réaliser des économies au sein de la fonction publique visait non pas l'organisation du personnel ni les méthodes scientifiques de gestion, mais bien la rigueur financière. Le Conseil était d'avis que tous les pouvoirs administratifs et les pouvoirs liés au personnel devaient être centralisés, sans quoi les ministères n'auraient aucune véritable raison d'économiser. Selon le Conseil, la CSC ne disposait pas des pouvoirs nécessaires, par exemple, pour annuler les décisions prises par les hauts fonctionnaires sur des questions comme le nombre de membres du personnel requis pour mettre en œuvre une politique gouvernementale. Comme il était composé de ministres du Cabinet, le Conseil du Trésor estimait être en mesure de s'opposer aux mesures prises pour accroître l'effectif, et de réaliser ainsi les économies requises.

Le Conseil a tenté de limiter les nominations à des postes permanents, et demandé aux ministères d'embaucher des employés temporaires pour absorber toute fluctuation de la charge de travail. En août 1939, la CFP a reçu l'autorisation de doter des postes permanents pour les personnes qui avaient occupé des postes temporaires pendant au moins un an.

À la fin des années 1930, sans que les obligations juridiques de la CSC n'aient été modifiées de quelque façon que ce soit, le Conseil du Trésor avait réussi à asseoir son autorité relativement aux politiques touchant le personnel grâce à ses pouvoirs en matière de financement.

La Commission du service civil et les associations de personnel

Au début des années 1920, les commissaires Clarence Jameson et le lieutenant-colonel Michel-Guy LaRochelle entretenaient de bonnes relations avec les associations de personnel qui, de leur côté, considéraient généralement la CSC comme la protectrice de la fonction publique et comme l'organisme le mieux placé pour faire valoir les intérêts des fonctionnaires ordinaires. Les deux commissaires appuyaient la suggestion formulée par certaines associations selon laquelle un conseil devrait être mis sur pied, formé de représentants d'associations d'employés et de la CSC ou du gouvernement, en vue de traiter les plaintes individuelles des fonctionnaires. Cependant, le président, l'honorable William Roche, s'est opposé à l'idée, car il estimait que la CSC disposait de pouvoirs suffisamment vastes pour lui permettre de régler elle-même les problèmes quels qu'ils soient.

Les employés n'étaient pas autorisés à communiquer directement avec la CSC au sujet de problèmes individuels; seuls pouvaient le faire leurs administrateurs généraux (les hauts fonctionnaires des ministères). Toute personne qui transgressait cette règle risquait d'être congédiée de la fonction publique.

Après quelques années, les associations de personnel avaient pratiquement abandonné leur idée de former un conseil pour traiter les appels interjetés par les fonctionnaires à titre individuel. Toutefois, en 1938, le nouveau président, Charles Bland, approuvait l'idée d'un comité d'appel – en ce qui a trait aux promotions – qui permettrait aux fonctionnaires de comprendre la façon dont les promotions étaient accordées et d'être en mesure de s'exprimer s'ils avaient le sentiment de ne pas avoir été traités de façon équitable. En revanche, il a insisté pour que chaque appel soit filtré de façon à ce qu'on puisse s'assurer de son bien-fondé, et estimait que la CSC devait avoir le pouvoir de rejeter les décisions du comité qu'elle désapprouvait. À la fin de 1939, la CSC a rejeté le seul appel qui lui avait été soumis cette année-là.

Au cours des 20 années qui ont suivi l'adoption de la Loi de 1918, les associations de la fonction publique n'avaient aucunement progressé. Même si les conditions de travail des fonctionnaires comptaient parmi les plus avantageuses du pays, les associations de personnel ne pouvaient pas s'en attribuer le mérite. De fait, elles n'avaient pratiquement aucune influence sur les décisions. Ce n'est que dans les années 1960, une fois que les associations ont été constituées en syndicats à part entière, qu'elles ont acquis une réelle influence.

La Commission du service civil à l'époque de la Seconde Guerre mondiale

Au début de 1939, le taux de chômage s'élevait à 20 %. Or, à la fin de l'année, la situation a changé du tout au tout. Le Canada est entré en guerre en septembre et, du jour au lendemain, a abandonné l'objectif de congédier son personnel pour tenter plutôt de le maintenir en poste et d'embaucher de nouveaux employés.

On a alors assisté à une croissance extraordinaire au sein de la fonction publique. Les chiffres totaux pour tous les types de nomination dans l'ensemble de la fonction publique sont passés d'environ 9 000 en 1939 à presque 53 000 en 1946, dont la plupart étaient des nominations temporaires. (Les chiffres relatifs aux nominations n'équivalent pas au nombre de personnes dans la fonction publique. Ils représentent plutôt le mouvement de personnel, c'est-à-dire l'embauche de personnel ou son déplacement vers un autre ministère ou vers un poste permanent.) De 1939 à 1946, la CSC a encadré quelque 300 000 affectations, au moyen de la même structure administrative de dotation d'avant la guerre.

En adoptant la Loi sur les mesures de guerre, le gouvernement fédéral pouvait légiférer au moyen de décrets dans de nombreux domaines, y compris la dotation de la fonction publique. En effet, la Loi sur le service civil ne s'appliquait plus. Les processus de sélection ont été simplifiés et accélérés, et un grand nombre de nominations temporaires ont été effectuées.

Le gouvernement a mis en place plus de 50 organisations indépendantes durant la guerre, tantôt de nature industrielle, tantôt de nature réglementaire, lesquelles embauchaient leur propre personnel et établissaient leur propre échelle de rémunération. En réalité, certaines personnes estimaient qu'il était de leur devoir civique de travailler à la fonction publique fédérale. C'était au ministre des Munitions et des Approvisionnements, l'honorable C. D. Howe, qu'il incombait de mener l'effort industriel du Canada durant la guerre. Il a enrôlé un groupe de dirigeants d'entreprises qui, à titre bénévole (en échange d'un dollar), ont accepté de participer à la structuration de ces nouvelles organisations. On les appelait alors les « collaborateurs bénévoles de C. D. Howe » ou les « hommes de Howe ».

Compte tenu de l'explosion du nombre d'employés, en avril 1940, le Conseil du Trésor a demandé à la CSC de dresser un rapport sur toutes les demandes de personnel, y compris celles concernant les employés temporaires. La CSC était donc chargée de sélectionner de nouveaux employés, sauf dans les cas où le Conseil lui donnait une directive contraire. Bien que le rôle de la CSC, ait été accru, dans les faits, le Conseil avait obtenu la mainmise sur les politiques en matière de personnel et d'augmentations salariales. La CSC, quant à elle, se chargeait de recueillir les données pour le Conseil. Elle avait perdu toute fonction d'établissement des salaires.

En 1942, le Conseil a suggéré qu'un comité spécial soit formé en vue d'effectuer la classification des postes au sein de la fonction publique, d'examiner des façons d'assurer la « réintégration » des fonctionnaires à des postes à l'extérieur du gouvernement après la guerre et de centraliser toutes les fonctions liées au personnel, à l'exception du recrutement, au sein d'un organisme relevant du Conseil. Le gouvernement a accepté bon nombre de recommandations du comité, mais a rejeté deux propositions qui avaient gagné l'appui des associations de personnel, c'est-à-dire les augmentations fixées par la loi et la rémunération des heures supplémentaires pour les fonctionnaires.

En raison des fortes réactions des associations, le gouvernement a créé en février 1944 un conseil mixte regroupant l'employeur et des employés, soit le Conseil national mixte (CNM). Le ministre des Finances a rejeté le principe de la prise de décisions conjointes : le CNM devait se limiter à une fonction consultative auprès du Conseil du Trésor et de la CSC dans des domaines comme les conditions d'emploi. Son rôle consistait à « expliquer aux membres de la fonction publique du Canada les mesures gouvernementales qui les touchaient en tant qu'employés ».

Les répercussions de la guerre sur la Commission du service civilet le Conseil du Trésor

Malgré le fait que, sur papier, la CSC détenait la plupart des pouvoirs liés au personnel, le gouvernement fédéral avait fait du Conseil du Trésor le gestionnaire général du personnel de la fonction publique. En ce qui a trait au rôle de la CSC au chapitre de la protection du mérite, la nécessité d'établir un contrôle efficace de la gestion au sein de la fonction publique représentait un défi beaucoup plus important pour le gouvernement que le favoritisme. De fait, la CSC elle-même avait graduellement intégré la « nécessité de répondre aux impératifs économiques ». Le président Bland a d'ailleurs déclaré que « la fonction première [de la CSC] était de faire valoir l'importance de réaliser des économies dans les dépenses de l'État ». En outre, la CSC consacrait moins de temps à la restructuration, et encore, jamais sans avoir obtenu au préalable de demande provenant de l'administrateur général intéressé ni sa pleine collaboration.

Par ses fonctions quotidiennes de dotation, la CSC apportait une contribution considérable à l'effort de guerre. Qui plus est, les gestionnaires des nombreux organismes et sociétés d'État créés à l'époque de la guerre s'en remettaient à la compétence croissante de la CSC en matière d'administration du personnel.

L'un des nouveaux défis que devait relever la CSC était le recrutement du personnel des forces armées qui revenait de mission. La priorité de nomination à des emplois dans la fonction publique fédérale qui était accordée aux anciens combattants est un exemple de l'influence marquée qu'a eue la Commission du service civil sur la fonction publique fédérale et sur le pays dans son ensemble. Quelque 55 000 personnes ont profité de cette mesure qui leur a permis de réintégrer la société.

L'après-guerre, 1946-1956

Tandis que la guerre touchait à sa fin, il devenait évident que l'administration du personnel au sein de la fonction publique devait s'effectuer de façon plus systématique et plus novatrice. En raison de l'accroissement récent du rôle de l'État (par exemple sur le plan de la gestion de l'économie), il fallait embaucher de nombreuses personnes dans les catégories technique, professionnelle et administrative. Or, les salaires offerts n'étaient pas suffisants pour attirer les personnes du calibre requis ou pour les maintenir en poste. Les longs délais dans l'embauche et les mesures de promotion et de mutation entre les ministères n'arrangeaient rien.

Toutefois, la guerre avait permis de constater la valeur de la formation systématique aux fins de l'amélioration des compétences et du rendement des fonctionnaires. Par exemple, les ministères avaient trouvé extrêmement utile le programme de formation de la CSC destiné aux sténographes et aux dactylographes qui avait été créé en 1942.

La fin de la guerre a entraîné des changements importants à la CSC. En 1946, elle a élaboré des méthodes de sélection plus efficaces aux fins du recrutement. En 1947, elle a créé la Division de la formation du personnel et du perfectionnement, qui était chargée de coordonner la formation pour toute la fonction publique. Même si les ministères géraient la formation dictée par leurs propres spécialités ou par leurs activités, la CSC fournissait des services consultatifs, et elle a même instauré une catégorie d'agents à cette fin, soit les préposés à la formation du personnel. La CSC a également élaboré des tests objectifs à choix multiples, une méthode qui s'est avérée très utile pour le traitement des nombreux tests et examens qui devenaient nécessaires. En 1947, la CSC a commencé à nommer des directeurs du personnel dans chaque ministère et leur a graduellement confié la responsabilité des concours interministériels pour lesquels la CSC exerçait une surveillance en procédant à des vérifications.

En 1951, des modifications apportées à la Loi sur l'administration financière (LAF) ont permis de constituer légalement le Conseil du Trésor, de même que ses fonctions, autrefois effectuées par décret. Aux termes de la LAF, le Conseil, formé de cinq ministres, devait être dirigé par un président. Le poste de secrétaire du Conseil du Trésor, du niveau de sous-ministre, a ainsi été créé. Le Conseil était autorisé à agir au nom du Cabinet lui-même en ce qui a trait à l'administration et à l'organisation de la fonction publique, sous réserve de directives du Cabinet.

Le système d'appel de la CSC a gagné en importance après la guerre. Au départ, les employés ne pouvaient porter en appel que les concours liés à des promotions, lesquels étaient assez rares. Les fonctionnaires ont ensuite acquis le droit d'interjeter appel contre un refus opposé à la suite d'une demande d'augmentation de salaire. En 1944, seuls 74 appels avaient été interjetés; en 1949, ce nombre s'élevait à 300.

Les associations de personnel et la négociation collective

Au milieu des années 1950, les relations patronales-syndicales à la fonction publique fédérale avaient changé. La prospérité accrue au pays et l'efficacité de la syndicalisation dans les autres secteurs avaient mené à des pressions croissantes en faveur de la négociation collective. En 1955, l'Association du Service civil d'Ottawa a demandé à l'État de mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire visant à instaurer le droit à la négociation collective au sein de la fonction publique fédérale. Le gouvernement a répondu que le système axé sur le mérite empêchait la négociation collective. Il a également indiqué que la CSC était indépendante du gouvernement, ce qui faisait d'elle un organisme mieux placé pour protéger les intérêts des fonctionnaires qu'un bureau de conciliation. Le commissaire Alexandre Boudreau a quant à lui affirmé qu'il devrait être possible de concevoir un système de négociation satisfaisant à la fois les fonctionnaires et l'État.

En 1957, la CSC a mis en place le Bureau de recherches sur les traitements, lequel était chargé de fournir des renseignements objectifs sur les taux de rémunération et les conditions d'emploi tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, et de recommander des taux pour les fonctionnaires.

Le premier ministre Louis St-Laurent a mis sur pied un comité de hauts fonctionnaires chargés de se pencher sur la question de la négociation collective. Toutefois, le comité s'est opposé à cette idée. M. St-Laurent n'était pas satisfait de l'orientation qu'avait prise récemment la CSC et croyait qu'elle avait besoin d'un leadership fort et d'une restructuration importante. Le rôle de la CSC devait être réévalué à la lumière des conditions changeantes du marché du travail et des relations entre le gouvernement et ses employés. M. St-Laurent estimait en outre que la Loi sur le service civil datait de plus de 35 ans et nécessitait un examen approfondi.

En 1957, Arnold Heeney, ancien greffier du Conseil privé, a été nommé président de la CSC, et a entrepris l'examen de la Loi sur le service civil. En décembre 1958, le rapport Heeney prônait un équilibre entre, d'une part, la liberté et la souplesse requises pour permettre aux administrateurs d'accomplir leur travail et, d'autre part, le degré de contrôle central nécessaire pour garantir une fonction publique fondée sur le mérite et où l'on pouvait faire carrière. Selon le rapport, le favoritisme politique et bureaucratique était toujours une réalité qu'il fallait contrer par le maintien d'un organisme autonome. (Le favoritisme bureaucratique, ou favoritisme personnel, désigne l'embauche fondée sur le lien entre la personne embauchée et la personne responsable du recrutement.) Le rapport préconisait une CSC autonome investie d'un rôle exclusif en matière de recrutement, de sélection, de nomination et de promotion. Enfin, le rapport était également favorable à un régime axé sur le mérite, contrebalancé toutefois par une efficacité et une souplesse accrues, ainsi qu'à une définition plus claire des pouvoirs de la CSC.

Dans le rapport Heeney, la CSC était perçue comme agissant à titre d'arbitre impartial entre l'État et les associations de personnel sur le plan des traitements et des relations de travail, dans un contexte où la CSC énonçait publiquement les recommandations qu'elle formulait au gouvernement.

Le 1er juillet 1959, le juge Samuel H. Hughes de la Cour suprême de l'Ontario entrait en fonction comme président de la CSC. À cette tâche s'ajoutait également le mandat de rédiger – d'après les grandes lignes du rapport Heeney – la nouvelle ébauche de la Loi sur le service civil.

Toutefois, en 1960, il était devenu évident que les associations de personnel étaient contre l'idée que la CSC ou le gouvernement fixe de façon unilatérale les salaires. L'Association du Service civil du Canada était d'avis que le gouvernement ne devait plus avoir le dernier mot dans les conflits l'opposant à ses employés. Toute décision sans appel, qui lierait les deux parties, devrait relever d'un organisme d'arbitrage autonome à tous les égards.

M. Hughes avait alors proposé une procédure en trois étapes, à savoir un processus de consultation des associations mené par la CSC au sujet de leurs demandes, la formulation de recommandations par la CSC au Conseil du Trésor et la tenue d'une réunion entre les associations et le Conseil du Trésor. Au début de 1960, le gouvernement a reconnu son obligation de consulter les associations de personnel et convenu que le Conseil du Trésor devait tenir des négociations directes, plutôt que d'adopter un processus où la CSC jouerait un rôle d'intermédiaire.

Les années 1960 : une ère propice aux changements

La Loi sur le service civil de 1961

Le projet de loi déposé au Parlement lors de la session 1960-1961 accordait aux associations de personnel ou au Conseil au Trésor le droit d'engager des discussions sur les questions salariales. Il exigeait aussi que la CSC et le Conseil du Trésor consultent les associations de personnel au sujet des autres conditions de travail relevant de leur compétence. Plus important encore, après considération des diverses recommandations, le projet de loi prévoyait que le Cabinet devait lui-même fixer les taux de rémunération.

Le projet de loi reflétait le désir du président Hughes d'accorder aux employés un droit d'appel concernant non seulement les promotions ou les refus de consentir à une augmentation de salaire, mais également les mutations, les rétrogradations, les suspensions et les renvois. Le projet de loi établissait aussi une procédure de grief pour toute question découlant de l'application de la nouvelle Loi sur le service civil, entrée en vigueur à la fin de 1961. La CSC n'aurait plus son mot à dire dans l'organisation de la fonction publique, mais garderait sa responsabilité en ce qui concerne la classification et le contrôle des nominations et des promotions.

La Commission Glassco, 1960-1962

Au début des années 1960 ont paru d'autres études sur l'efficacité de la dotation et de la gestion financière de la fonction publique. En 1960, le gouvernement nommait la Commission royale d'enquête sur l'organisation du gouvernement, présidée par J. Grant Glassco.

Le rapport de la Commission Glassco déplorait le gaspillage sur le plan des ressources humaines, causé par l'absence d'un système permettant de tirer le meilleur parti de l'effectif. Elle attirait aussi l'attention sur les procédures coûteuses d'administration du personnel, voire ruineuses, et les piètres pratiques de gestion du personnel attribuables à la fragmentation de la responsabilisation. La Commission Glassco signalait dans son rapport la lourdeur des procédures concernant les promotions et les mutations, et indiquait que la CSC prenait tellement de temps à déterminer qui était la meilleure personne pour un emploi donné qu'elle perdait de bons candidats aux mains d'employeurs plus expéditifs. Selon le rapport, la CSC accordait trop peu d'attention à la formation et au perfectionnement, son système de classification était trop compliqué et son système de détermination de la paye souffrait d'un manque de coordination et de l'absence d'un principe directeur.

Au coeur des recommandations du rapport Glassco, il y avait le souhait que les promotions, les mutations et les politiques relatives au personnel relèvent du Conseil du Trésor, et que soient délégués aux ministères le recrutement et la sélection des cadres supérieurs et du personnel technique et administratif ainsi que la gestion quotidienne du personnel. La CSC se chargerait des processus communs de recrutement, validerait la nomination initiale des fonctionnaires et la rigueur de la méthode de sélection, et s'occuperait des griefs de nature disciplinaire. Les autres fonctions de gestion, telles les évaluations et la détermination du salaire ne seraient plus de son ressort.

Entre-temps, le Cabinet avait demandé à un Comité de hauts fonctionnaires (CHF) de dresser un rapport sur les mesures à prendre pour faire suite au rapport Glassco. Dans son rapport au Cabinet en mai 1963, le CHF a exprimé des préoccupations similaires à celles émises dans le rapport Glassco relativement à l'efficacité administrative. Le CHF a également recommandé que la CSC se voie conférer le seul pouvoir légal de faire des nominations. Les promotions et les mutations demeuraient la seule pomme de discorde entre le CHF et la CSC. Cette dernière a fait savoir au Cabinet qu'elle n'était pas d'accord sur la répartition des responsabilités que proposait le CHF. Elle a soutenu que les changements créeraient une division des pouvoirs et des responsabilités en ce qui a trait aux mouvements et aux affectations des fonctionnaires, division qui serait une source de confusion et d'inefficacité pour les ministères et pour la CSC.

Pendant ce temps, la CSC allait de l'avant avec la délégation aux administrateurs généraux des pouvoirs relatifs à tous les concours interministériels, aux promotions, aux mutations et aux concours internes jusqu'aux niveaux supérieurs.

Le comité préparatoire des négociations collectives dans la fonction publique

Durant la campagne électorale de 1963, les quatre partis fédéraux ont appuyé l'idée de la négociation collective pour les fonctionnaires. Au mois d'août, le gouvernement du premier ministre Lester B. Pearson a nommé les membres d'un groupe de travail de haut niveau, le Comité préparatoire des négociations collectives dans la fonction publique (CPNC). Le rôle de ce comité consistait à préparer le terrain pour l'introduction dans la fonction publique d'un système de négociation collective et d'arbitrage et à examiner les réformes à apporter aux systèmes de classification et de rémunération.

En examinant les moyens possibles pour donner corps au système de négociation collective, le CPNC a indirectement défini bon nombre des tâches qu'aurait à accomplir une nouvelle CSC. Les rapports du CPNC soumis au Cabinet (dont le dernier lui est parvenu en juillet 1965) ont constitué pour une large part la base de la nouvelle législation estimée nécessaire pour concrétiser toutes les réformes que le gouvernement avait l'intention d'apporter.

Le CPNC réaffirmait que le Conseil du Trésor, en tant qu'employeur, aurait la responsabilité des systèmes de classification et de rémunération ainsi que des autres conditions d'emploi, sauf celles qui se rapportaient directement à la nomination proprement dite d'une personne. Si des unités de négociation devaient être formées, la CSC devrait supprimer les 680 catégories, les 1 725 rangs et les 320 échelles salariales au moyen desquels les postes étaient classifiés. Le nouveau système du CPNC qui touchait tous les postes de la fonction publique comprenait cinq catégories professionnelles, notamment l'exploitation, le soutien administratif, l'administration et le service extérieur, la catégorie scientifique et professionnelle et la catégorie technique. Dans chacune de ces catégories, il y avait un certain nombre de groupes professionnels (50 à ce moment-là, et par la suite, plus de 70). Le 1er octobre 1964, la CSC a créé le Bureau de révision de la classification pour mettre en œuvre le nouveau système.

Le CPNC a décidé qu'un nouvel organisme, plutôt qu'un organisme existant comme la CSC, s'avérait nécessaire pour exercer le rôle de tierce partie, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance officielle des unités de négociation et de l'arbitrage des différends. On a donné à cet organisme le nom de Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Cependant, le CPNC a vite compris que des questions telles que la sélection par la CSC de personnes pour des nominations selon le principe du mérite ne pouvaient faire l'objet de négociations collectives. Les promotions et les nominations devraient toujours être traitées comme des fonctions distinctes par une commission indépendante, et ce, afin de garantir que la fonction publique est représentative de l'ensemble de la communauté et d'assurer la protection contre le favoritisme politique et bureaucratique.

Le renouveau législatif : la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Une fois que le Cabinet eut accepté tous les éléments proposés par le CPNC pour ce qui concerne la négociation collective dans la fonction publique, l'essentiel de la nouvelle législation était en place. Elle a pris la forme de deux nouvelles lois : la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), ainsi que les modifications à la Loi sur l'administration financière (LAF) et l'abrogation de la Loi sur le service civil de 1961.

La CSC a été « maintenue » sous le nom de Commission de la fonction publique du Canada (CFP), avec les droits et pouvoirs exclusifs de faire des nominations « internes ou externes » dans la plus grande partie de la fonction publique. La CFP avait la responsabilité de tous les éléments du système de dotation et de la surveillance du principe du mérite.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) de 1967 a donné au principe du mérite sa signification sur le plan opérationnel, comme l'illustre le passage suivant :

Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

Comme dans le cas des premières lois sur le service public, la LEFP accordait à la CFP l'entière discrétion quant au choix des techniques et des documents utilisés pour évaluer les candidats en vue de déterminer s'ils possédaient les compétences requises pour être nommés. Entre autres, la LEFP permettait d'examiner l'information relative aux études, aux connaissances, à l'expérience, aux compétences linguistiques, au lieu de résidence « (…) ou à toute autre question qui, selon l'opinion de la Commission, est nécessaire ou souhaitable eu égard à la nature des fonctions à accomplir ».

Dans une décision ultérieure, liée à cette disposition ou au principe du mérite même, la Cour fédérale ajoutait que « le but et [l'objectif] sont de rendre la fonction publique aussi efficace que possible ». De cette façon, la Cour signalait que la Loi signifiait à ceux qui faisaient la sélection que le public s'intéressait particulièrement au résultat de ladite sélection – un intérêt dont le « favoritisme » ne se soucie pas.

La LEFP n'exigeait pas que toutes les nominations soient faites par concours. Pour permettre l'utilisation de nouvelles façons possibles de déterminer les compétences des candidats, la Loi précisait aussi que les nominations pourraient être basées sur « tout autre processus de sélection du personnel conçu pour démontrer le mérite des candidats » si cela servait au mieux les intérêts de la fonction publique.

La CFP pouvait déléguer aux administrateurs généraux le pouvoir de nomination ainsi que tout autre pouvoir ou fonction, sauf, pour des raisons évidentes, les pouvoirs se rapportant aux appels et aux enquêtes. De plus, les administrateurs généraux eux-mêmes pouvaient subdéléguer ces pouvoirs à leurs subalternes. En vertu de la LEFP, la CFP avait également le pouvoir très vaste de promulguer tout règlement pour appliquer la Loi.

La CFP devait mettre sur pied des programmes de formation et de perfectionnement et appuyer les administrateurs généraux. Elle pouvait mener des enquêtes sur des questions telles que la fraude aux examens, des nominations irrégulières ou des recommandations de renvoi d'employés par un administrateur général, ou encore, l'usage inapproprié des pouvoirs délégués ou l'implication d'un administrateur général ou d'un employé dans une activité politique irrégulière.

Même si la CFP occupait une place importante dans la LEFP, la Loi traitait d'autres questions. Comme l'indique son titre, elle traitait aussi de l'emploi dans la fonction publique selon une perspective plus large (démissions et périodes d'essai) et accordait certains pouvoirs aux administrateurs généraux (par exemple, les mises en disponibilité et les recommandations de renvoi d'employés).

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique

La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) a donné lieu à un régime de négociation collective dans la fonction publique fédérale. Elle établissait l'obligation essentielle de la CFP concernant la classification des postes : définir, dans les quinze jours de l'entrée en vigueur de la LRTFP, tous les groupes professionnels au sein des cinq catégories professionnelles « de manière à englober tous les employés de la fonction publique ».

De nouveaux rôles et responsabilités ont été confiés à la CFP et le Conseil du Trésor. Les modifications apportées à la LAF confirmaient le rôle de gestionnaire général et de gestionnaire du personnel que le Conseil du Trésor avait commencé à assurer dans les années 1930. Somme toute, le Conseil du Trésor avait le pouvoir de déterminer les conditions d'emploi des fonctionnaires qui n'étaient prévues dans aucune autre loi, et le pouvoir de négocier ces conditions au nom du gouvernement dans le cas des employés représentés par un agent négociateur. Les pouvoirs du Conseil du Trésor ne devaient avoir d'incidence sur aucun des pouvoirs exercés par la CFP en vertu de la LEFP ni sur aucun processus de sélection mené par elle.

Les langues officielles

À la fin des années 1950, les questions de langue et de culture commençaient à prendre plus d'importance au pays. Ces sujets ont été portés devant la Commission Glassco et abordés dans la Loi sur le service civil de 1961. La CSC devait assumer un rôle de premier plan en veillant à ce que le gouvernement fédéral serve les Canadiens dans la langue de leur choix et ouvre la porte à plus de francophones dans la fonction publique.

Le rapport Glassco soutenait le principe voulant que le gouvernement doive fournir des services dans la langue officielle des deux groupes linguistiques et que les Canadiens francophones puissent travailler dans un environnement qui leur permet d'utiliser leur langue. Pour ce faire, il fallait que de la formation linguistique soit offerte afin que certains cadres puissent devenir bilingues et qu'un programme de recrutement plus intense soit mis en œuvre dans le Canada francophone.

La Loi sur le service civil de 1961 contenait une disposition exigeant que la CSC nomme un nombre suffisant d'employés qualifiés parlant l'anglais ou le français dans un ministère ou un bureau local de sorte que ces personnes puissent exécuter leurs fonctions de manière adéquate et fournir un service efficace au public.

En 1963, le Cabinet a ordonné qu'on donne suite aux recommandations énoncées dans le rapport Glassco sur les langues officielles. Il a également demandé à la CSC de préparer des plans d'élaboration de politiques et de pratiques pour le recrutement, la formation, les promotions et les affectations en vue de mieux répondre aux besoins linguistiques de la fonction publique. De même, le Cabinet a donné à la CSC la permission de créer le Centre de formation linguistique. Les plans de la CSC, publiés en mars 1964, étaient fondés sur le principe implicite dans les instructions du Cabinet, d'une représentation équitable des deux groupes linguistiques dans la fonction publique, et faisaient des compétences linguistiques un élément essentiel du principe du mérite.

Le 1er février 1966, la CSC annonçait que le bilinguisme serait un facteur de mérite pour les nominations dans la région de la capitale nationale . Des compétences dans la langue seconde, ou la volonté de les acquérir à l'intérieur d'une période donnée en suivant une formation linguistique assurée aux frais de l'État, constitueraient un élément du mérite. Trois années plus tard, la Loi sur les langues officielles du gouvernement fédéral faisait du français et de l'anglais les langues officielles du Canada.

John Carson

En septembre 1965, John Carson était nommé président de la CSC en remplacement de Robertson MacNeill. Dans les semaines qui ont suivi sa nomination, M. Carson a institué la Direction générale de la dotation et créé des programmes de dotation correspondant aux nouveaux groupes et catégories professionnels. La CSC, sous sa gouverne, a également mis sur pied le Service de recherche, de planification, de formation et de perfectionnement. Les commissaires ont entrepris de déléguer aux administrateurs généraux tous les pouvoirs de dotation, à l'exception de ceux relatifs aux groupes les plus élevés de la fonction publique. La CSC conservait un rôle centralisé de planification et de surveillance de la délégation.

Le président Carson a supervisé la transition de l'ancienne Commission du service civil à la nouvelle Commission de la fonction publique ainsi que de tout ce que cela représentait du point de vue administratif aussi bien à l'administration centrale que dans les régions. M. Carson multipliait les discours et les déclarations publiques sur le nouveau régime et, en particulier, sur cinq thèmes : le rôle des langues officielles dans la dotation en personnel à la fonction publique, l'adoption d'une norme de sélection pour chacun des groupes professionnels, l'instauration de programmes de formation linguistique à large échelle, l'expansion des programmes de formation et de perfectionnement professionnel dans toute l'administration publique et un nouveau système d'appels à l'échelle du pays.

John Carson a établi à l'interne une distinction entre les fonctions collégiales des trois commissaires en vertu de la LEFP et son rôle de premier dirigeant chargé de la gestion du personnel et du travail qu'il exécute.

Les droits des femmes

Malgré l'abolition en 1955 des restrictions concernant l'embauche dans la fonction publique de femmes mariées, il subsistait toujours des obstacles à l'égalité en milieu de travail. Pour sa part, la CSC a aplani les difficultés auxquelles se heurtaient ces dernières, ce qui a permis d'en engager un plus grand nombre dans l'effectif de l'administration fédérale et de leur offrir de meilleures possibilités d'avancement. Comme il l'avait fait dans le cas des droits linguistiques, le président Carson a été à l'origine d'importants changements dans les attitudes concernant la place des femmes dans la fonction publique fédérale. La Loi sur le service civil de 1961 prohibait la discrimination en ce qui a trait à l'emploi dans la fonction publique, mais uniquement à l'égard de la race, de l'origine nationale, de la couleur de la peau ou de la religion. Cependant, dans les années 1960, les femmes du pays ont élevé la voix pour dénoncer la discrimination dont elles étaient victimes (en 1969, une commission d'enquête parlementaire se penchait sur le statut des femmes au Canada et une étude de Kathleen Archibald, « Les deux sexes dans la fonction publique », publiée en 1970, traitait de la question).

Pour cette raison, dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique de 1967, la discrimination fondée sur le sexe s'ajoutait aux motifs de discrimination prohibés au regard des droits de la CFP de prescrire les normes de sélection et, en 1974, s'y ajoutaient « l'état civil et l'âge ». Pour empêcher que ces modifications ne deviennent lettre morte, le président Carson a créé la Direction anti-discrimination, dont le mandat était à fois éducatif et d'enquête. En 1971, la CFP a mis sur pied l'Office de la promotion de la femme en vue de coordonner les programmes d'égalité d'accès dans la fonction publique.

Des années 1970 aux années 1990

La LEFP n'avait pas encore cinq ans qu'apparaissaient déjà de nouvelles demandes de changements. Des facteurs tels que la crise du pétrole de 1973 et la mise en garde du vérificateur général du Canada indiquant que le gouvernement fédéral perdait la maîtrise de ses finances suscitaient encore une fois des demandes pour une plus grande efficacité. En même temps, des revues internes ainsi que des études rendues publiques soulevaient des questions fondamentales au sujet du rôle de la CFP.

L'équité en matière d'emploi

La CFP continuait de s'adapter aux changements de l'époque et de subir l'influence de son milieu. Elle était à l'avant-garde pour ce qui est de promouvoir l'équité et d'améliorer l'accès aux emplois du gouvernement fédéral pour des personnes qui n'avaient pas été adéquatement représentées dans la fonction publique. Dans les quelques années suivant la création de la Direction anti-discrimination à la CFP, les principes de l'action positive, de l'équité en emploi, de l'égalité des chances et de la diversité reposaient sur l'idée de l'égalité fondamentale, de la valeur et du potentiel des personnes. Le rapport de 1984 de la Commission d'enquête sur l'égalité en matière d'emploi recommandait des objectifs et non des quotas, comme étant le moyen le plus efficace d'atteindre l'équité d'emploi des membres des groupes sous-représentés. La CFP a adapté ses programmes au fur et à mesure de l'évolution de ces concepts. Des programmes d'équité en matière d'emploi pour les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles ont été créés.

Un nouveau facteur – les tribunaux

Les décisions des tribunaux ont eu une incidence importante sur la gestion de la fonction publique en général et sur la CFP en particulier. La Cour d'appel fédérale, qui est intervenue pour la première fois en 1972, avait le pouvoir de mener un examen judiciaire concernant des décisions telles que celles prises par la CFP et ses comités d'appel.

Au fil des ans, des syndicats, des fonctionnaires et la CFP elle-même ont été parties prenantes dans plusieurs causes soumises à la Cour fédérale. Dans un certain nombre de cas, la Cour a clarifié les rôles et dissipé les ambiguïtés. La plupart des cas concernaient des personnes qui avaient participé à un processus de sélection. La personne qui contestait la décision de sélection mettait naturellement l'accent sur ce qu'elle considérait comme des failles du processus. Dans certains cas, la Cour a confirmé le bien-fondé des techniques utilisées ou des règlements ou politiques régissant la sélection par la CFP. Au cours des années qui ont suivi, cette jurisprudence a guidé la CFP, ses comités d'appel et ses bureaux de dotation dans l'exécution de leur travail.

L'impartialité

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) de 1967 énonçait l'obligation pour les administrateurs généraux et les fonctionnaires d'être politiquement neutres, à peu près dans les mêmes termes que ceux stipulés dans la Loi sur le service civil de 1918 : les fonctionnaires n'étaient pas autorisés à travailler pour ou contre un candidat lors d'une élection ou pour un parti politique. Cependant, selon la LEFP, ils avaient le droit d'assister à des réunions et de contribuer à la caisse électorale de candidats. Par contre, les activités permises pour les administrateurs généraux se limitaient à exercer leur droit de vote. De plus, il était précisé dans la Loi que la CFP pouvait accorder à des employés un congé non payé pour se porter candidats ou pour tenter de devenir candidats dans une élection si ces activités politiques ne nuisaient pas à la façon dont ils s'acquittaient des fonctions de leur poste.

La CFP accordait de tels congés à divers fonctionnaires pour qu'ils se présentent à des élections provinciales, fédérales ou territoriales. Toutefois, elle refusait aussi d'accorder un congé dans certains cas et rappelait périodiquement aux employés qu'ils ne pouvaient travailler pour ou contre des candidats pendant une élection. Lors de l'élection fédérale de 1984, plusieurs fonctionnaires ont contesté la constitutionnalité de cette disposition de la LEFP et de l'application qu'en faisait la CFP.

En 1991, la Cour suprême du Canada jugeait qu'une partie de la règle à ce sujet dans la LEFP était inconstitutionnelle selon la définition que donne la Charte canadienne des droits et libertés de la protection de la liberté d'expression. La Cour indiquait que la Loi incluait un trop grand nombre de postes et de fonctions de la fonction publique (Osborne c. Canada [Conseil du Trésor] [1991]). La Cour a déclaré expressément que l'objectif d'impartialité ou de neutralité des fonctionnaires n'était pas en cause et que le Parlement était allé trop loin en traitant tous les employés de la même manière.

Ainsi, tout au long des années 1990, l'incertitude a régné au sujet des droits politiques des fonctionnaires. Par conséquent, durant cette période, la CFP, parfois de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé, parfois de son propre chef, a travaillé à divers scénarios pour clarifier la question. Le dénouement n'a été atteint qu'à la fin de décembre 2005 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

La poursuite du renouvellement de la fonction publique

En décembre 1989, le premier ministre Brian Mulroney lançait un important exercice de renouvellement de la fonction publique. Le but principal de l'exercice appelé Fonction publique 2000 (FP 2000) consistait à confier davantage de pouvoirs aux gestionnaires et aux employés de première ligne et à veiller à « répondre à des besoins variés en se servant de formules organisationnelles différentes » tout en préservant « [l']excellence, [la] grande compétence, [l']impartialité » de la fonction publique.

Parmi les autres objectifs du gouvernement, il y avait un système de dotation et de gestion du personnel moins compliqué et moins coûteux ainsi que des contrôles administratifs et du personnel simplifiés pour les organismes centraux tels que la CFP.

Le plan d'action de FP 2000 incitait la CFP à déléguer plus de pouvoirs aux niveaux inférieurs, à simplifier davantage ses règlements et politiques et à aider à mettre sur pied des organisations différentes des ministères et des organismes hiérarchiques. FP 2000 ne remettait pas en question le but fondamental ou les fonctions de la CFP ni son besoin d'indépendance. Toutefois, ce plan d'action donna lieu, en 1992, à des changements législatifs à la Loi sur la réforme de la fonction publique, ce qui engendra d'emblée des changements à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur la gestion des finances publiques. Le président de la CFP, Robert J. Giroux, a joué un rôle de premier plan dans l'établissement des changements par sa comparution devant le comité parlementaire qui étudiait le projet de loi.

La Loi sur la réforme de la fonction publique (LRFP) donnait au Conseil du Trésor et aux administrateurs généraux le pouvoir de faire les mutations latérales et de les réglementer, la CFP étant responsable d'enquêter sur les plaintes concernant les mutations. La CFP pouvait désormais faire des nominations à un niveau professionnel plutôt qu'à un seul poste.

Dans le cas de personnes déjà en poste dans la fonction publique, la Loi supprimait la période d'essai qui, jadis, s'appliquait lorsqu'elles acceptaient un nouveau poste. De plus, la CFP ne pouvait plus congédier ou rétrograder des employés pour des raisons d'incompétence ou d'incapacité, et ses comités d'appel ne pouvaient pas non plus traiter les appels interjetés contre un congédiement ou une rétrogradation. La LRFP précisait aussi le droit de la CFP de mener une enquête ou une vérification sur toute question relevant de sa compétence. La CFP pouvait, quand il lui était demandé de le faire par le Conseil du Trésor ou par un administrateur général, créer et mettre en application un programme d'équité en matière d'emploi. La Loi permettait également à la CFP de déterminer des normes de compétence servant à mesurer le mérite.

Le réaménagement des effectifs

De temps à autre, le gouvernement s'emploie à réduire la taille de la fonction publique. Il l'a fait dans les années 1970; plus sérieusement encore en 1986, avec un plan quinquennal de réduction de 15 000 années-personnes et, de manière plus importante encore au milieu des années 1990, lorsqu'il a aboli des programmes et des services dans des ministères et des organismes et, par conséquent, les emplois de personnes faisant partie de l'effectif, et pas seulement des années-personnes.

Même si le gouvernement a mis au point des offres globales de plus en plus alléchantes (pour favoriser la préretraite, par exemple), la CFP avait un certain nombre de responsabilités en ce qui avait trait aux employés touchés. De concert avec des organisations fédérales, elle a pu trouver des postes de remplacement de façon à ce que les employés mis en disponibilité puissent recevoir des offres d'emploi raisonnables, en fonction de leurs droits de priorité. Elle a aussi pu repérer des groupes professionnels qui connaissaient des pénuries de travailleurs pour lesquels des employés pourraient être recyclés en vertu de l'entente sur le réaménagement des effectifs.

Aussi, dans le cas où des postes similaires seraient abolis, les règlements de la CFP exigeaient que les employés soient mis en disponibilité selon l'ordre inverse du mérite. Ce principe signifiait qu'il fallait qu'il y ait un moyen juste et objectif de mesurer la capacité d'une personne à accomplir les fonctions de son poste et de la comparer avec la capacité d'autres employés à accomplir les mêmes tâches. Il est arrivé que l'application de ce principe ait mené à des plaintes de la part d'employés alléguant que le processus était injuste, auquel cas la CFP nommait un enquêteur pour vérifier la plainte et pour prendre une décision à cet effet.

Le rôle international de la Commission de la fonction publique

Plusieurs pays et organismes internationaux ont consulté la CFP pour obtenir des conseils sur des questions relatives à la gouvernance de la fonction publique et à la dotation en personnel. La CFP a fait connaître ses pratiques exemplaires et ses règles à suivre à d'autres pays afin de les aider à apporter des modifications à leurs systèmes d'administration publique. Vers la fin des années 1980, sous la présidence de Huguette Labelle, la CFP a commencé à recevoir des invitations d'autres pays et d'organismes d'aide internationaux, comme la Banque mondiale et l'Organisation de coopération et de développement économiques. De telles demandes d'aide ne font pas partie du mandat normal de la CFP, toutefois celle-ci et le gouvernement ont estimé qu'il était de l'intérêt du Canada et du pays ou de l'organisation en question de leur fournir autant d'aide que possible.

Le nombre de demandes a augmenté, particulièrement après la dissolution de l'Union soviétique, et a continué de s'accroître durant les présidences de Robert J. Giroux, de Ruth Hubbard, de Scott Serson et de la présidente actuelle, Maria Barrados. Dans un certain nombre de situations, la mission consistait à l'envoi d'une délégation du Canada dans un pays hôte ou à la venue d'une délégation de l'étranger au Canada. Dans certains cas, les visites réciproques se sont poursuivies pendant plusieurs années. Certaines années, jusqu'à 20 délégations de l'étranger sont venues à Ottawa. Les missions avaient pour objet des activités comme la planification de la modernisation des ressources humaines et des réformes, des principes tels le mérite et l'impartialité politique ainsi que le perfectionnement du personnel et la formation.

Quand un sujet ne relevait pas de l'expertise de la CFP, cette dernière a fait appel à des ressources d'autres ministères et organismes, des universités ou des syndicats. Parmi les pays où la CFP a envoyé des délégations, il y avait la République populaire de Chine, l'Ukraine et la Slovaquie.

La relève

Les exigences de travail toujours plus nombreuses pour les employés, de même que les réductions de personnel et les compressions budgétaires, exerçaient des pressions sur la fonction publique dans les années 1990. Un grand nombre de fonctionnaires prenaient leur retraite, et il devenait plus difficile de maintenir en poste et de motiver les employés performants et d'attirer les nouveaux talents dont on aurait besoin pour l'avenir.

Pour faire face à cette situation critique, Jocelyne Bourgon, alors greffière du Conseil privé (le plus haut fonctionnaire du gouvernement fédéral) a lancé en 1996 le programme de La Relève. Dans le cadre de cette initiative, la CFP a intensifié ses efforts de recrutement pour le compte des ministères et organismes en se fondant sur les besoins futurs légitimes plutôt que de réagir ponctuellement. La CFP a collaboré avec le Bureau du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor en mettant sur pied et en gérant le Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs, ainsi qu'un programme permettant de préqualifier des sous-ministres adjoints et de les nommer à un niveau déterminé plutôt qu'à un poste en particulier. Parmi les autres programmes mis sur pied par la CFP, il y a le Programme des stagiaires en gestion visant à préparer des universitaires récemment diplômés à occuper des postes de gestion intermédiaire et le Programme Cours et affectations de perfectionnement, un programme national élaboré par la CFP et le Conseil du Trésor pour former des cadres supérieurs de grande qualité.

2003 : une nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique

Le rapport du vérificateur général du Canada de 2000 décrivait le cadre de gestion des ressources humaines dans la fonction publique centrale (dont le Conseil du Trésor est l'employeur) comme étant « dépassé et indûment complexe » et « lourd, coûteux et désuet ». En 2001, le premier ministre Jean Chrétien s'est engagé à moderniser la fonction publique de sorte qu'elle continue d'être « innovatrice et dynamique ».

En 2001 et 2002, le gouvernement a préparé un projet de loi intitulé Loi sur la modernisation de la fonction publique (LMFP). Avec l'adoption de cette loi, qui a reçu la sanction royale à la fin de 2003, s'amorçait une nouvelle ère pour la gestion des ressources humaines dans la fonction publique du Canada. La LMFP et les quatre dispositions législatives qui s'y rattachaient réorganisaient les fonctions et responsabilités de gestion des ressources humaines et changeaient fondamentalement la façon dont les employés du secteur public fédéral étaient embauchés, gérés, appuyés et dirigés.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP), qui est un élément essentiel de la LMFP, est entrée en vigueur le 31 décembre 2005. En vertu de la LEFP, la Commission de la fonction publique (CFP) continue d'avoir le pouvoir légal de procéder à des nominations internes et externes à des postes de la fonction publique. La Loi permet à la CFP de déléguer ce pouvoir aux administrateurs généraux qui, à leur tour, peuvent le subdéléguer à leurs gestionnaires. Les administrateurs généraux ont l'obligation de rendre des comptes à la CFP pour l'exercice de ce pouvoir. Pour sa part, la CFP est tenue de rendre compte au Parlement de l'intégrité du système de nomination dans son ensemble. La CFP est également chargée de préserver la neutralité politique de la fonction publique.

La LEFP modernise la dotation en modifiant la définition du mérite, qui passe du principe du « plus qualifié » basé sur des règles à une approche axée sur les valeurs qui permet aux gestionnaires de mener des processus d'embauche plus efficaces et de trouver la « bonne personne » pour l'organisation. La Loi définit le mérite de façon à permettre aux gestionnaires recruteurs de sélectionner les candidats en se basant non seulement sur les compétences essentielles aux postes, mais également, le cas échéant, en tenant compte des qualifications actuelles et futures constituant des atouts, ou bien des besoins organisationnels et des besoins opérationnels. Cette nouvelle démarche à l'égard du mérite offre également une plus grande souplesse pour fixer des objectifs d'équité en matière d'emploi en tant que besoin organisationnel. L'employeur établit des normes de qualification et détient le pouvoir de définir ce qu'est une « promotion » et, de ce fait, le type de postes admissibles à des mutations, puisque celles-ci ne sont pas assujetties au mérite.

La LEFP instaure des dispositifs pour l'examen des décisions en matière de nomination. À l'aide de discussions informelles, les préoccupations des employés peuvent être discutées et résolues à l'échelon organisationnel, dès qu'elles sont soulevées dans le processus interne de nomination. Une fois le pouvoir de nomination délégué par la CFP, les administrateurs généraux peuvent également effectuer leurs propres enquêtes à l'interne quant aux dits processus et, au besoin, révoquer une nomination et adopter des mesures correctives.

La CFP a conservé le pouvoir de faire enquête et de prendre des mesures correctives dans les cas suivants : les nominations externes, les nominations internes sans délégation et toute nomination pouvant être liée à la fraude ou à l'influence politique. La CFP peut enquêter sur les nominations internes déléguées à la demande de l'administrateur général, mais ne peut que faire rapport sur ses constatations; seul l'administrateur général peut prendre des mesures correctives.

La LEFP a amené la création du Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP), un organisme indépendant quasi judiciaire. Le TDFP a pour mandat d'instruire les plaintes ayant trait à une nomination interne, à la mise en œuvre de nesures correctives ordonnées par le Tribunal, à la révocation d'une nomination ou à une mise en disponibilité, et de statuer sur elles. Une plainte liée à une nomination interne peut être présentée au TDFP pour abus de pouvoir dans l'application du mérite ou dans le choix du processus de nomination, ou pour omission d'évaluer une personne dans la langue officielle de son choix.

La CFP applique les dispositions de la nouvelle loi concernant les activités politiques et effectue des enquêtes sur les allégations d'activités politiques irrégulières par les administrateurs généraux et les employés. La seule activité politique à laquelle les administrateurs généraux peuvent se livrer est le vote. Quant aux employés, ils peuvent s'engager dans une activité politique si cela ne nuit pas ou ne semble pas nuire à leur capacité d'accomplir les fonctions de leur poste de manière impartiale. La CFP examine les demandes des employés désireux de présenter leur candidature à une élection fédérale, provinciale, territoriale ou municipale et accorde les permissions et congés sans solde. Elle établit les conditions, au besoin, en prenant en compte des facteurs tels que la portée et la nature des fonctions de la personne ainsi que le degré de visibilité de son poste.

Cent ans plus tard

Bien que la Commission de la fonction publique du Canada ait toujours joui d'un très haut niveau d'indépendance à l'égard du gouvernement en place, on lui demande de travailler en étroite collaboration avec ce dernier sur bon nombre d'aspects du processus de nomination. Aussi, la CFP doit pouvoir garantir de manière indépendante au Parlement et aux Canadiens qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour que le principe du mérite et la neutralité politique soient protégés. De 1908 à nos jours, ces deux principes ont constitué les éléments fondamentaux d'une fonction publique professionnelle et impartiale, laquelle a contribué pour une large part au maintien de notre régime de gouvernement démocratique ainsi qu'à la bonne santé de notre pays.

L'histoire de la Commission de la fonction publique du Canada a été parsemée de demandes de changements, de hauts et de bas, de critiques et de réformes législatives. Cent ans après la fondation de la Commission du service public du Canada, il est juste de dire que le favoritisme politique et le favoritisme bureaucratique n'ont plus droit de cité. C'est désormais le mérite qui constitue la règle. La CFP, ainsi que tous les parlementaires et fonctionnaires fédéraux, peuvent être fiers de cette tradition alors que s'amorce le deuxième siècle d'une fonction publique professionnelle et impartiale.

Sources

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Granatstein.The Ottawa Men, Toronto, Oxford University Press , 1982.

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Gouvernement du Canada. Fonction publique 2000 : le renouvellement de la fonction publique du Canada, Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1990.

Bupsingh et Edwards, Suivi du rôle de la Commission de la fonction publique au sein du régime de conduite des affaires publiques de la fonction publique fédérale, Ottawa, Commission de la fonction publique, 1997.

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